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sur 12365 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dans le futur, un monde en guerre interdit la lecture. La brigade 451 intervient dans les maisons pour brûler les livres : ces pompiers d'un nouveau genre ont pour mission de circonscrire les foyers subversifs alimentés par la littérature et la poésie. « Tout homme qui croit pouvoir berner le gouvernement et nous est un fou. » (p. 57) Guy Montag partage avec ses collègues la même jubilation incendiaire débarrassée de tout questionnement. Jusqu'au soir où il rencontre Clarisse. En quelques jours, la jeune femme instille en lui le goût d'autre chose et le doute. « C'est vrai qu'autrefois les pompiers éteignaient le feu au lieu de l'allumer ? » (p. 27) Soudain, Montag ouvre les yeux : qui est vraiment Mildred, cette femme qu'il a épousée ? Quel est donc le sens de son métier ? « Ce n'était que du nettoyage. du gardiennage, pour l'essentiel. Chaque chose à sa place. Par ici le pétrole ! Qui a une allumette ? » (p. 61) À mesure qu'il remet en question le système, sa mission ne lui semble plus si bénéfique.

Guy Montag franchit le dernier stade vers sa conscience le soir où il sauve un livre des flammes. Dès lors, il veut comprendre les livres et leur pouvoir. Il ne souscrit plus au discours public qui diabolise la lecture. « Un livre est un fusil chargé dans la maison d'à côté. Brûlons-le. Déchargeons l'arme. Battons-en brèche l'esprit humain. » (p. 87) le pouvoir assure que pour éliminer les différences, il faut éliminer les sources de réflexion et de contestation. C'est pour cela qu'il bombarde le peuple d'images et de faits, mais sans émotion, ni réflexion, afin de rendre les gens heureux. Montag ne se satisfait plus de cette vaine corne d'abondance. « Je ne peux pas parler aux murs parce qu'ils me hurlent après. Je ne peux pas parler à ma femme : elle écoute les murs. Je veux simplement quelqu'un qui écoute ce que j'ai à dire. Et peut-être que si je parle assez longtemps, ça finira par tenir debout. Et je veux que vous m'appreniez à comprendre ce que je lis. » (p. 114) Pour bouleverser le système, voire le renverser, Montag se fait aider par Faber, un vieil universitaire. L'homme est une mémoire, une somme de connaissances et un guide.

Seul face à un système totalitaire et abrutissant, Montag est en danger et sa révolte est bruyante. « Je ne pense pas par moi-même. Je fais simplement ce qu'on me dicte, comme toujours. » (p. 127) Mais il a perdu trop de temps pour être prudent ou accepter de poursuivre l'illusion. « Rentrez chez vous, Montag. Allez vous coucher. Pourquoi perdre vos dernières heures à pédaler dans votre cage en niant être un écureuil ? » (p. 121) Cet opus de Ray Bradbury semble ne pas avoir pris une ride : il résonne toujours aussi juste maintenant. À l'heure où la culture et la lecture oscillent entre élitisme et consommation, à l'heure où l'image déferle par vagues incessantes sur tous les supports possibles, et alors que certains pays en guerre jettent aux flammes des ouvrages supposés subversifs, lire Fahrenheit 451 est un vaccin nécessaire.
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Quelle oeuvre ! Une gigantesque claque et ce malgré les explications contextuelles de Jacques Chambon dans la préface.
Le futur anticipé de Ray Bradbury ne me semble - malheureusement - pas si éloigné de notre présent. Des écrans partout et de plus en plus grands, de la musique sirupeuse ou criarde dans les magasins, de la chick-litt, du feel-good, l'âge de l'entrée à l'école à priori abaissé, uniformisation des « standards » dans les pays dits libres, perte de la transmission qui nécessite du temps et de la patience au profit de l'immédiateté, et j'en passe.
Je joins ma plume à celles des autres Babeliotes pour vous encourager à découvrir ce livre confondant.
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Que dire de plus après toutes ces critiques... C'est superbement écrit, bien rythmé, parfoit poétique, dans une ambiance aseptisée, ou surtout la pensée est aseptisée, ou les humains sont transformés en zombies téléphages. Un grand hommage à la littérature, à la lecture et une critique du monde contemporain, de la pensée unique, basée sur la consommation, où l'information, la politique sont réduites à leur strict minimum, une critique qui nous concerne et qui date de 1953 ! Totalement visionnaire, un cri déchirant, un éloge du livre... Un grand livre... Indispensable... Comment ai-je fait pour ne pas le lire plus tôt !
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Un pompier qui brûle des livres, c'est aussi révoltant qu'un contrôleur à la fraude fiscale qui fraude... qu'un garde-chasse qui braconne... et quand c'est autorisé par l'Autorité Suprême, c'est encore plus révoltant.

