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Critiques de Marguerite Duras (1671)
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Le Ravissement de Lol V. Stein

Ecrit en 1963 et publié en 1964, ce roman est un des plus emblématique de Marguerite Duras, considéré comme l'un de ses plus importants parmi de nombreux spécialistes, et auquel elle reviendra régulièrement, en faisant revenir le personnages principal, en particulier dans ce qu'on appelle le « cycle indien ». Envisagé dans un premier temps comme une pièce de théâtre, destinée à Peter Brook ; la trame du récit va donner lieu à d'autres tentatives, en particulier de scénarii qui ne vont jamais aboutir.



Evidemment comme souvent avec Duras, résumer le livre relève de l'exploit, c'est déjà forcément une interprétation. Lola Valérie Stein est fiancée à Michael Richardson. Mais ce dernier est saisi lors d'un bal, par la vision d'une femme, Anne-Marie Stretter. Il quitte Lol pour la suivre dans l'instant. Lol s'effondre psychiquement. Elle rencontre par la suite Jean Bedford qui elle va épouser, aller vivre ailleurs, avoir trois enfants. Revenue dans sa ville natale de S. Tahla, elle voit par hasard son amie d'enfance Tatiana avec un homme, Jacques Hold. Elle va s'attacher au couple, et Jacques va en tomber amoureux. Une étrange relation en trio va s'installer.



Une trame très mince, avec peu d'événements, et surtout très peu d'événements certains. Ce qui rend ce récit-là encore plus incertain, c'est qu'il est fait par un narrateur, Jacques Hold, qui lui-même n'a que peu de certitudes sur ce qui s'est passé : « Voici, tout au long, mêlés, à la fois, ce faux-semblant que raconte Tatiana Karl et ce que j'invente sur la nuit du Casino de T. Beach. A partir de quoi je raconterai mon histoire de Lol V Stein. » En se basant sur le récit qu'il considère comme peu fiable de sa maîtresse, Jacques Hold revendique d'inventer pour raconter son histoire de Lol. Au final, on peut considérer que c'est ce que fait un écrivain, à partir de tel ou tel élément, dont la véridicité n'a rien de certain, il construit un récit, des personnages, entretient des liens particuliers avec eux, comme Jacques Hold avec Lol, qui l'a ravi. Tenter avec les mots approcher l'intime d'une personnage, sans n'arriver qu'à une fiction, qui fait sens pour la personne qui la raconte. Donner des mots à quelqu'un qui n'en a pas, et c'est très fortement le cas de Lol dans ce livre, c'est forcément inventer, on peut se demander si ce n'est pas forcément mentir. La parole fige, donne une interprétation définitive, alors qu'elle n'est pas à même de saisir tout l'intime d'un personnage. C'est un autre qui parle à la place de Lol qui n'a pas de mots, Jacques Hold ou Marguerite Duras. Qui d'ailleurs dans ses interviews soutenait qu'elle ne comprenait pas Lol, qu'elle lui échappait.



Tout est incertain chez Lol : la folie, et de quelle sorte, la nature de ses sentiments, de ses ressentis. C'est un peu comme si elle n'en avait pas, et que l'absence de l'expression de sa douleur après l'abandon de Michael Richardson, l'enfermait dans l'instant dans lequel son regard s'est posé sur le couple qu'il formait avec Anne-Marie Stretter. Et qu'elle va tenter de retrouver cet instant en regardant Tatiana et Jacques Hold. Ce qui la pousse à une sorte de voyeurisme, elle n'existe que par le regard qu'elle porte sur le couple. Ce qui rend les choses plus complexes, est que Jacques à partir d'un certain moment sait que ce regard existe, et que sa relation avec Tatiana est modifiée par ce regard qu'il sait présent, et que probablement Tatiana en pressent quelque chose.



Objet étrange et fascinant, dont on ressort frustré, devant tout ce qui nous échappe, mais en même temps étrangement heureux, d'avoir essayé, tenté, c'est sans conteste une des plus grandes réussites de Marguerite Duras.
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Écrire

Ecrire, à l'infinitif, infinitus, sans bornes, profonde réflexion aux horizons indéfinis sur l'écriture et ses multiples facettes contradictoires surprenantes souvent torturantes, sur le sens et le non sens des mots et du langage, sur l'impossibilité de vivre sans cette torture-nourriture essentielle à sa vie.

La solitude cherchée de la maison et de l'écriture, rime curieusement avec plénitude, un sens que seulement les écrivains peuvent lui donner, certains artistes aussi, ceux qui se nourrissent d'un corps à corps avec la toile ou la terre ou encore la pierre le marbre ou le grès.

Des solitaires qui vivent des rencontres fabuleuses, les premiers à en être surpris.

"Seule, très loin et en même temps très proche de tout", dit Marguerite Duras, "Ecrire, c'était ça la seule chose qui peuplait ma vie et qui l'enchantait. Je l'ai fait. L'écriture ne m'a jamais quittée."

Une vraie profession de foi, "une raison d'être", savoir que "seule l'écriture vous sauvera."

Le livre comprend cinq textes dont Ecrire, profond et éprouvant pour Duras, troublant pour moi lectrice. C'est l'écrivaine-créateur qui essaie de parler de sa création, celle dont elle veut accoucher sans savoir ce qu'elle sera, et celle qui la tourmente encore après sa naissance.

"Dans la vie il arrive un moment, et je pense que c'est fatal, auquel on ne peut pas échapper, où tout est mis en doute... Ce doute... il est celui de la solitude... Le doute c'est écrire."

