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Citations de Junichirô Tanizaki (473)


Rien n'est plus obscur que le cœur d'un homme.
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Mais ce que l'on appelle le beau n'est d'ordinaire qu'une sublimation des réalités de la vie, et c'est ainsi que nos ancêtres, contraints à demeurer bon gré mal gré dans des chambres obscures, découvrirent un jour le beau au sein de l'ombre, et bientôt ils en vinrent à se servir de l'ombre en vue d'obtenir des effets esthétiques.
(p.44)
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Cette nuit, je n’étais plus l’homme timoré que j’étais auparavant ; avec une force convenable, je pouvais dominer la lascivité de ma femme. Je pensai que le mieux serait d’enivrer dorénavant ma femme à fond, d’une manière fréquente.
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Alors, quand je serai mort, ce qui ne tardera plus maintenant, elle ne pourra se défendre de penser : "Ce fou de vieillard repose sous ces magnifiques pieds, les miens. En ce moment même j'ai les pieds posés sur les ossements de ce pauvre vieux." Il n'est pas douteux qu'elle en éprouvera un frisson agréable bien que je doive dire qu'elle en aura un sentiment de répulsion plus intense. Il ne lui sera pas facile, il lui sera peut-être toujours impossible de pouvoir effacer ce souvenir de répulsion.
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Elle avait oublié tout le reste, mais elle se rappelait les abondantes prêles dont les longues tiges vertes faisaient penser à des rayures de pluie dans l'air.
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Collant mes genoux contre les siens, j'écartai les pans de ses vêtements et insérai entre mes lèvres la pointe de son sein.
Tout d'abord, le lait ne voulut pas sortir, mais à force de sucer, ma langue finit par retrouver les mouvements de jadis.
J'avais grandi et avais désormais quelques pouces de plus qu'elle, mais je me recroquevillai pour enfouir mon visage dans ses seins, et j'aspirai goulûment le lait qui jaillissait.
Puis inconsciemment, je dis d'une voix d'enfant gâté : "Maman!".
Il devait y avoir une demi-heure que nous étions ainsi enlacés, quand maman me dit :
"Pour aujourd'hui, ça ira comme ça".
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De fait, pour nous, « habiter » signifie ouvrir un parasol appelé « toit » pour poser une pièce d’ombre au sol, et établir notre demeure dans cette pénombre. Bien sûr, les maisons occidentales aussi ont un toit, mais il est là pour protéger de la pluie plus que pour faire écran à la lumière du soleil, et on sent bien à leur allure extérieure qu’en Occident les maisons sont conçues pour faire le moins d’ombre et rendre l’intérieur le plus lumineux possible. Si le toit japonais est un parapluie, le toit occidental n’est qu’un chapeau. Et encore, tout juste une casquette, avec les bords réduits pour recevoir les rayons du soleil le plus directement possible sous l’avant-toit. (Page 53)
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Chaque fois que nous nous croisions, j'avais instinctivement tendance à m'approcher d'elle, mais elle ne paraissait absolument pas s'apercevoir de ma présence. Elle marchait d'un pas rapide et l'air gagnait même en pureté à son passage.
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Elle était émouvante dans sa beauté. Elle m’a fait de la peine, mais en découvrant sa peau blanche et sa chair pulpeuse à travers la déchirure du drap, j’ai été prise du désir de le lacérer plus cruellement encore et j’ai bondi vers elle pour l’arracher avec brutalité. J’étais saisie d’un tel élan frénétique que Mitsuko, intimidée, ne s’opposait pas à mes gestes. Nous nous contentions d’échanger des regards si intenses qu’ils paraissaient empreints de haine et nous ne nous quittions plus des yeux un seul instant. Finalement, un sourire s’est dessiné sur mes lèvres, un sourire victorieux, car j’avais obtenu gain de cause, mais aussi un sourire glacé et malveillant : j’ai lentement ôté ce qui enveloppait ses membres ; quand m’est enfin apparu son corps sculptural de vierge, mon sentiment de triomphe a cédé la place à l’émerveillement qui m’a fait pousser un cri :
— Ah ! je te hais ! Tu as un corps si beau. Je voudrais te tuer.
