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Dominique Kristensen (Traducteur)
EAN : 9782815949866
392 pages
Éditions de l’Aube (12/05/2023)
3.71/5   7 notes
Résumé :
Dans ce bourg norvégien, tout le monde se connaît. On se côtoie dès l'enfance, on ne se quitte jamais vraiment. Souvent on reprend la ferme familiale, parfois on va étudier ailleurs, mais toujours on revient.
Helga Flatland nous parle de ces familles, de ces voisins, de ces amis, qui composent l'existence de chacun. Et surtout, elle nous fait rencontrer ces quatre jeunes garçons qui, devenus presque hommes, décident de s'engager dans les forces armées et s'e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique

Reste si tu peux, pars s'il le faut de Helga Flatland propose une immersion dans la vie quotidienne d'un village norvégien éloigné de l'agitation journalière des grandes villes. Ici, peu d'étrangers ou d'inconnus, à la saison hivernale cette petite communauté rurale dépend du conducteur de chasse neige pour retrouver sa liberté de mouvement. Ici, c'est une grande famille, les habitants, pour la plus part des fermiers, les voisins, se connaissent, se fréquentent de génération en génération, partageant des secrets et des non-dits. Un microcosme bien rôdé dont les liens solides permettent de vivre au fil des saisons dans un esprit communautaire et solidaire tout en essayant de lutter contre le dépeuplement du village.

Aussi d'une ferme à l'autre, au fils du temps, joies, bonheurs, peines et malheurs affectent tour à tour les uns et les autres. Mais c'est par le choix de vie d'un groupe d'amis arrivés à l'âge adulte que tout arrive : la révélation de leur engagement militaire en Afghanistan. Une surprise pour les parents et la communauté . Helga Flatland aborde habilement les causes et circonstances de ce choix et nous fait glisser dans la peau de ses personnages par un récit choral. Des éclairages différents qui permettent la compréhension de l'enchaînement des événements.

Si l'ambiance est typiquement norvégienne, (chasse à l'élan, plats traditionnels, ribbe et luttefisk…) les thèmes abordés, eux, sont universels. Ils évoquent les maux d'une jeunesse désorientée vivant dans un milieu fermé dont les rêves ne sont pas faciles à réaliser et sont souvent brisés, la quête de soi malgré le fardeau familial, le poids du passé, et les impératifs économiques et politiques qui contrarient le désir d'émancipation (orientation professionnelle, sexuelle,confirmation religieuse ou civile).

Avec minutie Helga Flatland conte la famille, dit la filiation, la fratrie, évoque la complexité des relations familiales, la transmission, l'éducation, l'incompréhension ou le soutien parental, les difficultés du couple, les passions et les désamours, le deuil et la résilience, la maternité, et surtout le long chemin à mener pour se réaliser, se révéler.

Dans Reste si tu peux, pars s'il le faut, Helga Flatland prend le lecteur en otage, le transformant en témoin silencieux face aux accidents, au choc, au traumatisme qui secouent toute la communauté et la transforment pour quelques temps voire à jamais. Des bouleversements qui ne la laissent pas indemne, altérant les relations. L'occasion pour l'auteure de dresser des portraits intergénérationnels très réalistes d'une grande finesse psychologique en mettant le focus sur plusieurs de ses membres et en donnant la voix à quatre d'entre eux qui tour à tour s'exprime en bokmal, « langue des livres » (norvégien) ou en nynorsk (néo-norvégien) induisant une proximité avec le lecteur. En entrant dans l'intimité de ces familles, Helga Flatland provoque de multiples questionnements.

Des avants et des après, des allers et des retours, rester ici, être là-bas, l'ascenseur émotionnel s'emballe. Un livre riche, dense et au final profond où tout à son importance.
Un titre qui ressemble fort à une citation de Charles Baudelaire “Faut-il partir ? Rester ? Si tu peux rester, reste ; Pars, s'il le faut.” Alors prêt pour le voyage ?

Une belle découverte.
Une lecture déflagration.
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« Dette er en vise om en stakkars mann
som var sa uheldig som det kan ga an.
Syns du denne visa kanskje er litt trist
sa kan du troste deg med det
at alt gikk bra til sist ».

