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EAN : 9782070297863
180 pages
Gallimard (20/01/1978)
3.83/5   96 notes
Résumé :
"Expérience intérieure", paradoxalement nommée, puisqu'elle culmine dans une fusion de l'intérieur et de l'extérieur, du sujet et de l'objet, l'inconnu comme "objet" communiquant en elle avec un "sujet" abandonné au non-savoir, Bataille en décrit ainsi le mouvement : "c'est jouer l'homme ivre, titubant, qui, de fil en aiguille, prend sa bougie pour lui-même, la souffle, et criant de peur, à la fin, se prend pour la nuit".
L'itinéraire profondément désordonné ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Très beau texte qui donne de la valeur à l'être humain dans sa capacité méditative et sa liberté absolue à déterminer son degré de projection dans le monde, voire à faire tourner le monde autour de lui. L'expression est cependant ardue et parfois trop personnelle, voire commisérative, si bien que j'ai ressenti un peu de gêne à certains passages. Mais il est certain que des textes comme ceux-ci élèvent la pensée et la valeur que l'on oublie d'accorder à la personne humaine et que l'on se doit pourtant de lui accorder, sauf à se nier soi-même. C'est à mon sens dans cette voie qu'il faut trouver des relais pour l'organisation du monde à venir.
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A tête reposée
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La lecture de ce livre m'a paru difficile......
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à relire...
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Citations et extraits (99) Voir plus Ajouter une citation
Avant-propos