Guy Montag est un pompier qui jouit presque à chaque fois qu'il nourri les flammes de son feu avec des feuilles de livres. Cette "purification" par le feu ne se conteste même pas. Aucune questions sur le fait de savoir si ce qu'il fait est bien ou pas. Pour lui, un bon livre est un livre brûlé. Un pompier, c'est fait pour détruire par le feu.

Un soir, il rencontre Clarisse, une jeune fille de son quartier, une jeune fille différente, une jeune fille qui se pose des questions et qui lui en pose une de taille : "C'est vrai qu'autrefois les pompiers éteignaient le feu au lieu de l'allumer ?". Montag nie. Un pompier qui éteint un incendie, c'est du n'importe quoi.

Pourtant, Clarisse, à force de le croiser, instille le doute dans son esprit et Montag va tenter d'en apprendre plus sur ces autodafés qui ont lieu depuis des siècles et il commence à faire travailler son cerveau, son esprit... Ce faisant, il va à l'encontre de tout le monde.

"Fahrenheit 451" fut écrit en 1953... Un vieux brol ? Que nenni, il est plus que d'actualité parce qu'en le lisant, j'avais l'impression de me retrouver dans un monde proche, un monde fait d'écrans de télé, de relations virtuelles, de gens qui ne pensent à rien, qui ne veulent même pas penser, qu'on empêche de penser...

Puisque les livres vous donnent des informations différentes, ils les ont banis et les détruisent pour vous éviter de vous fouler les neurones avec toutes ces données perturbantes.

Afin de rendre les gens heureux, on les bombarde d'images et de faits, sans émotion, sans réflexion... Pour être heureux, il ne faut pas penser.

L'écriture précise et incisive de Bradbury ne m'a laissé aucun répit et j'ai dévoré ce livre plus vite que le feu ne l'aurait consumé.

Bradbury nous met face à une société ou l'anti-culture est la norme, ou la liberté brille par son absence, où les gens refusent de savoir, préférant se mettre la tête dans le trou ou écouter leur murs - plutôt que d'autres êtres humains - et ils vivent complaisamment dans la soumission.

Napoléon disait : "Le peuple est le même partout. Quand on dore ses fers, il ne hait pas la servitude". Dans la société décrite par l'auteur, les fers et la cage sont dorés.

L'auteur ne vous plante pas les actes des autodafé sans vous les justifier, sans donner des arguments à ceux qui accomplissent cette tâche sans conscience ni remords : "Pour éliminer les différences, il faut éliminer les sources de réflexion et de contestation". Dont acte.

Bam, prends-ça dans la face, Montag, toi qui veux penser, toi qui veux découvrir les livres et lire ce qu'il y a à l'intérieur. Pauvre fou, va ! Tu crois que l'on va te laisser faire ?

Non, non, dans cette société, on ne pense pas !

"Si vous ne voulez pas qu'un homme se rende malheureux avec la politique, n'allez pas lui cassez la tête en lui proposant deux points de vue sur une question, proposez-lui un seul. Mieux encore, ne lui en proposez aucun".

C'est un merveilleux nivellement par le bas que l'auteur nous décrit. Il ne fait pas bon être intello, dans ce monde là.

Quoi ? Dans le notre non plus ? Quand je vous disais que ce livre n'était pas si vieux que ça ! Les gens s'abrutissent devant de la télé-réalité bête à pleurer et les idiots qui la peuplent sont mis sur un piédestal tandis que les émissions "avec des neurones" sont virées des écrans. Normal, les émissions intelligentes ne donnent pas du temps de cerveau disponible à la marque de boisson gazeuse.

