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Critiques de Raymond Carver (211)
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Les Vitamines du bonheur

Premier contact avec cet auteur dont je connaissais une partie de l'univers grâce à l'adaptation ciné que Robert Altman avait réalisé sous le titre "Short cuts" dans le milieu des années '90.

On retrouve d'ailleurs dans ce recueil, l'une des nouvelles utilisée pour ce film fleuve de 3h, intitulée "Une petite douceur" (à mon avis la meilleure de tout le livre et aussi la plus bouleversante du métrage).



Tranches de vies d'américaines et américains moyens, souvent au mitan de leurs chiches existences.

Récits de couples déchirés, familles recomposées, vies chaotiques prises en tenailles entre petits boulots mal payés, alcoolisme, platitude de l'existence (on regarde souvent la télé faute de mieux dans la plupart de ces nouvelles), déménagements d'un bout à l'autre du vaste territoire US.

Portions d'existences que l'on devine minées par la fatalité d'une condition moyenne aussi collante qu'un chewing-gum collé sous la semelle.



On dirait du Wim Wenders période "Paris, Texas" pur jus tant les univers se ressemblent, l'incommunicabilité en moins toutefois, car on échange abondamment chez Carver (qu'on soit chez une coiffeuse à domicile, ou autour de sujets aussi triviaux qu'un frigo qui tombe en panne et dont il faut rapidement cuire les aliments pour éviter le gaspillage).

Cet univers peut sembler de prime abord trivial, médiocre et inintéressant après les 3 ou 4 premières histoires - majoritairement courtes - mais la capacité de l'auteur à dresser les solides portraits psychologiques de cette myriades de personnages fait mouche pour chacune des nouvelles et l'on s'attache rapidement à ces caractères rapidement mais très finement brossés.



Belle découverte en ce qui me concerne, je lirai certainement d'autres recueils de nouvelles de cet auteur.
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Tais-toi, je t'en prie

Une vingtaine de nouvelles dont plusieurs mettent en scène un couple usé. Mais, contrairement à ce que peut laisser croire la photo en couverture de mon édition, les époux sont encore jeunes. Ils ont rarement plus de 35 ans.



Carver croque sur le vif des épisodes charnières, des moments en suspens, pendant lesquels la vie de ses protagonistes peut basculer d’un côté comme de l’autre. Mais, possèdent-ils vraiment les moyens d’influer sur le cours de leur existence ? D’une grande justesse, même si ça donne le bourdon.
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Qu'est-ce que vous voulez voir ?

Cinq nouvelles inedites.

Pas toujours achevées.

Pas encore retravaillées.

Et tant pis, tant pis ! On s'en contentera allègrement. Retrouver les mots de Carver, se laisser bercer, les prendre comme ça, bruts et brillants. Ce n'est pas parfait, peut-être, pas aussi parfait que d'autres textes. Mais la perfection après tout...

Donc, voilà un recueil un peu décousu, c'est à dire sans réel fil conducteur, et j'avoue que ça me va bien. Des vies, de la vie en pagaille. Carver.

Une maison brûle puisque des amours s'effilochent.

D'autres foyers se quittent, pour essayer de se survivre, de s'aimer, de s'aimer encore un peu. Quand on a tout donné.

Voilà, c'est ça, Carver. Et c'est ce qu'on retrouve encore dans ce recueil. Cet amour brouillon, qui n'en finit pas de finir. La vie simple. Simple, vraiment, ça existe ? Non, pas du tout. C'est ce que Carver vous racontera. Comme personne.
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Tais-toi, je t'en prie

Chaque nouvelle est une sorte d'iceberg : il y a ce qui est dit, ce qu'on lit sur le papier, ces histoires apparemment insignifiantes, et sous chacune d'elle, le gigantesque continent du non-dit, qui rend l'ecriture de Carver pour moi si unique.
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Tais-toi, je t'en prie

