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Critiques de Raymond Radiguet (274)
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Le Diable au corps

J'ai lu une première fois ce livre il y a une quinzaine d'années sur les recommandations chaleureuses d'un de mes meilleurs amis. Je dois dire qu'il m'avait bien vendu l'affaire, le salopard, car en une discussion, il avait réussi à m'intriguer suffisamment sur cet écrivain précoce pour que je voulusse à tout prix en savoir davantage.



Et, contrairement à toutes mes attentes, ce fut une cruelle déception. J'avais trouvé l'histoire totalement creuse, n'avais ressenti aucune émotion à la lecture ; pas la moindre empathie pour ces ébats de jeunesse en contexte de première guerre mondiale.



Le style ne m'avait pas davantage fait trépidé bien qu'il était spécifié un peu partout qu'on avait affaire à un génie précoce, un Rimbaud du roman, etc., etc., je vous épargne les superlatifs habituels de quand on cherche à tout prix à vous fourguer une camelote.



J'en avais donc gardé une impression particulièrement négative, à telle enseigne que, j'en suis venue récemment à me dire que la déception initiale avait dû altérer mon objectivité, si tant est que ce mot puisse avoir une once de sens en matière de sensation littéraire.



J'ai donc repris la lecture, à froid, sans enthousiasme, ne m'attendant à rien de bon, dans l'espoir de m'en faire une opinion, si possible plus juste et plus nuancée. Nuancée, comme vous le voyez, elle l'est puisque j'ai péniblement hissé ma notation de une à deux étoiles.



Deux étoiles et ce sera mon dernier prix car, malgré tout, je ne suis pas cliente de ce genre d'ouvrage. Tout d'abord quant au style. Alors, certes, la langue française y est admirablement maîtrisée, les accords sont excellents, la concordance des temps admirable et, je pense même que certains écrivains actuels plus chevronnés pourraient s'en inspirer tellement le français académique s'y épanouit dans toutes ses dimensions.



En outre, que c'est verbeux, que c'est sentencieux, que ça fourmille de maximes universelles creuses à souhait ! Quand un petit trou du cul de vingt ans fraîchement dépucelé vient m'expliquer en termes universels et définitifs ce que c'est que la vie, ce que c'est que l'amour, excusez-moi, mais ça me fait doucement rigoler.



Alors d'accord, cela s'appuie sur son expérience personnelle, d'accord cela relate un élément de tension sociétale (les hommes mariés partis à la guerre et le vide qui s'ensuit auprès des épouses) et une dimension émotionnelle et psychologique exacerbée (la naissance et l'épanouissement d'un premier amour physique) à une époque où les interdits sociaux étaient bien plus marqués qu'ils ne le sont à l'heure actuelle.



Mais cela dit… cela dit… euh… plus grand-chose à dire.



Au demeurant, pendant toute cette relecture, je n'ai pu me défaire d'une sensation désagréable de supériorité de l'auteur, de fausse modestie, de condescendance, le tout non dénué d'un certain mépris tant pour les femmes en général que pour celle auprès de laquelle il a vécu ce que tout jeune homme hétérosexuel rêve de vivre pour la première fois.



Sous des airs de grand rebelle aux conventions et exigences sclérosées imposées par la société, ce gamin nous fait sentir, nous glisse comme à l'oreille : « Regardez comme je suis précoce, regardez comme j'ai des grosses couilles, regardez comme j'envoie paître toute cette société. Regardez comme vous êtes niais de vous y plier. »



À aucun moment je n'ai ressenti qu'il témoigne de véritable empathie pour cette Marthe. Je n'y ai perçu qu'un ego, qui se développe, qui s'étale dans toute sa longueur ; ego de l'auteur à peine dissimulé sous le voile du narrateur.



Narrateur de seize ans qui rencontre une jeune femme de dix-neuf fraîchement mariée avec un homme parti au front durant la guerre de 1914. Cette manière de dandy collégien, fait le dur à expérimenter l'école buissonnière et quand Marthe lui est présentée, c'est plutôt en faisant la fine bouche qu'il daigne y porter un regard.



Puis, peu à peu, il finit par lui découvrir quelques charmes et s'étonne de constater qu'elle ne semble pas totalement hostile aux siens ni à ses avances de grand rebelle des collèges. Il faut dire qu'elle n'est vraisemblablement pas totalement éprise de son légitime époux dont on sent qu'elle a peut-être eu la main un tantinet forcée par les parents.



Puis la bobine se déroule, et l'auteur en fait des tonnes sur les fantastiques obstacles à surmonter, sur le carcan des interdits et du qu'en dira-t-on. De même, dans le final, alors même que les événements offrent une tension dramatique qui aurait pu donner cours à un vrai bon moment de littérature qui ne serait plus autocentré, Raymond Radiguet botte en touche, en termine avec son histoire tout comme j'en termine avec cette critique.



Ouais… bof, comme vous l'aurez deviné, je ne le relirai pas une troisième fois. Je m'étonne du succès de ce livre, probablement est-il sorti au bon moment, probablement l'auteur, bien que décédé jeune, avait-il eu le temps de nouer des contacts intéressants avec le monde littéraire ce qui lui a permis d'avoir une bonne publicité sans doute pas exagérément justifiée. Qu'en est-il de l'intérêt que présente ce livre aujourd'hui ? Là, ce sera à vous d'en décider, car, quoi qu'il en soit, ceci n'est qu'un avis, c'est-à-dire pas grand-chose.

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Le Diable au corps

Un grand cru… bouchonné par le temps.

Après la première guerre mondiale, un adolescent de 16 ans, Raymond Radiguet, dope le roman psychologique. Il est comparé à Rimbaud pour sa précocité littéraire et sa maturité d'analyse, à Belzébuth par les culs-bénits de l'époque.

Raymond Radiguet sèche le lycée pour vivre une liaison amoureuse avec une jeune femme mariée à un « poilu » parti au front. Au front, l'adolescent, imberbe, va préférer le reste du corps. Cette aventure va lui inspirer la trame du roman, paru en 1923.

Dans sa fausse confession, l'auteur pousse les deux amants à brûler les lettres du soldat à sa Marthe de femme et celle-ci finit par tomber enceinte, plus par inadvertance que par l'immaculée conception. Dans le village, cette liaison fait grand bruit et le désespoir des parents.

Près d'un siècle plus tard, difficile d'avoir les joues en feu (autre titre de l'auteur) ou d'appeler à la censure après cette mièvre lecture. L'adolescent souffle ses 16 bougies et l'épouse dévergondée a 19 ans. Ce n'est même pas sa prof... La plume est chaste, la prose classique, les ébats restent sous les draps et le scandale ne dépasse pas les limites du raisonnable. La liaison n'est pas dangereuse.