La solitude peuplée de Marguerite Duras, la grande maison de Neauphle où elle est seule avec son écriture et ses personnages, avec elle-même et ses chimères ou ses fantasmes, avec un réel et un imaginaire, ses angoisses ses peurs, la cohue dans la maison, le silence, "perdition de soi", quelques objets rappelant une histoire un passé... et la solitude qui revient, féal compagnon obsession cruelle.

Ecrire, livre testament de confidences et de réflexions espacés de pauses interrogations retours sur quelques affirmations, des points de suspension...

Une douloureuse confession une radiographie de sa profession de foi, de ses idées et de son engagement comme écrivain, comme être social, comme raisonnement où la probité ainsi que le doute font loi. "Ça rend sauvage l'écriture", ça fait peur aussi.

Un texte sur l'écriture, en dehors et dedans, recul et intégration jusqu'à en faire un. Les réflexions jaillissent les mots envahissent troublent grisent éclaircissent . L'écriture, miroir de nous mêmes entre adoration et effroi et les deux à la foi, papier de verre et baume cicatrisant, besoin vital comme l'air et l'eau, peut être plus.

"L'écrit ça arrive comme le vent, c'est nu, c'est de l'encre, c'est l'écrit, et ça passe comme rien d'autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie."

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Un barrage contre le Pacifique

Un classique Durassien, même s'il inaugure l'oeuvre littéraire de la grande écrivaine, ça fait du bien.

Parce que la plume, l'intelligence, le talent et un certain regard sont au rendez-vous.

Cette histoire de colons pris au piège des rouages vénaux et corrompus de la colonisation dans l'Indochine des années 20, est rendue passionnante et attachante par le tableau réaliste qu'en a fait Duras.

Un tableau d'où émerge une nature qui, loin d'être de carte postale, se montre sans concessions à l'égard des plus faibles que sont les colonisés, disponible et exploitable source d'enrichissement pour les colonisateurs. Un tableau où l'on voit s'opérer dans les grandes villes cette scission de classes entre ceux qui, sans scrupules et sans vergogne, pillent les richesses du pays "occupé", au prix de l'asservissement et de la déshumanisation des autochtones.

Un tableau qui n'aurait pas la force que lui confère ce - barrage contre le Pacifique - sans les figures expressionnistes de "la mère", symbole de la lutte sisyphienne contre l'absurde implacable de l'administration coloniale, "Joseph", son fils aîné, jeune et beau garçon tiraillé entre l'amour mortifère pour une mère devenue despotique, castratrice et maladivement possessive, et l'amour pour une vie qu'il pressent davantage qu'il ne connaît, "Suzanne" sa belle et jeune soeur, objet de convoitise des hommes qui peuplent cette histoire, et "monnaie d'échange" pour la mère dans sa lutte contre ses échecs et son appauvrissement... M. Jo... jeune fils de colon, richissime imbécile inutile, qui va s'éprendre passionnément de Suzanne, "Lina" riche femme mariée à un homme alcoolique, qu'elle va quitter pour Joseph, dont elle va tomber follement amoureuse, devenant, plus âgée que lui, son amante et un substitut maternel... Il y a aussi "le caporal", Carmen", le fils "Agosti"... mais à vous d'aller à leur rencontre.

Ce livre, outre les thèmes déjà évoqués, traite avec beaucoup de sensualité de celui du corps, de la virginité, de la sexualité, de son "exploitation", celui de l'argent est central, de l'amour et d'une quête d'un absolu vers lequel on se sent poussé sans l'avoir précisément identifié.

Les personnages sont en permanence tiraillés dans leurs contradictions que, pour la plupart, ils n'arrivent pas à faire émerger du marigot existentiel dans lequel elles sont plongées, à l'instar de Joseph et Suzanne dont la relation frère soeur est imprégnée d'une ambiguïté très "tropicale"...

En conclusion, un excellent bouquin écrit par une Duras au début de son envol vers les sommets de la littérature.
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Moderato cantabile

"Moderato cantabile", prouve qu'avec une matière extrêmement faible, une intrigue très légère, peu de tension psychologique, mais un style magique et des personnages attachants, l'on peut faire un grand livre.

Le style de Marguerite Duras, peut tout exprimer : la beauté des paysages, la fraîcheur d'un enfant, les relations entre les êtres.

Les actes, banals, en apparence, s'avèrent pourtant passionnants. Marguerite Duras est une magicienne : par ces mots, si beaux, par ces descriptions, si vivaces, si belles, si vivantes, par ces descriptions qui enflamment l'imagination, par ces termes où tout est dit sans qu'on l'on ne comprenne pourquoi, elle métamorphose sa matière première, faible, si faible, en un roman magique et merveilleux.

On s'attache vite aux personnages de "Moderato cantabile". Marguerite Duras y met en scène des personnages qu'on aime, car ils sont simples, faillibles sans l'être trop, très humains, en fait.

Marguerite Duras a une écriture qui transfigure les scènes les plus banales. C'est probablement la qualité que l'on voit plus, dans "Moderato cantabile". Les scènes et les paysages accèdent au statut de rêve, sans cesser, pourtant, d'être, si ce n'est réels, du moins, vraisemblables, aurait peut-être dit Flaubert en lisant "Moderato cantabile" ( ou peut-être pas ).

Marguerite Duras nous livre ici un roman très différent de "L'amant", le premier livre que j'ai lu de cette auteure, mais non moins intéressant et passionnant.