Et donc, je commence à lire les nouvelles de Raymond Carver sans connaître l'auteur, sans en avoir lu la moindre critique. C'est d'ailleurs très souvent comme cela que je commence la lecture d'un nouveau livre. Et bien, ce fut un exercice assez déroutant. J'avais l'habitude de lire des nouvelles dont l'élément central était la chute. Evidemment, à la lecture de la première nouvelle de cet auteur, je suis resté sur ma faim. A la seconde, je me suis demandé s'il ne se foutait pas de ma tête. Il en a fallu quatre ou cinq avant de comprendre que je devais les lire avec un regard nouveau, non plus le regard d'un lecteur de romans mais plutôt celui d'un ethnologue ou d'un sociologue qui étudie et décortique avec précision des épisodes de la vie quotidienne de la classe moyenne américaine. Et ce n'est pas toujours drôle, tout en étant pas triste non plus. On rentre dans des quotidiens fait d'ennuis, de routines, d’événements à priori anodins mais qui prennent une autre dimension sous la plume de Raymond Carver. A découvrir donc!
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Parlez-moi d'amour

Critique : Parlez-moi d’amour



C’est après avoir vu l’extraordinaire film Birdman que j’ai eu envie de lire ce livre, c’est en fait un recueil de 17 nouvelles.



- Pourquoi ne dansez-vous pas ?



Un homme observe de chez lui des meubles traînant dans sa cour (on suppose qu’il y a eu une dispute et qu’il a littéralement, ou sa femme, jeté les meubles par la fenêtre). Arrive un couple qui les essaie et se décide à les acheter. J’ai bien aimé cette première nouvelle.



- Le chasseur d’images



Un homme reçoit la visite d’un photographe avec une seule main qui veut lui vendre la photo qu’il a pris de lui. C’est sympathique, original.



- Monsieur le bricoleur



Un homme voit sa soixantenaire de mère fréquenter un homme, par certains points lui et sa fille l’apprécient, par d’autres non, ils vont essayer de le comprendre. Une nouvelle qui se lit bien mais pas ma préférée



- La gloriette



Dans un hôtel un couple se déconstruit, pas besoin de vous dire pourquoi car c’est ce qui arrive le plus souvent. Il essaie de se raccrocher à le peu de choses qu’il leur reste. J’aime toujours assez.



- Toutes les petites choses que j’ai pu voir



Une femme est réveillée par un bruit un soir, elle sort jusqu’à sa grille et voit l’ancien ami de son mari qui habite juste à côté, ils vont discuter tranquillement. Plaisant.



- Rencontre entre deux avions



Une courte retrouvaille entre père et fils, le père avoue certaines choses, se confie. Intéréssant mais on ne sait pas le fin mot de l’histoire, l’intérêt de ces nouvelles réside autre part que dans la chute. J’ai bien aimé.



- Dites aux femmes qu’on va faire un tour



Deux amis qui sont devenus un couple chacun leur tour, vont faire un tour pour se changer les idées puis rencontrent deux autres filles. Je trouve cette nouvelle étrange mais ce n’est pas pour me déplaire.



- Bingo !



Un couple va à une soirée Bingo et en découvre un autre qui ne joue pas légalement. Pas mal.



- Tant d’eau si près de la maison

Le début de cette nouvelle me fait penser à Birdman mais j’ai peut-être tort.

Un meurtre a eu lieu, et même si la victime est inconnue une femme va aller à son enterrement. Très bizarre.



- Si on en parlait sérieusement



Retrouvailles d’un homme et d’une femme à Noël assez houleuses.

Pas très original cette fois-ci mais ça se lit.



- Retour au calme



Un homme se fait couper les cheveux, et on lui demande de raconter si oui ou non il a attrapé un daim à la chasse dernièrement. Ce n’est vraiment pas ma préférée



- Un problème de mécanique



Dans une chambre d’hôtel un homme s’apprête à partir mais veut à tout prix son bébé, et bien entendu il en est de même pour la femme, comme il est dit dans le portrait de l’auteur au début du livre, on est dans un jugement de salomon. Très courte (moins de 3 pages) mais j’aime beaucoup.



- Au temps des oies sauvages



Une fille veut que son père lui raconte une anecdote sur son enfance. C’est sympa



- De l’autre côté du palier



Un couple se voit confier les tâches de la maison de voisins pendant qu’ils partent en voyage.