Combien j’aimerais dire de mon livre la même chose que Nietzsche du Gai
savoir : « Presque pas une phrase où la profondeur et l’enjouement ne se
tiennent tendrement la main ! »
Nietzsche écrit dans Ecce homo : « Un autre idéal court devant nos pas,
prodigieux, séduisant et riche de périls, auquel nous ne cherchons à convertir
personne, parce que nous ne reconnaissons pas facilement à quelqu’un de
droits sur lui : l’idéal d’un esprit qui joue naïvement, c’est-à-dire sans
intention, par excès de force et de fécondité, avec tout ce qui s’est appelé
jusque-là sacré, bon, intangible, divin ; d’un esprit pour qui les suprêmes
valeurs justement en cours dans le peuple signifieraient déjà danger,
décrépitude, avilissement ou tout au moins repos, cécité, oubli de soi
momentané ; un idéal de bien-être et de bienveillance humainement surhumain
qui paraîtra facilement inhumain, quand, par exemple, prenant place à côté de
tout ce sérieux qu’on a révéré ici, à côté de toute la solennité qui a régné
jusqu’à ce jour dans le geste, le verbe, le ton, le regard, la morale et le devoir,
il se révélera involontairement comme leur parodie incarnée ; lui qui pourtant
est appelé peut-être à inaugurer l’ère du grand sérieux, à poser le premier à sa
place le grand point d’interrogation, à changer le destin de l’âme, à faire
avancer l’aiguille, à lever le rideau de la tragédie… »
Je cite encore ces quelques mots (note datant de 82-84.) : « Voir sombrer les
natures tragiques et pouvoir en rire, malgré la profonde compréhension,
l’émotion et la sympathie que l’on ressent, cela est divin. »
Les seules parties de ce livre écrites nécessairement – répondant à mesure à
ma vie – sont la seconde, le Supplice, et la dernière. J’écrivis les autres avec le
louable souci de composer un livre.
Se demander devant un autre : par quelle voie apaise-t-il en lui le désir
d’être tout ? sacrifice, conformisme, tricherie, poésie, morale, snobisme,
héroïsme, religion, révolte, vanité, argent ? ou plusieurs voies ensemble ? ou
toutes ensemble ? Un clin d’œil où brille une malice, un sourire mélancolique,
une grimace de fatigue décèlent la souf rance dissimulée que nous donne
l’étonnement de n’être pas tout, d’avoir même de courtes limites. Une
souf rance si peu avouable mène à l’hypocrisie intérieure, à des exigences
lointaines, solennelles (telle la morale de Kant).
A l’encontre. Ne plus se vouloir tout est tout mettre en cause. N’importe qui,
sournoisement, voulant éviter de souf rir se confond avec le tout de l’univers,
juge de chaque chose comme s’il l’était, de la même façon qu’il imagine, au
fond, ne jamais mourir. Ces illusions nuageuses, nous les recevons avec la vie
comme un narcotique nécessaire à la supporter. Mais qu’en est-il de nous
quand, désintoxiqués, nous apprenons ce que nous sommes ? perdus entre des
bavards, dans une nuit où nous ne pouvons que haïr l’apparence de lumière qui
vient des bavardages. La souf rance s’avouant du désintoxiqué est l’objet de
ce livre.
Nous ne sommes pas tout, n’avons même que deux certitudes en ce monde,
celle-là et celle de mourir. Si nous avons conscience de n’être pas tout comme
nous l’avons d’être mortel, ce n’est rien. Mais si nous n’avons pas de
narcotique, se révèle un vide irrespirable. Je voulais être tout : que défaillant
dans ce vide, mais me prenant de courage, je me dise : « J’ai honte d’avoir
voulu l’être, car je le vois maintenant, c’était dormir », dès lors commence une
expérience singulière. L’esprit se meut dans un monde étrange où l’angoisse et
l’extase se composent.
Une telle expérience n’est pas inef able, mais je la communique à qui
l’ignore : sa tradition est dif icile (écrite n’est guère que l’introduction de
l’orale) ; exige d’autrui angoisse et désir préalables.
Ce qui caractérise une telle expérience, qui ne procède pas d’une
révélation, où rien non plus ne se révèle, sinon l’inconnu, est qu’elle n’apporte
jamais rien d’apaisant. Mon livre fini, j’en vois les côtés haïssables, son
insuf isance, et pire, en moi, le souci de suf isance que j’y ai mêlé, que j’y mêle
encore, et dont je hais en même temps l’impuissance et une partie de
l’intention.
Ce livre est le récit d’un désespoir. Ce monde est donné à l’homme ainsi
qu’une énigme à résoudre. Toute ma vie – ses moments bizarres, déréglés,
autant que mes lourdes méditations – s’est passée à résoudre l’énigme. Je vins
ef ectivement à bout de problèmes dont la nouveauté et l’étendue m’exaltèrent.
Entré dans des contrées insoupçonnées, je vis ce que jamais des yeux n’avaient
vu. Rien de plus enivrant : le rire et la raison, l’horreur et la lumière devenus
pénétrables… il n’était rien que je ne sache, qui ne soit accessible à ma fièvre.
Comme une insensée merveilleuse, la mort ouvrait sans cesse ou fermait les
portes du possible. Dans ce dédale, je pouvais à volonté me perdre, me donner
au ravissement, mais à volonté je pouvais discerner les voies, ménager à la
démarche intellectuelle un passage précis. L’analyse du rire m’avait ouvert un
champ de coïncidences entre les données d’une connaissance émotionnelle
commune et rigoureuse et celles de la connaissance discursive. Les contenus se
perdant les uns dans les autres des diverses formes de dépense (rire, héroïsme,
extase, sacrifice, poésie, érotisme ou autres) définissaient d’eux-mêmes une loi
de communication réglant les jeux de l’isolement et de la perte des êtres. La
possibilité d’unir en un point précis deux sortes de connaissance jusqu’ici ou
étrangères l’une à l’autre ou confondues grossièrement donnait à cette
ontologie sa consistance inespérée : tout entier le mouvement de la pensée se
perdait, mais tout entier se retrouvait, en un point où rit la foule unanime. J’en
éprouvai un sentiment de triomphe : peut-être illégitime, prématuré ?… il me
semble que non. Je sentis rapidement ce qui m’arrivait comme un poids. Ce qui
ébranla mes nerfs fut d’avoir achevé ma tâche : mon ignorance portait sur des
points insignifiants, plus d’énigmes à résoudre ! Tout s’écroulait ! je m’éveillai
devant une énigme nouvelle, et celle-là, je le sus aussitôt, insoluble : cette
énigme était même si amère, elle me laissa dans une impuissance si accablée
que je l’éprouvai comme Dieu, s’il est, l’éprouverait.
Aux trois quarts achevé, j’abandonnai l’ouvrage où devait se trouver
l’énigme résolue. J’écrivis Le Supplice, où l’homme atteint l’extrême du
possible.
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Je ne puis, revenant en arrière, si je refais ce chemin que l'homme a fait à la recherche de soi-même (de sa gloire), qu'être saisi d'un mouvement fort et débordant - qui se chante. Je m'en veux quelque fois de laisser le sentiment de l'existence souffreteuse. La déchirure est l'expression de la richesse. L'homme fade et faible en est incapable.

