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EAN : 9782369143963
96 pages
Libretto (04/01/2018)
3.24/5   25 notes
Résumé :
Première oeuvre achevée qu'Apollinaire destinait à la publication, L'Enchanteur pourrissant – dont la première version date de 1898, mais qui sera publié en 1909 – sera aussi sa seule incursion dans le monde arthurien. Issu des lectures désordonnées du poète qui découvrait à cette époque les romans médiévaux bretons et empreint de sa fascination pour le thème de l'enfant sans père, L'Enchanteur pourrissant est un texte fort et révélateur du talent baroque d'Apollina... >Voir plus
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C'est un Apollinaire jeune qui nous offre ce conte plein de poésie même si inspiré des légendes arthuriennes. Inspirées et inspirantes tant Guillaume y met déjà tout son art du symbole et sa poésie en quête de modernité.
Symbole d'abord de la fatalité de l'amour mal partagé que le destin de Merlin enchanté par Viviane mais au-delà de cette image, il y a cette intuition que l'homme et la femme pourraient à travers l'acte d'amour se survivre différemment : "j'avais la conscience des éternités différentes de l'homme et de la femme."
Symbole encore que ce Merlin à la connaissance infinie que les vers cependant achèvent d'achever, le mage au corps pourri restera conscient de son éternité dans la présence de ceux qui évoquent son nom. Merlin en effet incarne la conscience et la sagesse que se transmettent les hommes de génération en génération.
Mais à la légende s'ajoute cette riche et jaillissante couche de poésie, cet art de l'évocation et de la fulgurance du poète Kostrowitzky qui deviendra Apollinaire. Ainsi assoit-il déjà son rôle de prophète qui mieux que Merlin partage sa clairvoyance et la puissance de son verbe pour créer un langage et une poésie encore inconnus.
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L'Enchanteur du titre, c'est Merlin, évidemment. Il descend d'un démon et d'une pucelle, il est proche de la nature et des druides, il connaît des enchantements... le recueil nous plonge donc dans la matière de Bretagne, en reprenant tous les codes attendus. On retrouve des personnages connus, Morgane et Viviane pour les femmes aux pouvoirs magiques, le chevalier Gauvain... le vocabulaire est aussi celui de l'époque arthurienne, avec des cors, des lances... Même si le lieu n'est pas clairement indiqué, l'action se déroule semble-t-il dans une forêt enchantée, qu'on peut assimiler à Brocéliande.
Oui, nous ne sommes pas dépaysés à première vue. Cependant, le titre caractérise Merlin par un épithète : "pourrissant". Il faut prendre le mot au sens littéral de ce qui se décompose dans la terre. Car Merlin est un cadavre : si son âme reste vivante, ce qui lui permet de commenter ce qui se passe, son corps est mort et enterré, il est en train de pourrir, dévoré par des vers.
L'alliance quasiment sous forme d'oxymore des deux termes du titre renvoie donc à la construction toute en opposition du recueil : la magie, la puissance, mais aussi la volupté de la vie, et la mort, le froid, la nuit, la terre. C'est le dernier terme qui l'emporte, le but d'Apollinaire semble être de raconter une sarabande, c'est-à-dire une danse lascive, sensuelle, mais aussi bruyante, désordonnée, agitée. Une succession d'êtres et de créatures se rendent sur la tombe de Merlin, comme dans une inversion de rite catholique, plutôt une messe noire qu'une cérémonie religieuse : les offrandes sont pourries, les faux rois mages offrent des présents monstrueux, les créatures à plume, à poil, à écailles... se dévorent et copulent sur la tombe. Si certains passages sont sensuels par leur subtilité, d'autres sont bien plus graveleux, comme les serpents qui ne cessent d'évoquer de grosses saucisses - mais cela donne lieu à des allitérations en "s" bien appuyées.
Mon avis est donc contrasté, car le texte lui-même semble peut-être s'égarer : lit-on un conte, un poème, un dialogue théâtral, un sabbat où se rencontrent les sorcières, ou un texte érotique ? C'est foisonnant, trop souvent, car j'ai eu l'impression d'une succession de listes (les prophétesses, puis les sorciers, puis les animaux...), avec des passages trop rapides bien souvent.
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Ce livre peu connu a été réédité en 1997 dans une édition (Terre de Brume) qui a été diffusée à peu d'exemplaires, je pense. Quand je l'ai vu, à cette époque, je n'ai pas hésité une seconde! La couverture est magnifique, il s'agit d'une peinture de E.R Hugues "oh, qu'y a t-il dans le creux?" et au fil des pages, on peut découvrir des illustrations de style primitif d'André Derain (comme dans le Bestiaire)

L'Enchanteur pourrissant reprend l'histoire de Merlin et est, semble t-il, le tout premier recueil destiné à la publication d'Apollinaire. On y retrouve bien sûr, sa passion pour les récits médiévaux, ainsi que le thème de l'enfant sans père.