Une nouvelle que j'ai bien aimé.



- La troisième chose qui a tué mon père



Un homme part avec son fils et un certain Simplet à la pêche, on va suivre l’histoire de cet homme torturé, ça ressemble un peu à du Maupassant. Pas mal.



- Un dernier mot



Un mari devenu insupportable et forcé à quitter la maison. Court mais efficace.



- Si nous parlions d’amour



Je pense que c’est une partie de cette nouvelle qu’on retrouve dans Birdman, des couples discutent d’amour à table, cela fait beaucoup penser à La rempailleuse de Maupassant et j’aime beaucoup.

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Les Trois Roses jaunes

Comme à chaque Carver, c'est un pur plaisir de lecture, une bouffée de tendresse en mots.



Comme à son habitude, les personnages/narrateurs de Carver ne sont pas des plus exemplaires. Il y a pratiquement toujours quelque chose qui cloche, souvent pas grand' chose, mais juste assez pour que ça dérape. Parfois, on voit bien ce qu'on veux y voir, alors, en lisant ces nouvelles, je me suis aperçu que la faille venait presque à chaque fois de l'inaction du personnage principal. S'il avait fait juste ça, là encore, pas grand'chose, juste manifester sa présence, dire un mot, et il semble que les choses n'auraient pas si mal tournées.



La force de ces nouvelles est que, par l'accumulation ou répétition de ces «lâchetés», il en résulte non pas une reprise en main, mais au contraire, les personnages y trouvent un certain confort, parmi tous leurs désagréments; des zones confortables dans tous ces déboires de la vie. On s'y fait, semblent dire ses personnages, malgré tout.

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Les Trois Roses jaunes

Splendide bouquet de 7 nouvelles du grand Carver, dont la dernière, titre du recueil, est un bel hommage à un maître du genre, Anton Tchekhov, dont il raconte les derniers instants de façon magistrale.

Chaque nouvelle est un moment de vie qui s'articule autour d'un petit détail, au départ sans importance, mais qui donnera toute sa force au récit. Car quoi de plus banal que des boîtes en carton de déménagement, un coup de téléphone d'une inconnue durant la nuit, un simple couteau dans une dispute conjugale, des feuilles mortes jonchant le sol, un souvenir d'un enfant sur les épaules de son père, une lettre à l'écriture mystérieuse, et un vase avec trois roses jaunes. Et pourtant, chacun des ces éléments va amener le narrateur à négocier au mieux un tournant dans sa vie. Le texte est sobre, sans fioritures, beau ! Un livre qui, une fois refermé, nous rend plus fort, plus grand.



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Parlez-moi d'amour

Livre à relire plus tard tant mon sentiment mitigé est peut-être lié à un emploi du temps trop chargé.

J'ai adoré le style des premières nouvelles où tout semble dit sans le dire.

Puis j'ai décroché. Mais en fait être amené à devoir couper la lecture d'une nouvelle, par définition courte pour la reprendre plus tard n'est ni agréable, ni pertinent.

Je préfère donc rester sur mon impression première avec les nouvelles lues d'une traite et trouver Raymond Carver intréssant à mieux connaître.

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Poesie

« Poésie » réunit trois recueils écrits dans la seconde partie de sa vie (1977-1988). Il vit avec Tess Gallagher Il a arrêté l’alcool.

La sobriété lui permet de retrouver un second souffle créatif. Il se met sérieusement au travail, passe ses journées à écrire de la poésie. Tess Gallagher sa compagne lui procure l’environnement idéal. Equipé de sa machine à écrire, il tisse, il invente une identité propre. Authentique et audacieuse. Raymond Carver est un observateur du monde et de la langue. A travers la forme et l’esthétique, il communique sa vie émotionnelle, son expérience. La plupart de ses poèmes évoquent l’instant présent, le désir, le bonheur, la mémoire mais aussi la solitude, l’addiction à l’alcool. Certains poèmes ont de l’ampleur par leur forme et leur vision. C’est un homme qui regarde son environnement du sommet de son expérience et avec détachement.

