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4,08

sur 2942 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Affecté pour deux ans au fort Bastiani en cours d'abandon, le jeune lieutenant Giovanni Drogo va succomber à une rassurante routine, ses désirs de guerre, de gloire ou d'évasion écrasés sous le carcan militaire et c'est aigri et malade qu'après la fuite des années il y terminera sa triste petite existence.

J'ai adoré ce style simple qui sent terriblement le vécu et m'a rappelé des sensations de mon service militaire.
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Peut-être dire ici combien il est urgent - en ces temps d'encerclement et d'étouffement du Littéraire par la triste et tragique emprise du "NON littéraire le plus agressif" régnant en notre pays (voire sur la planête) - de lire ou relire dans l'ordre toute la "Trilogie magique" (*) de Dino Buzzati : pureté de la langue, réalisme poétique et animisme fantastique...

- "Barnabo des montagnes" ("Bàrnabo delle montagne", 1933), trad. Michel Breitman

- "Le secret du Bosco Vecchio" ("Il segreto del Bosco Vecchio", 1935), trad. Michel Breitman

- "Le Désert des Tartares" ("Il deserto dei Tartari", 1940), trad. Michel Arnaud

Dire et redire ici aussi combien ces trois traductions françaises sont merveilleusement "justes" et poétiques... et rendent définitivement justice à l'Art du (fabuleux) Conteur vénétien-milanais...

