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3,67

sur 4329 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je me permets d'ajouter ma critique personnelle à ce roman, en espérant qu'elle apporte quelque chose à celles déjà disponibles.
Comme sans doute beaucoup d'entre nous âgés d'un 'certain âge', Balzac m'a été imposé au Lycée, et ce souvenir douloureux m'a découragé de lire d'autres romans de cet auteur par la suite.
Trente ans plus tard, je découvre à quel point Balzac est un maître, la comédie humaine porte bien son nom, puisque ses écrits peignent avec finesse, style et mesure les caractères humains.
On retrouve ici le père ladre, la mère effacée et résignée, la fille (Eugénie Grandet) étouffée mais courtisée par des ambitieux qui recherchent plus à conquérir sa fortune d'héritière plus que son coeur. Las, dans ce tableau provincial fait irruption un cousin parisien et déshérité, mais qui séduit Eugénie, qui s'engage dans un serment amoureux qui scellera son avenir.
La force de ce roman est de grandir l'intensité à pas mesurés, de ciseler chaque étape par un choix de mots et un cadre remarquables. Balzac n'est pas ennuyeux, Balzac réussit à nous entraîner dans une histoire banale qu'il rend dense, riche et vive par son talent de conteur mais aussi d'auteur.
A l'heure ou la surenchère d'artifices rend certains romans tragiques indigestes, que grâce soit rendue à Balzac pour nous faire savourer une intrigue simple, sans drame superflu ou vaste complot.
L'art le plus noble se révèle parfois dans ses réalisations les plus simples...
Pour information, j'avais lu 'les illusions perdues', récemment porté à l'écran. Ces romans me portent à lire encore du Balzac...
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Eugénie Grandet
Balzac (1799-1850)
Félix Grandet a le sens des affaires et une avarice maladive. Tonnelier depuis 1789, puis maire de Saumur, farouche républicain et patriote, propriétaire des plus beaux vignobles de la région, d'une vieille abbaye et de plusieurs métairies, il a fait fortune et vit de ses rentes et de ses transactions incessantes en faisant fructifier cette fortune, laissant croire à sa femme, sa fille Eugénie et la servante Nanon qu'il exploite féodalement, qu'ils ne sont pas riches.
Sa femme qui a vingt ans de moins que lui est réduite à un ilotisme complet de par son despotisme et la terreur qu'il fait régner dans la maison. Il faut savoir que chaque jour, Grandet distribue lui-même la chandelle de chacune des femmes de même que la portion de pain et les denrées alimentaires !
Eugénie Grandet âgée de vingt-trois ans, seule héritière, de fait apparait comme un beau parti et les notables se bousculent qui la courtisent. Elle est encore sur la rive de la vie où fleurissent les illusions enfantines. Eugénie est une jeune fille innocente et naïve et ne voit pas le manège jusqu'au jour où arrive à la maison Charles Grandet, un jeune dandy parisien, neveu de Félix Grandet .
Charles, âgé de vingt-deux ans, est envoyé chez son oncle par son père, riche négociant à Paris qui a fait faillite. C'est en sa cousine à l'âme tendre que Charles va trouver le réconfort lorsqu'il apprend le suicide de son père. Peu à peu les deux jeunes gens s'éprennent l'un de l'autre en secret.
« Charles s'aperçut en contemplant Eugénie, de l'exquise harmonie des traits de ce pur visage, de son innocente attitude, de la clarté magique de ses yeux, où scintillaient de jeunes pensées d'amour, et où le désir ignorait la volupté… Leurs yeux exprimaient un même sentiment, comme leurs âmes se fondaient dans une même pensée : l'avenir était à eux…Charles lui prit la main, l'attira sur son coeur, la saisit par la taille, et l'appuya doucement sur lui. Eugénie ne résista plus, elle reçut et donna le plus pur, le plus suave, mais aussi le plus entier de tous les baisers.»
