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Adèle Bloch (Éditeur scientifique)Simone Sentz-Michel (Traducteur)
EAN : 9782070407743
144 pages
Gallimard (26/10/1999)
3.73/5   46 notes
Résumé :
C'est aux images de son enfance dans la vieille communauté juive d'Odessa que Babel devra son inspiration. Les Contes d'Odessa sont une évocation attendrie, suite de tableaux pittoresques, fortement colorés de l'ancien monde, celui d'avant 1917 : la juiverie d'Odessa, ses bandits, ses marchands, ses putains, sa misère, la terreur des pogroms…
Le destin de certains écrivains se devine à la lecture de leurs livres.
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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J'ai bientôt quarante ans et je viens d'Odessa mais j'ai découvert Isaac Babel seulement il y a quelques mois, par un collègue musicien, un Français qui se passionne pour la langue russe.
Babel était réhabilité pourtant on ne l'apprenait malheureusement pas à l'école. L'antisémitisme non officiel était toujours présent...
J'ai adoré la poésie des Contes d'Odessa. Ce qui m'a fascinée le plus c'est le réalisme de Babel : à côté des magnifiques couchers de soleil, il parle des jeunes mariés "trempés de sueur d'amour", des enfants à la mamelle, des "peaux de moutons rances qui traînaient par terre"... Comment choisir des citations si je m'extasie devant chaque phrase ?!
Personnellement mon côté "expatrié" est peu développé pourtant une vague de nostalgie a roulé sur moi lorsque je lisais les noms des rues, des quartiers et des plages d'Odessa... Babel ressuscite pour moi quelque chose de très profond et inexprimable...
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Aurais-je lu ces chers Contes d'Odessa si je n'avais pas un jour épousé une femme ukrainienne ? Aurais-je connu son auteur, Isaac Babel, écrivain juif tragiquement décédé, car arrêté, torturé, puis fusillé sous la dictature soviétique ? Les livres sont des chemins, des hasards, des accidents, des rencontres…
Les Contes d'Odessa offrent des scènes de vies truculentes. Ce sont des formes de tableaux pittoresques de la vie dans un pogrom d'Odessa. Les mots sont crus. L'humour est présent. Ainsi j'ai relevé ce propos dans un des premiers contes de l'ouvrage : «… tout le monde peut se tromper, même Dieu. Une énorme erreur a été commise, tante Péssia. Mais n'était-ce pas une erreur de la part du bon Dieu d'établir les Juifs en Russie pour qu'ils y soient tourmentés comme en enfer ?» Ah ! Tiens ! le propos paraît bien actuel…
Isaac Babel nous parle d'une vieille communauté juive, celle d'avant 1917, celle d'avant la révolution russe. Elle est gouvernée de traditions, le récit nous dresse des personnages hauts en couleur, des marchands, des hors-la-loi, des prostituées. La misère d'Odessa est présente, ou plutôt celle de la communauté juive, des pogroms. Par moment, j'ai cru entrevoir le son et l'odeur des contes orientaux.
Les personnages sont vivants au-delà des mots, on s'entend presque par moment à ce qu'ils viennent surgir des pages, avec la cavalerie, la poussière et les sabres... À partir de faits divers dont nous sentons de manière palpable la tragédie, Isaac Babel nous fait vivre une communauté vivante, solidaire et digne.
Isaac Babel est né dans le ghetto juif d'Odessa. Il connaît donc le monde qu'il décrit, c'est celui de son enfance. A-t-il connu, rencontré ce personnage récurrent au travers des quatre contes, Bénia Krik, sorte de "parrain" de la pègre locale, qui se fera nommer plus tard Le Roi ?
Le récit fut écrit en 1924, c'est-à-dire entre deux guerres, entre deux terreurs. Qu'importe ! Dans ce récit il m'est arrivé par moment d'être parmi les personnages de ce pogrom, ne sachant plus à quel destin je me livrais, alors que nous savions pourtant que la tragédie de l'Histoire se faisait. En Ukraine, ce fut la double peine : la dictature soviétique fut terrible, provoquant une famine sans précédent et la répression auprès de la communauté juive fut par ailleurs impitoyable.
Le texte d'Isaac Babel traverse l'Histoire et demeure actuel. Il est très beau.
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Avec ce recueil de nouvelles (et non de contes), tantôt déjantées, tantôt fantastiques, tantôt touchantes, Isaac Babel nous plonge dans les quartiers juifs d'Odessa, la Marseille de la Mer Noire, au début du XXème siècle, au temps des premiers pogroms russes. Fêtes délurées, personnages truculents, ambiance baroque. On se croirait dans un film de Fellini, de Scola ou de Ferreri, avec les plantureuses matrones, les belles-mères vénales, les vieillards libidineux ou roublards. Il y a aussi des arrestations, des fusillades, ... Tout se mélange, tout est exagéré, comme dans nos souvenirs d'enfance.

