Hier nous sommes allés à Contrexéville, ville d'eaux des Vosges, où l'auteur dédicaçait. J'avais pris soin d'emporter ce livre que je possède depuis 1978, cadeau d'anniversaire d'un ami que je ne vois plus et premier livre que j'ai dû prêter à mon amoureuse du moment et de maintenant encore… C'est dire si la charge d'émotion était forte ! Je dois l'avoir lu dix fois et d'ailleurs, vu l'état de la couverture, Yves Simon a adapté sa dédicace : « Voilà un livre lu et très lu, ce qui me fait plaisir… »
Donc pour énième relecture de cette « relique », il fallait bien que je me fendisse d'une chronique.
Donc il s'agit de l'histoire d'Antoine et d'Angéla qui se rencontrent un peu fortuitement à Paris une nuit d'hiver et qui vont brûler leur amour dans la capitale en cette fin des années soixante-dix. Ils veulent une vie exceptionnelle, ont tout des héros fitzgéraldiens avec l'argent en moins. Seuls leurs rêves et leur force amoureuse demeurent leur richesse. Ils se rêvent donc en stars, en amants magnifiques et enviés de toute la planète. Ils mettent de l'imaginaire dans tout ce qu'ils font, quand ils s'assoient aux terrasses des cafés, qu'ils vont au cinéma, qu'ils achètent des cigarettes et quand ils rencontrent d'autres gens, comme dirait
Léo Ferré ce sont « des trafiquants d'amour.»
Ils vivent dans un appartement du quartier des Halles où ils écrivent leur vie rêvée sur les murs blanchis, comme le
roman semble s'écrire sous nos yeux. Yves Simon a inséré leurs textes au milieu de sa narration au rythme des mois d'hiver puis de printemps. Il y a « l'hiver », les « mots » ; les « autres »…Même en relisant les titres chapitres, on se sent en terrain sartrien où l'existence précède l'essence et même se confondent jusqu'au titre.
Ce livre supporte la relecture après 35 ans tant l'auteur va droit au but dans sa narration, très factuelle, avec moultes phrases nominales, des citations de marques (rare à l'époque), de répétitions prophétiques. On a l'impression parfois d'un projet de scénario, d'un synopsis de film, avec les indications du genre :
" Tout autour d'eux, c'était Paris avec de la nuit, des cars de police et des cabines de téléphone." (Hé oui ! ça date !!)
On retrouve un peu des chansons de l'auteur (Yves Simon a aussi fait moult albums et continue un peu.) Je me souviens qu'à la lointaine époque où j'avais lu pour la première fois ce livre, je me disais qu'enfin on parlait de gens comme nous, en tout cas qu'on pourrait croiser dans la rue. Car Antoine et Angéla sont des personnages ordinaires à la ville mais des héros romantiques dans leurs rêves, leurs désirs, leurs mots, leur façon de vivre intensément et de façon souvent insensée au commun des mortels. Ils vont au bout de leurs désirs, du moins avec le hasard qui les aide un peu. Ils ont la spontanéité créative, partent d'impulsions, de phantasmes avec Paris en décor, un Paris sensuel, qu'on pourrait presque toucher. Yves Simon et
Modiano savent parler de Paris.
Repris pour la quatrième de couverture cet extrait donne bien le ton du roman.
"Ils marchaient beaux et uniques sur un morceau de monde. Lueurs des rues de Paris, ils parlaient des Beatles, mangeaient des blinis à la crème, des hot dogs, écoutaient des saxophones rageurs, écrivaient des mots d'amour sur les murs de la vie d'aujourd'hui."
"Nous sommes des étoiles qui tombons qui tombons,
l'amour dans l'âme, vers la nuit et les rochers d'océan."