Ce que je ressens c’est la fragilité humaine. Mon texte préféré est « Bonheur en Cornouailles »
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Les Vitamines du bonheur

12 nouvelles, une pour chaque mois de l'année.



- Plumes - Un dîner chez un couple, un bébé affreux, un paon, et quelque chose que l'on voit nul part ailleurs... un moulage de dents, posé à la vue de tous sur la télévision....



- La maison du chef - Un ancien alcoolique réussit à persuader sa femme de revenir partager sa vie. Ils sont heureux, sereins, et bien ensemble. Ce bonheur ne va pas durer, ils sont contraints de quitter la maison.



- Conservation - Un gars perd son travail, sa femme travaille. Il reste toute la journée allongé sur son canapé à dormir et regarder la télévision.... Quand un soir le réfrigérateur tombe en panne....



- le compartiment - Il est divorcé, il n'a pas revu son fils depuis très longtemps. Puis un jour il prend le train, sors du compartiment et laisse son pardessus. En revenant, un homme est là, assis endormi. Il a un doute, il a laissé son passeport et la montre qu'il a acheté pour son fils. Celle-ci a disparu.... Il décide finalement de ne pas revoir son fils qui l'attend sur le quai de la gare.



- C'est pas grand chose mais ça fait du bien - Une maman heureuse, va commander un gâteau pour l'anniversaire de son petit garçon. Mais, sur le chemin de l'école, il se fait renverser par une voiture. Il se relève et semble aller bien. Il rentre à la maison, raconte sa mésaventure à sa maman, tombe inconscient....



- Les vitamines du bonheur - Une jeune femme gagne sa vie en vendant des vitamines à domicile.... le temps passe et les vitamines ne se vendent plus....



- Attention - Une femme rend visite à son mari qui a quitté le domicile conjugal. Mais celui-ci à une oreille bouchée.



- Là d'où je t'appelle - Un centre de désintoxication, des alcooliques...



- le train - Une salle d'attente, une femme qui attend son train, dans son sac un révolver....



- Fièvre - Une femme abandonne mari et enfants, pour vivre sa vie. le père cherche un nourrice, jusqu'au jour où....



- La bride - Une famille arrive dans un motel, ils sont sans un sou. L'homme a dépensé tout l'argent dans les courses de chevaux....



- Cathédale - Un aveugle, reçu chez un couple dessine une cathédrale....
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Poesie

Si Raymond Carver (1938-1988) est surtout reconnu pour ses nouvelles, il serait fou de passer à côté de son recueil de poèmes publié aux éditions Points et intitulé sobrement Poésie. Réunissant Where Water Comes Together with Other Water, Ultramarine et A New Path to the Waterfall, ce précieux recueil est déroutant de prime abord car on n’y trouve point de poésie comme on l’entends au sens commun. Raymond Carver puise sans réserve dans son quotidien le plus farouche pour en extraire la moelle, aussi dure à mâcher soit-elle. On est carrément proche de la micro-nouvelle tant ces morceaux de vie parfois ingrate sont retranscrits sans artifice. Déconcertant certes au premier abord, mais après quelques pages, quel plaisir de comprendre que Raymond Carver presse le quotidien pour vivre la poésie qu’elle contient, même lorsque la vie s’acharne sur lui. La mémoire du poète fuse dans les recoins de l’homme pour y puiser des souvenirs sexuels, des instants suspendus dans le temps, de moments de plaisir simple. On s’accroche aux mots de l’écrivain, on partage des sentiments forts (« Je t’aime, frangin, t’as dit. Et puis un sanglot est passé entre nous. J’ai serré le combiné comme si c’était le bras de mon pote. Et j’aurais voulu pour nous deux pouvoir refermer mes bras sur toi, mon vieux copain. Je t’aime aussi, frangin. J’ai dit ça, et puis on a raccroché. »), on vit avec lui sa vie tout simplement (« On avait envie de tomber à genoux et demander pardon pour nos pêchés, pardon pour nos vies. Mais c’était trop tard. Trop tard. Plus personne pour nous entendre. Nous avons dû assister à la démolition de la maison, le terrain a été remis à plat, et puis on nous a dispersé aux quatre vents. »). C’est cela, la poésie de Raymond Carver, de la réalité à l’état brut. Dans cet enfer social où la mort, l’alcool et la solitude rôdent comme des vautours affamés, le poète se raccroche à la littérature, à un morceau de jazz entendu à la radio, à une partie de pêche (« Et cette rivière soudain devenue noire et rapide. Je pris une inspiration et jetai quand même la ligne. Priant pour que rien ne morde. »), à une nuit d’amour (« On dira que ce n’était pas mon jour. Mais au contraire! Et pour le prouver j’ai cette petite morsure qu’elle m’a fait la nuit dernière. Une marque qui rougit ma lèvre aujourd’hui, pour me le rappeler. »). Et puis au delà de tout émerge la tendresse, la douceur. L’amour.
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Le monde de Raymond Carver

