La littérature dite "populaire" a souvent été considérée comme une "sous-littérature", parce que, face à une littérature classique "officielle", on lui prête une qualité d'écriture inférieure, avec des personnages stéréotypés, des intrigues tour à tour simplistes ou alambiquées… Bien sûr, ce n'est pas faux, mais c'est quand même un peu exagéré, si l'on prend pour acquis qu'il s'agit là d'une partie de la culture, et que à l'intérieur même de cette sous-littérature, il y des pépites qui soutiennent la comparaison avec maintes oeuvres dites "classiques". Ici, il faut rendre hommage à ces grands vulgarisateurs que sont
Francis Lacassin ou
Claude Aziza. Non seulement ils ont fait sortir le genre du ghetto où des années de critique officielle l'avaient assigné, mais encore ils ont remis en lumière des auteurs qui valent largement le détour.
Car la littérature populaire, comme tout mouvement artistique, a ses têtes de gondoles et ses petites mains, qui autant les unes que les autres, valent au minimum une mention, quand ce n'est pas une reconnaissance publique. Tout est né du roman-feuilleton où sous le parrainage de grands noms comme
Victor Hugo,
Alexandre Dumas ou
George Sand, une nouvelle catégorie d'auteurs a vu le jour :
Eugène Sue,
Paul Féval,
Ponson du Terrail, pour les plus connus, mais aussi
Gustave Aimard,
Amédée Achard,
Adolphe d'Ennery, ou
Emile Gaboriau, la mode étant surtout ou roman historique, roman d'aventure ou roman social. L'âge d'or du roman populaire se situe à la Belle Epoque, grosso modo entre 1880 et 1920, et coïncident avec le moment où, progrès oblige, les auteurs n'écrivent plus pour eux mais en fonction d'un public précis : ils écrivent ce qu'attend le lectorat, de la création, ils passent à la production avant de passer à l'industrialisation. C'est l'apogée du roman historique avec
Paul Féval Fils et
Michel Zévaco, du roman mélodramatique avec
Georges Ohnet,
Jules Mary, Xavier de Monépin ou
Pierre Decourcelle, du roman policier avec
Gaston Leroux ou
Maurice Leblanc, du roman d'aventure "vernien", avec
Paul d'Ivoi, etc. A part, nous avons l'inclassable et pourtant incontournable Gustave Lerouge. Dans l'entre-deux-guerres, et depuis 1945, la multiplicité des thèmes et des modes de diffusion, ainsi que l'apport des 'pulps" américains font éclater le genre. le roman mélodramatique à l'eau de rose se perpétue un temps avec Delly et
Max du Veuzit. Aux catégories déjà citées viennent s'ajouter, le roman fantastique et d'horreur, la science-fiction, le roman d'espionnage, le thriller... "Le "roman de gare" constitue une brève survivance du roman populaire, mais on est déjà dans une autre époque : la bande dessinée, la télévision, le cinéma ont pris le relais d'un type culturel désormais révolu.
Amédée Achard (1814-1875) est l'un de ces auteurs à redécouvrir. de son oeuvre considérable, retenons deux pépites, deux romans de cape et d'épée : Belle-Rose (1847) et surtout
Les coups d'épée de M. de la Guerche (1863) et sa suite Envers et contre tous (1874). Injustement méconnu, ce roman est tout à fait comparable au Bossu de
Féval, on y sent le même souffle épique (qui était aussi celui de Dumas). L'auteur y relate les aventures d'Armand de la Guerche (protestant) et de son ami et éternel rival Renaud de Chaufontaine (catholique) à travers la France du début XVIIème siècle et même jusqu'en en Suède.
Dans la plus belle tradition du roman de cape et d'épée, cet ouvrage de belle facture, d'une remarquable qualité littéraire, ne peut que séduire les amateurs.
Disponible en édition Marabout, réédité chez Phébus, on a plus de chance de le trouver chez un bouquiniste ou dans un vide-grenier. Ou alors en numérique, sur ces sites de téléchargement autorisés et gratuits que sont (entre autres) Ebooks libres et gratuits ou encore Bouquineux (leur catalogue est richissime)... si vous êtes adepte de la liseuse.