Puis le ton s'adoucit, le rythme s'apaise, et la fantaisie s'efface dans les récits du début de l'ère soviétique, avec les troupes armées de révolutionnaires, les populations déplacées, les expropriations de l'aristocratie et de la noblesse russe de leurs palais et de leurs châteaux. Sur un plan plus personnel, cette période est aussi marquée par la découverte de la vocation d'écrivain de Babel, son amour pour la vie, les livres et la poésie, son admiration pour Maupassant. Il rend aussi un hommage très touchant à Gorki, qui l'a encouragé à persévérer dans la voie de l'écriture.

Bref, un bon moment de lecture.
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En Europe, le premier jour de l'hiver tombe toujours un 21 ou un 22 décembre. Il correspond à la journée où le soleil distribuera sa luminosité pour douze heures … et pas une miette de plus ! Se plaindre, tout comme crier au scandale, ne servirait à rien. C'est comme cela depuis que la Terre et le Soleil se tournent autour dans leur incessant ballet sous l'oeil impassible de la Lune. Devant tant de grandeur, il ne nous reste qu'à dégainer notre plus beau sourire, masqué cette année, et apprécier ce phénomène vieux de plusieurs milliards d'années.

Pourtant, quand j'avance que le solstice d'hiver correspond au premier jour de l'hiver sur le continent européen, je me trompe. Cette erreur vaut au minimum pour la Russie et l'Ukraine qui célèbrent l'arrivée hivernale … un premier décembre ! Ces deux pays ont vu passer tant de choses: des guerres, des révolutions, des courants culturels, artistiques, des femmes et des hommes … dont un écrivain, qui trouve assez peu d'écho en Europe, Isaac Babel, le plus juif des russes ou le plus russe des juifs. Il m'a été donné l'occasion de lire ses Contes d'Odessa et je vous en livre ici une petite analyse.

Comme le nom du recueil l'indique, les histoires prennent place dans la ville portuaire d'Odessa avant la révolution de 1917, et plus spécialement dans le quartier juif de la Moldavanka, où les bandits font la loi. Parmi ceux-ci, Bénia Krik, surnommé le Roi, est considéré comme le chef des gangsters. Nous suivons, à travers ce personnage et les habitants de ce quartier, des récits où la police décide de sévir face à cette mafia … sans succès. Où les mets de contrebande se retrouvent sur le buffet … d'un mariage. Où la rivalité entre clans trouve son origine dans des histoires … de coeur ! Isaac Babel crée des bribes d'histoires qui s'entremêlent les unes aux autres et donnent à voir la vie de ce quartier, et ce non sans une pointe d'humour.

“ À ce repas de noces on servit des dindons, des poulets rôtis, des oies, du poisson farci et une soupe de poisson dans laquelle des lacs de citron jetaient des reflets nacrés. Sur les têtes mortes des oies, des fleurs se balançaient comme des plumets somptueux. Mais le ressac écumeux de la mer d'Odessa jette-t-il des poulets rôtis sur le rivage ? “

Même si les quatre récits du livre ont été publiés, pour la première fois, entre 1923 et 1924, il s'agit bel et bien d'histoires concernant les juifs d'Ukraine qui s'étalent depuis les premières secousses révolutionnaires de 1905 jusqu'aux premières années années ayant suivi la révolution d'Octobre, c'est-à-dire 1919. Avec ces courts récits, Isaac Babel nous donne un aperçu d'une certaine région (Odessa), dans une certaine communauté (juive) et à une époque doublement révolue.