Tout en disant cela, d’une main je serrais son poignet qui tremblait et de l’autre j’approchais son visage de mes lèvres. Et je l’ai embrassée. Mitsuko s’est mise à hurler à son tour d’une voix surexcitée :
— Tue-moi, tue-moi ! Je veux être tuée par toi !
Et son souffle tiède effleurait mon visage. Des ruisseaux de larmes roulaient sur ses joues. Nous nous tenions enlacées, les bras de l’une autour de la taille de l’autre et nous buvions nos larmes.
Chapitre 6, p32
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Lorsque j'écoute le bruit pareil à un cri d'insecte lointain, ce sifflement léger qui vrille l'oreille, qu'émet le bol de bouillon posé devant moi, et que je savoure à l'avance et en secret le parfum du breuvage, chaque fois je me sens entraîné dans le domaine de l'extase. Les amateurs de thé, dit-on, au bruit de l'eau qui bout, et qui pour eux évoque le vent dans les pins, connaissent un ravissement voisin peut-être de la sensation que j'éprouve.
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Et c'est ainsi que pour avoir accueilli ces appareils, nous avons été amenés à dénaturer nos arts. Tandis que les Occidentaux, s'agissant par principe d'appareils inventés et mis au point par eux et pour eux, les ont évidemment dès le départ adaptés à leur propre expression artistique. On peut estimer que, de ce simple fait, nous avons subi de réels dommages.
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Un poème, une peinture, aussi beau soient-ils, comportent toujours un minimum de sens. À l’inverse, quel que soit l’instrument, piano ou violon, la musique ne signifie absolument rien. On ne réfléchit pas avec la musique. On perçoit seulement qu’elle est belle. De ce point de vue, on peut affirmer que c’est la musique qui correspond le mieux à la définition de l’art.
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Un coffret, un plateau de table basse, une étagère de laque brillante à dessin de poudre d'or, peuvent paraître tapageurs, criards, voire vulgaires ; mais faites une expérience : plongez l'espace qui les entoure dans une noire obscurité, puis substituez à la lumière solaire ou électrique la lueur d'une unique lampe à huile ou d'une chandelle, et vous verrez aussitôt ces objets tapageurs prendre de la profondeur, de la sobriété et de la densité.
Lorsque les artisans d'autrefois enduisaient de laque ces objets, lorsqu'ils y traçaient des dessins à la poudre d'or, ils avaient nécessairement en tête l'image de quelque chambre ténébreuse et visaient donc, sans nul doute, l'effet à obtenir dans une lumière indigente ; s'ils usaient de dorures à profusion, on peut présumer qu'ils tenaient compte de la manière dont elles se détacheraient sur l'obscurité ambiante, et de la mesure dans laquelle elles réfléchiraient la lumière des lampes. Car un laque décoré à la poudre d'or n'est pas fait pour être embrassé d'un seul coup d'oeil dans un endroit illuminé, mais pour être deviné dans un lieu obscur, dans une lueur diffuse qui, par instants, en révèle l'un ou l'autre détail, de telle sorte que, la majeure partie de son décor somptueux constamment caché dans l'ombre, il suscite des résonances inexprimables.
De plus, la brillance de sa surface étincelante reflète, quand il est placé dans un lieu obscur, l'agitation de la flamme du luminaire, décelant ainsi le moindre courant d'air qui traverse de temps à autre la pièce la plus calme, et discrètement incite l'homme à la rêverie. N'étaient les objets de laque dans l'espace ombreux, ce monde de rêve à l'incertaine clarté que sécrètent les chandelles ou lampes à huile, ce battement du pouls de la nuit que sont les clignotements de la flamme, perdraient à coup sûr une bonne part de leur fascination. Ainsi que de minces filets d'eau courant sur les nattes pour se rassembler en nappes stagnantes, les rayons de lumière sont captés, l'un ici, l'autre là, puis se propagent ténus, incertains et scintillants, tissant sur la trame de la nuit comme un damas fait de ces dessins à la poudre d'or.
