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4,05

sur 12355 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
451 degrés Fahrenheit : où la température à laquelle un livre s'enflamme et se consume. Voilà bien une vision ayant de quoi donner des sueurs froides à n'importe quel bibliophile, et c'est justement sur cette peur qu'entend jouer le regretté Ray Bradbury qui nous rappelle brillamment ici un constat d'une grande simplicité mais que l'on a malheureusement aujourd'hui une fâcheuse tendance à oublier : notre société ne saurait se passer de livres ni d'écrivains. Soixante ans après la parution de ce roman que tous s'accordent aujourd'hui à élever au rang des plus grands classiques de la science-fiction, la puissance du message qu'il véhicule demeure toujours aussi forte, et son contenu autant d'actualité qu'en 1953. « Fahrenheit 451 » n'accuse donc pas son âge, que ce soit sur le fond comme sur la forme grâce à la toute nouvelle traduction dernièrement réalisée par Jacques Chambon. Aucune excuse, donc, pour ne pas se lancer et pleinement apprécier la qualité de l'ouvrage de Bradbury qui nous plonge dans une société du future où la lecture, source de beaucoup trop de questionnements dérangeants et de contradictions, est devenu un acte prohibé par la loi. Pour faire rentrer les plus réfractaires dans le rang : un corps spécial de pompiers dont la fonction a été dénaturée et consiste désormais à brûler les livres et ainsi veiller à la tranquillité d'esprit de la société.

Fortement inspiré du contexte de psychose anticommuniste ayant secoué les États-Unis à l'époque du « maccarthysme » et qui toucha directement le domaine de la culture (rappelons à titre d'exemple l'exil de Charlie Chaplin), « Fahrenheit 451 » nous offre une vision glaçante d'une société dans laquelle les êtres humains ne sont plus que des coquilles vides, incapables de se lier les uns aux autres, vivant dans leur petite bulle de loisirs, sitôt consommés sitôt jetés, et où violence et suicides sont devenus monnaie courante. Oublier toute idée de promenade nocturne dans le seul but d'admirer la lune ou les étoiles, de moments de partage en famille ou entre amis, et même de brefs instants de méditation chez vous, dans la rue ou dans les transports en communs. Réfléchir est devenu un acte antisocial, prendre le temps de porter attention à ce et ceux qui nous entourent, un signe de déséquilibre mental : se distraire, toujours, tout le temps, par tous les moyens, voilà ce à quoi doit aspirer tout bon citoyen ! Bradbury nous dresse le portrait sans fard d'un monde vide, complètement dévitalisé, où la créativité, l'amour et l'amitié ne sont plus que de lointains souvenirs et qui laisse comme un sentiment de malaise qui saisi immédiatement le lecteur à la gorge. Une société fictionnelle, certes, mais qui présente de troublants parallèles avec la notre, ce qui explique que le propos du roman demeure encore de nos jours aussi pertinent, et ce malgré son âge.

Certes nous n'en sommes pas encore aux « murs-écrans », aux robots-traqueurs et à l'éradication pure et simple de la culture, mais il n'empêche que l'auteur aborde ici des thèmes qui comptent aujourd'hui encore parmi les grandes préoccupation de notre siècle : la coupure de l'homme avec ses racines ; les difficultés à concilier bonheur et progrès ; et surtout l'impérialisme des médias. Car, comme le rappelle Jacques Chambon dans sa préface « Il y a plus d'une façon de brûler un livre, l'une d'elle, peut-être la plus radicale, étant de rendre les gens incapables de lire par atrophie de tout intérêt pour la chose littéraire, paresse mentale ou simple désinformation. » Quelle glaçante vision en effet que ces êtres presque lobotomisés à coup de publicités et de programmes insipides ayant pour seul objectif de monopoliser en permanence leur attention et ainsi les détourner de toute possibilité de réflexion ! Seule minuscule étincelle dans cet univers triste et gris : un homme, qui, de représentant par excellence du système, va en devenir le plus grand ennemi. Touchant car en proie au doute et au désespoir le plus profond, Montag est un protagoniste dont on a plaisir à suivre le long et difficile cheminement intérieur vers la vérité et enfin la liberté. Les personnages secondaires, bien que beaucoup plus en retraits, sont également très convaincants, suscitant tour à tour la pitié (la triste épouse de Montag), l'affection (l'espiègle petite Clarisse), l'antipathie, la peur, la colère...