Marguerite Duras est décidément une grande écrivaine.
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L'amant

Je dois avouer que j'ai eu du mal à me faire à l'écriture de Marguerite Duras et donc à rentrer dans le livre, mais au fil des pages on s'imprègne de ce style déstructuré et la lecture devient très fluide. Et par la suite je l'ai dévoré, je ne me suis même pas rendue compte que je le finissais. L'histoire est moderne pour l'époque, j'ai aimé voyager et m'imprégner de ce pays, cette pesanteur familiale et climatique.
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Le Ravissement de Lol V. Stein

« Je ne vous aime pas cependant je vous aime, vous me comprenez. »



Quelle découverte que ce roman. J'aime Marguerite Duras, elle m'embarque à chaque fois dans un univers où je ne suis sûre ...de rien. Je n'arrivais pas à savoir comment cette histoire allait se terminer. Jusqu'à la dernière ligne je tanguais.

Rencontrer Lola Valérie Stein doit être comme rencontrer un être par son ombre. « Elle qui ne se voit pas, on la voit ainsi, dans les autres. C'est là la toute-puissance de cette matière dont elle est faite, sans port d'attache singulier. » On ne voit rien d'elle car elle n'est pas présente dans ce même temps que vous. Elle ne vit que pour la tombée du soir, attendant l'aube, le moment où les amants se détournent vers un ailleurs. Elle aime l'amour qui l'a détruite à cet instant précis où il disparaît de son regard, mais pas complètement disparu.



« Elle voit, et c'est là sa pensée véritable à la même place, dans cette fin, toujours, au centre d'une triangulation dont l'aurore et eux deux sont les termes éternels : elle vient d'apercevoir cette aurore alors qu'eux ne l'ont pas encore remarquée. Elle, sait, eux pas encore. »



Elle recherche depuis des années cet amour qui lui appartient parce qu'il est propriété d'un autre couple. Une approche du voyeurisme qui n'a rien de commun avec ce que je pouvais imaginer. Lol est donc en attente et va découvrir le narrateur, amant de Tatiana, qui « n'est entier que dans un lit d'hôtel. » Entre eux, une danse commence, ou plutôt recommence comme au bal de T. Beach, des années plus tôt. Elle l'enlève dans l'extase.



Quel ravissement..!
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L'Amant de la Chine du Nord

Commencé il y a de nombreuses années, je ne l’avais jamais terminé.

Voilà, c’est chose faite.

Ce que je n’avais pas aimé à l’époque m’a un peu moins dérangé cette fois-ci.

- Le ton sec et détaché

- La manière distante de désigner les personnages : « l’enfant », « le chinois »

- Le fait que les scènes soient vues sous l’angle d’un film, donnant une certaine froideur au récit.

- Les dialogues longs, inconsistants et ennuyeux.

Non, cela ne m’a pas rebutée en deuxième lecture. J’y ai même trouvé de l’originalité et un certain charme. Comme quoi !

« L’enfant rit, le chinois pleure, l’enfant pleure, le chinois rit »

Les verbes pleurer et rire sont utilisés tout le long du roman. Je n’ai pas eu le courage, mais j’ai failli reprendre la lecture pour compter le nombre de fois.

Marguerite Duras n’a certes pas eu une jeunesse ordinaire. Réécrire cette histoire sept ans après un roman sur le même sujet ; après l’adaptation cinématographique qui l’a déçue, prouve l’importance de cette étape dans sa vie.

Ici, il semble qu’elle ait voulu réécrire le film tel qu’elle, elle l’aurait voulu.

J’ai bien envie de lire « L’amant » et de voir le film pour me faire une opinion sur les trois versions. En tout cas, c’est une belle histoire de passion.

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Le Ravissement de Lol V. Stein

« Je ne peux pas aller plus loin dans ma lucidité. Dans les autres livres je trichais un petit peu ».M.D.1964.



Duras est « sevrée » pour écrire l'histoire de Lola Valérie Stein. Sevrée et donc forcément en état de manque permanent.



C'est la peur qui la tient lorsqu'elle commence l'écriture. La peur d'écrire n'importe quoi. Elle écrit, sans armure, sans anesthésie. Et elle y parvient. Elle y parvient à cette limite de lucidité, à à cette frontière où le basculement peut se produire. Au bord de sa propre falaise. Elle y mènera son écrit en suivant l'histoire de cette femme.



Cette histoire dépasse l'entendement. On ne peut pas entendre l'histoire de Lol. Insupportable pour certains , incompréhensible pour d'autres. Mais Eternelle pour tous.



Lol a vu. Elle a vu l'amour. C'est dans l' instant que tout va se jouer. Le moment où l'amour qu'elle porte à un homme la quitte parce que cette homme se met à en aimer une autre.



Elle ne souffre pas de cette désaffection. Le sourire qu'elle adresse à son fiancé, dans l'instant qui précède la séparation l'indique.

Lola acquiesce. Elle sait que cela ne lui appartient plus. Elle ne peut maîtriser ce qui la dépasse. Elle sourit non pas devant son renoncement mais à cet acquiescement.

Elle laisse aller la valse. Elle ne combat pas. Elle sait son impuissance.



Ce pourrait il qu' 'il y ait chez elle il une « région du sentiment », différente?

Est elle folle, est elle lucide ?



Elle n'est pas dans le désespoir de l'amour. Elle a vu cet amour la quitter et se porter en une autre,. C'est un éblouissement, une révélation, un état d'extase.



Revoir, revivre donc, « ce temps pur, d'une blancheur d'os ». Voir à en rester « en cendres ». C'est l'enfer post- traumatique.

L'horreur et le bonheur ont en commun la re-souvenance, l'éternité de leur bal.