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Kaname avait déjà, une dizaine d'années auparavant, assisté à une représentation du Bunraku de Goryo, mais sans y prendre le moindre intérêt, et n'en gardait que le souvenir de s'y être ennuyé. Il était venu, cette fois-ci, uniquement par un sentiment d'obligation, sans attendre grand-chose, sans se douter que peu à peu, à son insu, il serait conquis par ce monde irréel. "J'ai vieilli vite en dix ans", ne put-il s'empêcher de penser. "Je ne pourrai plus me moquer des manies du vieux monsieur de Kyôto. Dans dix ans, je suivrai peut-être le même chemin. Je viendrai au théâtre avec une maîtresse dans le genre d'O-hisa, en portant le nécessaire de fumeur accroché à la ceinture, et des provisions dans des boîtes de laque à tiroirs...Non, il ne me faudra même pas dix ans. Déjà dans ma jeunesse j'avais un fâcheux penchant à jouer les vieux ; il y a en moi une tendance à vieillir plus prononcée que chez les autres." Regardant les cheveux d'O-hisa, sur les tempes, et la ligne des joues pleines, il crut lui trouver quelque chose de commun avec Koharu, sur la scène ─ peut-être ce visage inexpressif. Ses réflexions lui inspirèrent des sentiments contradictoires. D'abord que l'âge apporte ses joies et ses plaisirs ; mais que c'est déjà signe d'âge que de penser ainsi. Or Misako et lui désiraient divorcer justement afin de retrouver la jeunesse dans la liberté. S'il voulait entretenir sa résistance intime contre sa femme, il ne s'agissait pas de se laisser vieillir.
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Etait-ce le reflet des préférences de sa propriétaire qui aimait les fleurs de printemps plus que celles d'automne ? Le jardin avait peu de fleurs pour attirer l'oeil : un lotus fleurissant, tout seul, au bas de la petite colline artificielle, un buisson de lespédèze laissait pendre ses fleurs blanches le long de la barrière du jardin des Stolz. C'était tout. Les santals et les platanes, tellement feuillus en été, étaient des branches flétries par la chaleur. Le gazon étalait un tapis d'un vert aussi intense que lorsqu'elle était partie pour Tokyo, mais le soleil dardait ses rayons un peu moins forts. On avait une faible sensation de fraîcheur ; il venait d'on ne sait où un parfum d'olivier odorant qui rappelait que dans ces parages aussi l'automne était proche.
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Or le talon d'O-Fumi-san était agréablement charnu, les cinq orteils accolés traçaient une sorte de m, formant un alignement aussi parfait qu'une rangée de dents bien plantées. Ces doigts de pied étaient si joliment agencés qu'ils semblaient découpés dans du shinko. Mais ces adorables ongles qui se trouvent à chacune de leur extrémité, à quoi devrais-je donc les comparer ? Je serais tenté de dire qu'ils ressembleraient à une rangée de pièces de go, mais ils avaient plus de lustre et de brillant, tout en étant beaucoup plus petits. Un artisan ingénieux aurait peut-être obtenu un résultat d'une somptuosité comparable s'il avait découpé et poli la nacre de l'huître perlière et, après l'avoir effilée, l'avait plantée dans le shinko à l'aide de petites épingles. A chaque fois qu'il m'est donnée d'admirer de pareilles beautés, je me dis en aparté que le créateur manque grandement d'équité dans ses différentes réalisations d'êtres humains. Les ongles "poussent" chez l'homme comme chez les animaux. Mais ceux des pieds d'O-Fumi-san semblaient "incrustés". C'était bien cela : chacun de ses orteils était pourvu d'un joyau. En arrachant de ses pieds les doigts et en les enfilant, on obtiendrait un collier magnifique, digne d'une reine.
