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Philippe Choulet (Éditeur scientifique)
EAN : 9782080707543
278 pages
Flammarion (27/03/2000)
4.13/5   448 notes
Résumé :
La Généalogie de la morale. Un écrit polémique (Zur Genealogie der Moral. Eine Streitschrift) est une œuvre du philosophe Friedrich Nietzsche publiée en 1887. Elle suit, complète et éclaire Par-delà bien et mal. Nietzsche se donne pour objectif de montrer d'où viennent les valeurs morales contemporaines et pourquoi nous devrions en changer pour des valeurs plus saines
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"Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil !"
Ce livre est, à mon avis, le chef d'oeuvre de Nietzsche, le plus abouti des 9 j'ai lus !
Ses idées ne changent pas, mais les arguments, les justifications nous présentent les concepts sous un jour éclairant ! Et pour une fois, Nietzsche ne néglige pas les liaisons !
Cet essai de trois traités, daté de 1887, fait suite et complète "Par-delà le bien et le mal".

Premier traité.
le "bon", le "méchant" ; le "bon", le "mauvais".
Comme d'habitude, notre ours mal léché, que j'imagine courbé, avec son dos puissant de lutteur et ses doubles foyers, sur sa petite table, à Sils Maria ou du côté de Gênes, démarre en trombe contre tout le monde : Spencer et Buckle et les autres ! Pour lui, tout est faussé ;
les patriciens romains, les nobles, les aristocrates se disent "bons". Pour l'auteur, ce sont "des bêtes blondes", les lions, les Vandales, les Goths, les Aryens, les Allemands du Reich de Bismarck, ceux qui méprisent le peuple, pauvre, faible, les agneaux, contre lesquels s'exerce leur cruauté et des tortures physiques.
Alors, le peuple est frustré, a du ressentiment... Donc surgissent les prêtres qui opèrent un renversement des valeurs.
.
Deuxième traité.
La faute et la mauvaise conscience.
Par un tour de passe passe, les prêtres aiguillent le ressentiment de la population domestiquée, domptée vers l'espoir d'un avenir meilleur dans l'au delà. Mais les fauteurs, les pécheurs devront assumer moralement leurs déviances et ne s'en prendre qu'à leur conscience ; les prêtres fabriquent une mauvaise conscience aux croyants. A l'inverse de la force contraignante, de la torture imposée par les lions bonds, les prêtres fabriquent une torture psychologique. C'est une deuxième forme de domination. La messe a remplacé les jeux du cirque.
.
Troisième traité.
Pourquoi les curés et les idéaux acétiques ? Pour échapper à la torture physique.
Les lions sont malades de domination, le peuple aussi, frustré qu'il est, mais les prêtres aussi, pour imposer une telle auto-flagellation !
.
Qui détient la vérité ? Pas les aristocrates, ni les prêtres ; pas même les savants qui ne savent pas où ils vont. Seuls, les philosophes, sur qui, soit-dit en passant, notre ours mal léché tire à boulets rouges, seuls donc, les philosophes se dégagent pour devenir des individus souverains, autonomes et sur-moraux, ayant une volonté et une responsabilité, une conscience : ainsi naît Zarathoustra !
.
. Enfin, je peux mettre 5 étoiles à mon bonhomme fétiche !
En effet,
même s'il joue sur les assonances en allemand, qui ne donnent rien en français ;
même s'il fait quelques néologismes ;
même s'il digresse quelque fois ;
même s'il a du mal à accoucher d'une pensée ;
ses idées originales se sont liées dans sa pauvre tête qui explose de partout, et il nous donne enfin des arguments solidaires qui me paraissent tout-à-fait convaincants !
Bravo, Friedrich !







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"La Généalogie de la Morale" est articulée en trois dissertations : "le bon et le mauvais", "le ressentiment" et "les idéaux ascétiques". Il parait que cet essai est un des plus accessible de Nietzsche...difficile pour moi de comparer, vu que c'est le premier ouvrage de l'auteur que je lis, mais il faut bien avouer que j'ai dû m'accrocher par moment, moi qui ne suis pas philosophe de formation (mais ne l'est-on pas tous un peu par nature, finalement ?).

