Nat Tate : Un artiste américain (1928-1960)

C'est l'histoire d'une blague potache, d'une supercherie, ou d'un exercice littéraire, qui finit par échapper à l'auteur. Curieuse aventure que ce roman de W. Boyd ! Nat Tate (mélange de National et Tate Gallery) est un artiste américain oublié, sorti directement de l'imagination de Boyd, qui lui consacre avec ce livre une courte biographie de 85 pages. Publié en 1998, c'est un petit régal de fiction s'appuyant sur des documents tels que des photos d'enfance de l'artiste, des lieux qu'il a fréquentés, des photos d'autres artistes (Picasso, Braque,...), oeuvres de l'auteur comme des peintures et des dessins, tous issus de la main de Boyd (voir par exemple la toile « Portrait de K. » p.60). Une fois la supercherie découverte, le scandale éclata dans le microcosme londonien.
« Mon but premier était de démontrer combien une pure fiction pouvait être puissante et crédible et, dans le même temps, d'élaborer une sorte de fable moderne sur le monde de l'art », s'expliquera ultérieurement l'auteur dans les pages du Telegraph. Quinze ans après, cet artiste fictif est toujours vivant. Il a fait l'objet de plusieurs documentaires et l'un de ses dessins s'est même vendu aux enchères à Londres, dessin fait par Boyd naturellement. En cela, on peut donc dire que la démonstration de Boyd est plus que réussie !

🖼 « C'est moins l'idée d'un canular qui m'intéressait que la possibilité de fabriquer quelque chose d'étonnamment réel à partir d'une totale invention. Je commençai vaguement à formuler l'idée de pousser le mode de biographie imaginaire dans la zone de la verisimilitude et, voici quelques années, j'entamai une collection de vieilles cartes postales, dénichées dans des brocantes ou des salles de ventes, avec le projet d'écrire une « vie » parée de tous les composants d'une authentique biographie. »
(P.8)

🖼 Mais qui donc est Nat Tate ? William Boyd se lance le pari incroyable de retracer l'existence de ce mystérieux artiste en regroupant les témoignages de ses nombreux amis (Picasso, Braque…) et en analysant avec soin ses voyages, ses rencontres déterminantes et ses oeuvres. A travers celles-ci, et notamment la série « Le Pont », émerge une certaine mélancolie, un mal-être, une tristesse manifeste : le décès par noyade de son père avant sa naissance n'y est pas étranger. La question de l'héritage inconscient se pose, un engouement international naît mais les oeuvres de Tate sont introuvables : il les a brûlées avant de mettre fin à ses jours. le mystère devient général, les esprits s'échauffent : pourquoi n'a-t-on jamais entendu parler de cet artiste auparavant ?

🖼 À la sortie de cette biographie, David Bowie, alors membre de la maison d'édition qui a publié l'ouvrage, organisa une soirée de lancement en lisant des passages du texte de Boyd et John Richardson (biographe de Picasso) raconta les liens d'amitié qui unissaient les deux artistes… on se souvient alors de Tate, de l'avoir croisé, de lui avoir parlé ! Une semaine plus tard, rififi dans le monde artistique ! Un journaliste met fin à ce qui n'avait été qu'une mauvaise blague : Nat Tate n'a jamais existé ailleurs que dans l'esprit de l'auteur qui lui a créé de toute pièce une vie aussi vraisemblable que possible et avec la complicité d'autres artistes. On crie au scandale, mais Boyd tient bon : "Cela montre que les gens adorent ce sentiment d'espièglerie lié aux canulars : nous voulions que des gens suffisants aient l'air bêtes. Et je pense que c'est ce qui nous a motivés", confie-t-il. 

🖼 Prodigieux !

Cet ouvrage du romancier britannique William Boyd est un immense canular publié en 1998 par la maison d'édition "21 Publishing" spécialisée dans les livres d'art. Cette biographie est une pure invention ayant pour sujet la vie et l'oeuvre fictive du peintre expressionniste abstrait Nathwell Tate (amant imaginaire de Peggy Guggenheim). le nom Nat Tate est composé à partir de ceux de deux musées londoniens : National Gallery et Tate Gallery.

À grand renfort de notes de bas de page, reproductions de tableaux, photographies et documents d'archives, William Boyd cherche à apporter de la consistance et de la crédibilité au parcours de Nat Tate (artiste qui n'a jamais existé) . Cette imposture a été montée avec la complicité de John Richardson (biographe de Picasso), Karen Wright (éditrice du magazine d'art "Modern Painters" et co-directrice de "21 Publishing"), David Bowie (rédacteur de "Modern Painters" et co-directeur de "21 Publishing") et enfin Gore Vidal (romancier et essayiste américain).

Veille du 01 avril 1998, une grande fête est organisée pour la sortie du livre dans l'atelier de l'artiste américain Jeff Koons en présence du gratin de la sphère artistique new-yorkaise. le livre est présenté comme étant une vraie biographie et c'est alors que des grands noms du monde de l'art présents à la soirée ne voient rien à la supercherie, affirmant avoir déjà vus des oeuvres de Nat Tate dans des galeries d'art ou s'improvisant spécialistes de l'artiste.

La découverte du pot aux roses se fera quelques jours plus tard dans les pages du quotidien anglais "The Independent" par le journaliste David Lister. Selon William Boyd, ce canular littéraire est une fable moderne sur le monde de l'art et son snobisme

Nat Tate est un artiste américain (1928-1960) qui a détruit 99% de son oeuvre avant de se suicider en se jetant du ferry qui relie Manhattan à Staten Island.

Cette courte biographie de 88 pages, accompagnée de photos d'un artiste au nom si parfait (contraction de National et Tate Gallery) est en fait une brillante supercherie littéraire.
Totalement inventé, Nat Tate fut durant deux ans un artiste reconnu à New York !

Avis :
Un jeu littéraire mais aussi une satire du milieu artistique.
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