Alors que l'auteur décrit avec une belle lucidité les émois adolescents, dont le manque de mesure n'a d'égal que le caractère périssable, le mari trompé ne fait que de la figuration dans le roman. Il n'est pas invité et reste ignorant de l'infidélité de son épouse. le bon bougre ne s'interrogera même pas sur la durée de grossesse de Marthe, incompatible avec ses rares permissions. A la guerre, il comptait les jours, pas les mois. Pas de scène où le mari apprend dans les tranchées par courrier la liaison de sa femme et se jette de désespoir en première ligne, en martyre de la nation. le roman se concentre uniquement sur cette passion amoureuse. En période de rut, le monde n'existe pas.

Après une vie de bohème, Radiguet mourra de la typhoïde à l'âge de 20 ans. Un génie adolescent.

Une fois n'est pas coutume et deux plagiat, je peux dire que j'ai préféré le film au roman. Pas la version pourtant réussie de Claude Autant Lara avec Gérard Philippe et Micheline Presle. Ne sois pas hypocrite, ODP, je parle de l'adaptation torride italienne de Marco Bellochio sortie en 1986 avec la prestation de Marushka Detmers qui laissait bouche bée.... J'étais adolescent.

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Le Diable au corps

Tout de même ! Quel magnifique titre tentateur ! le Diable au corps. Fallait trouver...

Et puis l'incipit, quel incipit ! Je vous le partage pour le plaisir...

« Je vais encourir bien des reproches. Mais qu'y puis-je? Est-ce ma faute si j'eus douze ans quelques mois avant la déclaration de la guerre? Sans doute, les troubles qui me vinrent de cette période extraordinaire furent d'une sorte qu'on n'éprouve jamais à cet âge ; mais comme il n'existe rien d'assez fort pour nous vieillir malgré les apparences, c'est en enfant que je devais me conduire dans une aventure où déjà un homme eût éprouvé de l'embarras. Je ne suis pas le seul. Et mes camarades garderont de cette époque un souvenir qui n'est pas celui de leurs aînés. Que ceux déjà qui m'en veulent se représentent ce que fut la guerre pour tant de très jeunes garçons : quatre ans de grandes vacances. »

Il y a une désinvolture et une lucidité sur cet adolescent qui regarde de loin la guerre commencer.

Longtemps le Diable au corps fut pour moi une révélation. Révélation de la littérature, révélation sensuelle de l'adolescent que je fus à la découverte de ce roman vers l'âge de quinze ans, c'est-à-dire à l'âge du narrateur au début de l'histoire, mais surtout l'âge où l'écrivain Raymond Radiguet commença d'écrire ce roman...

La lecture de ce roman offert par mon meilleur ami de l'époque fut, non pas un acte fondateur, n'exagérons pas, mais un instant important. Bref ! J'avais adoré ce roman, mon premier grand coup de coeur littéraire. Pourquoi ? Pour un tas de raisons, le cadeau d'un ami tout d'abord, le récit ensuite, son côté provoquant, sulfureux, l'histoire d'amour portée par ce récit, le personnage principal qui avait mon âge et que j'enviais dans son audace, même si plus tard il m'a agacé, le côté anarchiste, le pied-de-nez ou le bras d'honneur, prenez le comme il vous vient, à l'armée, à l'ordre, au conformisme... Longtemps j'ai aimé ce texte pour tout cela.

Vous connaissez l'histoire ? Je vous la rappelle vite fait ?

Durant la première guerre mondiale, le narrateur s'éprend d'une jeune femme, Marthe, dont l'époux, Jacques, est au front. L'amour fou, absolu qui unit les deux amants, constitue l'ossature du roman.

Affront à la morale bourgeoise, affront à la mémoire des anciens combattants, l'oeuvre a connu un très grand succès mais a suscité la polémique : divisant pratiquement la France en deux.

Très peu d'années après ma première lecture, peut-être seulement deux ans après, j'avais lamentablement échoué au bac de français. En classe de terminale, je m'étais inscrit de manière optionnelle à un cours de français, afin de parfaire cette matière et de rattraper ma note déplorable.

Le professeur, un jeune professeur un peu dandy dont tous les élèves se moquaient après les cours, avait invité ses élèves à présenter un coup de coeur littéraire. Et j'eus l'idée de présenter le Diable au corps. Pour étayer mon choix, mon propos, j'eus l'idée de lire un ou deux passages. Je pense que le premier passage était ce premier baiser entre les amants devant la cheminée où les flammes de l'âtre jouaient un décor haletant, les lèvres des deux amants s'approchaient comme deux aimants.... le second extrait était plus charnel... J'y avais vu des mots qui exprimaient selon moi quelque chose d'érotique....

Et là ce fut pour moi un grand moment de solitude. J'avais commencé par présenter le roman, son contexte sulfureux, à scandale, j'avais tenté de chauffer la salle et lorsque j'ai lu ces deux passages dont je pensais qu'ils allaient emporter le public par leur incandescence, ce fut à la fois un flop et une volée de ricanements, j'étais la risée de la classe... Certes j'étais moins précoce que l'auteur et cela devait se voir sur mon visage pourpre qui suppliait le ciel de le déniaiser à la seconde même... La bienveillance du professeur fut exemplaire et me sauva de ce marigot.

C'est là que j'ai compris que l'érotisme de ce roman était plutôt digne de figurer dans la Bibliothèque Rose.

Cela dit, aujourd'hui, avec une quarantaine d'années de recul, et en ayant tout de même relu ce roman tout récemment avec le regard de mon âge, je reconnais que le texte a un peu vieilli. Pourtant, les phrases demeurent magnifiques. Pourtant je trouve ce roman formidable.

Je sais l'importance de ce texte pour moi, que je ne renierai pour rien au monde... Je sais la distance que j'y ai mis plus tard, comme un vieil ami qu'on quitte et puis qu'on retrouve. Triste mais heureux...

Je voulais vous partager ce soir cette tristesse et ce bonheur.

Près de cent ans après, je me suis demandé d'où venait le scandale suscité par un tel récit. Ce fut, parait-il, l'un des grands scandales littéraires de l'entre-deux-guerres.

J'y ai vu quatre endroits où tout ceci serait bien cocasse aujourd'hui. En 1923 date de parution du roman, la France se remet à peine de la première guerre mondiale, et voilà une histoire d'amour passionnelle, avec des scènes "torrides" pour l'époque, je précise bien pour l'époque (première raison), pendant la guerre (deuxième raison), d'un adolescent avec une femme mariée, cela dit ils ont à peine trois ans de différence d'âge (troisième raison), mariée à un soldat qui combat sur le front pendant que les amants se donnent du plaisir (quatrième raison). Stop ! N'en rajoutez plus !

