Souvent présenté comme le romancier préféré de
François Mitterrand - qu'il décrivait pourtant comme « un pauvre diable » dans sa correspondance avec
Paul Morand -,
Jacques Chardonne est l'un de ces auteurs maudits du XXème siècle dont l'oeuvre littéraire n'a pas connu la postérité qu'elle aurait pu escompter sans les prises de position répugnantes de son auteur en faveur du régime national-socialiste.
Si le lecteur accepter d'occulter ces éléments biographiques pour fixer son regard sur les écrits de Chardonne, il y découvrira une plume ciselée et riche, qui conte l'amour comme peu ont su le faire au cours du siècle des grandes guerres.
Claire, l'un des premiers romans de Chardonne, publié pour la première fois aux éditions Grasset en 1931, ne déroge pas à la règle. Jean, un petit propriétaire d'une plantation sur l'île asiatique de Bornéo, va s'éprendre, à l'occasion d'un retour en métropole, de
Claire, une jeune femme timide et renfermée, vivant en marge du monde extérieur et qui passe la plus large partie de ses journées cloîtrée dans la demeure familiale de Charmont. Après leur première rencontre, Jean décide de mettre sa plantation en location et s'installe à Paris dans l'espoir de conquérir la jeune
Claire. le roman se focalise sur les prémisses et l'évolution de la relation entre les deux personnages jusqu'à son dénouement tragique et inévitable.
Si la thématique de la passion amoureuse peut en rebuter certains, tant elle a déjà parcouru par la littérature, le traitement que lui réserve Chardonne n'est pas dépourvu d'originalité et c'est dans cela que réside toute la force de ce bref roman. le raffinement de l'écriture du romancier offre au lecteur une immersion dans un univers froid et mélancolique, où les personnages et leurs sentiments se heurtent au mouvement irrépressible de l'écoulement du temps. Par-delà l'esthétique littéraire, les nombreuses réflexions quasi philosophiques distillées par l'auteur ajoutent à la richesse du roman, notamment lorsque sont évoqués les critères fondant la valeur d'un homme, l'omnipotence de l'argent ou encore la conspiration de la machine contre les nations, que l'on retrouvera aussi chez un auteur comme
Bernanos..
En somme, sans être le roman du siècle,
Claire est une douce promenade mélancolique qui explore la complexité du sentiment amoureux. Un roman qui mériterait de retenir l'attention de davantage de lecteurs...