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Paul Morand (Préfacier, etc.)Anne-Marie Meininger (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070316267
448 pages
Gallimard (21/10/2004)
3.74/5   2353 notes
Résumé :
"Oui, la première femme que l'on rencontre avec les illusions de la jeunesse est quelque chose de saint et de sacré."
Balzac en fit l'expérience. Il imagine son roman comme une confession. Félix de Vandenesse raconte, avant de l'épouser, ses amours passées à la comtesse de Manerville. Très jeune, au cours d'un bal, il couvre de baisers les épaules - d'une belle inconnue assise à ses côtés. Mme de Mortsauf était douce et maternelle. Il l'aima, et ce lys dans ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (103) Voir plus Ajouter une critique
3,74

sur 2353 notes
Mais que s'est-il passé dans la tête d'Honoré de Balzac lorsqu'il écrivit le Lys dans la vallée ? Qu'a-t-il donc voulu nous dire ? Je n'ai pas encore lu beaucoup de livres de Balzac, mais ce roman, me semble-t-il, détonne dans son oeuvre à bien des égards.
Je vais raconter trois expériences personnelles dans ma rencontre progressive avec ce livre…
Adolescent, poussé par une sorte de romantisme à la fois échevelé et totalement pataud, j'ai cru bon un jour de me lancer dans la lecture de ce roman. Il m'est tombé des mains au bout de quelques pages… J'ai préféré alors me diriger vers Boris Vian, Jack Kerouac, Arthur Rimbaud...
Plus tard, c'est-à-dire, il y a quelques années, j'ai tenté de nouveau l'expérience. Et là, j'ai tenu bon jusqu'au bout. Est-ce dû au bénéfice de l'âge, à la sagesse et la patience qui en découlent ? Non, je dois avouer qu'avec quelques amis abonnés de la bibliothèque communale que je fréquente, nous avons eu un jour l'idée de lire un classique de la littérature française pour en parler ensuite autour d'un bon verre. Le choix se porta sur le Lys dans la vallée. Quand je dis que j'ai tenu bon, sans cet enjeu collectif, il y aurait eu là encore mille prétextes pour lâcher le livre et passer à d'autres lectures. Bien sûr j'ai été séduit par l'histoire, les personnages, la beauté de l'écriture dans la peinture des paysages de Touraine, tout le monde connaît cela, tout a été dit ici ou ailleurs, je ne vais pas y revenir. Mais quelque chose pourtant m'agaçait fortement. Dans la beauté de l'écriture, j'avais tendance à trouver que l'auteur forçait un peu le trait dans ce lyrisme exacerbé. Bref, pour dire crument les choses, je trouvais qu'il en faisait des tonnes ! Et puis d'emblée le personnage principal du livre, celui par lequel commence le roman, ce fameux Félix de Vandenesse, enfin tout de même, il fallait vraiment s'accrocher ou être un saint pour le trouver sympathique. Pour être franc, je l'ai tout d'abord trouvé insupportable, immature, ampoulé dans son orgueil et son lyrisme d'opérettes. Une vraie tête à claques ! Et maladroit de surcroît dans l'expression de ses désirs amoureux… Bon ça encore, il est possible de le lui pardonner… Je vous livre d'ailleurs un élément probant de cette maladresse. Le roman n'est rien moins qu'une longue lettre écrite par Félix à une certaine Natalie de Manerville, dont il cherche à conquérir le cœur. Et le roman s'achève par la réponse de celle-ci. Notre jeune Félix prétend même céder à son désir. Pour cela il décide de lui écrire une lettre pour lui raconter son passé afin qu'elle apprenne ainsi à mieux le connaître dans ses sentiments, une lettre qui fait pas moins de 250 pages, c'est-à-dire l'épaisseur du livre ! On ne pourra pas ici lui reprocher d'être dur à la tâche, ni le geste empli de sincérité. Mais voilà qu'en guise de