Le narrateur se sait veule, égoïste, lâche et audacieux, autoritaire, il se sait le maître dominant d'une Marthe docile. Ce dernier point m'a totalement révolté, dernier point que j'ai seulement vu à la troisième lecture, comme quoi... tandis que pour le reste, cela ne me dérangeait pas. Je m'en veux.

Le livre est épris d'une beauté formelle, l'audace est simple dans le style et les idées, c'est ailleurs qu'il faut trouver la révolte et le chamboulement.

Voici une image de l'arrière du front dont il y a peut-être si peu de littérature. Peu de texte ose parler peut-être de manière aussi forte du désir physique qui manque durant ces quatre années de guerre. Pendant ces quatre ans, des femmes jeunes voient progressivement des hommes revenir du front, blessés, amputés, totalement invalides... Certains meurent... C'est peut-être le moins pire... Ce sont des femmes seules, dont la guerre a enlevé le désir, ou peut-être l'a simplement éloigné.

Raymond Radiguet était précoce dans le génie, il le fut dans une mort venant sceller une vie fulgurante. Il fut célébré comme un mythe par une génération de la guerre qui n'avait pas fait la guerre, mais que la guerre a profondément marqué.

Est-ce le personnage de l'adolescent oisif qui dérange l'ordre moral, ou bien la femme infidèle qui cristallise le déshonneur de la France ?

Aujourd'hui, ayant lu et relu le texte et d'autres propos tout autour, je l'admire et en même temps je le tiens à distance.

Je ne crois pas que l'ouvrage ait eu pour objet d'offenser les soldats au front. Je ne crois pas non plus qu'il faille y voir un plaidoyer pacifiste contre la guerre. L'auteur était totalement à côté de cela. C'est vrai, plus tard dans les années soixante-dix, nous avons lu des propos qui pourraient récupérer le roman : « Faites l'amour, pas la guerre ! » ou bien celui-ci anarchiste et bien plus provoquant : « Vivement la guerre qu'on baise les veuves ! ». Bousculer la morale bourgeoise de l'époque, ça oui !

En dehors de quelques anciens combattants, ils sont finalement peu nombreux à s'indigner de cette histoire d'adultère entre un lycéen et l'épouse d'un soldat combattant dans les tranchées.

Non, ce qui scandalisa l'opinion publique, c'est peut-être le fait que cette histoire n'était pas sortie de l'imaginaire dun jeune écrivain precoce, mais tout simplement de sa propre expérience vécue...

Contrairement à certaines critiques, à ma troisième lecture, je serai plus indulgent, c'est un grand morceau de littérature notamment dans la manière du narrateur d'approcher Marthe, de la séduire, de découvrir qu'il l'aime plus tard, bien plus tard...

Il me reste la voix d'un texte qui est à la fois presque antique pour moi, réel, profondément actuel.
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Le Diable au corps

Raymond Radiguet (1903-1923), mort d'une fièvre typhoïde, a marqué la littérature par son œuvre. Talent très précoce, il n'a pu écrire que deux livres : Le Diable au corps et le Bal du comte d'Orgel. On pense que Le Diable au corps n'est pas strictement autobiographique mais fortement inspiré de son expérience. La langue de l'auteur est remarquable par sa finesse et sa rigueur, tout est beau et poétique. Nous suivons la découverte de l'amour fou par un jeune homme doué à l'école mais doté de nombreux défauts ; il est égoïste, manipulateur et capricieux. Il rencontre Marthe, son ainée de trois ans, dont il tombe follement amoureux mais la jeune femme est mariée à Jacques, un homme parti au front. Les personnages sont attachants, l'histoire nous tient en haleine jusqu'à la dernière page car nous avons envie d'avoir le dernier mot sur l'histoire de ces deux jeunes tourtereaux. Au début de l'histoire, j'avais peur que la guerre soit trop pesante mais j'ai vite été rassurée en voyant qu'elle n'était là que pour mettre en place le contexte. On suit un amour grandissant, fusionnel et passionnel, de deux très jeunes gens, à une époque où tout est interdit. Ce roman admirable est doté de l'insouciance de faire le mal qui a permis à Radiguet de traverser les années. Un prodige parti trop tôt qui aurait pu nous offrir une œuvre magistrale grâce à son ambition et son talent à nous décrire l'amour comme s'il avait vécu.
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Le Diable au corps



Comme dans le Blé en herbe, écrit la même année, 1923, et comme lui présentant des amours adolescentes balbutiantes avec des femmes plus âgées, comme lui, aussi, ce travail de la chair se mariant avec la muflerie des jeunes hommes, le Diable au corps a fait scandale.

Radiguet avait envisagé, ironie de l’histoire, intituler son roman : Le blé en herbe, ou bien : Le cœur acide.

Acide, puisqu’il est question du feu de l’enfer qui possède le narrateur, sans que son égoïsme enfantin s’en trouve amoindri : « le bonheur est égoïste », conclut-il après avoir prêté « Une saison en enfer » à Marthe.

Ce feu intérieur est échauffé de plus par la cheminée, devant laquelle Marthe s’allonge, alanguie, audacieuse, s’accrochant à lui « son visage est entouré de flammes. C’était jouer avec le feu ».

« Dans ce feu, je grelotais, je claquais des dents » ajoute le héros (héros malgré lui, prétend-il, et pourtant !!!). Dans le feu, elle brûle les lettres du mari, car Marthe est mariée… à un soldat puisque l’action se passe pendant la guerre de 14.

D’où le scandale : il suffirait de partir à la guerre pour être cocu.

Pour le narrateur, ce sont de grandes vacances, puisqu’il a douze ans en 1914, et seize à la fin du roman. Même si Marthe n’a que quelques années de plus, lui est un enfant, apeuré, capricieux, passant de « polissonneries » à « premières incartades », jouant à faire l’homme, mortifié de n’être qu’un enfant, boudant, jaloux du monde des adultes dont fait partie sa maitresse, qui fait tout pour le consoler.

Mal, d’ailleurs, puisqu’elle imagine le futur : « Je pleure, parce que je suis trop vieille pour toi ! »

Lui, en la rencontrant, non seulement lui conseille de se coiffer autrement, mais en plus, il pense à sa mère à elle, et prie Dieu de ne pas la voir quand elle sera bien vieille.

Et il en rajoute : « J’étais trop sensible à la jeunesse pour ne pas envisager que je me détacherais de Marthe, le jour où sa jeunesse se fanerait, et que s’épanouirait la mienne. »

Charmant, ce jeune homme, qui ment à ses parents puisqu’il est ado, à sa maitresse, puisqu’ainsi il faut bien l’appeler, à son meilleur ami, aussi.

