L'argent en province selon
Balzac -
Monsieur Grandet, riche propriétaire de vignobles à Saumur, vit comme un paysan dans une sorte de longère lugubre, mal entretenue. Il est profondément avare et dissimule avec soins l'étendue de sa fortune faisant l'objet de diverses rumeurs locales. Grandet est très connu dans tout Saumur si bien que tous les notables du coin se précipitent en sa demeure, non pour sa compagnie, mais pour convoiter de plus près sa prétendue fortune. Grandet à une fille unique, jeune et à marier, ce qui se sait localement. Pieuse, loyale, obéissante, à coeur ouvert,
Eugénie Grandet est la femme parfaite à marier, mais c'est surtout sa qualité d'unique héritière de Monsieur Grandet qui intéresse les prétendants.
Balzac nous décrit une vie monastique, très régulière et réglée de la vie en province, lorsque débarque soudainement de Paris le cousin d'Eugénie, Charles Grandet. Charles Grandet, c'est les
illusions perduesDe Balzac, mais à l'envers, il vient de Paris, il se croit riche, a les manières fines et distinguées, à la pointe de la mode parisienne, qui vient contraint et forcé à Saumur, à la demande de son père, criblé de dettes, qui se suicidera peu de temps après le départ de son fils qu'il expédie chez son oncle. Charles Grandet, petit oiseau couvé selon les moeurs raffinées de Paris se sent offusqué du médiocre cadre de vie de son oncle, des moeurs simples à la limite de la grossièreté de la vie provinciale, contrastant avec son environnement d'origine.
Eugénie Grandet, qui était alors convoitée par des nobles locaux flétris et défraîchis, fut toute illuminée par l'arrivée de son cousin, dont elle se prend très vite d'affection, quitte à braver les coutumes de la maison, en le couvrant de petites attentions, trop onéreuses au goût de son père.
Tout bascule au moment ou le père d'
Eugénie Grandet apprend à Charles que son propre père est mort et qu'il est ruiné. Charles ne put digérer ce coup de tonnerre, en une seule nouvelle il n'est plus rien, il a tout perdu.
Eugénie Grandet a beau lui prodiguer tous les soins et le soutien utile, rien n'y fait, Charles reste cloîtré dans sa chambre. Pendant ce temps,
Balzac nous détaille avec délices pleins d'anecdotes, soit d'avarice du père d'Eugénie, soit de son génie pour la spéculation. Parmi ces anecdotes, la meilleure d'entre toutes est qu'il va jusqu'à spéculer sur la mort de son frère, mort noyé sous les dettes, en rachetant les créances litigieuses aux créanciers de la succession à faible prix, le tout avec la complicité d'un amis magistrat, d'un autre notaire, qui liquideront la succession à son profit, il va jusqu'à inciter son neveu Charles à quitter la France pour les Indes, afin qu'il ne prête plus attention à ses magouilles successorales. Dans la même veine, le jour où la mère d'Eugénie décède, le père, terrorisé à l'idée de partager la succession avec sa fille, parvint à la persuader sournoisement de renoncer à la succession, ce que Eugénie fit avec dévouement.
Eugénie voue un amour passionné à son cousin, elle lui déclare au moment où ce dernier part pour les Indes, les deux s'échangent des promesses réciproques. Eugénie attendit, attendit... toujours pieusement, le retour de Charles. Charles revint des Indes, riche, mais flaire hâtivement le bon plan par un mariage arrangé avec une noble qu'il n'aime pas, pour le nom et une rente. Par culpabilité, Charles écrivit une lettre à Eugénie, lui expliquant qu'il va se marier et que tout est fini. Sa lettre ne manqua pas d'achever Eugénie, qui résolut de se marier à son tour, maintenant qu'elle a pleinement hérité d'une des plus grandes fortunes de France à l'époque. Elle finira veuve brièvement après un mariage fade avec un magistrat local qu'elle n'aimait pas. Elle se consacrera exclusivement à la religion et à l'aumône, dans toute sa bonté divine vers la fin de sa vie.
Eugénie et son père sont deux facettes radicalement différentes. L'une est pieuse et d'une probité sans faille, l'autre est grossier, sans foi, avare excessif développé avec beaucoup d'ironie par
Balzac. Deux autres personnages secondaires sont des "âmes pures", la mère d'Eugénie, également très pieuse, qui ne se plaint jamais, et la servante, Nanon, d'une loyauté exemplaire.
Un peu comme à l'habitude chez
Balzac, on tend à s'attacher aux personnages vicieux, le père immonde, Charles l'ambitieux, et finalement peu à Eugénie, personne principal, qui a pourtant en apparences toutes les qualités du monde. Eugénie n'a pas d'idées, ne se révolte pas, même si elle finira tout de même par se rebeller par un acte quasi-insignifiant mais qui lui coûta cher. Eugénie est à ce point pieuse et excessivement bridée dans ses aspects féminins qu'elle se sacrifie totalement à tout, elle se sacrifie pour son père et peine à trouver son indépendance, elle se sacrifie à son cousin Charles. Elle ne pense jamais à elle-même mais aux autres, elle n'a pas d'égo pour ainsi dire, ou alors elle se découvre un égo lorsqu'elle est au pied du mur dans des situations difficiles.
Originalité peut être, souvent chez
Balzac les riches sont méchants et les pauvres gentils, c'est caricatural mais certains ont pu lui reproché cela. Ici,
Eugénie Grandet, dont la fortune est immense à la fin du livre, se consacre encore et toujours aux autres. Peut-être car sa religion compense le vice de la richesse, ou peut-être et surtout car sa richesse lui est tombée naturellement du ciel étant donné qu'elle en a hérité.