Mais le père Grandet veille et va réussir à éloigner le cousin trop entreprenant au grand désespoir d'Eugénie, en l'expédiant aux Indes. Les deux amoureux se promettent alors un amour perpétuel…
Les drames ne vont pas tarder à envahir la vie de la tendre Eugénie, la tyrannie et le despotisme forcené de l'avare Père Grandet rendant la vie des trois femmes, la mère, la fille et la servante, insupportable.
Dans ce beau et terrible roman paru en 1834, Balzac peint sans concession et de façon saisissante les moeurs d'une époque et surtout la tyrannie d'un père avare à l'encontre d'une femme résignée et d'une fille à l'âme romantique.
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Bien qu'il faille passer par là, aucun résumé ne pourrait rendre la richesse de ce merveilleux livre, profondeur psychologique comme foisonnante richesse de vocabulaire. Sachez quand même que tout tourne autour du père Grandet, ancien tonnelier enrichi, d'une part parce qu'il avait eu le nez creux en rachetant pour une bouchée de pain les biens du clergé après la Révolution Française, notamment des vignes dans sa région de Saumur, et d'autre part grâce à la dot de son épouse. Richissime propriétaire, il impose à sa femme et à sa fille Eugénie un régime de misère (cuisine spartiate, peu de chauffage et – exemple parmi d'autres - même les morceaux de sucre sont comptés chaque matin). Les deux femmes subissent tout cela avec résignation. La fortune du père fait d'Eugénie le meilleur parti de la région, et on assiste pendant tout le roman aux manoeuvres de deux familles – les Grassins et les Cruchot, qui tournent autour d'elle pour bien se placer dans la course, les premier, plus riches se disant «Tout sera pour nous un jour». «Ils témoignaient publiquement à M. Grandet un si grand respect que les observateurs pouvaient mesurer l'étendue de (ses) capitaux… d'après la portée de l'obséquieuse considération dont il était l'objet… M. Cruchot avait ses entrées à toute heure au logis, tandis que son rival n'y était reçu que les dimanches». Mais finalement, c'est d'un cousin ruiné qu'Eugénie tombe amoureuse, à la grande fureur de son père, et cela changea forcément la stratégie des «cruchotins et des grassinistes… L'admirable bon sens qui dirigeaient les actions de ces grands calculateurs leur fit sentir aux uns et aux autres la nécessité d'une alliance momentanée contre l'ennemi commun». le cousin ruiné doit cependant d'abord partir chercher fortune outre-mer pour pouvoir l'épouser, et comme Pénélope, Eugénie attend et attend fidèlement. le cousin s'est enrichi, notamment comme marchand d'esclave, a fort changé moralement, et revient après des années pour en épouser une autre. Il écrit à Eugénie qu'un meilleur parti s'est présenté à lui, il héritera d'un titre de marquis, il ne peut laisser passer une telle occasion, et il lui souhaite de trouver «un autre établissement».
Parmi les personnages secondaires mais admirablement bien croqués, il y a un oncle ruiné qui se suicide, un notaire dont la montre, «épaisse de deux doigts, ressemblait à un vaisseau hollandais», la servante Nanon, qui «ronflait à ébranler le plancher», complice d'Eugénie, mais non sans mal à l'insu du père, et un prêtre qui parle un jour à l'avare de gens qui jettent l'argent par les fenêtres. «Qu'est-ce que cela fait, s'il rentre dans ma cave ?» réplique le vieux vigneron.
La mère meurt sans soins car cela coûte trop cher, et Eugénie un jour est punie par son père. Pendant des mois, elle est enfermée dans sa chambre jusqu'au moment où le notaire fait remarquer au vieil avare que c'est elle et non lui qui hérite de la fortune de le défunte. du coup, il se fait tout miel, lève la punition, et se fait tout obséquieux pour qu'Eugénie signe une renonciation à l'héritage. Il tombe bientôt malade et passe ses derniers moments, grabataire, à contempler son or. Eugénie ne se mariera pas et restera avec la domestique.