propos introductif, il ne trouve rien de mieux que d'écrire « Enfin, tu l'as deviné Natalie. Peut-être vaut-il mieux que tu saches tout : ma vie est dominée par un fantôme ». On le saura très vite, ce fantôme est féminin et porte un nom : la comtesse Blanche de Mortsauf, que tout au long de sa longue confession, Félix va appeler Henriette, autre personnage clef du roman, Imaginez la pauvre Natalie qui attend avec impatience la lettre de Félix pour donner sa réponse et découvre que la place est déjà prise par une autre rivale : il n'y a rien de plus encombrant dans le coeur d'un homme que le fantôme d'une femme jadis aimée… Plus loin dans le récit, nous voyons ainsi Félix s'éprendre tout d'abord de la comtesse de Mortsauf, lors d'une réception dans une scène presque grotesque qui peut prêter à sourire : saisi d'un coup de foudre, il enroule son visage dans le dos et les épaules dénudées de la comtesse. Puis, le roman va s'étirer avec langueur et longueur dans un lyrisme certes fait de phrases très poétiques mais presqu'à l'excès, autour de cette relation amoureuse platonique et chaste entre l'impatient Félix et la vertueuse comtesse, qui se courent l'un après l'autre sans se rattraper, jusqu'à l'agonie et la fin tragique de celle-ci… Au milieu du récit surgit une femme anglaise, romantique, volcanique, extravagante, qui elle, ne passera pas par quatre chemins pour s'enflammer avec le jeune éphèbe... Et voilà !
Je serais resté sur cette impression passable si je n'avais pas, il y a quelques semaines, écouté une rediffusion d'une émission de France Culture où s'exprimait un certain Éric Bordas, - tiens ce nom nous rappelle vaguement le souvenir de nos chers ouvrages scolaires -, un enseignant spécialiste de l'oeuvre de Balzac. Et là brusquement, tout m'est apparu sous un jour nouveau. Alors je me suis de nouveau engouffré dans la lecture du Lys dans la Vallée, énervé d'être passé à côté de l'essentiel et là j'ai dû admettre que le cher Honoré de Balzac s'était bien amusé de nous, chers lecteurs…
Ainsi, je comprenais mieux sa fameuse citation un peu paradoxale : « Les femmes les plus vertueuses ont en elles quelque chose qui n'est jamais chaste ». Parlait-il de la chaste et vertueuse comtesse de Mortsauf ? Non seulement, je pense que oui, mais je suis désormais convaincu que derrière le ton lyrique et platonique du récit se cache une oeuvre ambiguë, ironique, subversive, gourmande et brûlante d'érotisme dont je vais vous livrer quelques indices que j'ai pu glaner ici et là grâce à ma relecture guidée.
Tout d'abord, n'oublions pas que tout au long du roman, ce n'est pas Balzac qui s'exprime dans ce ton ampoulé et parfois grotesque, mais le narrateur qui n'est autre que Félix. C'est une manière pour l'auteur de dépeindre de manière satirique tout ce qu'incarne le personnage de Félix dans son immaturité, son arrivisme et son ascension sociale. Et la réponse cinglante de la lettre de Natalie, qui vient sceller le roman, crédibilise totalement cette version.
Puis, Félix débaptise Blanche de Mortsauf, prénom incarnant clairement la vertu pour la rebaptiser Henriette tout au long de leur relation. Pourquoi Henriette ? Au tout du début, Félix évoque son enfance difficile, son séjour en pension, le dénuement et la convoitise. « Les célèbres rillettes et rillons de Tours formaient l'élément principal du repas que nous faisions au milieu de la journée, entre le déjeuner du matin et le dîner de la maison dont l'heure coïncidait avec notre rentrée. Cette préparation, si prisée par quelques gourmands, paraît rarement à Tours sur les tables aristocratiques ; si j'en entendis parler avant d'être