Les lettres adressées par
Colette à celle qu'elle appelle son Annie-d'enfance, entre 1914 et 1918, dévoilent la profonde intimité qui régnait entre les deux romancières. Leur contenu ne vaut pas pour leur profondeur ou leur qualité littéraire et s'apparente plutôt à une correspondance popote – la gourmandise de
Colette fait sourire – pleine de sous-entendus sur les amours de cette dernière pour son martial Sidi,
Henry de Jouvenel. Il s'agit d'un éclairage intéressant sur la manière dont le couple
Jouvenel s'est soudé durant la guerre, et aussi sur la distance qui s'est installée peu à peu au fil des missions diplomatiques
De Jouvenel, puis de ses infidélités.
Les lettres échangées avec
Germaine Beaumont, la fille d'Annie de Pène, sont d'une toute autre nature parce qu'une relation quasi filiale s'est développée entre les deux femmes, Germaine travaillant au départ pour
Colette, avant de voler de ses propres ailes comme journaliste et romancière.
Dans les deux correspondances, nous pouvons mesurer l'itinérance qui caractérise la vie de l'écrivaine. Les années de guerre sont marquées par ses séjours à Verdun, sur le lac de Côme ou à Rome. L'après-guerre déroule ses villégiatures à Castel-Novel (le château des
Jouvenel) ou à Rozven (sa villa du pays malouin), à Gstaad, à Montreux. Dans les années 1930, Saint-Tropez et la Treille Muscate prennent le relais de la Bretagne. Mais, après la guerre 39-45, l'arthrite dont souffrait
Colette réduit peu à peu ses déplacements et ses séjours à Monte-Carlo ou dans le Midi s'expliquent surtout par des raisons médicales.
Ce qui frappe chez ces trois femmes écrivains est la formidable quantité de travail qu'elles fournissaient, l'ardeur qu'elles mettaient à se tailler une place dans un monde des lettres encore essentiellement masculin.