Pour rendre compte du style et de la richesse de vocabulaire, j'ai posté quelques extraits surprenants qu'on trouvera dans les citations.
Si vous n'y êtes jamais allés ne manquez pas de visiter la maison De Balzac à Passy, rue Raynouart. Poursuivi pas ses créanciers, l'écrivain s'y cachait sous le nom de M. de Breugnon, et la maison avait une seconde sortie, plus bas, dans la pittoresque petite rue Berton qui sent encore aujourd'hui la campagne du Passy d'autrefois, où on allait prendre les eaux (rue des eaux), près du château acheté en 1783 par la princesse de Lamballle (rue de Lamballe), ou flotte aujourd'hui le drapeau de l'ambassade de Turquie. La princesse de Lamballe (1749-1792), née princesse de Savoie, avait épousé l'arrière-petit-fils de Louis XIV et de Mme de Montespan. Veuve à 19 ans, elle n'hérita de son mari qu'une maladie vénérienne qui lui défigura la peau du visage. Amie de Marie-Antoinette, elle l'accompagna ainsi que Louis XVI à la prison du temple. Elle n'en sortit que pour être égorgée, éventrée et dépecée par la barbarie de la Révolution, et sa tête promenée sur une pique dans Paris. Stéphane Bern l'a évoquée dans une de ses émissions «Secrets d'histoire», et 2020.
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Un huis-clos en clair-obscur où Balzac fait du Père Grandet un monstre d'égoïsme et de sa fille l‘incarnation des vertus féminines bien mal récompensées. Des vies étriquées, où l‘argent règne en maître et détruit les êtres en les étouffant peu à peu.
Si Molière nous fait pleurer de rire avec Harpagon, Balzac dénonce avec tristesse ces nouveaux bourgeois qui profitent de la vente des biens nationaux pour s‘enrichir et supplanter la noblesse de l‘Ancien Régime sans en avoir l‘éducation.
Une peinture féroce et sans concession de ces parvenus du XIXème qui ,aveuglés par l‘appât du gain perdent tout sens moral.
Le talent d‘écrivain De Balzac qui pénètre dans le tréfonds des âmes de même que ses qualités d‘économiste surprenantes dans ce récit très littéraire , forcent le respect et donnent envie de lire ou relire tous les volumes de la Comédie Humaine.
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« Il y a un duel constant entre le ciel et les intérêts terrestres. »
Certaines personnes sont si intimement persuadées qu'il existe un paradis après la vie, qu'elles acceptent avec résignation, humilité, grandeur d'âme, bonté et charité, tous les malheurs de la vie terrestre, toutes les vicissitudes humaines.
Certaines personnes sont si profondément persuadées qu'il n'existe pas un enfer après la vie, qu'elles s'emparent ici-bas, avec acharnement, prétention, petitesse d'âme, immoralité et avarice, de tous les biens matériels terrestres, de tout l'amour qu'il leur est donné et qu'elles ne rendent jamais.
Eugénie Grandet m'est apparue dans un premier temps comme une jeune fille insipide, soumise, bête. Mais plus Balzac nous dévoilait sa grandeur d'âme, plus elle embellissait au-dedans et au-dehors.
Le père Grandet est un avare : « le Dieu Argent est le seul en lequel il ait foi. » Je connais quelques personnes qui ont les poches cousues, j'ai lu avec plaisir L'avare de Molière, mais on ne peut pas dire qu'on ait connu un véritable avare tant qu'on n'a pas connu le père Grandet de Balzac ! L'avarice n'est pas seulement matérielle, elle est aussi morale et intellectuel, elle est avilissante, débilitante.
Avec le père Grandet de Balzac, l'avarice, poussée à son comble, ne peut engendrer que la misère et la méchanceté, ou la richesse, intérieure et extérieure et la bonté… Et comme la rose odorante pousse sur le fumier, Eugénie Grandet, élevé dans la maison de la misère voulue, répandra autour d'elle les bienfaits de sa bonté.