mis en pension, je n'avais jamais eu le bonheur de voir étendre pour moi cette brune confiture sur une tartine de pain ; mais elle n'aurait pas été de mode à la pension, mon envie n'en eût pas été moins vive, car elle était devenue comme une idée fixe, semblable au désir qu'inspiraient à l'une des plus élégantes duchesses de Paris les ragoûts cuisinés par les portières, et qu'en sa qualité de femme, elle satisfit ». Non, me direz-vous, il a osé ?! Attendez, cette allusion prend tout son sens dans l'une des premières scènes fondatrices du roman où Félix enroule et déroule son visage le long des épaules de la Comtesse de Mortsauf, c'est-à-dire, lui rappelant cette façon gourmande d'étaler les rillettes sur une tartine de pain. La scène devient dès lors sensuelle, et rebaptisant Blanche du prénom d'Henriette, il va ainsi l'ancrer dans un des désirs primitifs de son enfance.
Puis, plusieurs scènes vont se déployer où Félix cueille des fleurs tous les matins pour les offrir à Henriette. On pourrait trouver tout ceci un tantinet suranné... Lisons plutôt ceci : « du sein de ce prolixe torrent d'amour qui déborde, s'élance un magnifique double pavot rouge accompagné de ses glands prêts à s'ouvrir, déployant les flammèches de son incendie au-dessus des jasmins étoilés et dominant la pluie incessante du pollen, beau nuage qui papillote dans l'air en reflétant le jour dans ses mille parcelles luisantes ! ». Henriette accueille ce bouquet avec ravissement, elle exprime même un petit cri de contentement et ne sera pas en reste pour lui composer à son tour des bouquets rivalisant d'expression. Dites-le avec les fleurs !
Au fur et à mesure que nous voyons l'histoire se dérouler, nous découvrons un personnage fort antipathique, bourreau d'Henriette son épouse, c'est-à-dire le Comte de Mortsauf, lui-même. Il est malade, il a des colères soudaines, tels des accès de folie brusque et violents à l'égard de son entourage. Il devient quasiment impotent, ne pouvant plus s'occuper lui-même de la gouvernance de la riche propriété, c'est son épouse Blanche qui va prendre le relais, se révélant ainsi un personnage féminin d'une grande stature sociale. Là encore, il y a quelque chose d'avant-gardiste de la part de Balzac, faisant de cet ouvrage une oeuvre féministe et sociale à sa manière, engagement précurseur pour l'époque. Mais revenons au Comte de Mortsauf. Diverses allusions évoquent sa vie libertine. A tel point qu'il n'y a qu'un pas pour tenter d'expliquer les symptômes et le nom de sa maladie : la syphilis. D'ailleurs, de quoi meurt Blanche de Mortsauf, sans doute contaminée par l'indigne époux ? Il est possible de croire qu'elle meurt d'un grand chagrin d'amour, mais tout de même, quelques détails ne laissent point planer le doute... Et d'ailleurs, les deux enfants du couple ne sont-ils pas eux aussi chétifs, maladifs... ? Alors, tout d'un coup cette histoire à première vue lyrique et chaste prend une allure douloureusement sulfureuse.
Enfin, l'agonie et la fin tragique de Blanche m'a fait penser à celle d'Emma Bovary ou bien à celle de Renée Saccard dans la Curée, autres personnages féminins dévastés par la passion amoureuse. Mais qu'ont-ils tous ces grands auteurs romanciers du XIXème siècle, Flaubert, Balzac, Zola, à faire mourir leurs héroïnes féminines, dans d'atroces souffrances où leurs brûlures portent aussi le signe de l'amour ?
J'espère que ce billet vous aidera à revisiter ce classique de la littérature française avec un regard nouveau.
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Le Lys dans la vallée est le roman de la contention, de l'inhibition et de la frustration.