Avec « Fahrenheit 451 » Ray Bradbury tire la sonnette d'alarme, pour sa génération comme pour celles à venir, et nous offre une véritable ode à la vérité, la liberté et bien évidemment à la littérature dont il nous rappelle l'irremplaçable utilité. « Contribuez à votre propre sauvetage, et si vous vous noyez, au moins mourez en sachant que vous vous dirigiez vers le rivage. »
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Fahrenheit 451 est un des romans de SF les plus connus par un public très large , hors amateurs spécialisés .
C'est d'ailleurs un texte adapté au cinéma par Truffaut ....

Quand je lis ce texte , je me demande toujours pourquoi certains textes de SF , débordent sur un lectorat plus large et pas d'autres ?
En effet le sous-genre dystopique de la science-fiction déborde de textes tout à fait à la hauteur de ceux de Bradbury ou même de ceux d'Orwell , bon ... , mystère et boules de gomme ...

Dans un futur relativement éloigné mais pas trop , la lecture est interdite et le monde est standardisé alors que la pensée est calibrée , orientée , standardisée ....
Le caractère futuriste du texte est indéniable ( avec un décorum qui va dans ce sens ) et on peut d'ailleurs inviter le lecteur , à réfléchir aux attributs qui rendent cet univers efficacement futuriste et fonctionnel , les tapis roulants , les escaliers mécaniques etc ... , car ils ont un caractère désuet , bien qu'ils soient très efficients du point de vue de leur efficacité narrative .

Dans cet univers les pompiers n'éteignent pas les feux , au contraire , ils s'en servent pour procéder à de spectaculaires autodafés répressives et exemplaires .
Un pompier , viendra à sauver un livre et à le lire , cela précipitera un cheminement intérieur crédible ainsi que éloquent , et cela le poussera à la dissidence puis à la fuite ...

Le récit est dramatisé et rythmé , cela « flambe « et cela cavale si j'ose dire .
C'est une réflexion sur le totalitarisme et la pensée unique qui est argumentée et avenante .
C'est sans doute un récit qui a de la couleur et de l'arôme , un gout ...

Les textes de cette époque du fait d'un contexte historique particulier traitent du totalitarisme et de la censure .
Ils conservent leur actualité de nos jours évidement , encore que de nos jours se développe une dynamique de censure plus ou moins involontaire , qui tourne autour du foisonnement d'informations et qui mobilise , la prolifération de l'information et celle de l'anecdotique , avec la prolifération d'informations factuelles désolidarisés des examens de fond et au long court des thématiques , une censure de facto , qui découlent également de la loi du marché , avec des sujets vendeurs (traitements orientés des thématiques aussi plus ou moins vendeuses ) , ou des sujets plus visibles bien que anecdotiques , au détriment d'un traitement plus « clinique « et plus en rapport avec les dynamiques structurelles des sujets .
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Des livres brûlent, un incontournable de la science-fiction à consommer avant qu'il ne se consume...

Comment se fait-il que je n'avais encore jamais lu ce roman écrit en 1951? C'est pourtant une oeuvre très accessible, tant par sa taille (200 pages) que par son style vivant et imagé, un livre qu'on pourrait facilement offrir à un ado et même à ceux qui ne sont pas adeptes du genre.

C'est un texte qui étonne par ses éléments visionnaires : guichet automatique, téléréalité, alors qu'il a été écrit au moment où la la télévision était encore un objet de luxe peu répandu. On y voit presqu'un clin d'oeil actuel lorsqu'il mentionne « des concours ou l'on gagne en se souvenant des paroles de quelque chanson populaire, du nom de la capitale de tel ou tel Etat ou de la quantité de maïs récolté dans l'Iowa...».

Devenu un classique comme le « 1984» de Orwell, il met en garde contre le risque de glissement d'une société vers le totalitarisme. À l'époque de son écriture, c'est ce qui s'était produit en Allemagne nazie quelques années plus tôt et le mccarthysme américain semblait une pente bien dangereuse.

