Citations de Marguerite Duras (2401)
Le moment de la nuit est arrivé où, déjà, les heures vous jettent dans la fatigue du prochain jour devenu inévitable.
La simple perspective de son arrivée vous accable.
Il reste toujours quelque chose de l'enfance, toujours...
Et pourtant la mère n’avait consulté aucun technicien pour savoir si la construction des barrages serait efficace. Elle le croyait. Elle en était sûre. Elle agissait toujours ainsi, obéissant à des évidences et à une logique dont elle ne laissait rien partager à personne. Le fait que les paysans avaient cru ce qu’elle leur disait l’affermit encore dans la certitude qu’elle avait trouvé exactement ce qu’il fallait faire pour changer la vie de la plaine. (..)
Les paysans avaient cru si nombreux à sa réussite qu’elle y croyait désormais sans une ombre. Pas un instant elle ne soupçonna que peut-être ils l’avaient crue parce qu’elle se montrait si sûre d’elle.
On ne pouvait pas lui en vouloir. Elle avait aimé démesurément la vie et c'était son espérance infatigable, incurable, qui en avait fait ce qu'elle était devenue, une desespérée de la vie même.
Maintenant on pourrait presque enseigner aux enfants dans les écoles comment la planète va mourir, non pas comme une probabilité mais comme l'histoire du futur. On leur dirait qu'on a découvert des feux, des brasiers, des fusions, que l'homme avait allumés et qu'il était incapable d'arrêter. Que c'était comme ça, qu'il y avait des sortes d'incendies qu'on ne pouvait plus arrêter du tout. Le capitalisme a fait son choix : plutôt ça que de perdre son règne.
Roland Barthes, un jour, chez moi, m'avait gentiment conseillé de "revenir" au genre de mes premiers romans "si simples et si charmants." J'ai ri.
“il n’y a pas de vacances à l’amour. Ca n’existe pas. L’amour, il faut le vivre complètement avec son ennui et tout, Il n’y a pas de vacances possibles à ça.”
Je crois que tout le monde s'étonne chaque jour d'en être encore là. Je crois qu'on s'étonne de ce qu'on peut, qu'on ne peut décider de s'étonner d'une chose plutôt que d'une autre.
Le jour viendrait où une automobile s'arrêterait enfin devant le bungalow. Un homme ou une femme en descendrait pour demander un renseignement ou une aide quelconque, à Joseph ou à elle. Elle ne voyait pas très bien quel genre de renseignements on pourrait lui demander : il n'y avait dans la plaine qu'une seule piste qui allait de Ram à la ville en passant par Kam. On ne pouvait donc pas se tromper de chemin. Quand même, on ne pouvait pas tout prévoir et Suzanne espérait. Un jour, un homme s'arrêterait, peut-être, pourquoi pas ? Parce qu'il l'aurait aperçue près du pont. Il se pourrait qu'elle lui plaise et qu'il lui propose de l'emmener à la ville.
Dehors, dans le parc, les magnolias élaborent leur floraison funèbre dans la nuit noire du printemps naissant. Avec le ressac du vent qui va, vient, se cogne aux obstacles de la ville, et repart, le parfum atteint l’homme et le lâche, alternativement
Je vois tout. Je vois l'amour même. Les yeux de Lol sont poignardés par la lumière : autour, un cercle noir. Je vois à la fois la lumière et le noir qui la cerne.
Très tôt dans ma vie, il a été trop tard.
Le piano commença à jouer. La lumière s'éteignit. Suzanne se sentit désormais invisible, invincible et se mit à pleurer de bonheur. C'était l'oasis, la salle noire de l'après-midi, la nuit des solitaires, la nuit artificielle et démocratique, la grande nuit égalitaire du cinéma, plus vraie que la vraie nuit, plus ravissante, plus consolante que toutes les vraies nuits, la nuit choisie, ouverte à tous, offerte à tous, plus généreuse, plus dispensatrice de bienfaits que toutes les institutions de charité et que toutes les églises, la nuit où se consolent toutes les hontes, où vont se perdre tous les désespoirs, et où se lave toute la jeunesse de l'affreuse crasse d'adolescence.
« Ce n'était pas si grave, dit-elle, des vacances que je voulais prendre de toi.
- je sais. Tu es libre de les prendre.”
Je n'ai jamais écrit, croyant le faire, je n'ai jamais aimé, croyant aimer, je n'ai jamais rien fait qu'attendre devant la porte fermée.
J'étais enceinte jusqu'aux dents de tous les mots de l'amour et je ne pouvais plus accoucher d'un seul.
Ecrire, c'était ça la seule chose qui peuplait ma vie et qui l'enchantait. Je l'ai fait. L'écriture ne m'a jamais quittée.
Je t'en prie.
Dévore-moi.
Déforme-moi jusqu'à la laideur.
Il reste toujours quelque chose de l'enfance, toujours...
On disait, avant que Marguerite Yourcenar ne meure, que vous vous partagiez, elle et vous, la première place des lettres françaises au féminin.
Yourcenar siégeait à l'Académie française. Moi non. Quoi d'autre? Les «Mémoires d'Hadrien» sont un grand livre: le reste, à partir d'«Archives du Nord», me semble illisible. Je l'ai abandonné à la moitié. Parfois, dans la rue, on me prenait pour elle. Vous êtes bien la romancière belge? Oui, oui, je répondais, et je filais.
http://bibliobs.nouvelobs.com/documents/20121220.OBS3273/la-confession-secrete-de-duras.html