Comme le dit d'ailleurs Bradbury : "Il y a plus d'une façon de brûler un livre", l'une d'elles, peut-être la plus radicale, étant de rendre les gens incapables de lire par atrophie de tout intérêt pour la chose littéraire, paresse mentale ou simple désinformation (ceci est un extrait de la préface).

On me disait bien, à moi, que lire c'était s'isoler du monde et certains me raillaient... Ils ne me raillent plus !

Dans cette préface, on nous dit aussi "Aujourd'hui, on ne brûle pas les livres. Ou plutôt on ne les brûle plus" ce qui me fait réagir et dire "c'est faux". Nous l'avons bien vu au Mali avec des livres transformés en bûcher.

Je pardonne à la préface, à l'époque où elle fut écrite, on n'en brûlait peut-être plus...

L'Histoire nous apprend qu'en cas de conflit, c'est toujours la culture qui est sacrifiée en premier. Un peuple sans culture, c'est un peuple sans identité, nus, sans âme,... Sans compter que certains, ne comprenant sans doute rien à rien, sont les premiers à flinguer des livres quand ils en croisent.

Un sacré visionnaire, Bradbury...

Oui, en 2013, on interdit toujours certains livres, parce que leur vérité dérangent, parce que l'auteur révèle des choses intimes sur X, parce que certains se déclarent les véritables gardiens ou les vrais interprètes d'un livre religieux ou de la parole de Dieu.

Oui, des cathos ultra ont manifesté pour empêcher une pièce de se dérouler parce que pour eux, elle était insultante pour dieu sait qui.

Oui, dans certains pays, certaines vérités ne sont pas bonnes à dire...

Une vision de l'avenir pas si SF que ça... nous n'en sommes pas encore là, mais qui sait si un jour les lobotomisés du cerveau ne prendront pas le pas sur ceux qui ont encore une cervelle et savent s'en servir ?

A découvrir si ce n'est pas encore fait, il n'est jamais trop tard !

Pour conclure, je reprendrai la phrase de Jean d'Ormesson : "On ne brûle pas encore les livres, mais on les étouffe sous le silence".

Lien : http://the-cannibal-lecteur...
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"Vivre sans lire, c'est dangereux. Cela t'oblige à croire ce qu'on te dit*", ou ce qu'on te montre à la télévision. Voilà une phrase qui aurait été considérée comme blasphématoire dans l'univers de Fahrenheit 451, roman d'anticipation (plus tant que ça...) publié en 1953. En effet, dans ce monde futuriste (aaah, le progrès), la lecture et les livres sont interdits, parce qu'ils pourraient susciter doutes et questions, donc remise en cause, contestation, critique de l'ordre établi, voire chaos et désintégration de la société. Pour garantir la sécurité de celle-ci, il suffit, même pas d'interdire, juste d'empêcher les gens de se servir de leur cerveau, en les lobotomisant à coup d'émissions de télévision abrutissantes, de consommation effrénée, de loisirs absurdes et de paradis artificiels. Remplir le vide par le vide en donnant l'illusion d'une plénitude totale et immédiate, telle est la devise (même pas paradoxale) de ce monde parfait. Gardiens de ce dogme, les pompiers ne sont plus chargés d'éteindre les incendies, mais de bouter le feu à toute maison (et à ses occupants si nécessaire) qui contiendrait un livre. Guy Montag est l'un de ces soldats du feu. Jusque là aussi borné que l'immense majorité de ses concitoyens, son esprit s'ouvre peu à peu, à la faveur d'une rencontre avec une jeune fille qui a miraculeusement préservé son sens critique. Montag, qui a d'abord du mal à remettre en marche son cerveau rouillé, finit par se rebeller contre le système totalitaire qui l'asphyxie, et devient un dangereux subversif qu'il faut à tout prix empêcher de nuire.