Ses deux pieds, qu'ils foulent négligemment le sol, ou qu'ils soient posés nonchalamment sur le tatami, procuraient à eux seuls une émotion esthétique pareille à celle qu'on éprouve en face d'un édifice des plus majestueux.
De surcroît le tronc déséquilibré et prêt à tomber était soutenu par le seul pied gauche, tout le poids de la jambe se portant sur le pouce de toute sa force appuyé sur le sol. C'est pourquoi la peau du pied, tendue du talon aux cinq doigts, se contractait comme saisie de froid. (Il peut paraître étrange de parler d'expression à propos d'un pied, mais pour ma part, je pense qu'un pied n'est pas moins expressif qu'un visage. J'ai le sentiment que l'on peut reconnaître une femme passionnée ou une personne froide et cruelle à l'impression produite par son pied.) Le sien faisait penser à un petit oiseau effrayé qui gonfle ses poumons, replie ses ailes et se prépare à l'envol. Le talon en forme d'arc bandé étant retourné, on pouvait voir la chair délicate et fragile de la plante tout entière. Les doigts, recroquevillés, semblaient un alignement de coquillages.
Quant à l'autre pied, soulevé au-dessus du sol par la main droite, il offrait une expression toute différente. Je dirais que son pied "riait" - idée difficile à comprendre pour le commun des mortels. Même vous, Maître, vous secouez sans doute la tête d'étonnement. Pourtant, je ne trouve aucun autre terme que "rire" pour rendre compte de l'expression du pied droit.

Extrait de "Le pied de Fumiko"
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Tous les pays du monde ont certes dû rechercher des accords de couleur entre les mets, la vaisselle et même les murs ; la cuisine japonaise en tout cas, si elle est servie dans un endroit trop bien éclairé, dans de la vaisselle à dominante blanche, en perd la moitié de son attrait. La soupe au miso rouge, par exemple, que nous consommons tous les matins, voyez un peu sa couleur, et vous comprendrez aisément qu'on l'ait inventée dans les sombres maisons d'autrefois. Il m'est arrivé un jour, convié à une réunion de thé, de m'y voir présenté du miso, et cette soupe bourbeuse, couleur d'argile, que j'avais toujours consommée sans y prêter attention, je lui découvris soudain en la voyant, à la diffuse lueur des chandelles, qui stagnait au fond du bol de laque noir, une réelle profondeur et une teinte des plus appétissantes.
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D’une manière générale, si un adulte est capable de comprendre ce qu’il a sous les yeux, la plupart des enfants eux aussi doivent être capables d’en faire autant ; s’imaginer qu’ils ne le peuvent pas est une erreur totale. En outre, à supposer qu’une œuvre soit hors de portée de l’intelligence d’un jeune garçon, pour peu qu’il s’agisse d’une œuvre de première grandeur, il en gardera quelque chose au fond de lui-même, une espèce d’image, et un jour viendra immanquablement où l’impression conservée retrouvera toute sa fraîcheur.

(p. 184)
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Sonomura ne faisait pas mystère des troubles mentaux qui se transmettaient dans sa famille et je savais depuis longtemps la véritable mesure de raison et de folie qu’il y avait en lui. Son degré de « je fais ce qui me plaît », aussi. C’était donc en parfaite connaissance de cause que je le fréquentais. Mais ce matin-là, comment ne pas être effaré au coup de téléphone que je reçus de sa part. Cette fois, il était devenu fou, cela ne faisait plus aucun doute. La montée de sève de ce mois de juin maussade et étouffant – et l’on dit que c’est la période de l’année où se déclarent le plus grand nombre de maladies psychiatriques – avait dû lui porter au cerveau. Il fallait au moins cela pour expliquer ce coup de fil, et je le pris pour un fait acquis.
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(...) aujourd'hui encore l'aspect des maisons aux toits recouverts de chaume s'alignant des deux côtés de la route paraît d'un autre âge à un regard accoutumé aux bourgades et aux villages occidentalisés qui longent la ligne Hankyū.
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