Néanmoins, cette lecture s'avère très intéressante et au premier abord fort remarquable par le style...Mr Nietzsche savait, à n'en pas douter, manier les mots. Je ne me lancerai pas dans une longue critique (de la raison impure) mais quelques points de l'argumentation me chatouillent, quand d'autres me convainquent.

J'entends bien la distinction entre la morale des esclaves (une morale du ressentiment à l'égard des maîtres) et celle des "maîtres-nés". Pour autant, jamais l'auteur ne pose la question de la légitimité du rapport dominant / dominé (ni donc de sa perpétuation) pour la simple raison qu'elle est inepte pour lui : les agneaux ne sauraient reprocher aux oiseaux de proie d'être ce qu'ils sont. Il y a donc des forts et des faibles "par nature" et Nietzsche oppose "le mot d'ordre mensonger" de la morale du ressentiment (le privilège de la majorité) à celui de l'aristocratie, "effrayant et enchanteur", mais sans développer davantage (en fin de première dissertation). Il présente d'ailleurs Napoléon comme le dernier homme à avoir incarné cet idéal aristocratique, synthèse d'inhumain et de surhumain.

En ce qui concerne la religion, Nietzsche taille en pièce la morale chrétienne qui par « la moralité des moeurs » façonne une société qui met en avant l'adaptation aux contingences au lieu de valoriser la volonté de puissance, c'est-à-dire l'activité, les forces conquérantes, agressives, novatrices. L'homme nietzschéen (le surhomme à venir) est instinctif et n'entend pas s'en excuser alors que la morale cherche à l'y contraindre et à le faire renoncer au plaisir de faire souffrir. En effet, pour Nietzsche ce n'est pas la souffrance qui pose problème mais bien son absence de sens et c'est pourquoi les hommes ont créé les dieux qui ont engendré « l'aristocratie sacerdotale » qui a imaginé cette horreur qu'est le péché. En gros, si tu souffres c'est de ta faute mec. Mais t'inquiètes pas, si t'es un bon chrétien tu pourras accéder au paradis après…Une logique, on l'imagine aisément, qui ne favorise pas l'aristocratie guerrière, les « maîtres-nés », ceux qui « peuvent promettre », car, surs de leurs capacités, ils tiendront leur promesse. On sent bien les parallèles avec Freud (notamment « le Malaise dans la Civilisation ») : la moralité des moeurs rappelle le surmoi et les instincts les pulsions, sauf que Nietzsche ne voit pas les aspects positifs du premier, ni le potentiel tyrannique des secondes. En fait, l'homme Nietzschéen c'est un peu un néo-libéral avant l'heure, un type qui veut de la droite décomplexée, sans la morale de bénitier.

Un mot sur les liens supposés entre le nazisme et Nietzsche : oui, il utilise parfois des exemples où le mot race est à la fête (avec visées eugéniques), oui il a tendance à ne pas être très cool avec les juifs car il y voit « le peuple sacerdotal par excellence » mais en même temps il n'aime pas les antisémites et ne m'apparait pas du tout comme nationaliste, il n'est pas toujours tendre non plus avec les allemands…De là à dire qu'il aurait été récupéré il n'y a qu'un pas (que je laisserai à chacun le soin de franchir ou pas) qui, en fin de compte, ne ferais qu'accréditer ses idées sur la dynamique historique…

Finalement Nietzsche donne à la philosophie le but louable de critiquer les valeurs et la morale (entendre ici une morale chrétienne) mais sans préciser dans quel objectif. Et pour cause ! S'il pose la question de l'idéal ce n'est que pour rappeler tout ce qu'il coûta à l'humanité au cours de l'histoire et le réfuter en bloc. Sur ce point, il m'est difficile de concevoir un homme sans idéal…On pourra m'objecter que le FUTUR a donné raison à Nietzsche quand on voit ce qu'a donné le communisme…Mais peut-être est-ce la trahison des idéaux qui serait à déplorer plus que les idéaux en eux-mêmes…Là aussi Friedrich a réponse à tout puisque, ce monde n'étant (ou n'ayant été) qu'un conglomérat de « volontés de puissance » en lutte, les idées, concepts, inventions etc…sont, dès leur naissance, détournés de leurs buts initiaux pour être « réagencer » par une volonté supérieure…Il n'y a donc pas de relations de cause à effet simpliste dans la dynamique historique selon Nietzsche…Et puisque dieu n'est qu'une fable mortifère (tout autant que l'athéisme scientifique qui est le revers de la médaille, puisqu'il cherche simplement à rendre l'idéal plus crédible), il en vient à poser l'hypothèse qu'il n'y a pas de vérité et que tout est possible…Mais le caractère non définitif, non universel de la vérité, bref le fait qu'elle SE CONSTRUISE, permet-il de penser que tout est possible ? Et si, comme Mathieu Potte-Bonneville, on la réduisait à son essence en affirmant « qu'il n'y a de vérité que dans l'éclipse des maîtres » ?