Dès les premières mesures.

L'enfance et l'adolescence tristes de Félix -le mal nommé- s'étiolent dans la froideur et l'indifférence maternelles: la première frustration est celle de l'amour premier, celui qui ouvre la porte à tous les autres, l'amour maternel.

Aussi quand il rencontre, à un bal, Blanche de Mortsauf, femme (mal) mariée, timide, et provinciale, leur découverte mutuelle se fait d'extraordinaire façon: un « parfum de femme » vient d'abord toucher les sens du jeune Félix, lové sur une banquette, comme un enfant que sa mère y aurait oublié. Ragaillardi par cette fragrance sensuelle, Félix se retourne : ce ne sont ni des yeux ni un visage qui donnent une forme à l’objet de son trouble , mais un dos, des épaules, un décolleté plantureux dans lequel son regard gourmand plonge et au ..sein duquel il enfouit bientôt son visage éperdu, sans un mot! Surprise, bouleversée, attendrie, madame de Mortsauf ne sait comment accueillir –et repousser - cet assaut : est-ce celui d'un jeune homme débordé par ses sens ou celui d'un enfant perdu? C'est en femme, en reine offensée, qu'elle réagit en s'écriant "Monsieur?" donnant ainsi à Félix le statut d'homme qu'il désirait violemment, mais la mère en elle choisit l’enfant, et la femme est touchée au plus profond..

Ce "raptus" amoureux donnera le ton à tout leur amour: fringale violente et mutisme torturé, audace et rétention, sensualité et maternage...

Félix et Blanche sont amenés à se revoir, à se désirer, à s'interdire tout autre licence, comme si toute leur libido s’était donné libre cours une fois pour toutes dans cette première rencontre, dos à dos..

Blanche est mariée à un homme cruel et peu aimable, elle est mère aussi, et bardée de devoirs conjugaux, familiaux, religieux…

Félix laisse alors sa sensualité s'exprimer avec une miss anglaise fort décomplexée. Blanche en souffre, dévorée d'une jalousie sans nom qui la ronge et la détruit. Félix commence sa vie quand elle l’achève mais il sera toujours marqué au fer par son premier amour, si incomplet fût-il, amour inoubliable, pur comme le lys de cette vallée de Touraine dont Blanche était le plus beau fleuron.

C’est un livre que j’ai lu trop tôt pour l’apprécier : le romantisme échevelé de cet amour chaste et tourmenté a très vite agacé l’adolescente que j’étais. Il me fallait des audaces plus stendhaliennes –Mathilde de la Môle coupant ses cheveux, Julien saisissant la main de Madame de Rênal sur le coup de dix heures, Madame de Rênal tirant sur Julien : voilà ce qui me faisait vibrer ! Les atermoiements et scrupules de Blanche, les transports muets de Félix avaient le don de m’énerver..

Puis un professeur exceptionnel, Gérard Gengembre, spécialiste de Balzac, et auteur d’une excellente monographie , m’a fait relire, découvrir et adorer ce livre complexe.

Je lui ai depuis trouvé des audaces, insoupçonnées à la première lecture- la scène de première rencontre, atypique et insensée, aurait dû me mettre la puce à l’oreille pourtant.

La maladie de Blanche dit assez clairement, pour un roman réputé puritain et romantique, les dégâts, sur le corps, des désirs insatisfaits. Le désir féminin y est exploré avec une rare pénétration…mais le tout est délicatement masqué par un emballage romantique de bon ton.

L’immaturité affective et sexuelle de Félix, privé de mère et qui se cherche autant une maman qu’une maîtresse, fait penser à celle de Jean-Jacques (Rousseau), autre enfant sans mère, qui trouva dans Madame de Warens une douce association des deux, la mère et l’amante, accomplit sous son patronage une éducation sentimentale accélérée et fit souffrir terriblement celle qu’il appelait « Maman » avec toutes ses fredaines de petit animal gourmand …