Quelques mois avant son décès prématuré mais prévu, Raymond Carver a accepté, sans doute encouragé, et contribué au projet photographique de son ami Bob Adelman de décrire, par des images en noir et blanc, son univers d'auteur dont le succès était désormais établi, au niveau national et international. L'univers narratif était aussi son propre univers personnel : on pouvait un peu s'en douter par le "précisionnisme" de sa prose (terme qu'il employait pour corriger les critiques qui lui avaient attribué celui de "minimaliste"), mais je n'en avais pas mesuré le degré de coïncidence.

Ce livre se compose donc des planches en noir et blanc d'Adelman, comparées pour chacune à l'extrait du texte de Carver (nouvelle ou poème) qui y fait référence. Une intéressante postface de Tess Gallagher, deuxième femme et compagne des onze dernières années de l'auteur, elle-même écrivain, fournit des précisions très utiles sur la biographie et la poétique de Carver, en insistant tout particulièrement sur ses longues années d'alcoolisme et sur la lutte héroïque pour son sevrage, et, sur le plan de la création littéraire, notamment sur sa conception de l'auto-fiction et son regard si particulier sur des personnages et des situations fondamentalement dépourvus d'espérance. Là réside par contre la distinction entre son écriture et sa vie.

Les photos comprennent de nombreux portraits de l'auteur, de ses parents, épouse, fille et amis, des paysages des lieux de domicile et endroits de pêche, des vues de maisons, de milieux agricoles ou industriels ou urbains "désertifiés", fréquentés ou parcourus et utilisés dans ses textes, des détails matériels (ex. voiture, cabine téléphonique, calque de dentition, etc.) qui constituent souvent l'axe d'une nouvelle, des pages manuscrites ou tapuscrites, des intérieurs de ses domiciles, des anciennes photos de l'enfance ou de la jeunesse. Elles sont toutes d'une intensité poignante.

Les comparer avec des textes - que je connaissais parfois - m'a permis de m'apercevoir, mieux que par des pages de discours sur la poétique, le procédé très particulier des descriptions et la force de l'implication - autobiographique ou de témoignage direct - de l'auteur dans son écrit, son empathie pour les losers : tout cela mis en relation avec la cyclicité dans la vie de l'écrivain entre la déroute alcoolique et la reprise de confiance en soi par l'expression écrite. Son humour noir face à la question de la désespérance déjà évoquée m'est semblé aussi plus compréhensible grâce au visuel.
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Débutants

J'ignore tout de la littérature américaine récente. Cet auteur m'a été présenté par un ami, frappé par la ressemblance qu'il y voyait avec le nouvelliste sur lequel je suis en train de travailler. Si je n'ai retrouvé que peu de ces éléments de ressemblance, j'avoue avoir été franchement séduit par Raymond Carver (1938-1988).

Ce recueil dépeint avec un réalisme saisissant le monde étouffant de la lower-middle class provinciale américaine, peuplé de personnages - surtout masculins - faibles, tristes, désabusés, proies de relations familiales et amicales frustrantes, de l'ennui et, pour la plupart, de l'alcoolisme.