L'écriture de Babel est précise. Il la dépouille du bruit et des fioritures, par essence inutiles, afin de s'approprier une langue et la reformuler dans un style qui est le sien. L'écrivain soviétique était un artisan de l'écriture qui polissaient ses phrases jusqu'à ce qu'elles lui conviennent tel un peintre qui n'aurait de cesse de parfaire son oeuvre jusqu'à ce qu'elle soit exactement comme il la désire.

Mais le style de Babel ne s'est pas fait dans un éclair de génie. Ses premiers écrits sont remarqués par Gorki qui lui conseille d'arrêter de publier et de parcourir le monde pour être transpercé par les sensations. Plus que tout autre écrivain, c'est grâce à cette matière première — qu'est l'expérience de la vie — que Isaac Babel affine sa patte. Cela l'amènera à écrire des récits emprunts d'une atmosphère particulière et sans concession, comme ces Contes d'Odessa:

“ Quand Bénia revint chez lui, les lampions s'éteignaient déjà dans la cour et l'aube commençait à poindre dans le ciel. Les invités étaient partis et les musiciens sommeillaient, la tête inclinée sur le manche de leur contrebasse. Seule Dvoïra ne songeait pas à dormir. Des deux mains elle poussait son mari, paralysé par la peur, vers la porte de leur chambre nuptiale, et le couvait d'un regard carnivore, comme un chat qui tient une souris dans sa gueule et la tâte doucement du bout des dents. “

Ces histoires sont aussi l'occasion de mettre en lumière une ville, Odessa, et surtout un quartier : La Moldavanka. Un endroit malfamé, à l'époque, qui était le point névralgique des juifs orthodoxes et où le taux de criminalité atteignait des sommets. Les maisons de travailleurs, faites de bric et de broc, s'entassaient alors les unes à côté des autres. Elles étaient le théâtre du trafic de contrebande portuaire. Ce ghetto a aussi vu éclater un pogrom en 1905, c'est-à-dire une attaque accompagnée de pillage et de meurtre perpétrée contre la communauté juive.

Isaac Babel, qui naquit dans la Moldavanka, n'habitait déjà plus ce quartier quand ce massacre eut lieu mais plusieurs de ces écrits, dont les Contes d'Odessa, laissent transparaître ces tristes événements …que l'Histoire a malheureusement vu se multiplier au fil des années.

En résumé, ce court recueil de 144 pages est une porte d'entrée intéressante pour appréhender l'écriture et les propos d'un auteur juif. Considéré par beaucoup comme l'un des meilleurs prosateurs en langue russe de la première moitié du XXème siècle, Isaac Babel et ses livres restent très confidentiels en francophonie. Sans doute la censure communiste (encore elle) qui frappa ses oeuvres a-t-elle joué un rôle dans cet oubli que les années ont bien du mal à réparer.
Lien : https://lespetitesanalyses.c..
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Mon édition ( L'imaginaire Gallimard ) traduit du russe par Adèle Bloch et Maya Minoustchine en 1967 comprend quatre contes, vingt et une nouvelles et deux récits de souvenirs.

