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EAN : 9782213666280
448 pages
Fayard (22/08/2012)
3.68/5   14 notes
Résumé :
Roman haletant où s’entrecroisent confessions et monologues au gré de l’actualité terrifiante de la Colombie, 35 Morts parcourt l’histoire de ce pays pendant les quatre dernières décennies. Depuis la naissance du protagoniste, en Colombie, jusqu’au dernier rebondissement, à Madrid, nous le suivons dans des aventures toutes plus réelles les unes que les autres : combats politiques, enlèvements, répressions, massacres, coups de filets, trafics de drogue, discothèques ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
"Nous devrions apprendre à transformer le crime quotidien en histoire et cette histoire en conscience" a déclaré Sergio Alvárez.
C'est exactement l'objectif de son roman torrentiel 35 morts, au style baroque inversé qui contredirait tous les Alejo Carpentier, et un ton picaresque qui rend léger, drôle et inconfortable un discours sur une violence colombienne devenue mode de vie et de comportement, moyen d'ascension et d'échanges sociaux.
35 années, de 1965 à 2000, où la Colombie est morte au moins 35 fois : c'est le panorama historique fictionnel que met en scène l'auteur, où se tutoient plusieurs genres littéraires, roman historique, aventure, autofiction, thriller et même le genre feuilletonnesque romantique assorti des incontournables et populaires boléros colombiens. Et quand Sergio Alvárez révise l'Histoire de son pays en mode littéraire, c'est pour mieux comprendre le présent de la Colombie.
Un narrateur, picaresque loser, toujours là où il ne devrait pas, endosse une multitude de rôles comme autant de destins colombiens possibles : il est tout à tour guérillero communiste, soldat, membre de gang, sans-abri, marionnettiste, paramilitaire, criminel en col-blanc, petit trafiquant de drogue… Sa route croise une foule de protagonistes, multipliant les histoires et les voix narratives comme autant de torrents rejoignant le même fleuve historique, le même cours de la violence, dans un rythme démesuré, aux aventures et mésaventures démesurées parce que la réalité colombienne est démesurée.

Très complémentaire du portrait au vitriol de la société colombienne et de la bourgeoisie de Bogota réalisé par Antonio Caballero dans Sin remedio, ce livre de Sergio Alvárez ne critique pas frontalement la politique colombienne comme l'Avril rouge du péruvien Santiago Roncagliolo. L'auteur contourne avec brio cette critique politique en jouant sur le registre réaliste quotidien, sans jugement moral, mettant en avant une voix chorale de personnages qui n'ont d'autre choix pour survivre que de structurer leur existence avec la violence comme épine dorsale, tout en étant romantiques, touchants, fêtards, tricheurs, cyniques, indifférents…, un jour vivants et le lendemain morts, preuve s'il en faut qu'en Amérique Latine la fête, la violence, le machisme, l'exil, le sexe et l'oubli continuent de triompher.

Enfin, ce livre 35 morts est une terrible réponse à la génération littéraire du "boom" latino-américain (Garcia Marquez, Vargas Llosa, Julio Cortázar, Ernesto Sábato, Carlos Fuentes et consorts) : non, la culture n'a rien sauvé en Amérique Latine nous dit Sergio Alvárez, et la littérature n'a pas été un mode de connaissance et de transformation du monde comme le sophisme sartrien repris par les écrivains du boom l'avait affirmé. La globalisation libérale et la déliquescence des Etats et de leurs institutions sont seulement en train de parachever le processus de violence structurelle latino-américaine et de désenchantement en final de feu d'artifice quotidien.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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35 morts/ Sergio Alvarez
Dès la première ligne, on est dans l'action. A fond ! Mais vite cette lecture peut devenir un pensum redoutable : il faut du souffle pour aller au bas des pages ; aucun paragraphe pour se reposer ! Aucun retour à la ligne : tout est raconté à la suite, les dialogues mêlés au reste de la narration faite par nos héros dans un style ciselé au scalpel. C'est assez spécial et il faut s'y faire ! Je suis allé jusqu'au bout… 440 pages de bruit et de fureur, de morts, de révolution, de violence, de corruption, alcool et drogue à la clef : un portrait de la Colombie par Sergio Alvarez, grand humoriste au coeur sensible. Tout cela quelque peu tourné en dérision. C'est spécial et on peut aimer. En tout cas, il y a de l'action et beaucoup de personnages, si bien que l'on s'y perd parfois un peu .
« La Colombie est un pays hypocrite où les militaires ont toujours préféré gouverner dans l'ombre. » Voilà pour le cadre politique.
« Dans ce pays, celui qui n'a pas tué ou fait tuer quelqu'un n'avance pas. » Voilà pour l'ambiance !
Et pas un moment de répit dans ce roman. Entre militants politiques, mafieux, flics et narcotrafiquants, c'est la guerre perpétuelle. Nos héros qui racontent leur histoire avec leurs mots vont être ballotés à travers une violence inouïe : le héros principal, orphelin de sa mère dès sa naissance, recueilli par un vague oncle, va tenter de survivre par tous les moyens.
Une foule de personnages aux agissements souvent instinctifs apparaissent au cours du récit haletant, les uns voulant faire la révolution entre deux pétards, comme si c'était un jeu, les autres se succédant pour raconter l'histoire au cours de laquelle un érotisme « moyen » vient par moment apporter une note plus gaie. On tue et on « baise » allégrement tout au long de ces pages.
Et puis finalement, ils la font cette révolution. La rédemption, toute provisoire, viendra au cours d'un séjour dans un ashram où un gourou hindou va initier ceux qui sont prêts. Mais cela ne dure qu'un temps.
On découvre dans cette tornade verbale et ce tourbillon de vie une humanité déshumanisée où tous les vices se trouvent confrontés dans un climat d'insécurité totale.
La devise de chacun est du genre : profite du jour présent, car demain tu seras sûrement mort. Et des morts, il y en a pléthore.
Alors, allez-y, lancez vous dans ce roman et donnez votre avis.