Jaloux, de plus, de ce soldat parti au front, or là, il n’a pas tout à fait tort : je soupçonne Radiguet d’avoir mis en scène un jeune perdu, comme son narrateur qu’il ne nomme pas, confronté à la duplicité des femmes, ah, les femmes ! menteuses et dragueuses !

Devant ce carnage, l’enfant est bien obligé de constater qu’il a encore fort à faire pour devenir un homme, et que la « préséance » choque les voisins vu que leurs ébats sont connus, ainsi que la différence d’âge !

Lorsque je dis jeune perdu, je veux exactement marquer comment il reproche à Marthe les concessions qu’elle a accepté de faire pour lui, comment il hésite à céder à ses sentiments à lui, , comment il aurait en toute mauvaise foi, préféré qu’elle lui résiste, au lieu de se conduire en esclave, comment ce qu’il a exigé qu’elle fasse par amour le hérisse.

Pédophilie féminine, comme dans le Blé en herbe, vue par un enfant qui « demande la lune », et dont le père pense à poursuivre la responsable pour détournement de mineur.

Écrit par un jeune, ce roman, trouble, cruel, reconnaissant sa lâcheté «  éreinté par les mille contradictions de mon âge aux prises avec une aventure d’homme. »

Et pourtant, malgré le tableau navrant de ce petit goujat, un roman intéressant par ses analyses et les méandres du cœur.

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Le Diable au corps

Il y a une certaine aura autour de ce livre. On en entend parler bien avant de le lire. La précocité de l'auteur y est pour beaucoup, son décès prématuré également, l'effet étoile filante. Mais il y a aussi et surtout un parfum de scandale. Faisant souvent le maximum... pour en savoir le moins possible sur les livres que je n'ai pas encore lu, j'avais l'idée confuse d'une relation entre un très jeune garçon et une femme plus vieille, une sorte de Blé en herbe bis (deux livres publiés à la même époque d'ailleurs).





Finalement, la différence d'âge est minime (puisque Marthe n'a que 19 ans), même si la jeunesse du héros-narrateur est réelle (15-16 ans). C'est finalement le fait que le "cocu" soit un soldat parti à la guerre qui a beaucoup plus contribué à choquer les contemporains, alors que la Grande Guerre était encore toute proche. Et le fait que le narrateur et l'écrivain soient si proches en âge ne peut que faire penser à un récit profondément autobiographique... ce qui a du même coup dû encore plus choquer !





Cet effet provocateur se ressent tout au long du récit, la jeunesse aussi. L'auteur-narrateur veut prouver à tout le monde qu'il est bien le diable du titre, il se montre très souvent cruel, inconstant et par la même inconsistant. Le style est finalement assez académique, plus emprunté au XIXème qu'à son époque. Les innovations de style ne manquaient pas ces années là, quand on songe par exemple à l'Ulysse de Joyce, publié à Paris en 1922, mais Radiguet reste plus attaché à une tradition française classique. On note régulièrement un sens certain de la formule pour décrire les atermoiements de l'amour passionnel, les hésitations de la jeunesse qui découvre la chair et le sentiment dans la même histoire.





Le récit est court, mené très rapidement. On ira pas jusqu'à dire bâclé, quoique le dénouement soit hallucinant de brutalité, alors que certains développements du milieu de livre semblent répétitifs et auraient pu être raccourcis. Il se dégage de l'ensemble un côté bravache, démonstratif, un auteur qui veut montrer qu'il en a sous le capot et qui fait vrombir le moteur mais semble avoir du mal à gérer l'embrayage.
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Le Diable au corps

"Notre bonheur était un château de sable" confie François, adolescent surdoué, qui relate sa relation passionnelle avec Marthe de deux ans son ainée, mais fiancée puis mariée donc coupable d'adultère.

Oh, pas pour le mari, cocu trop crédule parti au front, qui croit dur comme fer en la chasteté de son épouse et en devient pitoyable de tant de crédulité.

Mais pour tous les autres: parents trop faibles fermant les yeux sur leurs frasques puis s'alarmant qu'un bâtard voie le jour, voisins bourgeois choqués d'ébats plus que sonores au dessus de leurs prudes têtes, amis s'éloignant pour éviter toute compromission.

Raymond Radiguet, enfant prodige lui même, dont la fulgurante intelligence n'eut d'égale que la mort précoce, dépeint avec justesse Le diable au corps, cette attirance plus forte que tout qui mène à l'insouciance et à l'inconscience, sans innocence aucune; cette sensualité teintée d'érotisme mais à l'opposé du trop osé ou trop cru L'amant de Lady Chatterley.

Le lecteur retrouve ici l'écriture flamboyante et l'analyse psychologique très fine de Le bal du comte d'Orgel.

Mais le couple formé dans Le diable au corps puise sa force dans une relation de soumission-domination complètement différente.

Lui est manipulateur, narcissique, jaloux,lâche, cynique, pervers, susceptible, orgueilleux, veule, possessif,fanfaron, infidèle,provocateur...

Elle est femme-enfant,maternelle,douce,soumise,inquiète,rouée,capricieuse,comédienne,

bourgeoise...

Et ça marche, le lecteur se prend au jeu car c'est un jeu d'enfants qui font l'école buissonnière, faisant fi du monde d'adultes qui les entoure que Raymond Radiguet nous donne à voir de main de maître.

L'auteur évoque lui même Daphnis et Chloé, ce roman grec d'un certain Longus où deux adolescents trouvent l'amour. On peut penser également à Colette avec Le blé en herbe car François sait marquer de ses morsures la blanche peau de Marthe comme un chat joue à la souris.

Mais le fait qu'elle soit mariée, infidèle et menteuse la place sur un autre registre, celui de la passion explosive qui met le feu aux poudres et balaye tout sur son passage jusqu'à la mort.

On ne peut se réjouir comme Jean Cocteau d'avoir connu l' écrivain précoce que fut Raymond Radiguet, même si l'amour prend chez lui une connotation tragique, et se demander s'il eut l'intuition de sa propre mort lorsqu'il écrivit: "un homme désordonné qui va mourir ne s'en doute pas met soudain de l'ordre autour de lui.Sa vie change...Aussi sa mort brutale semble-telle d'autant plus injuste.Il allait vivre heureux".

Son oeuvre fut courte, mais quelle oeuvre!
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Le Bal du comte d'Orgel

J’ai beaucoup entendu parler de Radiguet avant de l’avoir lu et ce que j’entendais m’intriguait beaucoup. Cet homme aurait réussi, avant de décéder alors qu’il avait à peine vingt ans, à écrire quelques livres d’une exceptionnelle maturité psychologique, en usant d’un style lapidaire et précis. Je me demandais si les qualités d’écrivain de Radiguet n’étaient pas un peu surfaites en fonction de son destin tragique et fulgurant.