Contes d'Odessa ( 1923-1924)
Pas de véritable structure aux quatre contes, c'est foutraque comme un collage d'images. Mais quelle écriture !
A propos du style de Babel, Victor Chklovski a dit qu'il donne à la littérature russe " grise comme un serin des culottes framboise et des bottines de cuir bleu azur." Voilà c'est ce que j'ai trouvé de formidable dans ce recueil : les couleurs qui pétaradent ! Les métaphores originales, inventives, modernes. Et puis les figures truculentes et grotesques. Et puis la cruauté qui arrive comme un cheveu sur la soupe. C'est qu'on s'attache à ce gangster, ce Bénia Krik qui règne sur la Molvadanka, les bas-fonds d'Odessa ! A cette matrone charnue, Lioubka le Cosaque ! Et à tout ce petit monde misérable et coloré du grand port de la mer Noire, peuplé à l'époque d'un tiers de Juifs.
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Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
Il y a des gens qui savent boire de la vodka et des gens qui ne savent pas boire de la vodka, mais qui en boivent quand même. Les premiers trouvent du plaisir dans la peine comme dans la joie, et les seconds pâtissent pour tous ceux qui boivent de la vodka sans savoir s'y prendre.
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Un courant de vie jaillissait de lui, alors même qu’il était mourant. Le cœur des hommes en proie à l’angoisse se tendait vers lui. Par sa vie, il nous disait que la poésie est une affaire essentielle, nécessaire, quotidienne. […] Je me rappelle notre dernière conversation. Il est temps de quitter les villes étrangères, avions-nous décidé d’un commun accord ; il est temps de rentrer chez nous, à Odessa, de louer une petite maison à Blijnié Melnitzy, d’y écrire des histoires, de vieillir… Nous nous imaginions devenus des vieillards, des petites vieux malins et gras qui se chauffent au soleil d’Odessa, sur le boulevard près de la mer, et suivent les femmes d’un long regard …
Nos désirs ne se sont pas réalisés. Bagritzki est mort à trente-huit ans sans avoir fait même une petite partie de ce qu’il aurait pu. Un Institut de Médecine expérimentale a été fondé dans notre pays. Puisse-t-il parvenir à ce que ces crimes absurdes de la nature ne se répètent plus.
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- Et si Sérioga n’allait pas à l’armée ? suggéra alors le sauveur.
- Le gendarme l’y trainera, pour sûr …
- Le gendarme, le Seigneur baissa la tête, je n’avais pas songé à lui. Écoute, et si tu vivais dans la chasteté ?...
- Quatre ans ? répondit la femme. S’il fallait t’écouter, tout le monde devrait se mettre la ceinture ; c’est une de tes vieilles marottes, mais la reproduction, qu’est-ce que tu en fais ? Donne-moi un conseil sensé …
Alors le rouge monta aux joues du Seigneur, la femme l’avait piqué au vif, toutefois il ne dit rien. On ne s’embrasse pas soi-même dans l’oreille, c’est bien connu, même Dieu sait cela.
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Il existe de petits clous, me dit-il, il en existe aussi de gros, de la grosseur de mon doigt. Et il approcha de mes yeux un long doigt modelé avec force et délicatesse. La voie de l’écrivain, cher pistolet (avec l’accent sur le o), est jonchée de clous, principalement du gros calibre. Vous devrez marcher dessus les pieds nus, vous perdrez pas mal de sang, et il en coulera toujours davantage avec les années … Vous êtes un homme faible : on vous achètera et on vous vendra, on vous harcèlera, vous endormira, et vous vous flétrirez, en feignant d’être un arbre en fleur … Mais pour un honnête homme, un littérateur honnête et un révolutionnaire, s’engager dans cette voie est un grand honneur ; accomplissez donc, monsieur, cette lourde tâche avec ma bénédiction …

(parole de Maxime Gorki à Isaac Babel – fin 1916)
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J’étais un petit garçon menteur. Cela venait de la lecture. Mon imagination était toujours surexcitée. Je lisais pendant les cours, aux récréations, le long du chemin en rentrant à la maison, je lisais la nuit, sous la table, caché par la nappe qui pendait jusqu’à terre. Quand j’étais plongé dans un livre, je laissais passer sans y prendre garde toutes les affaires importantes de ce monde, comme de faire l’école buissonnière pour courir au port, d’apprendre à jouer au billard dans les cafés de la rue grecque, ou de nager à Langeron. Je n’avais pas de camarades. Qui aurait eu envie de se lier avec un garçon comme moi ?
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