Derrière ce petit chef d'oeuvre, on sent tout le travail de titan De Balzac qui a cherché toute sa vie à devenir riche sans jamais y parvenir. Pourtant, dans Eugénie Grandet, Balzac nous explique par le menu comment Grandet et son neveu sont devenus riches : pour faire fortune, il faut employer des moyens qui, s'ils sont licites, ne sont pas toujours moraux. C'est peut-être pour cela que Balzac n'est jamais devenu millionnaire : il était trop bon !

Balzac avait aussi, en privé, de bons mots, on retrouve son humour sans pareil de-ci de-là : « Il était bien injuste de trouver que la pauvre fille avait une figure repoussante : elle eût été très admirée sur les épaules d'un grenadier de la garde. »

Balzac avait sur solide corps de paysan, un cou musclé de taureau, mais une grande délicatesse d'esprit, en témoigne cette phrase :
« Charles tira de sa poche un mouchoir brodé par la grande dame qui voyageait en Ecosse, un joli ouvrage fait avec amour pendant les heures perdues pour l'amour. »
Sérieusement, ne trouvez-vous pas qu'un tel mouchoir vaut qu'on lui consacre quatre lignes finement ciselées ? Voilà pourquoi j'aime le 19ème siècle : les mouchoirs n'étaient ni en papier ni jetables !

Pour le plaisir, un extrait d'une rare beauté :
« Quand les enfants commencent à voir, ils sourient ; quand une jeune fille entrevoit le sentiment dans la nature, elle sourit comme elle souriait enfant. Si la lumière est le premier amour de la vie, l'amour n'est-il pas la lumière du coeur ? »
Et encore une belle pensée merveilleusement écrite :
« La femme a cela de commun avec l'ange que les êtres souffrants lui appartiennent. »

Donc, je vous recommande grandement Eugénie Grandet si :
Vous n'avez pas de scrupule et voulez faire fortune à n'importe quel prix,
Vous voulez un bel exemple d'abnégation de soi et de bonté terrestre,
Vous voulez, seule devant votre livre, savourer toute la richesse intellectuelle et littéraire De Balzac, qui vaut bien plus que tout l'or du monde !
Lien : https://www.gabrielle-dubois..
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Je ne savais pas que c'était si fin, ciselé. Que ne l'ai-je ouvert plus tôt?
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Ce livre m'avait été imposé au collège. J'ai aimé le lire. Beaucoup de détails, on est plongé dans l'époque. C'est une histoire, qui enrichit le vocabulaire, qui ouvre les yeux sur les conditions de la vie autrefois. La pauvre Eugénie n'aura pas une vie très heureuse, tout comme sa mère. le père Grandet est terriblement avare. Les femmes autrefois n'avaient pas beaucoup de choix pour se marier. Une période peu enviable.
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Balzac y décrit l'avarice, la spéculation sur les assignats, la rapacité, au travers du personnage du père Grandet, ainsi que les malheurs de la pauvre Eugénie, sa fille, qui est courtisée par plusieurs vaniteux uniquement pour l'assise financière que son père représente. La scène du décès de Grandet est magistrale, je la revois comme si c'était hier.
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L'argent en province selon Balzac -

Monsieur Grandet, riche propriétaire de vignobles à Saumur, vit comme un paysan dans une sorte de longère lugubre, mal entretenue. Il est profondément avare et dissimule avec soins l'étendue de sa fortune faisant l'objet de diverses rumeurs locales. Grandet est très connu dans tout Saumur si bien que tous les notables du coin se précipitent en sa demeure, non pour sa compagnie, mais pour convoiter de plus près sa prétendue fortune. Grandet à une fille unique, jeune et à marier, ce qui se sait localement. Pieuse, loyale, obéissante, à coeur ouvert, Eugénie Grandet est la femme parfaite à marier, mais c'est surtout sa qualité d'unique héritière de Monsieur Grandet qui intéresse les prétendants. Balzac nous décrit une vie monastique, très régulière et réglée de la vie en province, lorsque débarque soudainement de Paris le cousin d'Eugénie, Charles Grandet. Charles Grandet, c'est les illusions perduesDe Balzac, mais à l'envers, il vient de Paris, il se croit riche, a les manières fines et distinguées, à la pointe de la mode parisienne, qui vient contraint et forcé à Saumur, à la demande de son père, criblé de dettes, qui se suicidera peu de temps après le départ de son fils qu'il expédie chez son oncle. Charles Grandet, petit oiseau couvé selon les moeurs raffinées de Paris se sent offusqué du médiocre cadre de vie de son oncle, des moeurs simples à la limite de la grossièreté de la vie provinciale, contrastant avec son environnement d'origine. Eugénie Grandet, qui était alors convoitée par des nobles locaux flétris et défraîchis, fut toute illuminée par l'arrivée de son cousin, dont elle se prend très vite d'affection, quitte à braver les coutumes de la maison, en le couvrant de petites attentions, trop onéreuses au goût de son père.