(*) à l'instar du merveilleux cycle-météore de l'errance poétique que constitue pour nous la Trilogie romanesque du Suisse germanophone Robert WALSER : "Les Enfants Tanner" ("Geschwister Tanner", 1907) / "Le Commis" ("Der Gehülfe", 1908) / "L'Institut Benjamenta" ("Jacob von Gunten", 1909)
Lien : http://www.regardsfeeriques...
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Un livre très riche que chacun peut apprécier selon sa sensibilité. J'ai été, en ce qui me concerne, très frappé par ce temps qui passe, en pure perte pour le héros du roman, qui le subit sans chercher à l'apprivoiser et perd toute maitrise de son propre destin. Je n'ai pu m'empêcher de faire le parallèle avec les préoccupations de toutes sortes, réelles ou imaginées, qui inondent notre quotidien au prétexte d'un intérêt supposé supérieur, anesthésiant, tel Drogo renonçant à quitter le fort, toute velléité de sortir du chemin supposé tracé, vers l'illusion d'un but à atteindre. Ce livre suscite une véritable réflexion sur le sens de l'existence, sur notre capacité à prendre les décisions susceptibles de l'influencer, et sur la finalité de cette existence.
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Le roman met en scène l'étrange destin du lieutenant Giovanni Drogo, nommé au fort Bastiani, sur la frontière du Nord ... le début de la vraie vie selon lui!
"Ce fut un matin de septembre que Giovanni Drogo, qui venait d'être promu officier, quitta la ville pour se rendre au fort Bastiani, sa première affectation. C'était là le jour qu'il attendait depuis des années, le commencement de sa vraie vie. Maintenant, enfin, les chambrées glaciales et le cauchemar des punitions étaient du passé. Oui, maintenant il était officier, il allait avoir de l'argent, de jolies femmes le regarderaient peut-être, mais au fond, il s'en rendit compte, ses plus belles années, sa première jeunesse, étaient complètement terminées. Et, considérant fixement le miroir, il voyait un sourire forcé sur le visage qu'il avait en vain cherché à aimer."
Ce fort est perdu dans le cadre effrayant et fascinant du désert des Tartares et les militaires en poste paraissent veiller sur une région abandonnée.
Un grand espoir guide leur vie : connaître un jour la gloire d'un combat héroïque contre leurs invisibles voisins. Alors ils guettent inlassablement les moindres bruits et les ombres mouvantes de la vaste plaine : "C'est du désert du Nord que devait leur venir leur chance, l'aventure, l'heure miraculeuse qui sonne une fois au moins pour chacun. À cause de cette vague éventualité, qui, avec le temps, semblait se faire toujours plus incertaine, des hommes faits consumaient ici la meilleure part de leur vie."
Car le vrai sujet du roman n'est pas la vie de garnison, mais le passage inexorable du temps, avec son cortège de désillusions. Ce n'était qu'un cheval; ce n'était qu'une troupe de cartographes ...
D'abord désireux de partir, Drogo, comme sous l'effet d'un enchantement, reste et continue d'effectuer ses manoeuvres répétitives. Se coupant toujours davantage du monde extérieur, incapable de renouer avec ses amis lors de ses permissions, il devient peu à peu l'esclave de ses habitudes et demeure au fort presque désaffecté parmi les derniers, jusqu'au jour où se produit l'attaque.
Récit de guerre sans bataille, récit d'aventure sans action, le roman est une oeuvre singulière, d'autant plus passionnante qu'il ne s'y passe rien ! Etrange mais envoutant!
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Deux cavaliers cheminent en parallèle sur deux routes qui finissent par se rejoindre dans la même vallée. Ils sont tous deux officiers de l'armée et se rendent dans un fort perdu aux confins désertiques, où ils vont passer leur prochaines années. Durant le court trajet avant leur jonction, le narrateur, nouvel aspirant frais émoulu de l'école, est partagé entre l'empressement de se manifester auprès de l'autre et le désir d'afficher une morgue qu'il estime inhérente à ses nouvelles fonctions. Habité par une déférence polie, il se décide cependant à saluer au plus vite son collègue et aîné, mais celui-ci est encore loin et notre jeune officier, craignant que son geste n'ait été vu, portera à de nombreuses reprises sa main à la visière. Cette réitération multiple apportera à la scène une touche de grotesque. le roman, magnifique, se déroulera ensuite dans une immobilité minérale jusqu'à la chute finale que tout le monde connaît, mais tout est déjà inscrit dans ce premier contact fragile entre le héros et l'univers du fort : l'incommunicabilité, l'absurde et une inaltérable solitude...
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N'est absurde que ce qui n'a pas de sens. Le personnage de ce roman a choisi de donner un sens à sa vie, mais le destin se charge de lui rappeler qu'il n'y en a pas. Pas comme il l'entend, en tout cas. Car il y a deux pièges à éviter dans l'existence: le premier, c'est de croire qu'on est maître de son destin et qu'on peut changer le monde; le deuxième, c'est de se croire exceptionnel.
Ce livre dénonce aussi l'espoir, cet escroc sans scrupules, qui vous fait connaître la désillusion.
Un roman comme celui-ci vous apporte autant qu'une conférence de philosophie, la poésie en plus.
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C'est un livre où l'on attend, on attend, et on attend. On attend quoi ? Qu'il se passe quelque chose. Comme dans la vie... Buzzati, je crois qu'on adore ou on déteste... de mon côté, j'adore...
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Avec "le désert des tartares", son 1er roman, Dino Buzzatti livre un texte simple, angoissant et, en définitive, puissant sur la condition humaine.

"Il ne se passe rien" m'avait dit mon père en me parlant de l'adaptation de ce roman en film. Et pourtant, la violence des métaphores hurle leur signification.
Dès les premiers chapitres, l'opposition entre l'immensité des paysages décrits et la petitesse du personnage, montre l'abandon de l'homme dans le Monde.
Avec les chapitres suivants qui étirent le temps, le vident et ne le décrivent jamais rempli, l'homme se retrouve perdu au long de sa vie.
Pire, le désert qui, géographiquement immense, semble réduit à une ligne, à un espace invisible, vibre de paradoxes puisque les évènements tendent à le réduire de plus en plus.

Jamais la mort n'avait été si belle allégorie, jamais la vie n'avait été décrite dans toute son absurdité apparente.

Angoissant mais indispensable.
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Drogo vient d'être promu officier, et est prêt à se rendre à sa première affectation. le sentiment d'avoir gaspillé sa jeunesse dans les études se fait un peu sentir, mais enfin, sa vie commence ! Les réceptions, les femmes, les honneurs, tout est enfin à portée de main.

