Le roman de la déconvenue, du jeu de l'amour et du hasard et de la métamorphose.
« Un hôtel dans une petite ville au bord de la mer normande qu'ils avaient trouvé par hasard dans un guide. Chantal arriva le vendredi soir pour y passer une nuit solitaire, sans Jean-Marc qui devait la rejoindre le lendemain vers midi. » Elle passe son temps libre à se promener et s'aperçoit qu'elle laisse indifférents les hommes qu'elle croise. le lendemain elle en parle à Jean-Marc : « Les hommes ne se retournent plus sur moi. » il y a dans leur relation un rapport de force : elle est plus âgée que lui, gagne cinq fois plus que lui et lui, vit dans son appartement à elle. Jean-Marc va inventer un stratagème pour la rassurer sur son pouvoir de séduction…
A travers ce roman,
Kundera raconte les différentes personnalités de ses héros. Chantal est tour à tour la femme amoureuse qui attend son amant, la mère que la mort de son fils n'émeut pas, la libertine honteuse… Autant d'identités révélées par les circonstances, l'environnement, le temps et l'espace. Il nous montre le caractère mutant de l'identité. Il parle de la même femme tout en en faisant plusieurs portraits s'inscrivant dans une suite logique d'actions. Cette identité est démultipliée par la perception qu'en ont la principale intéressée et les différentes personnes qu'elle croise aussi bien dans son passé, dans son présent, dans la réalité que dans ses rêves.
On retrouve dans ce roman, de même que dans le précédent, «
La lenteur », le thème du souvenir et de la mémoire. Il écrit : « Voilà la vraie et seule raison d'être de l'amitié : procurer un miroir dans lequel l'autre peut contempler son image d'autrefois qui, sans l'éternel bla-bla de souvenirs entre copains, se serait effacée depuis longtemps. » Mais aussi : « L'amitié est indispensable à l'homme pour le bon fonctionnement de sa mémoire. Se souvenir de son passé, le porter toujours avec soi, c'est peut-être la condition nécessaire pour conserver, comme on dit, l'intégrité de son moi. » Où l'amitié serait prise au sens large, en tant que relation de confiance. Ces personnes seraient les gardiens de certaines de nos identités, qu'elles nous conviennent ou pas, qu'elles soient authentiques ou pas. C'est la raison qui pousse Jean-Marc à renier son ami du Lycée, F. ou Chantal qui part à Londres sur les traces de cet homme qui avait cherché à la séduire et dont elle avait repoussé les avances. Tous sont des miroirs qui renvoient une image, une identité, dévalorisante ou flatteuse.
C'est un roman sur l'aspect mutant de l'identité, son impermanence, sa relativité et notre propension à composer avec, à nous arranger avec, à en jouer.
« l'identité » a la même structure que son précédent roman «
La lenteur », 51 chapitres, un texte court dans un style clair au vocabulaire simple, un roman éclair. C'est un petit chef d'oeuvre !
Postface de
François Ricard.
Editions Gallimard, Folio, 207 pages.