L'amour ne lui est pas arraché avec violence, l'amour en se transplantant la transporte hors d'elle même.

Les êtres sont les vecteurs de l'amour ils n'en sont pas les géniteurs.

L'amour existe, elle l'a vu, elle ne sera jamais plus Lola. « Elle n'est pas Dieu, elle est personne ». Elle est humaine.



L'amour dépersonnifie, dépersonnalise ceux qu'il quitte tout autant que ceux qu'il habite.

L'amour en possédant dépossède.



C'est instant là que Lola a vu et veut revivre. Peu importe les êtres qu'empruntent l'amour, alors revoir ça. « Elle est née pour le voir. D'autres sont nés pour mourir. »



Dix ans de silence , c'est l'espace qui sépare la révélation de la confirmation. Lola se tait. L'amour l'a désertée.

Innommable, imprononçable, ce mot. « mot trou », « mot-absence ».

Le temps s'écoule.

Lola s'abstrait.

Lola se tait.

Lola mensonge au yeux du monde.

Lola attend.

Et puis un jour.

« Puis un jour ce corps infirme remue dans le ventre de Dieu ».



Lola est amoureuse de l'Amour. Elle aime sans raison. C'est la folie de Lola. Aimer l'amour.



« Je voudrais vous parler une peu du bonheur que j'éprouve à vous aimer ».



C'est ça le ravissement de Lol. L'amour est Un et non unique. « Je ne vous aime pas et cependant je vous aime ».



C'est ça la folie de Lol : La possible universalité de l'amour.

L'amour peut se passer de nous, mais nous ne pouvons nous passer de l'amour.

L'amour est la plus grande des addictions humaines.

L'armure anesthésiante la plus sûre. On ne se sevre pas de l'amour. Jamais, surtout lorsqu'il a été révélé.

L'amour réunit, n'unit pas. C'est le sens de son partage. L'amour nous conçoit. Nous pouvons le voir mais nous le concevons pas.



L'abstraction du sentiment.

C'est ce qui pour Duras rend Lol désirable.

Comment ne pas penser Lol sans penser se perdre et se dissoudre.

C'est là le bout de la jetée. Le lieu du basculement, de la transcendance.

La minute de lucidité.



« La réalité de ne se laisse pas exprimer par le langage de l'abstraction. L'abstraction ne peut se rendre maîtresse de la réalité qu'en l'abolissant, mais l'abolir signifie justement la transformer en possibilité».Kierkegaard.



Astrid SHRIQUI GARAIN
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La douleur

Le texte qui porte le titre de la douleur, est un très grand texte. Il ma bouleversé, tellement c'est très bien écrit c'est remarquable de justesse, d'émotion, de ressenti. Je l'ai lu deux fois en peu de temps. Elle raconte le retour de Robert Antelme. Il avait été déporté à Buchenwald puis à Dachaud. Elle l'épouse avant la guerre en 1939. Ils ont un garçon, il meurt en 1942. La même année elle fait la connaissance de Dionys Mascolo. Il est dans le comité de lecture chez Gallimard. Marguerite Duras et Robert Antelme entrent dans la résistance. Leur groupe tombe dans un guet-apens. Ils seront aidés par François Mitterand, mais Robert Antelme est arrêté et envoyé dans un camps le 1er juin 19944. Il a été déporté à Buchenwald puis à Dachaud . A son retour elle le soigne. Puis, ils divorcent en 1946 ne pouvant plus rester ensemble. Elle décrit admirablement bien dans ce récit l'attente, l'angoisse de savoir si la personne est vivante ou morte. Dans ce livre, d'autre texte sur cette période extrêmement trouble et complexe entre les vrais et les faux résistant. Elle nous raconte aussi de sa liaison avec l'homme qui a arrêté Robert Antelme dans la nouvelle intitulée « Monsieur X. dit ici Pierre Rabier », elle doit , il faut qu'il lui donne des informations utiles pour le réseau de la résistance.

Grand Texte surtout celui qui s'intitule : "La Douleur". Ce livre est l'écho du climat qui régnait après guerre en France, trouble règlement de compte entre les vrais et les faux résistants
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C'est tout

Un tout petit livre, très étrange et remarquable.

On reconnait l'écriture de Marguerite Duras: elle écrit comme elle parle, avec des phrases courtes.

Ce petit roman n'est constitué que de mots jetés sur papier, des pensées intuitives, une échappatoire à l'amour. Marguerite Duras s'adresse à son amant, avec amour, peur, amertume et regret.

A découvrir, "c'est tout".

Des petits riens qui font un bien fou.

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L'amant

Roman d'autofiction, qui a reçu le Prix Goncourt 1984 et qui, à ce jour, est aussi le plus vendu. Roman qui se passe à Saigon, au temps des colonies, quand M. Duras nous dévoile une face cachée de sa jeunesse, la divulgation d'une grande intimité dans une famille taiseuse, ou les non-dits font loi. C'est un scandal à taire dans la colonie : cette trop jeune Française entretenue par ce riche Chinois. Une histoire d'amour impossible, tabou, un voyage vers l'étranger, à tout point de vue : voyage vers l'Asie, certes, mais aussi voyage érotique vers le désir, mais aussi découverte d'un autre corps, asiatique de surcroît, mais aussi voyage vers la transgression, et voyage vers les douleurs, la séparation et la mort. Roman qui peut s'analyser comme une suite impudique, ou une mise au point, de "Barrage contre le Pacifique" : M. Duras s'octroyant cette possibilité de dire la vérité des décennies plus tard, sur cette période, parce que sa mère, et son frère aîné surtout, sont décédés. Comme un livre de voyage qu'elle clot, la honte passée.
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La douleur

En 1945, une femme attendait son mari Robert L., arrêté par la Gestapo et envoyé en camp de concentration. Elle s’occupait comme elle pouvait, essayait d’être utile même si je n’ai pas très bien compris comment. En revanche, je crois avoir saisi que son état mental laissait à désirer, sans doute parce qu’elle était au-delà de la souffrance.