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35 morts


Le héros de 35 morts ne demande pas grand-chose d'autre à la vie que de se partager entre l'amour et le sexe - dont il n'arrive pas à savoir lequel il aime le plus - , d'être d'autant plus sympa avec ses potes que ceux-ci se soucient de lui, et d'adoucir les difficultés avec les bières et la drogue.

"Je ne te crois pas, dis-je quand elle me raconta combien de gens elle avait tués. Moi, je te crois, dit-elle quand je lui racontai combien de femmes m'avaient plaqué. On rit beaucoup."


Un gars plutôt sympa, seulement voilà, il est né en Colombie, un pays où l'on peut dire :


"Tu es devenu vieux sans avoir compris comment fonctionne ce pays. Et comment il fonctionne, pour voir ? Grâce aux morts, vieux, dans ce pays, celui qui n'a pas tué ou fait tuer quelqu'un n'avance pas. Je le regardais, impressionné. Crois-moi, vieux, c'est la mort qui commande, et celui qui ne tue pas ou qui ne fait pas tuer, il n'est personne, il ne vaut rien."


La Colombie, où on n'a guère le choix que de flirter avec la révolution, les militaires, les narcotrafiquants, de pratiquer la violence, les arnaques et la corruption. Un pays où les poings et les armes sont les vrais outils de communication.
Et où il ne reste donc pas beaucoup d'autres solutions que de jouir à fond de l'instant, pour mieux pleurer quand le bonheur vous est ravi – on pleure beaucoup dans ce livre, les filles, les copains, les puissants, les méchants, tous sont de gros sentimentaux fleur-bleus.

À côté, il y a plein d'autres petites histoires, d'autres trajectoires de vie, d'autres destins ballottés par la violence, qui alternent avec le principal, tous à la première personne du singulier, des personnes qu'on identifie ou qu'on n'identifie pas, qui interfèrent avec l'histoire principale ou pas, comme autant de nouvelles coup-de-poing enchâssées dans le récit.

Au sein de ces petites séquences à l'alternance rapide, toutes annoncées par une phrase d'une chanson populaire, le style trouve une singularité qui captive, en ne s'autorisant aucun paragraphe, aucun alinéa, aucun retour à la ligne, y compris dans les dialogues, tout s'enchaîne sans pause pour une impression de rapidité, de dévastation, de naturel haletant : le lecteur est emporté et submergé : la violence, le monde et la vie qui grouillent, l'impasse existentielle...

35 morts est le roman brillant et palpitant d'un personnage attachant, de son destin déterminé par un lieu de naissance aimé et honni tout à la fois, pris en otage par on ne sait qui, des politiques, des décideurs, des bandits, des riches, des filous qui ont réussi à annihiler les espoirs d'un peuple tout entier, à le faire renoncer au bonheur et à la sérénité, à le faire toujours courir, toujours cacher sa peur, toujours grappiller son plaisir au plus vite. Un peuple romantique et désespéré qui ne renonce pas à vivre mais n'en finit pas de pleurer.