À première vue, on peut regretter le manque de profondeur des personnages, c'est qu'ils représentent les conséquences de générations d'abrutissement, l'érosion de leur richesse émotionnelle est donc inévitable. Par contre, les amoureux des livres auront un frisson supplémentaire à l'idée de la destruction d'objets qui prennent tant de place dans nos vies...

Qu'ajouter d'autre aux plus 200 critiques déjà présentes et qui ont bien résumé l'intrigue? Rien, il faut lire Farheneit 451!
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Un livre où l'on brûle des livres…
L'image est célèbre mais forcément réductrice. Car le thème de Fahrenheit 451 – dystopie tristement visionnaire publiée il y a plus de soixante ans – aborde plus globalement les concepts de totalitarisme et de négation de l'humain.

Au-delà de leur statut d'objet maudit à détruire à tout prix, les livres incarnent ici une métaphore de la mémoire des hommes, seule chance de résurrection d'une civilisation malade où la passivité mentale s'est changée en sport national et le bonheur en illusion dûment contrôlée.

J'ai retenu avant tout cette évocation douloureuse d'une aliénation totale à la réalité virtuelle, la dictature débilitante des écrans omniprésents pourvoyeurs d'une culture de masse nivelée par le bas, et la toute-puissance des médias qui vous feraient gober n'importe quoi, acheter n'importe quoi, voter pour n'importe qui...

Toute ressemblance avec des situations existant ou ayant existé ne saurait etc etc… car simple science-fiction que tout cela n'est-il pas ?

Un roman méchamment flippant du coup, au mieux un peu déprimant, à redécouvrir malgré tout, tant qu'il nous reste encore un peu de temps de cerveau disponible.


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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A choisir je préfère Fahrenheit 451 à 1984, un mixte des deux aurait été du pur chef d'oeuvre en papier… Comme 1984, est-ce qu'il y a quelque chose à rajouter hormis le simple plaisir d'essayer de grimper dans l'échelle hiérarchique des amateurs de critique de Babelio ? Mouais certainement que ce serait la principale raison qui me pousse à donner un autre avis… et aussi certainement pour le plaisir de mélanger futur, présent dans la même phrase avec un je m'en foutiste de bonne tenue de la langue française…

Je ne vous referai pas l'article sur la portée philosophique du roman, j'y perdrai mon temps et le vôtre, mais qui serais-je si par auto-délation je ne me dénonçais pas ? Je vous enfumerai en accablant notre société de mille et un maux comme à chaque fois, alors que je ne pratique absolument pas le bon vivre : question écologie je suis à l'ouest, j'y pense, je condamne mais j'en fou pas un effort ou si peu… Question consommation, je suis un capitaliste hors norme, je consomme jusqu'au kilo de trop sans trop me condamner la morale, parfois une once de culpabilité vient chatouiller mon malvivre, ma malbouffe, pourtant les habitudes l'emportent sur mes convictions bien trop nombreuses pour un si petit homme… pour faire simple, je m'adapte au système sans me priver, je profite à outrance sans me choquer, j'attends que ma lâcheté s'encourage d'un mouvement de masse de gens en colère, quoi que même là j'y bougerai pas une couille de virilité pour aller défendre les nombreuses dérives sociales, je ne suis qu'un spectateur qui se bêtise d'une vie trop courte, qui s'excuse de problèmes ordinaires, manque de temps, de discipline, d'éducation, j'apprends les grands principes, mais je n'en branle pas une…

je te dis pas la honte que je me fais, enfin parfois, quand je l'ignore pas, mon indifférence se moque bien de ce que je pense, elle méprise mes opinions et me renvoie à mes belles aventures imaginaires…

Dis comme ça, c'est moche, pourtant je n'y accorde pas beaucoup d'importance, enfin pas plus que ça, j'ai pleinement conscience de mes contradictions, j'améliore des petits trucs mais je suis encore loin de la raison, du rationnel, du bon sens, l'égoïsme et l'individualité sont de très bons amis, je reste un caillou du troupeau…