C'est page 200, mais ça met tout de suite dans l'ambiance, non ?
Le pouvoir des mots, la sonorité à la fois rugueuse et mélancolique. Et encore, il manque les signes ostentatoires scandinaves que je n'ai pas sur mon clavier.
Chanson de Thorbjorn Egner, allez, je ne vous écris que les mots clé, ça devrait suffire.
Pauvre homme, être malchanceux, déveine inouïe, chanson triste, bien finir, s'en consoler.

Et ce titre, a-t-elle lu Baudelaire, Helga Flatland ?

« Amour… gloire… bonheur ! » Enfer ! c'est un écueil ! (…)
Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste.
Pars, s'il le faut. »

Oui, le titre m'a appelé, mais aussi les couleurs de la couverture, douces, le soleil au ras de l'horizon, six mois de nuit, au moral c'est sûr ça nuit, et la neige qui donne de la lumière, mais aussi du froid, du noir je broie.

Je m'étais dit, chouette, de beaux paysages, tranquille sous ma couette, avec juste un corps sage. Et la chronique de « mesrives », onirique, ça dérive.
C'est décidé, je l'offre à ma fille, elle a fait option norvégien au lycée, et puis c'est rempli de mots de cette langue, qui plus est en dialecte, je la sens qui se délecte.
Elle m'a dit, j'ai aimé, c'est triste mais beau.

« Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre »

Voilà Baudelaire et ses vers qui revient, la beauté cachée, pierre, c'est caillou, c'est plus triste que beau, à tous les coups, ça rime avec lierre, ça envahit, qu'est-ce qui se cache derrière ?
Il était sur l'étagère, visible, et là j'erre, coeur de cible...
J'attendais les fjords, l'immensité des descriptions, j'ai eu droit à du récit et des dialogues, alors déception, images rétrécies, point de catalogue.
Mais non, introspection, quelle claque pour un premier roman, je suis en vrac, et pour un moment !
Ils sont quatre, qui à tour de rôle, vont faire avancer l'histoire, entre blanc et noir. Point de grisaille, juste une faille, secrets, deuils, regrets, écueils.
Helga, hé l'gars, oui, elle écrit sur des hommes, ça désarçonne.
Flatland, elle le flatte son pays, il n'est pas plat, y a des aspérités.
A ma dernière lecture, j'avais valsé, là aussi j'ai tourbillonné. Un drôle de mélange, bonheur et douleur, les nerfs en pelote, glacées les menottes.

« Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille ».

Charles ne me lâche plus, je suis en recueillement.

« If you're looking for assistance, babe
Or if you just want some company
Or if you just want a friend you can talk to,
Honey, come and see about me ».

Elle cite Bob, dans le texte, je la gobe, sans complexe.
J'ai aimé sa compagnie, envie d'être son ami.
Je l'ai lue, jusqu'au bout, je suis venu, j'ai t'nu l'coup.

C'est un livre qui se livre. Il raconte à quatre voix la vie tranquille d'un petit village norvégien. Tour à tour narré du point de vue d'un garçon particulier, d'un père démuni face à la souffrance de son fils, d'une mère endeuillée et d'un jeune soldat gay, ce roman introspectif est poignant et déchirant. Il révèle avec sensibilité la force des liens familiaux, amoureux et amicaux, la force de ceux qui restent, et aussi le poids trop lourd des secrets qui rendent honteux.
Non-dits, hermétisme, drame, traumatisme, résilience.
S'enterrer dans un trou, « reste si tu peux », ou fuir au bout du monde au risque d'y rencontrer la mort, « pars s'il le faut ».
Pas envie de vous divulgâcher l'histoire, juste celle de vous inciter à la lire.
Des mots pour mettre en appétit.
Ferme, chasse, tir, coupable, fuite, Afghanistan, mine, mort, mutisme, dépression, différence, révélation.
Les quatre personnages narrent une période différente, du passé vers le présent, sorte d'histoire à l'envers qui commencerait par l'épilogue. Ce qui rend les témoignages encore plus saisissants.
Le cheminement laisse apparaître les fêlures de chacun. Là ou ailleurs, c'est toujours le sol, majeur, qui transparaît.
Que ce soit en « bokmal » ou en « nynorsk », les deux types de langage renvoient aux différences d'appréciation suivant les âges ou les cultures des protagonistes. Un grand moment de lecture.