Ma curiosité s’est donc lentement aiguisée sur l’anomalie temporelle que Radiguet constitue dans le monde restreint des grands écrivains jusqu’à ce qu’un petit espace se dégage au travers de mes nombreuses lectures. Elle s’est alors abattue avec avidité sur cette petite plaquette contenant la moitié de son œuvre romanesque et a rencontré si peu de résistance que tout l’espace temps dont j’aurais disposé y a été irrésistiblement absorbé pour quelques heures. C’est indéniable, cette histoire de cœur a su faire résonner les rouages de ma constitution pneumatique à un train infernal et cela pour de multiples raisons.

Premièrement, le petit monde de la mondanité, où se déroule la trame narrative, nous est bien vite rendu familier en même temps que les personnages clés du roman.

Ensuite, le cercle relationnel qui unit les personnages principaux est vraiment très bien montré. Cette histoire de cœur se déploie en effet d’abord dans une sorte de huit clos sartrien, où chacun aime celui qui ne l’aime pas. Mahaut, qui est une sorte de Virginie, aime en effet passionnément son mari, le compte, aristocrate peut-être inspiré du Baron de Charlus, qui ne l’aime pas d’un même amour, ce dernier aimant plutôt François, sans trop savoir pourquoi au départ, tandis que François, personnage classique de semi-parvenu, aime Mahaut. Le maléfice du huis clos sartrien est toutefois étouffé dans l’œuf puisque le triangle des amours fonctionne simultanément par personnages interposés : Mahaut apprécie François puisqu’elle aime le compte et que le compte apprécie François; le compte aime François puisque ce dernier aime Mahaut et lui fait donc apprécier la valeur de sa femme et enfin, François aime le compte puisqu’il est aimé de Mahaut et que son amour veut le bonheur de son aimée.

D’autre part, l’aspect psychologique du roman est très bien monté. Procédant comme si il voulait démontrer, en dehors de l’horizon religieux, le principe pascalien selon lequel le cœur a ses raisons que la raison ne saurait voir, Radiguet pose la réalité ontologique de l’amour dans les ombres de l’inconscience. Ces personnages ignorent qu’ils aiment et agissent d’une manière qui constitue d’abord un mystère pour leurs consciences propres.

« L’histoire de cœur », pourtant fort complexe, est ainsi très clairement présentée au lecteur comme destin s’imposant à partir des profondeurs de leurs inconscients respectifs, de leurs « mondanités » au sens de l’ « être-dans-le-monde » heideggérien. Dans ce roman, la vérité des êtres est toute sous-terraine, les consciences servent de réceptacle à l’actualisation des êtres déjà prédéterminés, les actions des personnages suivent plutôt les ordres de déterminismes inconscients et sont d’ailleurs perçues rétrospectivement comme mystérieuses par les personnages eux-mêmes : « Vivre un conte de fées n’étonne pas. Son souvenir seul nous en fait découvrir le merveilleux. » (25)

La situation du roman aboutie en effet lorsque l’amour arrive au niveau de la conscience des personnages. C’est donc à force de gestes inexplicables et obscures que la lumière finit par se faire, que l’amour se révèle comme une évidence aux différents personnages, le cas le plus intéressant, à mon avis, étant celui de l’amour que Mahaut finit par avoir pour François.

C’est, en effet, lorsque Mahaut réaliste l’insouciance du compte à son endroit qu’elle se tourne vers François en s’en déclarant intérieurement amoureuse. C’est l’énonciation interne d’un amour qui n’a rien de vrai, en dehors d’une protection psychologique face à l’affront que constitue le dédain du compte pour son amour, qui tient lieu de cet amour, qui actualise cette possibilité abstraitement, sans que François en soit la cause directe et concrète. François sera aimé par Mahaut comme une pure idée protectrice, un cataplasme devenu essentiel pour arrêter une hémorragie de cœur qui aurait pu être mortelle. C’est un véritable « amour » de survie. Le phénomène est peut-être plus répandu qu’on pourrait le croire dans les histoires de cœurs de l’humanité féminine quand on y pense, mais l’exposer aussi brillamment constitue, à mon avis, un exploit tout à fait admirable.

Bref, dans ce monde mondain, où les affaires de cœur sont beaucoup trop profondes pour prendre une place importante, où l’on vogue dans les profondeurs brumeuse de l’inconscient et où Mahaut vit en étrangère sans le savoir, cet « amour », pour François, ne tardera pas à devenir officiel. Le compte d’Orgel n’y trouvera évidemment aucune raison de s’émouvoir, de même qu’il n’a aucun scrupule moral dans ses propres infidélités, qu’il accomplie d’ailleurs exclusivement en fonction d’impératifs mondains.

Il faut être dénué complètement de passion pour pouvoir dominer parfaitement son objet et ce détachement absolu ne devient possible que si on l’a d’abord expérimenté. Or, les rouages de l’amour sont si élégamment et finement présentés au lecteur, dans un amalgame tellement maîtrisé de profondeur et d’ironie qu’il faut se rendre à l’évidence : tout cela tient assurément du prodige, d’un très jeune prodige d’à peine vingt ans.

Au moins sur le plan de l’amour, Baudelaire semble donc bien avoir eu raison de dire que l’homme est un enfant égaré. Toutes les possibilités sont bien présentes dans cette œuvre génialement juvénile. Aucun égarement d’actualisation ne vient gâcher la pureté du portrait.

On trouve ainsi, en apparence, autant de maturité qu’on pourrait en trouver dans le serein dégrisement envers le vivant qu’apporte avec elle le lent déploiement de la sénescence. Et pourtant, il ne faut pas s’y tromper, si Radiguet est génial, il demeure un très jeune écrivain qui s’amuse à un exercice dont la cruelle perfection fait voir un jeune homme brillant qui a encore l’illusion de tout comprendre.
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Le Diable au corps

Le diable au corps est un roman que j'ai commencé à reculons et au final je suis plutôt contente de l'avoir découvert.



Le jeune héros de 16 ans, François, est ce que je résumerai par l'expression "une tête à claques". Sûr de lui, prétentieux, arrogant, manipulateur, orgueilleux, cynique, fanfaron, infidèle, susceptible, lâche, jaloux et j'en passe. Un vrai petit con. François a jeté son dévolu sur la jeune Marthe 19 ans qui est fiancée à un soldat. François a décidé de se faire aimer de la jeune femme et tant pis pour le mari parti au front.

Une relation va bientôt naître et se transformer en passion. Et c'est là que j'ai commencé à aimer l'histoire car notre François est tombé dans son propre piège. Il est tombé amoureux de Marthe.