Il y a deux parties dans cette nouvelle, l’attente (qui témoigne de ce qui se passait en France au fur et à mesure que les Américains ou les Russes libéraient les camps) et puis le retour de Robert L.



Robert L., c’est Robert Anthelme, l’époux de Marguerite Duras dont elle s’est séparée à la fin de la guerre. Il a peu apprécié qu’elle ait raconté son histoire : « Elle a osé ! » s’écria-t-il en l’apprenant. En 1947, il avait publié un ouvrage sur son expérience en camp de concentration : L’espèce humaine. On peut toujours le trouver en librairie.



Mais, c’est le livre de Marguerite Duras qui est le plus connu et peut-être est-ce pour cela que les écrivains ont le droit d’écrire sur tout : parce que certaines de leurs œuvres survivront au temps et continueront de témoigner.



Recueil de nouvelles en partie autobiographiques qui est davantage un livre-témoignage qu’une œuvre littéraire, du moins est-ce comme cela que je l’ai perçue. Mais ce livre ne me donne pas envie de plonger plus loin dans l’œuvre de Marguerite Duras, ne serait-ce que parce que j’ai peu éprouvé de sympathie envers son héroïne, Thérèse.


Lien : https://dequoilire.com/la-do..
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India Song

India Song a la particularité d'être une transposition théâtrale du roman le Vice-consul, publié sept ans plus tôt. Mais c'est aussi la pièce d'un puzzle plus vaste, d'une part celui du cycle indien, auquel se rattache le ravissement de Lol V. Stein, d'autre part d'un ensemble encore plus large, qui comprend la version cinématographique d'India Song et un autre film de Duras, La femme du Gange.



J'ai relu le Vice-consul juste après India Song afin de pouvoir resituer la pièce, au moins en partie, dans son contexte d'origine, mais il n'y aucune obligation en la matière ; l'une ou l'autre oeuvre s'appréhende aussi bien seule. Je dirais même que, s'il faut choisir, autant ne lire qu'India Song. Il y a, au centre du roman le Vice-consul, l'obsession de la reconstitution d'une histoire (celle de la mendiante, celle du Vice-consul, celle, dans une moindre mesure, d'Anne-Marie Stretter), qui donne naissance à une recherche narrative. Dans India Song, les préoccupations de Marguerite Duras ont pris pour ainsi dire de l'ampleur, pour aboutir à une exploration liée à la question de la mémoire - mémoire de l'auteure autant que mémoire des personnages, ou, plutôt, des voix qui tentent de reconstituer l'histoire d'Anne-Marie Stretter.



Difficile de résumer donc l'intrigue - pour autant qu'on puisse parler d'intrigue dans le cas d'India Song. Comme décor, le milieu clos et protégé des habitués de l'Ambassade de France, cernés par la misère, la lèpre, la chaleur, la mousson, dans une une Calcutta fantasmée, jamais visible. Des voix se font entendre. Féminines d'abord, masculines par la suite, toutes se mêlant plus ou moins sur la fin, ces voix cherchant à se souvenir. La femme de l'ambassadeur de France, Anne-Marie Stretter avait, lors d'une réception, invité l'ex-vice-consul de Lahore, sur lequel courait des rumeurs désagréables, et qui suscitait l'aversion générale. Anne-Marie Stretter était connue pour avoir des amants anglais, et, surtout, pour vivre une histoire d'amour avec un dénommé Michael Richardson. Mais que savait-on de l'histoire du vice-consul, de cette histoire d'amour, de l'histoire d'Anne-Marie Stretter, surtout ? Cette histoire, cette femme, captivent les voix qui ont connu Anne-Marie Stretter, il y a des années. À l'instant où les voix prennent la parole, Anne-Marie Stretter est morte depuis longtemps déjà.



Vous l'aurez compris, loin de s'apparenter à un théâtre conventionnel, India Song s'appuie constamment sur le hors-champ. On entend des voix, dont on ne saura jamais à qui elles appartiennent. On voit des personnages (Anne-Marie Stretter, le Vice-consul, le jeune attaché d'ambassade, Michael Richardson, et bien d'autres) qui ne prendront jamais la parole sur scène. Si leurs conversations sont parfois audibles, elles sont prononcées par des voix désincarnées. D'autres voix surgissent ça et là (comme dans le roman). Les didascalies sont pléthore, mais elles n'ont pas grand-chose à voir avec des indications scéniques - au point qu'on ne sait plus très bien s'il faut encore les appeler "didascalies". Elles constituent le corps du texte tout aussi bien que les dialogues, ce qui fait de la pièce une oeuvre tout aussi intéressante à la lecture qu'à la mise en scène - peut-être plus encore. D'ailleurs, Duras se soucie tout autant du lecteur que du spectateur.



India Song joue évidemment sur une forme très lacunaire, puisqu'il s'agit de la mémoire d'une histoire perdue. Mais c'est aussi une pièce qui révèle les fantasmes, Anne-Marie Stretter et le Vice-consul en constituant les deux pôles, l'une attisant le désir, l'autre provoquant la répulsion. Et plus que tout, elle joue sur une ambiance fantomatique extrêmement prégnante. Duras insiste aussi beaucoup sur le bruit de cauchemar du ventilateur présent dans le décor. C'est un fait, le son (et la musique !) est au centre d'India Song. de l'atmosphère moite du roman le Vice-consul, qui est moins sensible ici, on est passé à une atmosphère onirique, spectrale et envoûtante, marquée par la désincarnation.