Vaccin (préventif) ou antidote (quand le mal est fait mais qu'il peut encore être soigné), je ne sais pas, en tout cas Fahrenheit 451 est encore et toujours d'actualité. Télé-réalité, fake news, données factuelles livrées sans analyse ni mise en perspective, course à la consommation et au bien-être de plus en plus jetables, flots d'images et d'informations brutes impossibles à assimiler, on vit une époque formidable. Personnellement, je n'ai pas trouvé les aventures de Montag très captivantes, ni les personnages fort attachants, et j'ai l'impression que cette histoire sert surtout à véhiculer le message de Bradbury. Lequel est vital : lire, réfléchir, remettre en question, garder l'esprit ouvert et éveillé pour éviter les tyrannies. Un livre indispensable, le livre des livres, en quelque sorte. Rien "que" pour ça, cinq étoiles.

*citation apparemment attribuée à Mafalda, le personnage de BD créé par l'argentin Quino.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Un ouvrage majeur ; non pas une simple fiction, mais un cri de désespoir lancé par cet écrivain talentueux que je regrette de ne pas avoir connu plus tôt

Le texte me fait irrésistiblement penser au meilleur des mondes. A l'impression qu'il m'en reste après une lecture vieille d'un demi-siècle.
Un décalage poétique léger plaçant l'ambiance quelque part entre Huxley et Vian. Une fiction douce, poétique, éthérée.
Mais il y a un problème avec cela car Bradbury est un véritable visionnaire et s'il nous décrit ce qu'il pensait être une dystopie, c'est hélas, à deux doigts près, la triste réalité de notre monde soixante ans après et le côté poétique est presque dissonant.
Car quoi ? Ne sommes-nous pas dans un monde décérébré, un monde formaté par les volontés mercantiles, un monde dans lequel les décisions individuelles ne sont plus dictées par la réflexion mais par le martelage publicitaire, le martelage pseudo informatif, le martelage sur un ton majeur d'idées toutes faites et lorsqu'il reste deux ou trois minutes, un abrutissement bouche-trous de musiques et d'images ne laissant aucun temps libre à la réflexion qui finit par être perçue comme anxiogène ?
Encore quelques mois, au mieux quelques années, alors que nous dégradons notre langue, que nous dégradons les valeurs civiques et humaines, que nous acceptons des avalanches d'images, de plans vidéos et de paroles insipides se succédant en un flot de plus en plus rapide ; quelques mois donc, et après nous être détournés de la presse, nous nous détournerons des livres, des films d'auteurs, des musées.
Quelques années encore et nous exigerons de nos gouvernements de nous protéger de l'agression que ces livres représentent ; de l'agression de l'art en général.
Ce livre m'a terrifié car il ne m'apparaît non pas comme une simple fiction mais plus comme un engrenage épouvantable dans lequel notre doigt est déjà bien engagé.
De grâce prenons conscience et RESISTONS à notre propre autodestruction.

Je connaissais la pertinence de Huxley, celle d'Orwell mais n'avais jamais entendu parler de celle de Bradbury. Ce sont bien mes amis de Babelio qui me l'on fait découvrir. Quelle bénédiction que ce site là !
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J'ai découvert Fahrenheit 451 sur le tard. Trop tard sans doute, car j'ai tellement adoré cette lecture l'année dernière que je regrette de pas avoir pu m'en délecter plusieurs fois déjà au cours de mon existence.
à retard il y a une raison : j'avais vu, étant plus jeune, le film de Truffaut. Décevant pour ma part, un peu bâclé-kitsch, avec des costumes et des décors bricolés, un jeu d'acteur déprimant... Alors je n'ai pas osé ou pas voulu m'attaquer à l'ouvrage.
Quelle erreur!
Lisez Fahrenheit 451! C'est un chef d'oeuvre intemporel.
Lisez Fahrenheit 451, car c'est un livre qui semble vous dire, tout simplement : Lisez!
Je n'en dirai pas plus, tout a été dit dans les critiques ci-dessous!
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"Est-ce que vous êtes heureux ?" demande Clarisse à Montag.

Cette question, Montag se la pose désormais. Lui, le pompier dont le travail consiste à bruler les livres et les maisons de ceux qui renâclent à s'en débarrasser.

Parce que "le livre est un fusil chargé dans la maison d'à côté. Brûlons-le. Déchargeons l'arme. Battons en brèche l'esprit humain. Qui sait qui pourrait être la cible de l'homme cultivé ?"