Je voulais terminer par des précautions d'usage, du genre, vous les spécialistes de Nietzsche, ne commencez pas à me sauter dessus, je ne suis qu'un HUMBLE néophyte qui vous fait part de son regard…Mais vu que je me sens soudainement l'âme d'un surhomme j'ai juste envie de dire…

Ainsi parlait Pavlik.

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La morale ne sert à rien aux hommes forts. Lorsque la vie bat son plein, qu'est-ce qu'on peut en avoir à foutre ? Lorsque la santé fait des fracas, la vraie morale recouvre la morale de la populace.


En complément à « Par-delà le bien et le mal », Nietzsche a écrit ce texte un peu trop argumentatif à mon goût pour répondre à une question restée latente dans le premier ouvrage : quelle est l'origine du système de la morale, qui a imposé ses valeurs à tous les hommes, sans distinction ? C'est cette dictature que Nietzsche dénonce. Que la morale soit nécessaire pour certains sous-hommes, c'est une réalité qu'il serait dangereux de combattre, mais que la morale créée par les hommes faibles pour les hommes faibles finisse par être imposée aussi aux hommes forts, c'est le plus grand crime commis par notre civilisation. That's the idea.


La « Généalogie de la morale » gueule dans les couloirs comme un pamphlet. Nietzsche accuse la civilisation chrétienne d'avoir exacerbé les tendances maladives de l'humain. « le non-sens de la douleur, et non la douleur elle-même est la malédiction qui a jusqu'à présent pesé sur l'humanité, — or, l'idéal ascétique lui donnait un sens ! » Mais l'homme fort –le maillon qui doit nous conduire vers le surhomme- ne se laisse pas avoir par sa douleur. L'homme fort la combat, la surmonte, trouve en elle une source de dépassement et d'explosion cataclysmique de sa puissance naturelle.


On nous dira que Nietzsche a fini fou quelques mois après avoir écrit ce texte. Oui, oui, j'ai lu ça dans un torchon soi-disant initiatique destiné à ceux qui se prennent pour les maîtres du monde parce qu'ils sont francs-maçons ou un truc du genre (sérieusement, ils disaient Nietzsche a renié Dieu, on voit que ça ne lui a pas réussi vu la mort de pédé qu'il a eue, alors ce qu'il a écrit ne vaut rien -niveau raccourcis y a pas pire). Et alors, on s'en branle non ? Depuis la mort de Ninietzsche, on a avancé l'hypothèse que la folie consisterait en un déchaînement de toute l'énergie forcée à se taire en soi. le fou serait un surhomme brimé. La question à laquelle Nietzsche ne répond pas trop, ce serait alors : pourquoi les hommes forts ont accepté de laisser naître la morale des faiblards qui chient dans leur couche ? Pourquoi, désormais, ne se reconnaissent-ils plus ? Seraient-ils trop bons ? (LOL)

Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Dans la Généalogie, Nietzsche réévalue les valeurs morales en soulevant, pas seulement, leurs origines (qui se trouvent dans les sentiments et les actions issus du judéo-christianisme), mais aussi en les critiquant, par la reconstitution de la genèse historique, psychologique et anthropologique de ces valeurs et attitudes pour mieux les démasquer, à savoir les faire apparaître comme autant d'illusions et de mensonges.