Que tout soit suspendu, impossible, invivable... je n'en ai cure! Manquerais-je à ce point de souffle ?

Convier toutes les pentes de l'homme en un point, tous les possibles qu'il est, en tirer en même temps les accords et les heurts violents, ne plus laisser au dehors le rire déchirant la trame (l'étoffe) dont l'homme est fait, au contraire se savoir assuré d'insignifiance tant que la pensée n'est pas elle-même ce profond déchirement de l'étoffe et de son objet -l'être lui-même- l'étoffe déchirée (Nietzsche avait dit : "regarder comme faux ce qui n'a pas fait rire au moins une fois"(...), en cela mes efforts recommencent et défont la Phénoménologie de Hegel. La construction de Hegel est une philosophie du travail, du "projet". L'homme Hégélien - Être et Dieu- s'accomplit, s'achève dans l'adéquation du projet. L'ipse devant devenir tout n'échoue pas, ne devient pas comique, insuffisant, mais le particulier, l'esclave engagé dans les voies du travail, accède après bien des méandres au sommet de l'universel. Le seul achoppement de cette manière de voir (d'une profondeur inégalée d'ailleurs, en quelque sorte inaccessible) est ce qui dans l'homme est irréductible au projet : l'existence non discursive, le rire, l'extase, qui lient -en dernier lieur - l'homme à la négation du projet qu'il est pourtant - l'homme s'abîme en dernier dans un effacement total de ce qu'il est, de toute affirmation humaine. Tel serait le passage aisé de la philosophie du travail - hégélienne et profane - à la philosophie sacrée, que le "supplice" exprime, mais qui suppose une philosophie de la communication, plus accessible.

Je conçois mal que la "sagesse" -la science- se lie à l'existence inerte. L'existence est tumulte qui se chante, où fièvre et déchirures se lient à l'ivresse. L'affaissement hégélien, le caractère achevé profane, d'une philosophie dont le mouvement était le principe, tiennent au rejet, dans la vie de Hegel, de tout ce qui pouvait sembler ivresse sacrée. Non que Hegel eut "tort" d'écarter les concessions molles auxquelles des esprits vagues eurent recours de son temps. Mais à confondre l'existence et le travail (la pensée discursive, le projet), il réduit le monde au profane : il nie le monde sacré (la communication)

Quand l'orage que j'ai dit se fut calmé, ma vie connut un temps de moindre dépression. Je ne sais si cette crise acheva de fixer mes démarches, mais dès lors elles avaient un objet premier. Avec une conscience claire, je me vouai à la conquête d'un bien inaccessible, d'un "graal", d'un miroir où se refléteraient, jusqu'à l'extrémité de la lumière, les vertiges j'avais eus.

Je ne lui donnai pas de nom tout d'abord. D'ailleurs je m'égarai bêtement (peu importe). Ce qui compte à mes yeux : justifier ma sottise (et non moins celle des autres), ma vanité immense... Si j'ai vaticiné, mieux encore, je m'inscris légèrement pour cela. Entre les droits qu'il revendique, l'homme oublie celui d'être bête; il l'est nécessairement, mais sans droit et se voit contraint de dissimuler. Je m'en voudrais de rien vouloir cacher.

