Livre étrange. Pourtant le pitch est simple: une journaliste japonaise installée à New York, rencontre un cinéaste ou producteur ( c'est pas clair) qui un temps a vécu en tant que SDF, et l'interviewe pour savoir ce qui l'a poussé à mener cette vie. Mais très vite, ce qui est sensé ressembler à un échange de questions réponses, avec description d'une descente en enfer, et destruction des clichés concernant les sans abris et le rêve américain, le tout d'un point de vue japonais, vire tout de suite au double monologue. D'abord elle, pour qui tout est prétexte pour exprimer (intérieurement) son ressenti, avec à chaque fois, une longue explication - anecdotes à l'appui- sur l'origine du dit sentiment. Ensuite, Yazaki, qui de suite se lance dans un volubile discours sur tout et n'importe quoi, mais surtout sur la relation sado-maso qu'il a eu avec une certaine Reiko, relation qui est peut être l'élément l'ayant poussé à vivre une expérience de SDF, mais pas que. Son discours semble décousu, un peu fouillis, tant il va dans tous les sens, mais étarngement, une logique en ressort. le roman donne au début une impression d'ennui, mais on s'installe insidieusement dans la lecture, et il devient difficile de le lâcher. Et c'est sans doute un effet voulu par l'auteur, un peu à l'image de la relation qui se lie entre la journaliste et Yazaki, qui évolue pour elle, de l'ennui, vers l'incompréhension, l'appréhension, l'excitation ( sexuelle), l'impression de danger au côté de cet homme, dont on ne sait pas si il est dangereux ou charmeur, sincère ou manipulateur, et qui est hanté, voire habité par un double sentiment: une mélancolie profonde, qu'il transmet à son environnement, mais sans que celà soit déprimant, et surtout, une approche particulière du désir (qu'elle que soit sa forme; mais surtout sexuelle), essentiellement sadomasochiste. Son récit, qu'on pense influencé dans son débit par les litres d'alcool qu'il ingurgite, et les kilomètres de rails de coke qu'il sniffe, et en fait très maîtrisé, et explique comment un homme arrive sans user de brutalité à ce qu'une femme, à la libido apparemment conventionnelle,et qui s'ennuie mais ne le savait pas jusqu'à cette rencontre, à devenir une sorte d'esclave, mi amoureuse, mi rebelle, découvrant et repoussant les limites de sa sexualité. le récit est parfois violent, surréaliste, comme cette histoire de touriste venue échanger quelques mots avec les SDF du coin, très sympathique, puis le soir, débarque à bord d'un 4x4, machette à la main, pour en torturer un, et poursuivre à la course un autre (Yazaki en l'occurrence) afin de le tuer. La fin est laissée en suspens, pas de dénouement, et il est impossible d'en imaginer une. Verdict final? livre maquant, qui donne envie de découvrir d'autres oeuvres de Murakami.
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entre des plaisirs de lecture, et des moments d'ennui léger ou d'agacement, ou de malaise - livre souvent dérangeant, mais moyennement - l'interrogation venant surtout de la nécessité qu'il a eu pour son auteur. Et une admiration devant la construction
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Reiko m'avait blessé en m'avouant son désir de se marier avec ce parfait inconnu. Et ne prenez surtout pas cette douleur pour une preuve d'amour car il ne s'agissait pas de ça; C'était plutôt la réaction d'un gosse comprenant soudain que sa marionnette a coupé ses fils ou que son jouet est cassé. Je t'aime ne sont évidemment que des mots, des mots qui traduisent une notion européenne du dix-neuvième siècle dont on voit mal, sans verser dans la plus totale irrationnalité, comme elle pourrait faire sens chez un peuple de paysans japonais, même s'il n'est pas non plus tout à fait exact, quoiqu'on puisse le penser, que cette notion soit totalement dénuée de signification.
"Avec la pleine lune, les rayons de lune se reflètent en frissonnant à la surface de l'eau de la crique. La forme des rochers évoque des lions couchés. La silhouette des palmiers se découpe faiblement en contre-jour. Le sable est d'une blancheur éblouissante dans la pénombre. Un appartement, en bois, d'une structure très simple, avance sur l'eau. Bientôt un yacht apparaît au loin, dans la crique. Et ça, voyez-vous, c'est le genre d'intro qui va faire mouiller ces idiotes de femelles japonaises."
Un soleil d'hiver sous les tropiques vous réchauffe en profondeur en glissant doucement sur votre peau. Vous sentez se réchauffer chacun des organes de votre corps comme si vous les aviez sous les yeux C'est votre sang qui est heureux ! Et vous le sentez ! Voilà les plaisirs de la plage, ce n'est essentiellement que cela. Le reste est insignifiant, ce ne sont que des passe-temps oiseux. La substance de la plage ne réside qu'en cela.
La psychologie humaine est ainsi faite : une réalité qu'un individu se refuse à admettre prend aussitôt un caractère ambigu semblable au moment qui précède le début d'un cauchemar.
"Ce sourire ne pouvait affleurer aux lèvres qu'au moment où la tension disparaissait et laissait place au vide. Je ne savais pas comment une autre femme aurait réagi devant ce sourire, moi, il me plongeait dans la confusion. Une sensation étrange s'empara de moi: je crois bien que je mouillais."
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