Parfois des drames surviennent dans ces vies monotones, parfois leur éventuel dénouement est à peine suggéré, mais le plus souvent Carver décrit plutôt des situations. C'est là une caractéristique qui sied particulièrement au genre de la nouvelle, non seulement pour sa brévité (ici la longueur varie entre 4 et 40 p.) mais pour la facilité de l'ellipse et des renvois.
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La vitesse foudroyante du passé

Carver est connu pour être l'un des plus grands nouvellistes de l'histoire de son pays, et peut-être de l'histoire de la littérature contemporaine. Ce qui me frappe dans ces poèmes, c'est que je les lis, ressens, non comme des poèmes, mais bien comme des nouvelles plus courtes, plus percussives que ses nouvelles ordinaires. Bien sûr ils sont plus imagés que les nouvelles "classiques" de Carver, mais ils ont tous pour origine un instant, une photo prise de la vie quotidienne de l'auteur. Ils sont un bout de vie vécu et semble-t-il immédiatement posé. Ils sont des micro-nouvelles, et de là vient, selon moi, leur force.
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Tais-toi, je t'en prie

Selon Schopenhauer, « l’existence est un pendule qui oscille entre la souffrance et l’ennui ». Une tournure que J.K Huysmans reprend dans A vau-l’eau pour qualifier son monsieur Folantin, antihéros naturaliste par excellence, et qui s’appliquerait parfaitement à l’esthétique de Raymond Carver. Tais-toi, je t’en prie, ce sont des personnages qui tournent en rond, et qui pensent, et qui ruminent, et qui s’allument une cigarette, et qui ne s’arrêtent pas de tourner en rond, de penser, de ruminer, et qui fument encore. Tais-toi, je t’en prie c’est une boursoufflure de la vie. Tais-toi, je t’en prie, c’est un souffle rance dans l’oreille. C’est un rot dans une brasserie.



Raymond Carver s’inscrit dans une grande tradition de la littérature américaine du vingtième siècle. Entre Fante et Bukowski, il nous jette dans le flot de ces existences perdues, celles de ces laissés pour compte de l’Oregon, ou d’ailleurs. C’est la vie sans artifice qu’il dépeint à travers ces vingt-et-unes nouvelles, par le biais d’une écriture sobre, humble, sans épanchement, ni ornement. Une prose qui semble écrasée par le poids de la vie et l’usure du temps. Une plume sans la prétention de l’écrivain, qui nous fait ressentir plus que jamais que c’est un homme qui parle, qui pense, qui rumine, et qui s’allume une cigarette, et qui écrit ce qu’il se passe sous ses yeux.



Dans « Voisins de palier », nouvelle qui figure dans les premières pages de ce recueil, Bill et Arlène Miller, employés de bureaux, doivent s’occuper de Minette, la chatte de leurs voisins de palier, Jim et Harriet Stone qui, comme très souvent, sont en déplacement. Les Miller envient les Stone, parce que tout leur réussit, parce qu’ils partent régulièrement en vacances, et dînent dans de grands restaurants. Mais à chaque fois que Bill et Arlène pénètrent dans l’appartement de leurs voisins afin de nourrir Minette, ils sont envahis par un sentiment de bien-être. Ils essayent leurs vêtements, fument leurs cigares, s’allongent dans leur lit. Si bien que, tout comme le lecteur, ils ne voient pas le temps passer, et y restent des heures entières sans même s’en apercevoir.



Là réside tout le génie de Carver : il parvient à saisir un instant, une situation, une anecdote, d’où découle tout un univers, une psychologie, un nœud social et culturel. Pas besoin de les expliquer, les choses apparaissent naturellement, comme dans « Ils t’ont pas épousée » par exemple. Earl Ober est au chômage, alors il se rend souvent à la cafétéria ouverte 24h/24 où travaille sa femme Doreen. Un soir, alors qu’elle se penche dans le bac à glace, deux hommes se pourlèchent devant sa jupe qui se relève, et qui laisse entrevoir une partie de ses cuisses. Earl, témoin de ce spectacle, oblige sa femme à faire un régime et revient tous les soirs à la cafétéria pour observer les réactions de ces messieurs. Une réflexion sur l’amour et le désir, tout en nuances : que représente notre bien-aimé(e) aux yeux des autres ? Peut-il encore la désirer comme une étrangère, après toutes ces années de mariage ?