Le héros du bouquin se réveille un jour, avec le même état d'esprit, une vie pas très raccord, un truc cloche, ça prend de la place jusqu'au moment 451 ou ça fout la merde partout dans la jardin, donner du sens ou il n'y en a plus, voyez comme l'actualité de nos jours est traitée, l'importance du futile, l'illusion de cette importance, la crédulité populaire de la bêtise qui se banalise grossièrement, l'effet HALO d'une population dépassée, qui ne s'intéresse plus qu'à la paresse d'esprit, du moins celles et ceux qui peuvent se le permettre, les autres prolétisent dans des boulots sans intérêt, d'autres s'usent le temps et la vie dans les inégalités, on perd la tête et les priorités, on oublie dans la décadence, on est élevé au sein de l'égoïsme, jusqu'au jour ou l'équation n'est plus solvable, le trop plein est bondé, on s'affole de questions, on existentialise tout, on se radicalise, on ne nuance plus, on caricature, on condamne et on descend dans les rues brûler nos rancoeurs et nos illusions, bercées par un système déshumanisé et humainement redoutable.

A plus les copains
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J'ai lu Fahrenheit 451 à peu près au moment où Palmyre venait d'être détruite et que Daesh brûlait des livres à grand renfort de vidéos. Peut-être que c'est ce qui m'a décidée à lire enfin ce roman, peut-être pas. J'ai remarqué que pas mal de personnes qui l'avaient lu en même temps que moi établissaient un parallèle entre ces faits de notre actualité et ceux décrits dans le livre. Je pense que c'est un peu à côté de la plaque, que Fahrenheit 451 a une portée beaucoup plus large. Les autodafés, malheureusement, ne datent pas d'aujourd'hui. Mais pour ce qui est de la société imaginée par Bradbury pour son roman, c'est une autre histoire...

Il me semble que ce que presque tout le monde trouve en Fahrenheit 451, c'est cette incroyable et terrible adéquation entre un livre publié en 1953 et le monde d'aujourd'hui. En effet, de nos jours, on en est à peu près là : les infos défilent en continu sur nos écrans, on est submergé d'images et, si on continue à lire, une majorité de gens n'ont décidément pas envie de réfléchir. Parce que le point que dénonce Fahrenheit 451, ce n'est pas tant les autodafés que cette décrépitude dans laquelle se complaît la société : la tirade de Beatty à Montag est sur ce point on ne peut plus claire. C'est tellement frappant qu'on a envie de crier au génie visionnaire.

Bon, c'est ce que j'ai ressenti sur le coup. Je suis un peu plus mitigée avec le recul, bien que je pense toujours que c'est là un très bon roman, qui nous colle face à certaines de nos failles les moins plaisantes. Je n'ai pas pensé un seul instant, pendant ma lecture, ou même juste après, que Fahrenheit 451 était un roman réactionnaire. Pourtant, il a été parfois été, voire souvent, dénoncé comme tel et je me souviens bien d'avoir entendu Anne Staquet à la radio défendre ce point de vue : selon elle, les dystopies seraient réactionnaires, parce qu'en dénonçant les méfaits susceptibles d'avenir dans nos sociétés, elles inviteraient à ne surtout rien changer. Et c'est aussi ce qu'on peut lire dans Fahrenheit 451 : pas de révolution possible. Les opposants (les "hommes-livres") se terrent et attendent qu'on ait enfin besoin d'eux. Quant à la dénonciation de la toute-puissance de la télévision, elle peut apparaître comme très proche de certains arguments anti-jeux vidéo - autrefois anti-télé, anti-cinéma, dans l'Antiquité anti-théâtre (mais oui, même si ça semble aujourd’hui bizarre!), mais aussi anti-bande dessinée et anti-science-fiction... On pourrait décliner tout ça à l'envi. Et puis, tout de même, le livre qu'apprend Montag, c'est la Bible... Ce qui m'a franchement gonflée.

Je crois que les deux lectures sont bonnes à prendre et que Fahrenheit 451 est un roman à lire, qu'il constitue une puissante mise en scène des problèmes que notre société rencontre aujourd'hui, mais qu'il est aussi bon de prendre un peu de recul. Après tout, d'autres que Bradbury ont abordé le sujet, parfois plus subtilement et plus pleinement.
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Je remercie Neneve pour cette très bonne pioche (Janvier). J'ai la version roman que depuis peu mais j'ai apprécié la découvrir. Il s'agit d'un classique de la littérature américaine quand même.

