Alexandre le grand, sa tombe perdue et un meurtre ! Cela sent le polar historique ! Et c'est presque vrai puisqu'il y a un côté polar dedans. Mais là où l'on rentre dans le virtuose, c'est ce savant mélange de récit, d'histoire et d'évènements à tiroirs, avec une narration ni trop longue ni trop courte. Ainsi que des dialogues qui font mouche. Et en plus éclairent d'une manière très érudite sur la vie d'Alexandre le grand, de son projet d'avenir pour le monde, mis à mal par des généraux imposteurs au trône !
La partition n'est pas forcément super originale : enquête faisant la part belle à l'aspect psychologique, personnages récurrents, amis-ennemis, un « cold case » vieux de 2.300 ans tout de même et une ambiance envoutante digne d'
Agatha Christie.
Alexandre Schoedler nous récite ses gammes, et arrive pourtant à faire sortir sa composition du lot. Comment donc me diriez-vous ?
1: parce que l'aspect psychologique est particulièrement soigné et développé avec intelligence. Celui de l'espion et diplomate, Borelli républicain convaincu qui se chamaille avec son ami, Ledenon, un royaliste fervent, sur la fin de règne du roi. Et de ce qu'on a trouvé en archéologie qui donnerait plus d'éclairage sur sa fin de vie. Je ne ferai pas de spoiler ici, mais c'est très intéressant.
2: parce que les deux personnages principaux sont remarquables. Un aventurier, qui a l'air de ne penser qu'à sa vie, de missions secrètes en Égypte et à la dépouille d'Alexandre et qui pourtant fait preuve d'un flair hors du commun pour enquêter sur son meurtre et de trouver aussi bien les coupables et leur mobile que l'objet du meurtre, le poison ! Déguisé en "alcoolémie" aggravée par les complices historiens de la cour ! Et qui ont donc réussi à berner tous les historiens jusqu'à aujourd'hui, ça alors ! Ensuite, le traducteur syrien, témoin involontaire de la découverte et du pillage de la tombe. Et par la suite l'orientaliste et compagnon de voyage, avec qui il a financé le poète
Arthur Rimbaud pour son trafic d'armes en Afrique. par le biais de Jules, son frère de Marseille ! Quelle histoire ! Il se révèle être tout aussi fin limier pour décortiquer l'affaire du meurtre d'Alexandre à Babylone. Et même le philosophe
Aristote y passe avec un testament mystérieux et une somme qui le rend finalement complice.
3: grâce aux dialogues entre les deux personnages, en décalage avec le ton habituel de ce genre de polar historique, et au ton très pince-sans-rire utilisé par l'auteur, évocateur de l'époque
De Maupassant ou de
Proust, mais modernisé !
4: Parce que, malgré un principe éculé (la conversation de salon), l'auteur arrive pourtant à insuffler un sang neuf, grâce à son histoire intelligemment construite.
5: Et finalement, grâce au travail de recherche titanesque, je dois dire, dont l'auteur fait preuve, en remontant le temps concernant les objets et armes du défunt. Dont il retrouve la trace sur des siècles, puis le trafic de ces reliques jusqu'à nos jours ! On y croise le ministre de
De Gaulle,
Malraux, des artistes, des espions et des collectionneurs avides ! Un bel ouvrage qui m'a fait voyager !