Tout bascule au moment ou le père d'Eugénie Grandet apprend à Charles que son propre père est mort et qu'il est ruiné. Charles ne put digérer ce coup de tonnerre, en une seule nouvelle il n'est plus rien, il a tout perdu. Eugénie Grandet a beau lui prodiguer tous les soins et le soutien utile, rien n'y fait, Charles reste cloîtré dans sa chambre. Pendant ce temps, Balzac nous détaille avec délices pleins d'anecdotes, soit d'avarice du père d'Eugénie, soit de son génie pour la spéculation. Parmi ces anecdotes, la meilleure d'entre toutes est qu'il va jusqu'à spéculer sur la mort de son frère, mort noyé sous les dettes, en rachetant les créances litigieuses aux créanciers de la succession à faible prix, le tout avec la complicité d'un amis magistrat, d'un autre notaire, qui liquideront la succession à son profit, il va jusqu'à inciter son neveu Charles à quitter la France pour les Indes, afin qu'il ne prête plus attention à ses magouilles successorales. Dans la même veine, le jour où la mère d'Eugénie décède, le père, terrorisé à l'idée de partager la succession avec sa fille, parvint à la persuader sournoisement de renoncer à la succession, ce que Eugénie fit avec dévouement.
Eugénie voue un amour passionné à son cousin, elle lui déclare au moment où ce dernier part pour les Indes, les deux s'échangent des promesses réciproques. Eugénie attendit, attendit... toujours pieusement, le retour de Charles. Charles revint des Indes, riche, mais flaire hâtivement le bon plan par un mariage arrangé avec une noble qu'il n'aime pas, pour le nom et une rente. Par culpabilité, Charles écrivit une lettre à Eugénie, lui expliquant qu'il va se marier et que tout est fini. Sa lettre ne manqua pas d'achever Eugénie, qui résolut de se marier à son tour, maintenant qu'elle a pleinement hérité d'une des plus grandes fortunes de France à l'époque. Elle finira veuve brièvement après un mariage fade avec un magistrat local qu'elle n'aimait pas. Elle se consacrera exclusivement à la religion et à l'aumône, dans toute sa bonté divine vers la fin de sa vie.

Eugénie et son père sont deux facettes radicalement différentes. L'une est pieuse et d'une probité sans faille, l'autre est grossier, sans foi, avare excessif développé avec beaucoup d'ironie par Balzac. Deux autres personnages secondaires sont des "âmes pures", la mère d'Eugénie, également très pieuse, qui ne se plaint jamais, et la servante, Nanon, d'une loyauté exemplaire.

Un peu comme à l'habitude chez Balzac, on tend à s'attacher aux personnages vicieux, le père immonde, Charles l'ambitieux, et finalement peu à Eugénie, personne principal, qui a pourtant en apparences toutes les qualités du monde. Eugénie n'a pas d'idées, ne se révolte pas, même si elle finira tout de même par se rebeller par un acte quasi-insignifiant mais qui lui coûta cher. Eugénie est à ce point pieuse et excessivement bridée dans ses aspects féminins qu'elle se sacrifie totalement à tout, elle se sacrifie pour son père et peine à trouver son indépendance, elle se sacrifie à son cousin Charles. Elle ne pense jamais à elle-même mais aux autres, elle n'a pas d'égo pour ainsi dire, ou alors elle se découvre un égo lorsqu'elle est au pied du mur dans des situations difficiles.