Le roman est aussi, on le sait, une transposition de la vie de Balzac, petit garçon doté d’une mère mondaine et peu attentive, qui chercha des mères de substitution dans toutes ses compagnes, à commencer par Laure de Berny , son premier amour, et eut même à la fin de sa trop courte vie, une amante épistolaire , Eve Hanska, ce qui est le comble de l’amour platonique et du goût exacerbé pour la distance -Eve était polonaise- et pour la lenteur -les postes du XIXème siècle n’avaient pas l’instantanéité de Facebook ou des courriels d’aujourd’hui… distance et lenteur qu’il considérait sûrement comme des aphrodisiaques puissants comme le montrent leurs lettres torrides et leur mariage…alors qu’ils ne s’étaient jamais rencontrés !

Un livre plein comme un œuf de signes et de sens ..pas si « liliaques » ni élégiaques que cela !
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Qu'est-ce qui nous incite à lire un livre et nous accrocher, en abandonner un autre ?
(Petite question vaine et sans importance que je me suis posée après cette lecture, précédée d'une autre, abandonnée)

Tombé il y a deux semaines sur un exemplaire jauni de celui-ci dans une boîte à livres, des effluves de jeunesse se sont paradoxalement éveillées en moi. de bons souvenirs de lecture post-bac, j'aimais de temps en temps me plonger dans la prose balzacienne en compagnie du cousin Pons, du père Goriot, d'Eugénie Grandet et d'autres. Je l'ai de suite commencé, dans une sorte de frénésie teintée de nostalgie. Bon, voilà. de là à dire qu'il m'a passionné nécessiterait d'occulter les efforts de concentration qu'il m'a demandé pour pouvoir suivre les sentiments emberlificotés dans l'amour platonique entre le narrateur Félix, et la comtesse Henriette de Mortsauf. Pour tout dire, j'ai même failli abandonner à la première partie, connaissant à l'avance les grandes lignes de la suite. Mais je me suis accroché, c'est quand même un classique, et j'ai finalement mieux goûté les sentiments comme les émotions, les descriptions de la Touraine, les façons de la cour dans la deuxième partie et la montée à Paris de notre héros, avant la dernière et sa plongée dans le vertige des sens. Sans parler du final – ha ha clap clap Honoré, qui nous sort du romantisme exacerbé par une morsure d'ironie.Tout a déjà été dit, notamment sur les porosités avec la vie amoureuse De Balzac. On pourra néanmoins lire ce roman en s'amusant de la prose d'une époque, dans une narration sourcilleuse de détails lyriques pouvant s'étirer à l'infini dans les circonstances (et les relatives) d'une simple parole. Exemple :
« – Madame a raison, dis-je en prenant la parole d'une voix émue qui vibra dans ces deux coeurs où je jetai mes espérances à jamais perdues et que je calmai par l'expression de la plus haute de toutes les douleurs dont le cri sourd éteignit cette querelle comme, quand le lion rugit, tout se tait. [...] ».
Formidable phrase à quoter (à se demander si Balzac n'a pas fait un pari avec ses potes) : quatre pronoms relatifs simples y sont présents ( qui que où dont... Mais où est donc passé quoi ?), il ne manque qu'un relatif composé à mon goût (par exemple un duquel, ça aurait été la cerise sur le gâteau à la saveur duquel j'eusse défailli)