Dans les didascalies apparaissent des elfes, fées, sphinx, grenouilles, lézards, le hibou, des druides, Leviathan, et encore une multitude d'autres personnages appartenant à la mythologie médiévale, et la patte d'Apollinaire est déjà bien évidente.

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L'enchanteur pourrissant est une oeuvre publiée en 1909. Ma deuxième découverte d'Apollinaire après Calligramme. Elle fut très enrichissante.
L'histoire est centrée sur le personnage de Merlin, issue de la légende arthurienne. Mélange de théâtre, de poésie et de roman, on peut y retrouver de nombreuses références aux mythologies antiques, celtiques mais aussi des références à la Bible.
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Né d'une mortelle et d'un démon, le trompeur Merlin a enchanté le monde avant de se laisser piéger par les mirages de l'amour. Trompé, enchanté, le voici à son tour, et son corps prisonnier du tombeau où fleurit l'aubépine, où la belle Viviane veille et savoure sa victoire.
Des quatre coins de la forêt, des quatre coins du monde et des replis du temps, mille créatures se rejoignent, les druides et les sphinx, les monstres et les bêtes, les sages, les fous, les devins, les héros, cherchant celui qui ne peut plus être trouvé mais dont la voix perdure pourtant à la lisière du monde. Car Merlin, demi démon, pourrira sans mourir vraiment.

Etrange texte que voilà, poétique, baroque et vénéneux, où les voix les plus inattendues se mêlent, s'égarent et se répondent. Un texte plein de symboles, de visions hallucinées, de bizarreries, plein d'ingrédients que j'aime et par lequel j'ai pourtant eu bien du mal à me laisser captiver malgré le pouvoir de fascination indéniable de certains passages. J'ai buté sur trop de choses, décalage culturel, perplexité face à certaines allusions, incapacité à laisser aller sans comprendre... et même sur la langue, bien moins enchanteresse que je l'aurais voulue. Dommage.
Cela reste une indéniable curiosité, que je ne suis pas mécontente d'avoir dans ma bibliothèque et à laquelle j'essaierai de revenir en de meilleures occasions.
Lien : https://ys-melmoth.livejourn..
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Les femmes ne connaissent pas l'amour, et l'homme, l'homme ne peut-il aimer cet amour incarné dans la femme? Personne n'a pris l'habitude d'aimer. Les femmes souhaitent l'amour; et les hommes, les hommes, que désirent-ils?
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À ce moment seulement, au son de la véritable voix inouïe de l’âme de l’enchanteur, la dame sentit la lassitude de la danse. Elle s’étira, puis essuya son front mouillé de sueur, et ce geste fit choir sur la tombe de l’enchanteur une couronne d’aubépine. De nouveau, la dame lasse éclata de rire et répondit ainsi aux paroles de Merlin : « Je suis belle comme le jardin d’avril, comme la forêt de juin, comme le verger d’octobre, comme la plaine de janvier. » S’étant dévêtue alors la dame s’admira. Elle était comme le jardin d’avril, où poussent par places les toisons de persil et de fenouil, comme la forêt de juin, chevelue et lyrique, comme le verger d’octobre, plein de fruits mûrs, ronds et appétissants, comme la plaine de janvier, blanche et froide.
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L’enchanteur était entré conscient dans la tombe et s’y était couché comme sont couchés les cadavres. La dame du lac avait laissé retomber la pierre, et voyant le sépulcre clos pour toujours, avait éclaté de rire. L’enchanteur mourut alors. Mais, comme il était immortel de nature et que sa mort provenait des incantations de la dame, l’âme de Merlin resta vivante en son cadavre.
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Mais j'avais la conscience des éternités différentes de l'homme et de la femme.
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S’il faut décrire Vézelay, on dira que c’est une agglomération étroite, serrée sur elle-même et agrippée à un rocher qui, depuis Rome a mérité le nom de Scorpion. Vue du ciel, la ville représente en effet une courbe, un abdomen à sept anneaux, avec une queue à segments dont le dernier est armé d’un aiguillon sans doute venimeux. De tous les signes du zodiaque qui figurent dans les voussures des tympans pour représenter l’univers et les saisons, le Scorpion caractérise Vézelay par le drame vie-mort-vie. Vézelay n’existe que par l’amour, et par la mort vaincue. P12
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