Challenge Théâtre 2017-2018
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La douleur

Ce recueil de Marguerite Duras, une de mes autrices et auteurs préféré.e.s a été publié en 1985, alors qu'elle venait d'avoir l'année précédente la consécration du Goncourt pour l'Amant.



Ce recueil rassemble 6 nouvelles, dont la plus importante en taille et en source de réflexions donne le titre au livre. Tous ces textes ont une relation avec la période de la Libération à la fin de la seconde guerre mondiale, pendant laquelle Duras fit partie de la Résistance. de ces nouvelles, les 4 premières ont un contenu autobiographique, les deux autres sont de courtes fictions. Toutes ont été écrites à quarante ans de distance des événements, et même si Duras dit de la première, La douleur, qu'elle a pour base un journal retrouvé, et dont elle ne se souvient pas, sa forme, et les procédés employés dont Duras a le secret, est celle d'un récit recomposé.



Avant de commenter un peu plus en détails le récit principal « La douleur », je voudrais insister sur la structure de l'ouvrage, que j'ai trouvée subtile.

En effet, Duras nous fait passer progressivement du récit réaliste au récit imaginaire en évoquant différentes facettes de l'être humain face à la guerre, avec cette science du non-dit qui lui est si particulière.

Et puis de la « honte de la littérature » qu'elle nomme pour le premier récit, au dernier où « tout est inventé ».



De « La douleur », le récit le plus terrible, qui décrit l'attente de son mari, Robert Antelme ici nommé Robert L., puis les conditions dramatiques de son retour des camps, un récit plein de vérité et d'humanité, on passe dans « X dit ici Pierre Rabier », à un récit plus anecdotique, mais que Duras évoque comme le souvenir d'une peur terrifiante, celle que lui a laissé un agent allemand ambigu se faisant passer pour un français, capable autant de cruauté que de clémence, aveugle à la situation de son pays et rêvant d'un avenir de bouquiniste; puis à « Albert des capitales », où Duras se revendique (« Thérèse c'est moi ») comme la résistante sans pitié lors de la torture d'un « collabo », en contradiction avec l'humanité et la pitié dont elle fait preuve dans La douleur.

Puis, Ter le milicien clôt la série des nouvelles « réalistes », par un étrange récit de l'attirance physique pour cet homme qui fit partie de la milice de Vichy.

Enfin, les deux derniers sont, selon Duras, des récits inventés, dans lesquels l'auteure excelle à nous rendre indécis le sens, mais c'est l'émotion qui nous bouleverse dans le dernier qui se veut raconter «l'amour fou pour la petite juive abandonnée ».



Tout ceci pour dire que, pour moi, le livre « La douleur » ne se résume pas au premier récit, mais que les autres contribuent à façonner un ensemble cohérent.



Et pourtant, ce premier récit est majeur, mais difficile à commenter. Duras nous dit qu'elle a retrouvé les pages d'un journal dont elle n'a aucun souvenir, et qu'elle s'est trouvée « devant un désordre phénoménal de la pensée et du sentiment auquel je n'ai pas oser toucher et au regard de quoi la littérature m'a fait honte ».

Mais la forme a sans nul doute été retravaillée (à la fin, d'ailleurs le récit n'est plus linéaire), pour nous livrer des pages d'une extraordinaire intensité, parfois insoutenable. D'abord, une attente du mari, Robert L., décrite comme une sorte de cauchemar éveillé, d'obnubilation de la pensée, d'une douleur psychique qui anéantit le corps. Puis, le chef du réseau, Morland (c'est François Mitterand) décide d'envoyer deux hommes chercher Robert L. en Allemagne; ils ramènent un être humain au bord de la mort, ne pesant plus que 35 kilos, qu'il va falloir ré-alimenter progressivement, atteint d'une terrifiante diarrhée, qui va céder au fil des jours. Le récit raconte sans nous épargner les détails, toute l'horreur de l'état de Robert L.. Et puis, c'est un rétablissement très lent qui s'installe. Et enfin, tout en écrivant qu'elle s'est séparée de Robert L., Duras termine sa narration sur quelques pages lumineuses et pleines de tendresse.



J'ai aussi relevé qu'apparaissent dans ce texte des phrases très critiques, dans ce contexte de la Libération, d'un De Gaulle qui refuse « d'intégrer la douleur du peuple dans la victoire, de peur d'affaiblir son rôle à lui », mais j'en retiens surtout celles extraordinaires sur la découverte de l'extermination des juifs: « C'est en Europe que ça se passe. C'est là qu'on brûle les juifs, des millions. C'est là qu'on les pleure. » Mais plus encore, c'est cette idée singulière de la nécessité, pour dépasser cette horreur accomplie, d'assumer notre solidarité avec les bourreaux comme avec les victimes: « nous sommes aussi de la race des nazis ». Et ces phrases surprenantes mais pleines de sens: «La seule réponse à faire à ce crime est d'en faire un crime de tous. de le partager. de même que l'idée d'égalité, de fraternité. Pour le supporter, pour en tolérer l'idée, partager le crime. »



En conclusion, même si beaucoup de romans de Duras ont une part auto-biographique, celui-là est unique par la tension qui s'en dégage, et surtout par l'horreur, la souffrance mais aussi l'humanité qui émanent du premier récit.
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Cahiers de la guerre et autres textes

[Emprunté à la médiathèque début juillet 2021 ]



Un volume moyennement connu de textes de Marguerite Duras, dont Les Cahiers de la guerre qui forment la part exceptionnelle de ces archives déposées par Marguerite Duras à L’Institut des Mémoires de l’édition contemporaine [IMEC ], en 1995.