Ma recherche eut d'abord un objet double : le sacré, puis l'extase. J'écrivis ce qui suit comme un prélude à cette recherche et ne la menai vraiment que plus tard. J'insiste sur ce point qu'un sentiment d'insoutenable vanité est le fond de tout ceci (comme l'humilité l'est de l'expérience chrétienne)
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L’angoisse, évidemment, ne s’apprend pas. On la provoquerait ? c’est possible : je n’y crois guère. On peut en agiter la lie… Si quelqu’un avoue de l’angoisse, il faut montrer le néant de ses raisons. Il imagine l’issue de ses tourments : s’il avait plus d’argent, une femme, une autre vie… La niaiserie de l’angoisse est infinie. Au lieu d’aller à la profondeur de son angoisse, l’anxieux babille, se dégrade et fuit. Pourtant l’angoisse était sa chance : il fut choisi dans la mesure de ses pressentiments. Mais quel gâchis s’il élude : il souffre autant et s’humilie, il devient bête, faux, superficiel. L’angoisse éludée fait d’un homme un jésuite agité, mais à vide. [...]
Oubli de tout. Profonde descente dans la nuit de l’existence. Supplication infinie de l’ignorance, se noyer d’angoisse. Se glisser au-dessus de l’abîme et dans l’obscurité achevée en éprouver l’horreur. Trembler, désespérer, dans le froid de la solitude, dans le silence éternel de l’homme (sottise de toute phrase, illusoires réponses des phrases, seul le silence insensé de la nuit répond). [...]
Sentiment de complicité dans : le désespoir, la folie, l’amour, la supplication. Joie inhumaine, échevelée, de la communication, car désespoir, folie, amour, pas un point de l’espace vide qui ne soit désespoir, folie, amour et encore : rire, vertige, nausée, perte de soi jusqu’à la mort.
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Le mot silence est encore un bruit, parler est en soi-même imaginer connaître, et pour ne plus connaître, il faudrait ne plus parler. Le sable eût-il laissé mes yeux s'ouvrir, j'ai parlé : les mots qui ne servent qu'à fuir, quand j'ai cessé de fuir me ramènent à la fuite. Mes yeux se sont ouverts, c'est vrai, mais il aurait fallu ne pas le dire, demeurer figé comme une bête. J'ai voulu parler, et, comme si les paroles portaient la pesanteur de mille sommeils, doucement comme semblant de ne pas voir, mes yeux se sont fermés. C'est par une "intime cessation de toute opération intellectuelle" que l'esprit est mis à nu. Sinon, le discours le maintient dans son petit tassement. Le discours, s'il le veut, peut souffler la tempête, quelque effort que je fasse, au coin du feu le vent ne peut glacer. La différence entre expérience intérieure et philosophie réside principalement en ce que, dans l'expérience, l'énoncé n'est rien, sinon un moyen et même, autant qu'un moyen, un obstacle ; ce qui compte n'est plus l'énoncé du vent, c'est le vent.
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Pourquoi continuer à nous jouer nous-mêmes? Conduit par un instinct aveugle, le poète sent qu'il s'éloigne lentement des autres. Plus il entre dans les secrets "qui sont ceux des autres comme les siens" et plus il se sépare, plus il est seul. Sa solitude au fond de lui recommence le monde, mais ne le recommence que pour lui seul. Le poète, emporté trop loin, triomphe de son angoisse, mais non de celle des autres. Il ne peut être détourné d'un destin qui l'absorbe, loin duquel il dépérirait. Il lui faut s'en aller toujours un peu plus loin, c'est là son seul pays. Nul ne peut le guérir de n'être pas la foule.
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Vidéo de Georges Bataille
Elle s'inscrit dans la lignée De Sade, Baudelaire ou encore de George Bataille et devient une des premières femmes à écrire la sexualité "comme un homme". Cette écrivaine mi-pirate mi-punk a bouleversé la littérature avec une liberté de ton qui inspire encore les autrices d'aujourd'hui comme Virginie Despentes.
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