Au XXe siècle, avec l'apparition de la photographie, du cinéma, "on a commencé à avoir là des phénomènes de masse. Ils se sont simplifiés. Et la population de doubler, tripler, quadrupler. le cinéma et la radio, les magazines, les livres se sont nivelés par le bas, normalisés en une vaste soupe".

"La scolarité s'est écourtée, la discipline se relâche, la philosophie, l'histoire, les langues sont abandonnées, l'anglais et l'orthographe de plus en plus négligés, et finalement presque ignorés. On vit dans l'immédiat, seul le travail compte, le plaisir c'est pour après".

Mais dans ce monde où les livres et l'ouverture sur le monde et sur la réflexion qu'ils apportent sont vilipendés, Montag ne peut se résoudre à cesser de lire.

Jusqu'à ce qu'il soit amené à bruler son propre domicile.

A mon avis :
Ecrit en 1953 "alors qu'étaient dénoncées les dérives fascisantes de la Commission chargée des Activités antiaméricaines et plus tard du maccarthysme", ce livre n'a pas pris une ride. Voire même il est plus que jamais d'actualité.

Et c'est un coup de poing au ventre, un rappel de l'urgence à maintenir la connaissance, l'ouverture d'esprit et la liberté de pensée.

Aussi puissant qu'un 1984 de George Orwell, ce livre, magistralement écrit, réveille en deux cents pages votre conscience et alerte sur les dérives d'un système où la banalité et la facilité sont la norme et où le bonheur fabriqué ne peut être vraiment satisfaisant.

Un roman dystopique qui rappelle l'importance des livres eux-mêmes, pour la démocratie et sa survie, pour éviter ce qui semble déjà se profiler dans la société française actuelle :
"Les Noirs n'aiment pas Little Black Sambo. Brûlons-le. La Case de l'Oncle Tom met les Blancs mal à l'aise. Brûlons-le. Quelqu'un a écrit un livre sur le tabac et le cancer des poumons ? Les fumeurs pleurnichent ? Brûlons le livre. La sérénité, Montag. La paix, Montag. A la porte les querelles. Ou mieux encore, dans l'incinérateur".

Il nous engage alors à nous remplir les yeux de merveilles. A vivre "comme si tu devais mourir dans dix secondes. Regarde le monde. Il est plus extraordinaire que tous les rêves fabriqués ou achetés en usine. Ne demande pas de garanties, ne demande pas la sécurité, cet animal-là n'a jamais existé. Et si c'était le cas, il serait parent du grand paresseux qui reste suspendu toute la journée à une branche, la tête en bas, passant sa vie à dormir. Au diable tout ça [...]. Secoue l'arbre et fais tomber le paresseux sur son derrière !".

Et enfin, comme un message d'espoir, cette anecdote vient nous bousculer : "Il y avait autrefois, bien avant le Christ, une espèce d'oiseau stupide appelé le phénix. Tous les cent ans, il dressait un bûcher et s'y immolait. Ce devait être le premier cousin de l'homme. Mais chaque fois qu'il se brûlait, il ressurgissait de ses cendres, renaissait à la vie. Et on dirait que nous sommes en train d'en faire autant, sans arrêt, mais avec un méchant avantage sur le phénix. Nous avons conscience de l'énorme bêtise que nous venons de faire, conscience de toutes les bêtises que nous avons faites durant un millier d'années, et tant que nous en aurons conscience et qu'il y aura autour de nous de quoi nous les rappeler, nous cesserons un jour de dresser ces maudits bûchers funéraires pour nous jeter dedans. A chaque génération, nous trouvons un peu plus de monde qui se souvient".

Bon sang ! Mais ça ne vous pète pas au visage ça ?
Alors lisez, lisez, lisez, en commençant par Fahrenheit 451.

