Titre français :
La fille flûte et autres fragments de futurs brisés.
La nouvelle est un exercice idéal pour conter des histoires de SF. Pourtant l'exercice est plutôt périlleux. Nombre de recueils sont de qualité inégale et, par définition, chaque lecteur réagit de manière différente.
Avec
Paolo Bacigalupi, aucune inquiétude à avoir, c'est la crème de la crème en la matière. Avec La fille flûte et ses dix récits de futurs brisés (comme le dit le joli sous-titre français), l'auteur nous convie à des voyages d'une qualité remarquable, éblouissants de bout en bout.
Des histoires d'une profondeur rare, pas toutes facile d'accès au départ, mais qui deviennent rapidement immersives. Entre 20 et 60 pages de pur contentement livresque.
Le recueil date de 2008, publié préalablement à la sortie de son chef d'oeuvre multi-primé qu'est
La fille automate. C'est donc une magnifique invitation à découvrir l'univers de l'auteur ou une belle façon de prolonger le plaisir pour le lecteur déjà investi dans la place.
Oui magnifique, parce que Bacigalupi possède un talent fou et parce que les thèmes abordés parlent de l'homme d'aujourd'hui à travers ces récits de demain. Des récits de futurs de notre bonne vieille terre qui ne tourne décidément plus rond…
Toutes les histoires proposées impriment leur empreinte propre, avec cette patte si unique de l'auteur (qui nous assène quelques coups de griffes au passage).
Les thèmes qui lui sont chers sont une fois de plus habilement traités :
- Futurs où la crise énergétique a plongé le monde dans une immense récession (sorte d'énormes retours en arrière),
- Manipulations génétiques des hommes et des plantes jusqu'à l'absurde,
- Mainmise des multinationales,
- Pertes de valeurs,
- Quête d'immortalité
- Ou autres vraies réflexions sur la parentalité…
Chaque récit possède sa propre couleur ; véritables cris d'alarme sur les dérives environnementales et sociétales actuelles. Chaque chronique a son ton qui lui est propre et raconte une vraie et puissante histoire, touchante et qui pousse à la réflexion.
Quand on se plonge dans une nouvelle de Bacigalupi, une fois lue la dernière ligne, on pose l'ouvrage et on savoure, tout en méditant sur le sujet. Imparable.
Paolo Bacigalupi a une aptitude quasi hypnotique à nous emmener avec lui à travers les destins brisés d'hommes et de femmes aux caractères complexes et profondément marqués par leur environnement.
On sort réellement grandi d'une lecture de cet auteur, lui qui a le don de nous alarmer tout en mettant toujours l'homme au centre de son récit. Oui, un propos vraiment humaniste tout au long de ces tranches de vie incroyablement prenantes et aux chutes souvent terribles (mais où pointe quelquefois un zeste d'espoir).
Ceux qui ont adoré
La fille automate se régaleront à la lecture de deux des nouvelles, sortes d'excroissances de ce roman et deux temps forts de ce recueil (mais peut-on parler de temps fort, tant le niveau général est tout simplement exceptionnel ?).
Deux mots enfin sur la présentation de l'ouvrage (superbe comme toujours Au diable vauvert) et sur la qualité des traductions. Cinq traducteurs qui ont fait un boulot magnifique pour mettre en lumière ces récits :
Julien Bétan,
Sébastien Bonnet,
Laurent Queyssi,
Claire Kreutzberger et l'admirable
Sara Doke (traductrice attitrée des romans de l'auteur et à la manette de six des nouvelles).
Vous l'aurez compris, dans le genre, ces fragments de futurs brisés sont autant de lectures précieuses.
Paolo Bacigalupi est vraiment devenu une voix qui compte dans la SF contemporaine.
Lien :
http://gruznamur.wordpress.c..