Seulement on est en 1914. Les voisins ne se gênent pas pour montrer leur désapprobation. J'ai essayé de lire le roman comme si je vivais à cette époque et j'ai pu facilement me représenter le scandale: l'adultère d'abord et puis en plus tromper un mari parti défendre la patrie ! Ca ne se fait pas !



Une relation possible grâce à l'insouciance et l'inconscience des deux jeunes gens qui ont occulté tout ce qui n'est pas leur couple. Le diable au corps laissait présager une histoire plus torride. En définitive, elle reste sage et laisse le lecteur imaginer les amours de François et de Marthe. Cette retenue m'a un peu gênée car j'ai eu un peu de mal à sentir la passion entre les deux jeunes gens. J'aurais aimé m'enflammer.



Un auteur parti bien trop tôt mais qui aura laisser son empreinte dans le temps. C'est déjà pas si mal.















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Le Diable au corps



La guerre de 1914 a éclaté. Un jeune prodige inscrit au lycée Henri-IV déserte sa classe après avoir rencontré la jeune Marthe, mariée à Jacques, un soldat parti au front. Le garçon a à peine 16 ans, Marthe à peine 19 ans. Les deux enfants s’aiment follement. Marthe surtout est amoureuse et sincère. Pour le jeune narrateur, les choses sont différentes. « Manquer la classe voulait dire, selon moi, que j’étais amoureux de Marthe. Je me trompais. Marthe ne m’était que le prétexte de cette école buissonnière. » (p. 45) Le narrateur est avide de liberté. Il piaffe d’être un homme et s’engage à corps perdu dans cette relation adultérine.



Face au mari de Marthe, le garçon éprouve des sentiments ambivalents, entre haine et remords. La liaison entre lui et Marthe est bénie par la guerre, mais les deux amants savent que la paix détruira leur bonheur coupable. « L’amour, qui est l’égoïsme à deux, sacrifie tout à soi, et vit de mensonges. » (p. 69) Marthe est prête à tout sacrifier pour son jeune amour, mais le garçon est moins engagé qu’elle tout en exigeant les plus grandes preuves de la fidélité de sa maîtresse. Dans cette âpre éducation sentimentale, l’adolescent fait ses premières armes d’adulte. « Décidément, j’avais encore fort à faire pour devenir un homme. » (p. 79)



Ce récit est ouvertement autobiographique. Je l’avais lu quand j’étais adolescente et je l’avais trouvé exaltant. Cette fois, je me suis ennuyée et j’ai éprouvé un agacement sans fin pour le narrateur/auteur. Ce blanc-bec se moque de tout, qu’il s’agisse de l’honneur de sa maîtresse ou de l’avis de ses aînés. Être précoce, pourquoi pas, mais ça n’empêche pas d’être poli, non mais !



Le roman de Radiguet m’a rappelé les classiques du genre, tel que Le lys de la vallée de Balzac, Le rouge et le noir de Stendhal, L’éducation sentimentale de Flaubert ou encore Adolphe de Benjamin Constant. Décidément, je ne suis pas très sensible aux errements amoureux des godelureaux en mal d’amour.

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Le Bal du comte d'Orgel

L'amour coup de foudre, mais l'amour interdit.

L'amour inavoué, inavouable.

L'amour que chacun croit non partagé.

L’amour étrange encore, qui ne peut se laisser deviner, comme un jeu, qu’en présence du mari.

L'amour avoué enfin mais que les conventions et la peur du scandale étoufferont au risque de le voir s'épanouir.

Voici sans conteste, un texte nettement romantique, au style agréable à lire.

Et comme dans le diable au corps, un leitmotiv : ce besoin maladif de l’amant d'aimer le mari de sa maîtresse.

Ce second et dernier roman de Raymond Radiguet, écrit alors qu’il n’avait pas vingt ans et qu’il devait mourir avant même sa publication, m’a laissé ce goût subtil de la nostalgie, de l’errance de l’esprit comme « le diable au corps » et comme tous ces grands textes romantiques que j’aime tant.

Serais-je une midinette ?

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Le Diable au corps

Les romans que je lis « pour la culture générale » sont souvent des coups de cœur. Et pour cause, ce n’est pas pour rien que ces derniers ont traversé les décennies ! Il y a nécessairement une bonne raison, que cette fois-ci malheureusement je n’ai pas trouvée, et je me suis plus trainée qu’autre chose le long de ces quelques 150 pages.

Certes, outre la qualité de l’écriture (qualité plus technique que stylistique d’ailleurs, la plume de Radiguet m’a impressionnée mais pas fait vibrer), il y a matière au début du livre à s’ébaudir devant le culot de ce tout jeune auteur, qui, non content d’asséner en 1920 que la première guerre mondiale, ce furent de grandes vacances, enfonce un à un tous les tabous de cette époque corsetée : école buissonnière, non respect du père, amours pré-maritales, adultère, et un bébé par là-dessus sur le dos du mari poilu.

Gonflé, mais pas assez pour que l’on s’attache au héros narrateur, tant il en fait des caisses dans le registre petit con prétentieux, égotiste et sentencieux, amant irascible et machiste désuet ; un ado de l’époque en somme, un peu plus déluré que les autres.

N’étant portée ni sur les romans ados, ni sur l’autofiction, je n’ai pas adhéré, et ne serai donc pas parvenue à me prosterner devant l’icône grunge, toute adulée de Cocteau et morte à 20 ans qu’elle est.

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Le Bal du comte d'Orgel

Après la lecture de La Princesse de Clèves, il m'était impossible de ne pas lire Le Bal du Comte d'Orgel, de Raymond Radiguet ! L'histoire est à peu près semblable : un couple fait face à l'amour de la femme pour un ami de la famille; ici les personnages sont aussi nobles, Mr. Anne d'Orgel, et sa femme, Mahaut font la connaissance de François de Séryeuses, un jeune étudiant. Pour François, c'est immédiatement le coup de foudre. Mais le jeune homme ne veut pas admettre ses sentiments, surtout pour une femme si fidèle et chaste.

Mme d'Orgel, de son côté, fait beaucoup penser à Mme de Clèves, passionnément amoureuse d'un autre homme, mais qui, par vertu, reste fidèle à son époux...Toutefois, ces deux histoires se différencient de par leur époque, respectivement XVIème et XXème siècle, donc la vision d'une infidélité ne serait pas la même !



J'ai beaucoup aimé ce court roman, tout comme l'écriture si talentueuse du jeune prodige Raymond Radiguet, qui écrivit cette merveille à vingt ans seulement, l'âge de François dans le roman. Les personnages m'ont beaucoup plus, de François à Mirza en passant par M. et Mme d'Orgel ; tout comme l'impression qui se dégage de ce roman, très agréable et qui m'a conquise...