Une esthétique minimaliste, où seules les émotions jaillissent de nouvelles souvent énigmatiques, à l’image de « Le père », récit laconique (deux pages) d’une famille penchée au-dessus du berceau d’un nouveau-né. Mais à qui ressemble-t-il, ce gosse sans aucune expression ? Un ovni dans ce recueil, ou plutôt devrions-nous dire un « olni », dont il est difficile d’en dégager un sens précis, même si la dernière phrase éclaire le texte. C’est cela Tais-toi, je t’en prie, c’est la puissance d’un non-dit, c’est le cri d’un silence.


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Les Trois Roses jaunes

L’univers de Carver est très simple il s’articule autour du quotidien. Et qu’est-ce que le quotidien pour Carver ? Eh bien ce sont les petits riens qui empoisonnent l’existence, les vieilles rancœurs que l’on ressassent, les obligations à échéances qui nécessitent un petit chèque mensuel, les inextricables affaires de cœurs avec la voisine pendant un engagement multiple, les comportements inexplicables et intimes plutôt inexplicables des individus, des voisins, des personnes veules, des membres de la famille.

Des nouvelles de vies comme la votre sans artifices avec son lot d’habitude et ses petites contrariétés qui parfois prennent une ampleur démesurée. Ce n’est pas ce qui manque et il faut avoir une bonne dose d’abnégation ou de philosophie pour y faire face ou et, c’est souvent le cas, de désespoir.

Un enchaînement de gestes répétitifs auquel on ne prend garde et qui en soi est normal mais qui, lorsqu’on s’extériorise et se regarde faire, devient insupportable car il n’y a pas une once de folie ou de poésie , que de l’ordinaire, du vu et déjà vu sans surprise.

Carver sait capter cette intimité quotidienne et on se demande qu’elle est sa motivation à la mettre en nouvelles à justifier ou non ce comportement machinal dans le déroulé habituel de la journée.

Il y a quelque chose de dur à lire ce quotidien privé de rupture car on reconnaît bien souvent le notre. C’est angoissant de se sentir englué dans une vie sans issue, un train train selon le même enchaînement qui nous bouffe beaucoup de temps et nous détourne de l’essentiel.

Dépouillé mais dense, brièveté de style, la qualité de cette écriture peut être qualifiée de laconisme, mais laconisme de précision chirurgicale. Carver ne donne pas un avis mais donne des choses réalistes à voir, des faits irréfragables. On sent derrière ce laconisme une sensibilité pudique que Carver préférerait cacher.

A lire mais pas trop souvent car déprimant.



Enfin je vais vivre

Comme d'habitude*

Je me lève

Et je te bouscule

Tu ne te réveilles pas*

* extrait de paroles de « Comme d’habitude » de claude François
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Les Vitamines du bonheur

Les nouvelles de Raymond Carver ne se valent pas. Les plus courtes ne sont certainement pas les meilleures.

Par contre, les autres vont vous rester en tête bien plus longtemps comme les différents déboires de cet homme en cure de désintoxication, ou encore, cet enfant, qui a subi un malencontreux accident de voiture, et puis, il y a ce dîner, entre amis auquel madame ne veut pas venir. C'est ici que vous rencontrerez le fameux paon de cette sublime couverture. À ce niveau, c'est Maya Palma qui fera véritablement le bonheur des lecteurs avec les éditions de l'olivier.
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Les Trois Roses jaunes

; Dans le monde de Carver les femmes et les hommes ploient comme des roseaux sous les malheurs accumulés ,dans le monde de Carver , ils tournent lentement le regard étonné dans la spirale qui les engloutit ,mais dans le monde de Carver un murmure d’oiseau ,un éclat de soleil ,une fragrance de rose les fait renaître à l’illusion de l’espérance …
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Les Trois Roses jaunes

Un écrivain qui écrit très bien , le "père" de Bukowski ou des Fante père et fils, les choses sont précises directes, on dépeint la réalité difficile de l'Amérique vraie. Les différentes nouvelles manquent cependant un petit peu de moteur, c'est dommage.
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