Mais revenons à ma question sans intérêt. Dernièrement, j'ai abandonné un roman contemporain, très court et à l'opposé de celui-ci sur l'échelle de l'exaltation des sentiments et du style, « L'amour » de François Bégaudeau. Passé plus ou moins à côté, j'ai surtout eu vite marre de ce roman malgré sa brièveté, marre d'une description factuelle de la vie des « amoureux », à travers les objets, l'organisation pragmatique de leur vie de couple. Un mauvais roman ? Je n'en sais rien, mais ses 90 pages m'ont paru ennuyeuses, et surtout peu intéressantes. En mettant Bégaudeau à côté De Balzac, il me semble qu'on n'est pas loin de deux pôles extrêmes sur la manière de raconter l'amour à travers les siècles. L'une sociologique à l'excès (même si paraît-il l'émotion surgit au final), l'autre idéologique à l'extrême. L'une ciselée à l'antre de la modernité, l'autre travaillée à la sueur de la bougie et du café. Sans être réfractaire aux nouveautés (je lis plus de néo-romans que d'anciens), je vote pourtant pour le plus ancien. Quant à savoir pourquoi exactement, il me faudrait pour en être certain pouvoir démêler les aléas de la motivation ou les fluctuations de l'envie dans une période peu propice pour moi aux lectures facilement concentrées, mais mon petit doigt me parle néanmoins de simple plaisir de lecteur, peut-être un brin maso à vouloir déchiffrer une écriture entremêlée dans l'écheveau des âmes et des sens d'un classique du 19ème, quand le sentiment de perdre son temps fait vite son apparition avec le moderne, couru d'avance sur les chemins soporifiques d'une sociologie plate, réduit à peau de chagrin avec son style documentaire.
Bref, vive Balzac et les classiques (de temps en temps).
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Félix, à cinq ans, « s'envolait dans une étoile ». À cette étoile, il pouvait confier ses secrets, ses blessures d'enfant mal aimé, subissant la froideur d'une mère, le manque d'affection de ses frères et soeurs et les privations répétées. Etre aimant et sensible, il se réfugie dans les études.
Jusqu'au jour où cette étoile, il va la rencontrer à un bal. C'est le début de son idylle avec Me de Mortsauf.
Parti se reposer à la campagne, dans une vallée où coule l'Indre, il va revoir cette femme céleste, pénétrant son âme de rêveur, faisant de son rêve une réalité.
Son étoile va devenir « le lys de la vallée ». Femme- eau, amour inaccessible, pur et chaste. Me de Mortsauf est une femme plus âgée que lui, mariée et mère de deux enfants.
Entre son mari tyrannique et ses enfants fragiles, elle ne vit que de souffrance et d'amertume.
À la fois femme forte et fragile, elle ne peut assouvir sa passion pour le jeune Félix. Elle ne peut que lui apporter sa tendresse maternelle et ses conseils pour faire de lui un homme du monde. Elle aspire à une relation sincère, profonde et spirituelle.
Félix est un jeune homme encore naïf, frustré par cette relation qui le dévore. Il a envie de s'élancer vers le monde, de découvrir ses mystères.
Rencontrant alors une femme- feu, il va se brûler les ailes. Aucune femme ne pourra rivaliser avec son lys de la vallée, pour laquelle il composait des « poèmes de fleurs » et avec laquelle son âme s'était tellement emmêlée, que personne ne pourrait défaire ce lien.
Dans un dernier sursaut, la passion va triompher, mais trop tard hélas et de façon si éphémère. Si le jeune Félix avait su cueillir ce lys de la vallée avant qu'il ne se fane, la passion aurait peut –être gagné le combat sur la vertu. La nature est éphémère, il ne faut pas la faire attendre.
Lequel des deux personnages est le plus malheureux ? Celui qui se meure de jalousie et d'abandon en regrettant de ne pas avoir osé vivre, comme si la souffrance était un devoir, une vertu. Ou celui qui portera à jamais le remords de ses maladresses de jeune homme ignorant et impatient, le poids de la culpabilité.
J'ai surtout aimé, dans ce roman les descriptions poétiques de la nature, libre et sublime, et la puissance des métaphores florales. L'opposition entre la nature qui invite à l'amour et la passion, et la société qui y met des barrières, des contraintes, des interdits, tels que le mariage, la vertu, la religion.




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Du "Lys dans la vallée", je ne gardais que le vague souvenir d'un cours de français ennuyeux au possible et je m'étais promis de redonner un jour une chance non seulement à ce roman, mais à Honoré de Balzac tout simplement. En effet, ce dernier ne compte vraiment pas parmi mes auteurs classiques de prédilection mais il faut croire que la persévérance paie un jour puisque non seulement j'ai tenu ma promesse de lire "Le lys dans la vallée" qui glorifie l'amour romantique dans la pure tradition, mais encore j'y ai pris plaisir.