Retrouver d'autres avis sur d'autres lectures sur mon blog :
https://blogdeslivresalire.blogspot.com/
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Dans un futur indéterminé, les livres sont devenus des objets subversifs, donc formellement interdits.
Eh oui, sachez-le, amis babéliotes : la lecture, c'est dangereux !
La lecture est dangereuse, avant tout, parce qu'elle permet de penser, de réfléchir : c'est gênant pour le pouvoir en place.
Dame ! Où va-t-on si les citoyens se mettent à penser par eux-mêmes au lieu de vivre une petite vie sans histoire et de suivre un chemin tout tracé ? On ne va tout de même pas tolérer le désordre que cela engendrerait !
Le prêt-à-penser, il n'y a que ça de vrai !
Alors, ce prêt-à-penser, le pouvoir l'impose par la force. Et puis tout le monde finit par y trouver son compte. Parce que les citoyens, détournés de la lecture, sont amenés à d'autres activités et sont finalement heureux. Heureux de ne plus penser.
Ça doit reposer !
Mais attention, l'inaction pourrait être dangereuse. Elle pourrait conduire certains à se poser des questions, et finalement... à penser.
C'est rebelle un cerveau, ça veut penser.
Alors, on n'est jamais trop prudent, il faut combler le vide, ne rien laisser au hasard. Il faut occuper les cerveaux.
Et quoi de mieux pour cela que des écrans ? Des écrans géants allumés en permanence sur tous les murs de la maison ? Des écrans sur lesquels s'agitent sans cesse une galerie de personnages pathétiques dont les habitants hébétés suivent les "aventures", allant même jusqu'à les considérer comme étant leur "famille" ?
Ainsi, les gens sont heureux, et le pouvoir (qui n'a jamais aussi bien porté son nom) agit sans entrave : tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Enfin, presque tout. Parce qu'il y a quelques récalcitrants.
Qu'à cela ne tienne : ils sont traqués sans répit et impitoyablement éliminés.
Par des pompiers.
Oui, des pompiers ! Par une géniale inversion des rôles, ceux qui sont chargés de faire régner l'ordre sont des pompiers. D'un genre un peu particulier. Les brigades sont super organisées et équipées, les lances crachent du pétrole au lieu de déverser de l'eau. Toute maison de contrevenant est impitoyablement brûlée, réduite en cendres du sol au plafond.
Avec ses occupants.
Sans état d'âme, puisque c'est pour le bien de la société.
Je trouve incroyable de penser que Ray Bradbury a écrit ce roman en 1953 ! Ce texte qui fait froid dans le dos est tellement moderne, tellement actuel... hélas.
Dans l'Histoire les dictatures ont toujours poursuivi les écrivains, ces gêneurs qui offrent au peuple de la matière à penser.
Je pense, entre autres, à Alexandre Soljenitsyne ou au poète Ossip Mandelstam en Russie, mais les exemples sont légion, partout et à toutes les époques. Les pouvoirs totalitaires voient toujours d'un très mauvais oeil tout ce qui pourrait amener le peuple à penser hors des cadres, hors de la pensée unique imposée. Ils traquent donc tous ceux qui à travers la littérature ou plus généralement la culture constituent un danger.
Et en plus de poursuivre les auteurs, ils n'hésitent pas à détruire des oeuvres. Des livres, mais aussi d'autres objets, comme les magnifiques Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan démolis en 2001 par les talibans.
Pourquoi ai-je écrit que ce roman était très actuel ? Parce que je crois profondément que nous vivons la même situation.
En France, en 2018. D'une façon plus insidieuse, mais tout aussi réelle.
L'effondrement du niveau des apprentissages scolaires dans notre pays est tel qu'il devient flagrant et ne peut plus être nié. Notre système public d'éducation, autrefois si performant, "forme" actuellement des générations d'élèves qui lisent très mal, ne maîtrisent pas la grammaire élémentaire et disposent d'un vocabulaire ultra réduit. Pour la grande majorité d'entre eux, il n'est hélas plus besoin d'interdire les livres : ils ne lisent pas. Ils ne lisent pas parce que lire est une activité, pour eux, désagréable et trop complexe compte-tenu de leur niveau. Et totalement inintéressante.
Parallèlement, ils sont abreuvés d'écrans sur lesquels ils passent le plus clair de leur temps.
Ray Bradbury l'a imaginé, mais nous, société française l'avons fait.