Bref, encore une fois, un très bon moment de lecture, et un roman que je relirais avec grand plaisir !



A lire !!
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Le diable au corps - Le bal du comte d'Orgel

Cet ouvrage m'aura étonné du début à la fin :



Par la modernité du thème qui a dû choquer au début du XX ème siècle ; au sortir de la grande guerre. J'imagine le côté guindé des moeurs, des habits, des moralités de l'époque – nous ne sommes pas encore dans les années folles - , et là il est question de liberté, de nudité, d'atteinte aux bonnes moeurs, d'adultère.



Par la pertinence de l'auteur âgé de 18 ans, sa « maturité ».

Je mets des guillemets car s'il fait référence à la maturité de son personnage, je pense que cent ans après cela peut être largement jugé comme sexiste, misogyne, machiste, tyrannique, jaloux, bref totalement immature. Mais il faut se remettre à l'époque et là, oui, quelle maturité.



Par l'éloignement de la guerre. L'action se passe en 1917 et cette guerre qui faisait des millions de victimes semble loin, si peu terrifiante. comme une période de grandes vacances pour ce jeune homme de 14 ans.



Par l'élégance de la langue que l'on pourrait jugée datée, maniérée ; mais qui est juste belle, sans tic, sans anglicisme, sans expressions isomorphiques, sans trivialité



Par l'usage de l'imparfait du subjonctif qui pû me choquer mais qui jamais ne le fît.



Par la concision des paragraphes qui rend la lecture rapide et entrainante.



Par la puissance de certains aphorismes de l'auteur



Par l'absence de sentiments véritables. L'amour dont il est question m'a parut bien froid, exclusivement hormonal ; ce que le titre choisi par Raymond Radiguet semblerait attester : juste le diable au corps



Et par l'excipit qui clôt brutalement le récit et « L'ordre, à la longue, se remet de lui-même autour des choses »



Un livre étourdissant et que je ne manquerai pas de reprendre un jour ou l'autre.



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Le diable au corps - Le bal du comte d'Orgel

Ma situation est, pour citer l'auteur lui-même la suivante : "ce qui est trop simple à dire, on n'arrive pas à l'énoncer clairement". Je devrais donc vous annoncer, sans plus tarder, mon plaisir de lecture, malgré un rythme de la narration qui ralentit par moments. Je suis arrivé(e) à cette lecture grâce à un auteur roumain de la même époque, Anton Holban. Celui-ci, dans sa nouvelle "Prélude sentimental", non encore traduite en français à ma connaissance, explore les ressorts et les paradoxes de l'amour. Son narrateur affirme n'avoir ressenti le bonheur parfait qu'à l'écoute du quartet Op. n°127 de Beethoven, mais surtout il offre à son amoureuse Le Bal du Comte d'Orgel qu'il qualifie de "livre subtil, écrit probablement sous l'obsession de Dominique". L'histoire des "sentiments interdits" (le syntagme revient plusieurs fois dans le roman) entre Mahaut (Mme. d'Orgel) et François de Séryeuse est, en effet, une fine analyse psychologique écrite en un style sobre je dirais, mais d'époque. Le charme est désuet, mais il opère, comme ce "charme slave", la seule chose dont peut encore se vanter le prince Naroumof.

Je cite encore un passage sur l'idée de bonheur (parfait ?) : "François de Séryeuse se laissait porter par la sérénité des lieux, comme le nageur qui fait la planche. Tout ne s'attachait-il pas à lui donner des leçons de calme ?"

Cela me fait penser aussi à l'image de fin du film de Mathieu Almaric, "Le stade de Wimbledon" (1997) où, Jeanne Balibar, si je ne m'abuse, fait la planche. Il ne me reste naturellement plus à présent qu'à me plonger dans la lecture du "Diable au corps".
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Le Bal du comte d'Orgel

Le bal du comte d’Orgel est un petit bijou de subtilité et de justesse.

Les non-dits ont tellement de force dans la communication que leurs silences hurlent dans votre crâne pendant des minutes qui s’éternisent. Suspendu à des lèvres, le silence résonne comme un écho destructeur qui s’amplifie jusqu’à l’implosion du sujet. Ce roman est si pertinent dans la description de l’âme humaine qu’on peut aisément s’identifier et revivre des moments difficiles, des moments où l’on passe à côté de l’autre et de son message. Voire on tombe dans un pur paradoxe, quoi que l’on fasse cela sera sujet à caution. Dans les détours d’une hésitation, d’une respiration qui suspend la venue d’une réponse, l’interprétation valable à un instant peut être chamboulée, faussée ou confirmée et imprime une marque indélébile pour qui vit dans cet attendrissement des sens. Et c’est ce que ressent Mahaut, madame d’Orgel, d’autant plus fort quand elle découvre son amour pour cet homme, entré dans son cercle relationnel par l’entremise de son mari, flatté de jouer avec les sentiments des autres, lui qui ne savait qu’exprimer ce qui ne le touchait pas. Que l’on «est malhabile en face d'un incrédule.» Un triangle amoureux pénétrant.
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Le Diable au corps

Ecrit cinq ans après la grande guerre, ce récit d’une liaison entre un adolescent de 16 ans et une jeune femme marié à un soldat se battant au front avait de quoi choquer et fit scandale lors de sa parution.

Ajoutons à cela que l’auteur âgé de 17 ans entretenait une liaison amoureuse avec Cocteau qui sût ouvrir la voie vers la notoriété à son protégé qui meurt à l’âge de 20 ans.



Ma première lecture de ce roman remonte à ma préadolescence, époque où

les écrits aux relents de scandale avaient toute mon affection.

J’y trouvais un gout de fruit défendu et persuadée que de telles lectures me feraient entrer plus vite dans le monde des adultes, je les recherchais fébrilement dans la bibliothèque familiale.



Quelques décennies plus tard cette lecture me remplit de la nostalgie du temps qui passe.

J’y retrouve les mots simples d’une histoire ô combien banale offrant une analyse psychologique sur les arcanes d’un amour malheureux.



C’est aussi un réquisitoire contre la morale de la bourgeoisie prompte à condamner des générations entières.



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Le Diable au corps

"Je vais encourir bien des reproches. Mais qu'y puis-je ?", commence Radiguet. Il avait trois fois raison. Paru juste après la grande guerre, le Diable au Corps suscite l'émoi : la littérature est alors jugée trop élevée pour qu'on accepte qu'elle soit lancée comme une lessive ainsi que vient de le faire Grasset. Avant d'être le succès d'un écrivain, le Diable au Corps est celui d'un éditeur.