Je l'avais déjà lu en version comics au tout début de l'aventure des pioches. Cela m'avait ainsi permis d'en comprendre le succès et l'anticipation. Mais heureusement que j'en connaissais la teneur car le début est très bizarre avec ses dialogues de sourd entre Montag et sa femme, celle-ci semble venir d'une autre planète tant elle est à côté de ses pompes. L'auteur est si juste dans certains de ses raisonnements que s'en est flippant pour notre avenir, à nous les lecteurs, comme l'effet des « masses ». Comment pourrait devenir le monde si les livres devenaient les ennemis du peuple et du bonheur ? L'auteur a ainsi créé un bouquin hors norme avec cette simple question et en si peu de pages (191p). Histoire très originale et qui nous oblige à rester vigilant si on ne veut pas que la littérature digne de ce nom tombe dans l'oubli.

Comme vous l'aurez compris, ce roman est en excellente découverte même si j'ai préféré la version comics, nettement plus agréable de mettre les bonnes images sur ce type d'histoire. Si vous ne l'avez toujours pas lu, je vous conseille très fortement de découvrir ce classique de la littérature fantastique américaine. Pour ma part, malgré un type d'écriture particulier, cela m'a donné envie de découvrir de nouveaux romans de cet auteur si plein de justesse dans son anticipation du monde à venir.

Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
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Impensable : un futur où les livres sont brûlés, les murs des écrans remplis d'émissions et de sports (!), une jeune fille qui est folle parce qu'elle pose des questions, une épouse presque inconnue, et des vies ternes à qui on a enlevé la curiosité, l'initiative, l'excentricité et j'en passe. Et notre héros, Montag, qui a un métier qui a bien changé : il est pompier, mais plutôt que de l'éteindre, il le met, le feu... aux livres de ces propriétaires criminels. Et peu à peu, il y réfléchi : qu'est-ce que ce monde-là ? Un futur où le livre est une arme, les lecteurs des terroristes. Roman culte incontournable qu'on ne voudrait pas visionnaire,, fait de tas d'objets, d'habitudes, de phrases qui font réagir en principe.. A détruire seulement les livres : "On ne faisait de mal à personne, on ne faisait du mal qu'aux choses" ! le vide ne fait pas souffrir. Quand la sécurité et la tranquilité passe par l'extinction des cerveaux, pour le bien commun. Rendre tout le monde égaux en tirant vers le bas. D'actualité dites-vous ? Je ne voudrai surtout pas en faire un résumé : à (re)-lire absolument, sans tarder même.
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« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, je vais vous parler d'un classique du XXe siècle, Fahrenheit 451, de Ray Bradbury.

Or donc dans un futur pas si lointain, Guy Montag exerce la profession de pompier. Avec ses collègues, il intervient pour mettre le feu aux livres et aux maisons qui les contiennent pour éteindre toute curiosité intellectuelle. Montag, tout en adorant son métier, ne peut s'empêcher de douter du bien-fondé de sa mission… Que faire quand les certitudes s'effondrent ?

-Bon, Déidamie, je dois quand même te prévenir, hein. Tu vas te casser les dents sur cette critique.

-Ah bon ? Pourquoi ?

-M'enfin, c'est évident ! Plus de 10000 lecteurs sur le site, des critiques par centaines ! Qu'est-ce que tu vas dire qui n'ait pas déjà été dit ?

-Mmmmh… bah essayons, on verra bien.

Avez-vous vu que Ray Bradbury signe là un tour de force stylistique ? Dès la première page, les livres sont représentés comme des êtres vivants, victimes de brutes lâches…

-Mais évidemment que toulmonde a vu, Déidamie !

-Ah. Bon. Bradbury décrit une société abrutie et abêtie par le marketing et la brutalité élevée au rang de divertissement…

-Paraphrase !