Bon, soyons honnête, un plaisir qui a nécessité pour éclore une bonne dose de patience car entre les descriptions touffues et surabondantes et les états d'âme étirés à l'envi des deux protagonistes, le lecteur actuel éprouvera peut-être comme moi quelque peine à concentrer son attention et son intérêt. Mais le jeu en vaut la chandelle, comme on a coutume de dire, et c'est un très beau récit que nous livre ici Balzac.

L'amour du jeune et innocent Félix pour la belle Henriette, plus âgée que lui de plusieurs années, mariée et mère de deux enfants souffreteux, est touchant comme peut l'être l'histoire d'un amour pur... qui peine à le rester. Ainsi va le monde.

La relation à trois avec le comte, mari de Henriette, est intéressante d'un point de vue psychologique et sentimental. Enfin, j'avais redouté de davantage souffrir du style De Balzac mais je pense m'en être finalement plutôt bien sortie.

"Le lys dans la vallée" est un roman à découvrir, ne serait-ce que pour son double dénouement que j'applaudis, entre drame et pamphlet féministe !


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À l’époque de la vie où chez les autres hommes les aspérités se fondent et les angles s’émoussent, le caractère du vieux gentilhomme était encore devenu plus agressif que par le passé. Depuis quelques mois, il contredisait pour contredire, sans raison, sans justifier ses opinions ; il demandait le pourquoi de toute chose, s’inquiétait d’un retard ou d’une commission, se mêlait à tout propos des affaires intérieures, et se faisait rendre compte des moindres minuties du ménage de manière à fatiguer sa femme ou ses gens, en ne leur laissant point leur libre arbitre. (…)Tantôt il ne voulait pas de bruit, et quand la comtesse établissait autour de lui un silence absolu, tout à coup il se plaignait d’être comme dans une tombe, il disait qu’il y avait un milieu entre ne pas faire du bruit et le néant de la Trappe. Tantôt il affectait une parfaite indifférence des choses terrestres, la maison entière respirait ; ses enfants jouaient, les travaux ménagers s’accomplissaient sans aucune critique ; soudain au milieu du bruit, il s’écriait lamentablement : ― « On veut me tuer ! » ― Ma chère, s’il s’agissait de vos enfants, vous sauriez bien deviner ce qui les gêne, disait-il à sa femme en aggravant l’injustice de ces paroles par le ton aigre et froid dont il les accompagnait. Il se vêtait et se dévêtait à tout moment, en étudiant les plus légères variations de l’atmosphère, et ne faisait rien sans consulter le baromètre. Malgré les maternelles attentions de sa femme, il ne trouvait aucune nourriture à son goût, car il prétendait avoir un estomac délabré dont les douloureuses digestions lui causaient des insomnies continuelles ; et néanmoins il mangeait, buvait, digérait, dormait avec une perfection que le plus savant médecin aurait admirée. Ses volontés changeantes lassaient les gens de sa maison, qui, routiniers comme le sont tous les domestiques, étaient incapables de se conformer aux exigences de systèmes incessamment contraires. Le comte ordonnait-il de tenir les fenêtres ouvertes sous prétexte que le grand air était désormais nécessaire à sa santé ; quelques jours après, le grand air, ou trop humide ou trop chaud, devenait intolérable ; il grondait alors, il entamait une querelle, et, pour avoir raison, il niait souvent sa consigne antérieure. Ce défaut de mémoire ou cette mauvaise foi lui donnait gain de cause dans toutes les discussions où sa femme essayait de l’opposer à lui-même. L’habitation de Clochegourde était devenue si insupportable que l’abbé de Dominis, homme profondément instruit, avait pris le parti de chercher la résolution de quelques problèmes, et se retranchait dans une distraction affectée. La comtesse n’espérait plus, comme par le passé, pouvoir enfermer dans le cercle de la famille les accès de ces folles colères ; déjà les gens de la maison