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Sergio Alvarez a eu besoin de dix ans pour achever son roman, 35 morts. Un livre total, une somme sur quatre décennies de violence et de survie en Colombie. le personnage principal, loser patenté, y compris dans ses relations sentimentales tumultueuses et pathétiques, subit les turbulences de l'histoire de son pays. Il est tour à tour communiste, voyou, yogi, marionnettiste, paramilitaire, exilé, ... Adossé au récit central, Sergio Alvarez raconte, en alternance, des dizaines de petites histoires, reliées ou pas à l'intrigue, et qui, par leur caractère choral, expriment toutes les facettes du peuple colombien, laminé par la guerre civile et la corruption, mais toujours debout et vivant. Sexe, drogue et assassinats, le cocktail explose à toutes les pages de 35 morts. Mais en imposant un style picaresque, non dénué d'humour noir, cru, électrique, Sergio Alvarez se hisse bien au-dessus du documentaire et écrit une fiction palpitante qui cavale comme un cheval fou. Tous les chapitres s'ouvrent par un extrait d'une chanson populaire colombienne. C'est que l'on demeure sentimental, malgré tout, même si le sang coule à gros bouillons et si la mort rôde à chaque carrefour, détruisant les vies au hasard, d'un revers de faux. Ce livre dévastateur conte un voyage en enfer mais l'auteur s'attache avant tout à nous faire sentir l'intensité des relations humaines dans ce pandémonium et la moiteur tropicale des étreintes amoureuses. Un roman puissant, dense, sardonique, qui rend hommage au courage et à la capacité de résistance d'une population qui s'entête à ne pas craindre la mort et à vivre la tête haute.
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
J’avais déjà croisé Vicente et, pourquoi le nier, il me plaisait. Il était grand, costaud, pas loin de la cinquantaine, de beaux cheveux blancs assortis à sa peau brûlée par le soleil, un nez aquilin et des yeux bleus qui rayonnaient de bonheur. Il était patient et opiniâtre, se levait tous les jours avec optimisme, travaillait dur, trouvait l’argent nécessaire pour nourrir la famille et avait encore l’énergie d’arranger la maison et d’apporter sa contribution à la révolution. C’était frappant et même rassurant de le voir sourire malgré toutes les misères et les problèmes qui lui tombaient dessus ; fier de l’admiration dont il était l’objet, il prouvait que l’honnêteté et la persévérance existaient encore en ce bas monde.
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e n’ai jamais été un bon théoricien, encore moins dans mon jeune âge, mais j’étais tellement enthousiasmé par tout ce que j’entendais que je finissais par l’apprendre par cœur. Ainsi, je sus que rien en ce monde n’était pire que d’être trotskiste, que l’Albanie était du côté des Chinois, que ces derniers étaient les bons, et que Khrouchtchev avait été un nain chauve et un traître. Soudain, la vie était formidable, je vivais dans un monde de rêve, une sorte de Disneyland communiste où la réalité était constituée de fables, de personnages héroïques, de bandits sanguinaires, et où il y avait même un oncle richissime pour de vrai.
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C’était la première fois que je n’avais pas peur qu’une femme se déshabille, cette nudité tranquille et naturelle finit par me rassurer et me convaincre que j’avais un foyer. Je me demandais si c’était normal de voir une maman toute nue, quand ma tante revint et résolut le problème. Nue, elle s’assit pour se couper les ongles des pieds. J’avais l’impression d’être dans un autre monde, soudain la vie était douce, personne ne criait, l’air sentait le parfum et il n’y avait pas de problème si les gens ne voulaient pas s’habiller.
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C’étaient des jours heureux, du moins mon père le croyait-il, n’ayant comme moi jamais appris qu’en ce monde les sentiments ne sont ni interchangeables ni recyclables. Ma mère ne tricotait pas seulement avec ses aiguilles, mais avec sa vie et ses propres sentiments, et la vie et les sentiments de mon père. Le jour où ma mère perdit les eaux, tous deux pensèrent qu’ils avaient abordé le dernier virage avant la ligne droite du bonheur.
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La Colombie tout entière était prête à danser, manger et boire pour manifester sa solidarité avec les premiers communards marxistes que le pays allait avoir. Le signal du départ fut donné par Pacho Moscoso qui, ivre comme d’habitude, parla du passé, du présent, du futur, et prédit même que cette communauté serait « la concrétisation du brillant avenir qui attendait le socialisme et la nation.
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