Il distingue dans ce livre, la morale des maîtres et celle des esclaves. Il y a donc d'un côté, la catégorie des dominants et de l'autre, celle des dominés. Mais les premiers se divisent, eux-mêmes, en guerriers et prêtres.
Et Nietzsche dénonce avec vigueur le peuple juif, de caractère sacerdotal, qui a opéré la distinction entre l'esprit et le corps, en mobilisant les faibles, à son profit, contre les guerriers.
C'est une telle analyse qui a amené à accuser le philosophe d'être un précurseur de Hitler, un raciste avant la lettre.
Cependant, c'est une appréciation sujette à caution : car sa vie prouve qu'il n'était nullement antisémite, loin de là !
De même, et par extension, il convient de ne pas schématiser la notion de « volonté de puissance ». Plus que d'une volonté de domination, il s'agit tout simplement de la manifestation des forces actives.
« …Nous avons besoin d'une critique des valeurs morales, et la valeur de ces valeurs doit tout d'abord être mise en question… ». L'établissement de leurs origines permet donc de faire leur diagnostic, et c'est par cet acte, cette voie que « l'évaluation et la réévaluation » est, en somme, possible.
Si les valeurs morales peuvent être, psychologiquement, expliquées (c'est là d'ailleurs, une des thèses principales du livre).
Et si, ces mêmes valeurs, qui reposent sur la négation de soi et la haine de soi, empêchent l'humanité de s'affirmer.
Alors, il convient de soutenir comme Nietzsche, l'idée selon laquelle la critique de la morale est nécessaire parce qu'elle permet de libérer l'homme de son nihilisme. Car la morale est toujours la nôtre !

Ce qui est intéressant chez ce philosophe, c'est son style (ce livre se présente comme une longue dissertation argumentée par des figures rhétoriques qui font de Nietzsche un grand styliste, également) et son expression qui est marquée par les contrastes, (donc loin d'être monolithique).
Il est tout à la fois un grand polémiste (La Généalogie de la morale est, en soi, une oeuvre polémique !) supérieurement brillant et un analyste pénétrant qui sait échapper à l'aridité de toute spéculation.
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Même si il reprend les thèses développées antérieurement, c'est le premier ouvrage "systématique" qu'il nous propose sur un problème fondamental : celui de la morale.

Composé dans une prose enflammée qui lui est caractéristique, et après avoir critiqué les psychologues anglais qui réduisent le bon à l'utilitaire, il montre qu'il a existé deux attitudes dans le domaine éthique, celui aristocrate, qui affirme l'existence et sont bons par leur domination sur les autres (Friedrich Nietzsche, philologue de formation, invoque alors l'étymologie), et la "morale des esclaves" ou du ressentiment, qui fait du "bon" aristocrate non pas un "mauvais", mais un "mal" ; c'est la morale des faibles, celle qui ne recherche pas la vengeance dans l'agir, mais dans un "arrière-monde" religieux - contrairement au noble qui se "désaffecte" de l'acte dans la vie et ne "calcule" même pas l'homme "mauvais", l'homme du ressentiment est dans la réaction, dans le cause-effet qui, selon notre auteur, est une fiction purement grammaticale - quand un animal plus fort chasse sa proie pour la nutrition, il le fait par impératif biologique et par sa puissance, il n'est pas de "bien ou de mal", contrairement à ce que propose "la morale de l'esclave", qui, dans ce même fétichisme de la causalité, finit par faire la dissociation corps-âme, et nourrissant du mépris pour le premier.

Dans ce transfert d'une morale de l'aristocrate vers une idéologie du ressentiment, il pointe du doigt la compétition entre le prêtre et le guerrier, le premier étant, par son conditionnement, un homme du contemplatif, de l'ascétisme, par définition secrète le ressentiment ; et c'est là qu'interviennent les juifs qui sont - dans l'Ancien Testament même, d'ailleurs - le peuple-prêtre.