Hélas, ses pas le conduisent dans un désert, loin de toute civilisation, pour garder un fort délabré que personne ne semble vouloir attaquer. le commandant, compréhensif, lui conseille de tenir quatre mois, jusqu'à la prochaine visite médicale : à ce moment, on s'arrangera. Puis Drogo décide, finalement, de rester les deux ans réglementaires : après tout, ça fera bien sur son dossier. Si ses rêves de gloire et de brillante compagnie ne restent intacts, les mois s'écoulent, imperceptiblement, tandis qu'il ne se passe strictement rien.

Les soldats du fort sont divisés en deux camps : les plus récemment arrivés, à l'affût d'une occasion de partir tant qu'il est encore temps, avant se faire engluer dans la torpeur du fort ; et les vétérans, guettant avec une sourde angoisse le désert, dans l'espoir qu'une armée ennemie fasse apparition et justifie ainsi toutes leurs années d'attente et de sacrifice.

Ce roman est une terrible allégorie du temps qui passe. On entre dans la vie adulte la tête pleine de rêves, on les laisse un peu de côté, le temps de gérer les petits tracas du quotidien, un peu emporté par la force d'inertie des habitudes aussi, mais quand on reprend ses esprits, on réalise, avec stupeur, qu'il est déjà trop tard pour les réaliser.

Superbe roman, mais douloureux à lire – d'autant plus quand un virus paralyse le monde entier et rend nos projets si aléatoires.
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Drogo, jeune lieutenant sortant de l'académie militaire est muté dans un fort aux confins du désert des Tartares, avec pour mission la surveillance et la défense de la frontière .
Il se retrouve dans une sorte de prison loin de toute vie sociale, associé à une hiérarchie sclérosée rêvant d'une confrontation militaire avec un ennemi imaginaire.
Le jeune homme va rapidement se confronter à un ennui existentiel n'ayant pour exutoire que son imagination guerrière.
A son arrivée, il ne souhaite que quitter ce fort pour retrouver l'atmosphère citadine, puis peu à peu et de de façon subtile, il va se fondre dans un confort rituel lui économisant toute contrainte sociale et matérielle.
Un petit entracte vers la ville n'aura d'autre effet que le vide existentiel devant des rapports sociaux devenus vains et distendus.
Puis, la vie s'écoule dans une routine répétitive , ce compte à rebours vers la vieillesse n'inquiète pas celui qui a la vie devant lui et du temps à revendre.
Le temps file de plus en plus vite et les journées sont paradoxalement de plus en plus longues, le jeune Drogo devient un homme mature qui reste dans l'attente de construire un avenir qui semble se rétrécir.
Quel sens donner à sa vie si ce n'est l'espoir d'une confrontation idéalement glorieuse avec un ennemi imaginaire, dans un fort où chacun joue un jeu de dupes.

Le corps, peu à peu lâche sous l'emprise des années, l'attente n'a rien donné de concret, la fin de la vie se rapproche, le bilan est sombre, il faut affronter la mort des projets de gloire, la mort de l'attente, puis l'attente de la mort, une mort sordide indigne d'un militaire réduit à combattre les ravages du temps.
Drogo est un personnage générique, celui qui pense que « si ce n'est pas pour aujourd'hui c'est pour demain « , ne construisant rien sur le présent, la procrastination étant le luxe de la jeunesse.
Et puis tout d'un coup, les rides apparaissent, l'attente de l'évènement qui fera sens se révèle de plus en plus factice à l'image d'une vie monotone et pauvre de sensualité et de réalisations concrètes.
Un coup de vent sépare la jeunesse de la vieillesse, les précieuse journées, heures, minutes et secondes sont dépensées sans compter, les chimères ne sont que des pièges qui obstruent toute acuité existentielle.
Ce roman est un chef d'oeuvre forcément intemporel qui cisèle la description d'une vie absurde dont le sens s'étiole doucement puis crescendo vers une fin biologiquement programmée.
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