Originalité peut être, souvent chez Balzac les riches sont méchants et les pauvres gentils, c'est caricatural mais certains ont pu lui reproché cela. Ici, Eugénie Grandet, dont la fortune est immense à la fin du livre, se consacre encore et toujours aux autres. Peut-être car sa religion compense le vice de la richesse, ou peut-être et surtout car sa richesse lui est tombée naturellement du ciel étant donné qu'elle en a hérité.
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Encore un livre lu il y a longtemps et qui m'avait alors passionné. Je viens de le relire avec un toujours aussi grand plaisir …

Balzac jette, ici, son regard acéré sur une petite ville de province, Saumur. le genre de petite ville, à l'écart des grandes villes et loin de Paris, où la vie semble assoupie. Délicatement, il nous fait pénétrer dans les vieux quartiers en contrebas du château qui domine la ville puis dans une maison "de faible rapport" où vit la famille Grandet. Et d'ailleurs, cela s'explique bien par le fait que le père Grandet n'est qu'un tonnelier au départ. Il va s'enrichir à la suite de successions opportunes, de placements opportunistes et d'un flair peu commun. Mais, dans nos provinces, on garde l'argent et on ne le dépense pas. On n'en parle pas non plus. Donc pas de raison de changer de maison ou de standing. Quitte au petit monde de Saumur de supputer, estimer, envier, exagérer peut-être la vraie fortune du bonhomme. Mais le regard De Balzac poursuit sa route et nous laisse découvrir les capacités financières et surtout la passion avaricieuse de Grandet pour l'or.

"Financièrement parlant, M. Grandet tenait du tigre et du boa".

Dans l'ordre d'apparition dans le roman, Balzac commence par les relations de la famille Grandet, Cruchot (le notaire et le droit), de Grassins (la finance), puis Madame Grandet, puis Nanon la servante et termine enfin par Eugénie. Une fleur en bouton.

Ainsi se met en place le roman dont on comprend peu à peu les ressorts et modes de fonctionnement de tous ces gens. Eugénie devient un enjeu familial entre Grandet, Cruchot et de Grassins qui ont, comme par hasard, un garçon à marier. Enjeu dont on parle, qu'on laisse miroiter, qui est envisageable sous réserve que…

Arrive le cousin Charles, jeune gandin en provenance de la Capitale et voilà qu'il agit comme un révélateur de l'avarice et du comportement de Grandet, de la peur à laquelle il soumet sa famille et du coeur d'Eugénie qui se met soudain à battre. le roman prend alors une dimension presque tragique.

On se rend compte que la vie de province telle que décrite par Balzac, qu'on retrouvera dans bien d'autres romans, est très contraignante notamment pour les femmes qui n'ont guère d'horizon et qui n'ont pas ou peu d'occasions de s'épanouir par elles-mêmes. Ce qui doit bien correspondre à une réalité corsetée par le "paraître", les exigences de la religion et le "qu'en dira-t-on". Rares sont les romans De Balzac où comme dans la Rabouilleuse, une femme parvient à fuir et à se faire une situation par elle-même. Eugénie était une fleur en bouton ; à l'arrivée de Charles, elle vient d'éclore puis se met à attendre comme une jeune fille de la bourgeoisie saumuroise se doit d'être.

Si au début du roman, Eugénie est naïve et crédule, elle mûrira sans pour autant pouvoir ou vouloir s'émanciper. On retiendra du personnage d'Eugénie Grandet une force de caractère se traduisant par un équilibre entre son côté romanesque et son côté réaliste qui la rend très crédible voire admirable aux yeux du lecteur. Par exemple, elle trouvera les moyens pour convaincre sa mère et Nanon, terrorisées, de passer outre les contraintes et l'avarice de son père sans oublier, évidemment, son comportement plein de dignité et même de grandeur lorsque Grandet découvre qu'elle a fait don de ses louis d'or.

J'aime bien ce roman où Balzac nous laisse entrevoir à la fin une Eugénie qui ne tombe pas dans le vice de son père, qui paraitrait "parcimonieuse si elle ne démentait la médisance par un noble emploi de sa fortune". Et puis j'aime la fin ouverte que Balzac nous propose où l'histoire d'Eugénie n'est pas forcément terminée…

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