-Ce roman dénonce avec force la bêtise, la facilité, le conformisme…

-Pffffff…

-Bon, d'accord, trop évident, j'ai compris, je te gonfle. Je vais attaquer autrement, alors. As-tu remarqué ?

-Mmh ? Remarqué quoi ?

-C'est la question que je te pose, justement : n'as-tu rien remarqué ? Ce roman contient quelque chose d'assez rare en littérature. As-tu remarqué ce que c'est ?

-Beeen… attends, laisse-moi chercher…

-Vas-y.

-Beeeen… non, je vois rien !

-Exactement. Tu ne vois rien. C'est tellement évident que tu ne t'en rends pas compte. Ca va de soi, et pourtant, non. Et c'est là, sous ton nez. C'est quoi ?

-Pfffff… chais pas.

-Bradbury exploite les cinq sens dans ce roman.

-Euuuuh… tu refais encore le coup du scoop foireux, c'est ça ?

-Pas du tout. Je m'explique. En littérature, les auteurs privilégient bien souvent la vue, l'ouïe, le toucher et le goût : quand tu pratiques l'art de faire voir et ressentir, tu n'as d'autre choix que de jouer avec ces sens. Bradbury le fait également : il décrit longuement les tableaux d'incendie, le bruit envahissant des écrans, les Coquillages, la lance dans la main de Montag…

L'un des premiers doutes de ce dernier, la première fissure visible de sa forteresse est provoquée par la vue de Clarisse. Elle-même d'ailleurs va apprendre à Montag à se servir de ses sens, non pour accomplir la fonction qu'on attend de lui, mais pour en jouir et s'émerveiller.

Bradbury fait quelque chose que je trouve rare en littérature : il offre une place importante à l'odorat.

-Rare, rare… t'exagères, Déidamie. Il y a le Parfum.

-Le Parfum recèle en effet bien des scènes olfactives mémorables, mais en même temps, c'est le thème du roman : un peu normal, ai-je envie de dire. Et sinon, tu peux me citer un roman, un passage marquant qui évoque le royaume évanescent des odeurs* ?

-Euuuh… les boules puantes chez Marcel Pagnol…

-Et puis ?

-Beeeeen… chais pas. C'est vrai, maintenant que tu le dis, je ne me souviens pas de scène à odeur marquante… Celle de Kyô peut-être, dans Fruits Basket… et encore…

-Et encore, tu as mis du temps. Et en comparaison, de quoi tu te souviens, de la vue, du toucher, du goût, de l'ouïe ?

-Alors là, comme ça… mmmh… Hulot, quand il voit Valérie pour la première fois dans La cousine Bette, Phèdre quand elle voit Hippolyte, les repas chez Maupassant, le dîner de Gervaise dans l'Assommoir, la douceur délectable des tissus au Bonheur des dames, la glace qui fond sur la langue d'Emma Bovary, le "Clunk" de la jambe de Fol-Oeil dans Harry Potter, les oiseaux qui chantent dans ce poème de Victor Hugo…

-« Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient » ?

-Oui, ça ! Hahahaha !

-Ouais, c'était bon, ça. Bref. Je sais pas si tu as remarqué, mais une liste de souvenirs s'avère bien plus longue que l'autre. Or, si je compare avec Fahrenheit 451, qu'avons-nous ?

L'odeur du pétrole, de brûlé, celui de la terre humide, des feuilles, et sans doute bien d'autres que j'oublie.

Beatty prétend que les livres sont inutiles : pourquoi disserter des heures sur ces choses qui n'existent pas ? Ils nous détournent de la réalité en nous procurant des rêves stériles, puisque dénués de fondement.

La réponse que propose Bradbury se trouve non seulement dans le fond de son texte, fond accessible que tout le monde peut saisir à la première lecture, mais également dans sa forme. En stimulant tous nos sens, absolument tous, Bradbury rappelle que les livres n'enferment pas, bien au contraire, et dénonce cette société qui annihile les sensations, où la musique assourdit, les écrans rendent aveugles. Même la nourriture n'a plus de consistance, le beurre est répandu liquide sur votre tartine. Vos sens ne sont là que pour vous aliéner.