« Ces "Cahiers de la guerre"(...) constituent, de fait un ensemble homogène: l'unité matérielle établie par Marguerite Duras s'explique par leur cohérence à la fois chronologique et thématique, puisqu'ils ont été rédigés pendant et juste après la guerre, entre 1943 et 1949 (...)

Sur le plan biographique, l'intérêt des "Cahiers de la Guerre" est considérable (...)



Nombre de récits publiés ici touchent, en effet, à des événements centraux, et très vraisemblablement fondateurs, de son existence (la mort de son premier enfant, celle de son frère; ses activités dans la Résistance; la déportation et le retour de Robert Antelme; la naissance de son fils Jean...), et l'on y voit déjà se dessiner les figures primordiales de son oeuvre (sa mère, ses frères, son amant...) On comprend aisément que ces textes occupent, à ses propres yeux, une place unique et capitale. (p. 10) [Préface de Sophie Bogaert et Olivier Corpet ]



Ecrits entre 1943 et 1949, ces témoignages offre un matériau autobiographique unique, en même temps que l’on prend connaissance du travail littéraire de l’écrivain à ses débuts…. Mes préférences vont aux premières pages couvrant l’année 1943, où Marguerite Duras y parle de son enfance, de sa jeunesse en Indochine…de sa famille, de ses frères, des rapports avec les annamites.

Lignes qui anticipent un futur roman personnel que j’avais lu avec enthousiasme : « Un Barrage contre le Pacifique »…Autre écrit de ce volume, particulièrement retenu, qui touche également ce noyau des plus complexes que représente les rapports entre l’auteure et sa mère, sa personnalité forte , ambivalente, écrasante et fragile, tour à tour : « L’Enfance illimitée «



« (...) je n'ai eu ni maison familiale, ni jardins connus, ni greniers, ni grands-parents, ni livres, ni ces camarades qu'on voit grandir. Rien de tout cela. Vous vous demandez ce qu'il reste ? Il reste ma mère. Pourquoi me le cacher ?

C'est d'elle que je veux dire l'histoire, l'étonnant mystère jamais connu, ce mystère qui a été très longtemps ma joie, ma douleur, où je me retrouvais toujours et d'où je m'enfuyais souvent pour y revenir. Ma mère a été pour nous une vaste plaine où nous avons marché longtemps sans trouver sa mesure. (...) D'ailleurs ce n'est pas un souvenir. C'est une vaste marche qui n'a jamais fini. (p. 360)”



« Ma mère passait alors sa main sur mon visage, doucement, et me disait: "Oublie". J'oubliais et repartais rassérénée. Avec ces mêmes mains, plus tard, elle me battait. Et elle gagnait mon pain en corrigeant des copies ou en faisant des comptes à longueur de nuit. Elle y mettait la même générosité. Elle battait fort, elle trimait fort, elle était profondément bonne, elle était faite pour les violentes destinées, pour explorer à coups de hache le monde des sentiments. [Cahier rose marbré, p.62 ]



Des inédits,des nouvelles, des ébauches de récits….



Parmi ces nombreux récits, l’un m’a bouleversé, très, très noir, à l’image des nouvelles « à la Maupassant » ou « à la Mirbeau », il s’agit de « Pigeons volés » : une vieille femme vive et pleine de fantaisie, cassée en deux par les travaux extérieurs, est haïe par sa belle-fille, qui lui mène la vie dure depuis des années. Elle voudrait être la seule maîtresse incontestée de la maison familiale. Cette vieille femme fait comme si de rien n’était, prend cela avec légèreté, ne veut pas rentrer dans ce cercle de brimades et d’hostilités jusqu’au jour où la belle-fille trouvera une cruauté de plus à faire subir à sa belle-mère, et finira par la détruire à petit feu. Haine et cruauté illimitées, incompréhensibles semblant être les seuls « moteurs » nourrissant l’existence de cette belle-fille, dont le mari (le fils) cautionne par son silence et son inertie lamentable !



De multiples autres commentaires pourraient être ajoutés… à la richesse et à l’abondance de ces « archives »…



Nous pouvons lire les débuts de futurs textes comme « La Douleur », « Un Barrage contre le Pacifique », « Le Marin de Gibraltar », « Outside »…En fin de volume, table des Correspondances des « Cahiers de la guerre » avec l’œuvre publiée de Marguerite Duras, ainsi qu’un index des personnages fictifs et des proches apparaissant dans ces « Cahiers» … Pour tous les « passionnés » et assidus de l’œuvre durassienne ! Ne pas omettre de louer les missions et le travail infiniment précieux de ce centre d’Archives, l’IMEC…



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L'amant

J’ai découvert L’Amant après son adaptation au cinéma par Jean-Jacques Annaud. J’avais beaucoup aimé ce court roman qui évoque la fin de l’adolescence entre la maison familiale et le pensionnat à Saïgon, entre les relations difficiles avec sa mère et son frère et un premier amour passionnel...
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Moderato cantabile

Marguerite Duras, ça passe ou ça casse !