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La comtesse avait repris son courage et son front serein ; mais son teint trahissait ses souffrances de la veille, qui étaient calmées sans être éteintes. Elle me dit le soir, en nous promenant dans les feuilles sèches de l'automne qui résonnaient sous nos pas : - La douleur est infinie, la joie a des limites. Mot qui révélait ses souffrances, par la comparaison qu'elle en faisait avec ses félicités fugitives.
- Ne médisez pas de la vie, lui dis-je : vous ignorez l'amour, et il a des voluptés qui rayonnent jusque dans les cieux.
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La droiture, l'honneur, la loyauté, la politesse sont les instruments les plus sûrs et les plus prompts de votre fortune. Dans ce monde égoïste, une foule de gens vous diront que l'on ne fait pas son chemin par les sentiments, que les considérations morales trop respectées retardent leur marche ; vous verrez des hommes mal élevés, malappris ou incapables de toiser l'avenir, froissant un petit, se rendant coupables d'une impolitesse envers une vieille femme, refusant de s'ennuyer un moment avec quelque bon vieillard, sous prétexte qu'ils ne leur sont utiles à rien ; plus tard vous apercevrez ces hommes accrochés à des épines qu'ils n'auront pas épointées, et manquant leur fortune pour un rien ; tandis que l'homme rompu de bonne heure à cette théorie des devoirs, ne rencontrera point d'obstacles ; peut-être arrivera-t-il moins promptement, mais sa fortune sera solide et restera quand celle des autres croulera !
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Natalie, depuis ce jour à jamais terrible où je suis entré pour la première fois dans un cimetière en accompagnant les dépouilles de cette noble Henriette, [...] le soleil a été moins chaud et moins lumineux, la nuit plus obscure, le mouvement moins prompt, la pensée plus lourde. Il est des personnes que nous ensevelissons dans la terre, mais il en est de plus particulièrement chéries qui ont eu notre coeur pour linceul, dont le souvenir se mêle chaque jour à nos palpitations ; nous pensons à elles comme nous respirons, elles sont en nous par la douce loi d'une métempsycose propre à l'amour. Une âme est en mon âme. Quand quelque bien est fait par moi, quand une belle parole est dite, cette âme parle, elle agit ; tout ce que je puis avoir de bon émane de cette tombe, comme d'un lys les parfums qui embaument l'atmosphère.
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Quel comique horrible, quel drame railleur ! j'en fus épouvanté. Plus tard, quand le rideau de la scène sociale se releva pour moi, combien de Mortsauf n'ai-je pas vus, moins les éclairs de loyauté, moins la religion de celui-ci ! Quelle singulière et mordante puissance est celle qui perpétuellement jette au fou un ange, à l'homme d'amour sincère et poétique une femme mauvaise, au petit la grande, et à ce magot une belle et sublime créature ; à la noble Juana le capitaine Diard, de qui vous avez su l'histoire à Bordeaux ; à madame de Beauséant un d'Aguda, à madame d'Aiglemont son mari, au mari d'Espard sa femme? J'ai cherché longtemps le sens de cette énigme, je vous l'avoue. J'ai fouillé bien des mystères, j'ai découvert la raison de plusieurs lous naturelles, le sens de quelques hiéroglyphes divins ; de celui-ci, je ne sais rien, je l'étudie toujours comme une figure du casse-tête indien dont les brames se sont réservé la construction symboliques. Ici le génie du mal est trop visiblement le maître, et je n'ose accuser Dieu.
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Balzac, colosse des lettres, buvait café sur café, travaillait des journées entières et dormait trop peu. Il finit par s'épuiser de tant d'énergie dépensée et meurt en 1850, à seulement 51 ans.
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