La résistance, la réflexion ne passent pas seulement par le pur exercice intellectuel, mais aussi par la perception physique des choses, par leur manipulation. Humer, sentir, goûter, toucher, admirer : autant de verbes qui nous ancrent dans la réalité lorsqu'on les conjugue activement pour soi-même.

-Mouais… moi en tout cas, je trouve que ça manque de persos féminins, quand même, ça m'a déçue.

-Tu as Clarisse et Mildred.

-Oui, mais leurs rôles restent assez peu développés, je trouve que c'est dommage. Et puis, bon, à la fin, pas un seul prénom féminin !

-On peut supposer qu'en 1954, les femmes avaient autre chose à faire, comme tenir la maison, s'occuper de son gentil mari et des enfants…

-Hé ouais. Visionnaire pour bien des choses, mais la féminisation des études littéraires, ça, tu l'avais pas vu venir, hein, Ray ?

-Que veux-tu, on ne peut pas tout envisager! Une fille lire des livres! On va pas partir dans des extrêmes non plus.

Bref! Fahrenheit 451 est un roman de résistance, d'inquiétude face aux dictatures de la pensée, mais il est aussi bien autre chose : ce livre rappelle que l'usage de nos sens fait de nous des êtres non seulement vivants, mais aussi existants. »

Edit du 25.07.2019: avez-vous des souvenirs littéraires d'odeurs? Si oui, partagez-les en commentaire ;)

*Formule lâchement piquée à Süskind.
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Rabais de la culture, manipulation des informations, révisionnisme historique, contrôle des pensées via les médias et divertissements de masse, absence d'esprit critique et donc de libre arbitre chez les individus rendus à faire une succession de gestes mécaniques sans se poser la moindre question sur le bien-fondé ou la raison de le faire. La dictature du politiquement correct où il ne faut froisser personne.

C'est le monde dans lequel vit Montag, pompier brûleur de livres de Ray Bradbury, jusqu'au jour où il rencontre Clarisse et que celle-ci lui pose LA question simplissime qui va le bouleverser. Et petit-à-petit l'amènera à une conscience plus aiguisée de ce qu'il se passe réellement autour de lui.

"Est-ce que vous êtes heureux?"

Une question qui paraît bien bête lorsqu'on applique ce qu'on nous a enseigné et qu'on a intégré qu'il n'y avait pas de question à poser. Et pourtant...
Peut-on être réellement heureux et se satisfaire de directives sans explications ? sans jamais chercher à avoir plus qu'on nous donne ? sans confronter les opinions ?

Pour nous, puis pour Montag, ce modèle finit par ne plus suffire. Mais c'est là que les ennuis commence... Dès lors qu'il se met à penser le monde qui l'entoure et à ne plus l'avaler tout cuit, Montag devient dangereux.... Alors pour résister ux discours officiels de cette société dictatoriale, Montag lit. Et par ce simple acte, il passe de l'autre côté du miroir....

A première vue, ce roman est une réinterprétation du mythe de l'Arbre de la Connaissance dont le fruit a conduit Adam et Eve sur Terre, avec le motif du feu (destructeur et rédempteur) omniprésent. le roman de Bradbury est presque une ré-écriture moderne du Livre de l'Apocalypse (et pas seulement à cause des nombreuses références semées tout au long du roman. Mais c'est bien plus que ça ! Tellement plus...

J'avais déjà lu ce livre il y a 11ans et je dois dire que je lui ai trouvé un écho totalement différent après les attentats de Charlie Hebdo et les programmes de L'Éducation nationale de plus en plus zélée lorsqu'il s'agit de niveler par le bas tout en martelant que ces nouvelles mesures visent à ne pas stigmatiser les plus "faibles" et à leur donner une chance de réussite -qu'ils le veuillent ou non.
Nul besoin de s'étaler davantage sur le génie visionnaire de Bradbury, car c'est un livre indispensable pour tout lecteur qui s'inquiète de voir à quel point les loisirs tels que jeux vidéos et télé réalité à outrance ont remplacé la lecture.
Quand on referme ce livre (publié en 1953 !), au final qu'est-ce qui fait le plus peur ? La société dans laquelle vit Montag ou la nôtre ? .... Libre à chacun de se faire son idée.
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