« The sun will always shine
It's tearing up my mind »

Le saxo de Dylan qui tempête dans ma tête, Robert, tu m'exaspères…
Le soleil brille toujours, il me déchire l'âme.

« Il fait si chaud il fait si chaud il fait si chaud »
Au dehors.
« Il fait si froid il fait si froid il fait si froid »
Dans mon corps.

Et inversement.

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 Dans un tout petit village norvégien, des amis décident de s'engager dans l'armée et de partir en Afghanistan.
Pourquoi?
Et comment leur famille, leurs amis, le village vont vivre cette décision et ses conséquences?

J'ai beaucoup apprécié d'entrer dans l'intimité des personnages dont les liens se révèlent petit à petit sans oublier la plongée dans l'ambiance norvégienne…
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
« Est-ce que vous auriez ce vieux roman à propos d’un sanatorium, de Hamsun ? a-t-il demandé. J’ai oublié comment il s’appelait exactement. »
J’étais bibliothécaire à la Deichman, j’étais assise et je tripotais une plaie que pour rien au monde je ne voulais laisser cicatriser. J’ai planté profondément l’ongle de mon pouce dans la plaie et j’ai tourné. Je me suis mordu la langue de douleur. J’étais furieuse de la question, furieuse contre ces je-sais-tout qui venaient et voulaient quelque chose de « spécial », en général sans avoir regardé sur les étagères au préalable. Pour que nous – qui connaissions le sujet – hochions la tête d’un air approbateur. J’ai attendu un bon moment, j’ai inspiré profondément.
« Vous avez regardé sur les étagères ? » ai-je-dit  en levant les yeux.
Il n’avait pas l’apparence à laquelle je m’attendais, celle des je-sais-tout habituels, avec leurs lunettes sans verres et leurs cheveux ébouriffés juste ce qu’il faut, parés pour aller à la bibliothèque. Et flirter avec les bibliothécaires. Il était brun, il portait une chemise de flanelle, et des lunettes auraient semblé tout à fait déplacées sur son visage rude. Il avait l’air de venir directement de la montagne, ou de la forêt, d’un stabbur* ou de je ne sais où.
« Je n’ai pas regardé là -bas, mais comme je vous l’ai dit, j’ai oublié comment il s’appelait » a-t-il dit un peu plus fort.
Irrité ? Peut-être envers une fille blonde qui ne manifestait aucun intérêt, assise derrière son comptoir à la bibliothèque Deichman, occupée à se tripoter une plaie alors qu’il était venu demander de l’aide. Je me suis ressaisie, j’ai ajusté mon bandeau.
« Hamsun, vous avez-dit ? ai-je demandé.
- Oui. »
J’étais déconcertée par sa beauté, je n’arrivais pas à réfléchir. Je ne voulais pas faire une recherche pour voir quel roman il avait en tête, je savais que je savais de quel roman il parlait. Et maintenant c’est moi qui voulais l’impressionner . Bon sang. Hamsun, le sanatorium … il avait dit sanatorium ?
« Celui qui parle d’un sanatorium ? ai-je demandé.
- Oui » a-t-il dit. Résigné.
« Le dernier chapitre ? »
Il m’a regardé et il a un peu ri. Il a hoché la tête, impressionné.
Il parlait comme Garborg, de la façon dont Garborg écrivait. Et je dormais avec « Paix » de Garborg sous mon oreiller depuis la toute première fois où je l’avais lu. J’ai interprété cela comme un signe évident, et tout en lui est devenu le signe que telle était la nouvelle forme de réel. Il s’appelait Hallvard et il m’a demandé à quelle heure je finissais ma journée. La journée a été plus longue que ce qu’à mon souvenir les journées pouvaient être. Nous étions installés au café de la pâtisserie Halvorsen, il était peu loquace mais il souriait. J’ai parlé plus abondamment que je ne l’avais fait depuis la mort de papa, je lui ai raconté toute l’histoire, parlé de moi. Je pensais que c’était là-bas que mon histoire allait, directement dans ses oreilles, et qu’elle resterait dans son corps aussi longtemps qu’il le voudrait. Et s’il la laissait repartir, elle y aurait du moins séjourné.
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