Fabriquer des générations de citoyens privés de culture, privés de véritable réflexion, occupés pour ne plus penser.
Des citoyens-moutons, manipulables à souhait.
Ce qui m'a amusée dans le roman me terrifie dans la vie réelle.
Jamais le terme de "pouvoir" pour désigner les dirigeants d'une société n'aura autant pris ce sens que maintenant. Ceux qui tirent les ficelles se réjouissent de voir à quel point leur prêt-à-penser fonctionne. Les médias relaient en boucle ce qu'il est de bon ton de penser, les "débats" n'en sont pas car qui pense hors de la pensée unique est hué, conspué, et réduit au silence.
Le prêt-à-penser est imposé, c'est la norme bien-pensante.
C'est terrifiant.
Quand on pense qu'un dirigeant de grande chaîne de télévision s'est vanté de vendre du "temps de cerveau disponible", les écrans géants des maisons de Fahrenheit 451 ne sont pas loin.
Alors, que faire pour éviter que ce terrible roman ne devienne réel ?
Résister !
Lire et faire lire autour de soi. Partager cette curiosité qui garde nos cerveaux éveillés.
Faire vivre l'instruction et la culture.
C'est indispensable, c'est vital !
Une lecture choc que je recommande à tous, adultes ou adolescents.
Mon fils de quatorze ans avec qui j'ai lu ce roman (nous aimons partager des lectures) a adoré, et nous avons eu pendant et après la lecture des discussions passionnantes.
Je rajoute une petite remarque : mon édition (folio science-fiction) comporte une préface très intéressante du traducteur, Jacques Chambon. On peut y lire ceci, écrit par Jean d'Ormesson dans le Figaro du 10 décembre 1992 au lendemain de la suppression de l'émission littéraire "Caractères" animée par Bernard Rapp sur France 3 : "On ne brûle pas encore les livres, mais on les étouffe sous le silence. La censure, aujourd'hui, est vomie par tout le monde. Et, en effet, ce ne sont pas des livres d'adversaires, ce ne sont pas les idées séditieuses que l'on condamne au bûcher de l'oubli : ce sont tous les livres et toutes les idées. Et pourquoi les condamne-t-on ? Pour la raison la plus simple : parce qu'ils n'attirent pas assez de public, parce qu'ils n'entraînent pas assez de publicité, parce qu'ils ne rapportent pas assez d'argent. La dictature de l'audimat, c'est la dictature de l'argent. C'est l'argent contre la culture [...] On pouvait croire naïvement que le service public avait une vocation culturelle, éducative, formatrice, quelque chose, peut-être, qui ressemblerait à une mission. Nous nous trompions très fort. le service public s'aligne sur la vulgarité générale. La République n'a pas besoin d'écrivains."
Triste, mais vrai.
Alors, résistons !
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Un livre visionnaire qui décrit le drame d'une société dystopique sans livre bien sûr, mais sans idée, sans parole, sans échange, sans contradiction ni contestation et où tout n'est plus que distraction solitude et désespoir. Une écriture poétique et poignante -François Truffaut adapte Fahrenheit 451 au cinéma dès 1966- effrayante et glaçante tant elle pourrait paraître prophétique, et où s'affrontent sans cesse la glace le feu le froid et la fournaise menant à la mort de l'amour, de la famille, de l'empathie ou de la compassion, de la culture et des civilisations …
70 ans après sa première parution, un livre lumineux et moderne, terriblement contemporain, un petit chef d'oeuvre !

Fahrenheit 451 a été publié en 1953 aux USA, et a reçu le prix Hugo du meilleur roman 1954.
Ray Bradbury racontait que cherchant la température à laquelle un livre s'embrase et n'ayant trouvé personne susceptible de le renseigner, il aurait alors téléphoné au poste de pompiers le plus proche de chez lui qui lui aurait donné le chiffre de 451 ºF comme température d'ignition du papier…!

Le premier âge d'or de la science-fiction aux États-Unis se situe dans les années 1920 à 1950. La SF n'est cependant à cette époque qu'une littérature de gare.
Mais dès 1950 se révèlent des écrivains de premier plan comme Philip K. Dick, Isaac Asimov ou Ray Bradbury.

Pour ce 70é anniversaire, les éditions Denoël ont réalisé une jolie cover très futuriste mais résolument « fifty » et le livre est préfacé par Hervé le Tellier ( prix Goncourt 2020 pour « L'Anomalie » )
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