Je retrouve ce Moderato Cantabile sur un rayonnage de bibliothèque. La poussière que ce roman dégage est-elle l’effet du temps ou est-ce le livre, le style d’écriture de cette écrivaine qui l’attire et provoque des réactions allergiques chez le lecteur que je suis devenu ?

Incontestablement Marguerite Duras crée des ambiances, des situations assez basiques qui reflètent son époque (en termes de productions littéraires, Moderato cantabile ne date pas d’hier, mais d’avant-hier au moins !) Mais elle y laisse fermenter des répétitions qui s’installent, redisent, revivent des situations toujours à peu près les mêmes, jamais tout à fait pareilles. C’est - ou c’était lors de ma première lecture - une des forces de cette plume, la puissance d’évocation… Mais aujourd’hui, je n’accroche plus. Les éléments du récit, je ne les accepte plus pour ce qu’ils sont, voire pour ce qu’ils veulent évoquer. Cette vision du monde, de l’éducation, des liens sociaux m’indispose, j’ai envie de la rejeter, de la combattre.

Curieusement, par sa manière de créer des ambiances, des îlots de rationalité, de manière de vivre, l’écriture sociale de Marguerite Duras me fait penser à celle de Simenon. Comme lui, elle plante un décor, positionne quelques personnages et semble laisser l’âme humaine se dépatouiller avec les pensées sombres du quotidien, alors que, bien évidemment, tout est construit avec rigueur, ne laissant pas de place au hasard. Mais, chez Duras, j’ai l’impression, quand je la relis aujourd’hui, que l’histoire n’y croit plus elle-même. Le récit stagne, s’enlise dans une expression qui n’est plus en adéquation avec notre époque, notre tempo de vie.

Je peux illustrer ce que je dis par l’exemplarité répétitive de ces leçons de piano ‘qu’on fait donner’ à l’enfant’ sans même s’inquiéter de savoir si cela donne envie à l’enfant de ‘faire de la musique’ ! Une pédagogie qui s’impatiente de la non compréhension par l’enfant d’une notation stylistique telle ‘Moderato cantabile’… alors que « On le lui a déjà dit, pourtant ! » … Et l’enfant restera sans réponse, sans apprentissage, sans envie !



Un peu comme moi en reposant, pour la dernière fois, je pense, ce livre sur un rayonnage d’où, tôt ou tard, il tombera dans l’oubli.
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Hiroshima mon amour

Ce texte est le scénario du film d’Alain Resnais. N’en ayant jamais vu que quelques images, je n’en savais rien. Là, j’ai vu le livre dans une solderie l’autre jour, et je l’ai pris histoire de combler une lacune.



Ce texte est un mélange évocateur des atrocités commises à Hiroshima (200.000 morts en quelques instants), et des violences faites aux femmes au sortir de la seconde guerre. Seuls deux personnages nous occupent, sous fond d’images de tournage, et ils vivent une histoire d’amour. L’homme est japonais et la femme est une actrice venue tourner un film sur la paix. Entre eux c’est Hiroshima qui fait tenir ce moment amoureux.



La beauté de certains dialogues de Duras qui semble travailler avec un vocabulaire très modique et simple, est quelque chose d’étrange. Tout en étant peu bavarde, et répétitive, l’auteur reste pourtant très éloquente sur les sujets qu’elle a décidé d’aborder ici, et son texte produit des instants d’une poésie triste.

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Hiroshima mon amour

Un texte inséparable des images d'Alain Resnais, dont il est le scénario.



Entre la jeune fille tondue "morte" à Nevers, et le jeune Japonais qui lui répète inlassablement qu'elle n'a "rien vu à Hiroshima ", il ne peut y avoir que le dialogue fiévreux des corps, tandis que tombent sur eux, comme une cendre brillante, les radiations imaginaires de la douleur humaine.



J'ai vu ce film très jeune, avec mon père, dans une petite salle d'art et d'essai.



Texte et film fondateurs pour moi. "Je n'ai rien vu, à Hiroshima " mais je n'oublierai jamais ces deux heures, pétrifiée, aux côtés de mon père, dans la salle obscure...
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La Pluie d'été

J'ai lu dans un article que Jacques Lacan avait dit, en parlant de Marguerite Duras: "Heureusement qu'elle ne sait pas qu'elle écrit ce qu'elle écrit, parce que sinon elle se perdrait, et ce serait la catastrophe."



Sans indicible, il n'y aurait pas de Marguerite Duras, et effectivement, ce serait un drame.

Elle fait parler les parts de soi qui sont vides.



Dans La pluie d'été, il y a bien sûr une histoire d'inceste, mais il y a surtout ce passage de l'enfance à l'après, de l'étonnement à la science, de la vie à la mort, de l'absolu à la séparation. Et tout ça, dans une histoire assez simple de famille dans une ville de banlieue, avec des brothers et des sisters qui vont a la casa, qui ne vont pas à l'école mais lisent quand même des livres, et qu'est-ce qu'ils y lisent? Eh bien ils lisent ce qu'ils veulent.



Une mère aimante qui passe sa vie à éplucher des patates, qui est belle en oubliant qu'elle est belle, qui lit des livres que les gens jettent, qui écoute les paroles de son avalanche d'enfants tout en reconnaissant que des fois elle comprend, des fois elle comprend pas. Qui a des désirs d'abandonner. Le père qui fait le pitre. Et Ernesto et Jeanne qui s'aiment et se séparent, parce que Jeanne brûle à l'intérieur et Ernesto en sait trop.



Ernesto dit: "Je ne retournerai pas à l'école parce qu'à l'école on m'apprend des choses que je ne sais pas." A méditer. Et, des fois on comprend, et des fois on comprend pas.
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