Nietzsche ne critique pas tellement "le juif" en en faisant une essence - dans le second traité il dit de l'antisémite (et de l'anarchiste) qu'il est un homme du ressentiment - mais en tant qu'il a, comme fonction générale, le rôle du peuple sacerdotal ; en Occident, ces idées seront infiltrées par le christianisme dans l'empire romain (d'où la "révolte des esclaves"), perdront de la vitesse à la Renaissance (qui se voulait un retour à l'hellénique), mais reprendront de la vigueur à sa fin, pour connaître leur apex à la Révolution française de 1789, "...c'est alors que la dernière noblesse politique qui subsistait encore en Europe, celle des dix-septième et dix-huitième siècles français, s'effondra sous le coup des instincts populaires du ressentiment, — ce fut une allégresse immense, un enthousiasme tapageur comme jamais on n'en avait vu sur la terre !" (p. 79)

Dans la deuxième dissertation, le philosophe va sur la "modalité" de l'éthique, la responsabilité, "mauvaise conscience", ... il dit que ce qui fait, à terme, le proto-individu, c'est l'oubli, qui est une faculté pour que l'homme ne reste pas englué dans le passé et permette la mémoire, pour l'avenir : en bon étudiant de la langue, faisant le rapport entre culpabilité (Schuld) et dette (Schulden), Nietzsche nous montre que la "culpabilité", au sens premier, n'avait pas un sens "moral", mais pratique ; pour l'individu "pré-moral", le rapport n'était pas bien-mal, mais créancier-débiteur, et le "coupable" n'était pas un accusé moral, mais celui qui - justement - en brisant une promesse, permettait à l'individu de se situer dans le temps (d'où l'importance de la mémoire-oubli.) La punition qui lui était infligée par la communauté était donc la "souffrance", qui n'était elle-même pas "morale" (l'auteur parle de "festival".)

Cette "mauvaise conscience", donc de l'ordre de la moralité, n'est venue qu'avec la transition de la pré-histoire des chasseurs-cueilleurs vers un type sociétal néolithique, sédentaire, loin de "l'instinct sauvage" - alors, cette "violence" (chasse, ...) qu'on exerçait vers l'extérieur, nous devons la mobiliser en nous - d'où le ressentiment. Et plus une communauté devenait puissante et s'éloignait de son ancêtre, plus sa "dette" (culpabilité) s'accroissait, pour donner naissance, dans sa plus grande intensité, au "Dieu qui se sacrifie" : Jésus-Christ. C'est là que le ressentiment est "hypertrophié".