En 1947, Claude Autant-Lara (l'Auberge rouge, la Traversée de Paris), porte l'oeuvre au cinéma. Le phénomène Gérard Philippe tient le rôle principal. Nouveau scandale. La France à peine remise de sa cohabitation avec les Nazis supporte mal qu'on déshonore une nouvelle fois ses soldats.



Enfin en 1986, Maruschka Detmers, dans une scène osée et qu'on dit improvisée, s'emporte sur l'anatomie de son jeune partenaire. Cette sulfureuse adaptation cinématographique de Marco Bellocchio, aujourd'hui totalement oubliée, suscite un petit émoi dans les critiques cinématographiques de l'époque.



Décidément le diable au corps porte bien son nom.



Le narrateur nous raconte sa relation avec Marthe, dont le mari est un poilu (comprenez le soldat de la grande guerre plutôt que le maçon portugais). Le narrateur a 16 ans, Marthe 19, Radiguet à peine 20 quand son roman est édité.



L'histoire n'est pas autobiographique, mais elle s'inspire de celle de son auteur. Nous garderons à l'esprit qu'il s'agit du roman d'un tout jeune Napoléon auquel la vie ne laisse que le temps de percer sous Bonaparte avant de tirer le rideau. C'est important pour juger de son intelligence et de son style, que de penser que ce garçon mort à vingt ans a écrit cette oeuvre il y a près de cent ans. Une oeuvre atypique par son cynisme et sa froideur. Le narrateur ment, trompe, manigance. Il n'y a pas de naïveté dans son égoïsme.



Le sens de la formule est déjà aiguisé. La chute très efficace. Quel dommage, cette irruption brutale de la mort dans le talent.



J'ai été étonné que certains soient passés à côté. "Celui qui aime agace toujours celui qui n'aime pas", écrit Radiguet.

Et vice-versa, na !
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Le Diable au corps

Un court roman très agréable à lire tant la langue utilisée par le jeune Radiguet est belle. J’ai d’ailleurs du mal à me dire que c’est un homme aussi jeune qui a écrit Le Diable au corps.



L’histoire, tout le monde la connaît. Un adolescent de 16 ans, François, rencontre une jeune femme de 18-19 ans, Marthe, fiancée, puis mariée à un soldat parti au front pendant la guerre 14-18. Voilà donc une histoire d’amour qui naît assez rapidement, mais qui est vouée à l’échec pour plusieurs raisons : François est trop jeune et sa maîtresse n’est de toute façon pas libre, même si elle se fiche éperdument du qu’en-dira-t-on. Ce roman ne m’a pas passionnée, mais je l’ai trouvé intéressant du point de vue du contexte historique, car il compte énormément de références à la Grande guerre, et du point de vue psychologique car le narrateur parvient très bien à analyser ses failles : c’est un enfant qui va se retrouver très vite à devoir gérer une situation que doivent gérer habituellement des adultes. Ce qui est intéressant aussi, c’est qu’il s’agit en fait d’une histoire vécue par Radiguet, même si elle a été largement modifiée pour les besoins de son roman. D’autres choses sont à souligner : les relations père-fils (il y a une complicité presque totale entre le narrateur et son fils), Radiguet malmène le milieu « petit bourgeois » choqué par la relation extra conjugale de nos héros, mais qui n’hésite pas à organiser un « raout » pour permettre à ses convives d’entendre les ébats des amants, etc. Quant à la fin du roman, je n’en avais pas entendu parler et n’y aurais jamais pensé…



Au final, ce qui m’a quand même le plus bouleversée, c’est que Radiguet, talent précoce, soit décédé si jeune. Dans Le Diable au corps, il évoque plusieurs fois le fait de mourir jeune. Ce moment du roman m’a donc particulièrement touchée : « Un homme désordonné qui va mourir et ne s’en doute pas met soudain de l’ordre autour de lui. Sa vie change. Il classe des papiers. Il se lève tôt, il se couche de bonne heure. Il renonce à ses vices. Son entourage se félicite. Aussi sa mort brutale semble-t-elle d’autant plus injuste. Il allait vivre heureux ».
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Le diable au corps - Le bal du comte d'Orgel

Le diable au corps raconte les amours brûlantes, troublantes ainsi que l'adultère entre Marthe, une femme mariée et le jeune narrateur, un adolescent précoce.

Ce dernier n'a que 15 ans lorsqu'il tombe amoureux de la jeune femme promise à un autre (elle en a 18). Les événements se déroulent durant la première guerre mondiale qui ne constitue pas le décor principal, elle est surtout évoquée au travers du personnage de Jacques le fiancé de Marthe. le décor est alors une petite ville près de Paris, F... accueillant les amours interdites du narrateur et de Marthe. La campagne n'est pas exclue du récit.

La narration est prise en charge par le narrateur, héros du roman qui raconte avec lyrisme mais aussi ironie et parfois humour la passion qui le consume.

Les deux amants sont rebelles en amour et se préoccupent peu des conventions à ce sujet. Cet amour est condamné par la société ; les habitants de F..., les voisins, les amis se détournent des principaux protagonistes de l'histoire. Il est cautionné par le père du narrateur mais la mère en éprouve une terrible honte.

Au fur et à mesure de l'avancée du récit, cet amour bien que réprouvé en devient exclusif, réciproque, fusionnel ; les amoureux sont seuls sur une "île d'amour" délaissant l'amitié, leur familles respectives et leurs engagements. Tout tourne autour de cette passion contrevenant à la morale.

Cet amour clandestin couvert par le mensonge raconte le désir naissant, le flirt, le jeu de la séduction, les premiers émois de l'amour à l'adolescence, la sensualité, le plaisir.

Tous les subterfuges sont utilisés pour cacher cet amour adultère pour les âmes bien pensantes à la face du monde. le narrateur rejoint quotidiennement Marthe dans la chambre choisie de manière ironique par le narrateur...C'est la jalousie pour le fiancé de Marthe qui a présidé à son choix, cette chambre est la future chambre des mariés et non celle des amants, elle représente le lieu en quelque sorte de la profanation.

C'est avec une plume marquante et cynique que l'auteur décrit dès lors les tourments de cette passion, de son ascendant sur les personnages. Y est évoqué la jalousie, celle qu'éprouve le narrateur pour le mari de Marthe, celle qu'il ressent lorsque celle-ci semble lui échapper parfois. Les pensées du narrateur sont parsemées de doute, d'interrogations, de souffrances psychologiques ; le remord, le manque et le désespoir se font sentir lorsqu'il est séparé de Marthe.

De cet amour impossible naitra un enfant laissé comme un don et un souvenir marquant de ce que fut cette passion. Ce roman est pour l'époque où il a été écrit peu conventionnel, il y flotte un parfum de scandale.



Cette lecture ne laisse pas indifférent, le livre est marquant.





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