Dans la dernière partie, Nietzsche commente un de ses aphorismes ("l'interprétation" apportée au "texte"), et nous montre que l'ascétisme, dans sa nature - non pas définition, qui diverge - est une modalité pour asseoir ledit ressentiment, pour que "l'esclave" colorie ses chaînes.
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Nous sommes pour nous des inconnus, nous en personne pour nous en personne: il y a à cela une bonne raison. Nous ne sommes jamais partis à la recherche de nous-mêmes, – comment pourrait-il se faire qu’un beau jour nous nous trouvions? C’est à juste titre que l’on a dit: « Là où se trouve votre trésor, se trouve aussi votre coeur »; notre coeur se trouve là où sont les ruches de notre connaissance. Nous sommes toujours en route vers elles, nous qui sommes nés ailés et collecteurs de miel de l’esprit, nous n’avons vraiment qu’une seule et unique chose à coeur – rapporter quelque chose « chez nous ». Quant à la vie, pour le reste, aux soi-disant « expériences vécues », – qui d’entre nous a seulement assez de sérieux pour cela? Ou assez de temps? Pour ce qui est de ces sujets, nous n’avons, je le crains, jamais été vraiment « captivés par le sujet »: notre coeur n’y est justement pas – et même pas notre oreille! Tout au contraire, tel un être en proie à une distraction divine et immergé en lui-même, à l’oreille de qui la cloche vient de sonner ses douze coups de midi à toute volée, qui se réveille en sursaut et se demande: « Qu’est-ce qui vient de sonner au juste? », nous aussi, il nous arrive de nous frotter les oreilles après coup et de nous demander, totalement stupéfaits, totalement déconcertés: « Qu’avons-nous vécu là au juste? », plus encore: « Qui sommes-nous au juste? » (...). Nous demeurons justement étrangers à nous-mêmes, de toute nécessité, nous ne nous comprenons pas, il faut que nous nous méprenions sur notre compte, le principe: « Chacun est pour lui-même le plus lointain » s’applique à nous à tout jamais, – à notre égard, nous ne sommes pas des « hommes de connaissance »…
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Au fur et à mesure qu’une communauté s’accroît, elle accorde moins d’importance aux fautes de l’individu, parce que celles-ci ne peuvent plus lui apparaître subversives et dangereuses pour le maintien de l’ensemble dans la même mesure qu’auparavant : le malfaiteur n’est plus « privé de paix » et proscrit, la colère générale ne peut plus dorénavant se déchaîner contre lui avec autant d’acharnement, - au contraire le malfaiteur est maintenant scrupuleusement défendu par l’ensemble social et sous sa protection contre cette colère, en particulier contre celle de sa victime immédiate. .... La justice, qui a commencé par poser : « tout peut se régler, tout doit se régler », finit par fermer les yeux et par laisser courir l’individu insolvable, - elle finit comme toutes les bonnes choses sur cette terre : elle s’abolit.
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"Non ! qu’on ne me vienne pas avec la science, quand je cherche l’antagoniste naturel de l’idéal ascétique, quand je demande : « Où est la volonté adverse en qui s’exprime un idéal adverse ? » Pour un tel rôle la science est loin d’être assez autonome, elle a besoin elle-même, en tout état de cause, d’une valeur idéale, d’une puissance créatrice de valeurs qu’elle puisse servir et qui lui donne la foi en elle-même — car, par elle-même, elle ne crée aucune valeur. Ses rapports avec l’idéal ascétique n’ont pas le caractère de l’antagonisme ; on serait plutôt tenté de la considérer comme la force de progrès qui régit l’évolution intérieure de cet idéal. Si elle lui résiste et le combat, cette opposition, à tout bien considérer, ne s’attaque pas à l’idéal même, mais à ses ouvrages avancés, à sa façon de montrer et de masquer son jeu, à sa rigidité, sa dureté, son allure dogmatique, — elle affranchit le principe de vie qui est en son idéal, en niant tout son côté extérieur. Tous deux, la science et l’idéal ascétique, se tiennent sur le même terrain — je l’ai déjà donné à entendre : — ils se rencontrent dans une commune exagération de la valeur de la vérité (plus exactement : dans une croyance commune que la vérité estinestimable, incritiquable), et c’est ce qui fait d’eux nécessairement des alliés, — de sorte que, à supposer qu’on les combatte, c’est ensemble seulement qu’on peut les combattre et les mettre en question."
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Le vrai remords est extrêmement rare, surtout parmi les forçats et les criminels ; les prisons, les bagnes ne sont pas le milieu propice à la prolifération de cette espèce de ver rongeur [...] Dans l'ensemble, le châtiment endurcit et refroidit ; il concentre ; il aiguise le sentiment d'être étranger ; il augmente la force de résistance. S'il lui arrive de briser l'énergie et de conduire à la prostration et à l'avilissement, c'est là un résultat certainement encore moins réjouissant que l'effet courant du châtiment qui se caractérise par une gravité froide et sombre. Mais à considérer ces millénaires antérieurs à l'histoire de l'homme, on peut affirmer sans hésiter que c'est le châtiment qui a le plus fortement entravé le développement du sentiment de culpabilité, du moins chez les victimes de la force qui punissait.
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Tenons-nous donc dorénavant mieux en garde, messieurs les philosophes, contre cette fabulation de concepts anciens et dangereux qui a fixé un « sujet de connaissance, sujet pur, sans volonté, sans douleur, libéré du temps », gardons-nous du piège des notions contradictoires telles que « raison pure », « spiritualité absolue », « connaissance en soi » : — ici l’on demande toujours de penser à un œil qui ne peut pas du tout être imaginé, un œil dont, à tout prix, le regard ne doit pas avoir de direction, dont les forces actives et interprétatives seraient liées, seraient absentes, ces forces qui seules donnent son objet à l’action de voir, on demande donc que l’œil soit quelque chose d’insensé et d’absurde. Il n’existe de vision qu'en perspective, une « connaissance » perspective ; et plus notre état affectif entre en jeu vis-à-vis d’une chose, plus nous avons d’yeux, d’yeux différents pour cette chose, et plus sera complète notre « notion » de cette chose, notre « objectivité ». Mais éliminer en général la volonté, supprimer entièrement les affects, en supposant que cela nous fût possible : Comment donc ? Ne serait-ce pas là castration de l'intellect ?
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