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Brigitte Allioux (Traducteur)Yves Marie Allioux (Traducteur)
EAN : 9782070404520
320 pages
Gallimard (05/06/1998)
3.93/5   43 notes
Résumé :
L'adolescence est un état qui devrait se poursuivre éternellement, et, d'ailleurs, en réalité, n'existe-t-elle pas toujours en nous ? Or, si c'est bien le cas, pourquoi parvenons-nous à la mépriser à ce point ? "

Cette interrogation du héros de " La cigarette ", oeuvre de jeunesse qui, pour avoir séduit Yasunari Kawabata, a véritablement marqué les débuts de la carrière de Mishima, nous offre une des clefs de son oeuvre.

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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ce recueil regroupe sept nouvelles. Bien qu'il soit souvent présenté comme une « oeuvre de jeunesse », leur rédaction s'étale de 1946 à 1965, et la majorité d'entre elles ont été écrites entre 1963 et 1965, alors que Mishima approchait la quarantaine. J'ai déjà chronique ici même le mini recueil « martyre », paru chez folio, qui reprend les nouvelles « Martyre » (de 1964) et Ken (écrite en 1963). Je parlerai donc surtout des autres récits.
On peut lire que ce recueil se consacre au thème de l'adolescence. Nous en sommes, en réalité, très loin. Seuls deux récits (Martyre et La cigarette) concernent des adolescents. Les autres mettent en scène de jeunes adultes, voire des personnages aux rives de la vieillesse.

Il en est ainsi pour Tsuneko, l'héroïne de « Pèlerinage aux trois montagnes ». Cette femme entre deux âges s'est dévouée à servir Fujimiya, poète renommé et professeur célèbre. Elle-même s'essaye, sans grand succès, à la poésie. Avec une obséquiosité qui confine à la servilité, Tsuneko, veuve, a consumé toutes ses chances de bonheur dans l'admiration qu'elle porte à Fujimiya. Un jour, ce dernier, d'ordinaire distant, la convie à l'accompagner dans un pèlerinage qu'il effectue dans la région de Kumano, abritant trois temples célèbres. Au cours de ce voyage, elle aura l'occasion de découvrir les ressorts qui animent son impénétrable maître et de sonder les tréfonds ses propres sentiments.

La situation décrite dans cette nouvelle n'est pas sans rappeler, dans la soumission volontaire de l'héroïne, celle développée dans le roman « après le banquet », où cette fois c'est l'amour, et non l'admiration, qui est le moteur d'un renoncement à vivre féminin.

« La mer et le couchant », courte nouvelle dédiée aux beautés de la nature, met en scène, en 1272, un moine vénérable, accompagné, d'un enfant, dont nous découvrirons l'étonnante histoire, qui se manifeste à sa mémoire par chacune des splendeurs qu'il peut contempler lors d'un coucher de soleil sur la mer.

« La cigarette » est une nouvelle célèbre : Mishima l'écrivit en 1945, alors qu'il n'ait que 20 ans, et en janvier 1946, il l'apportera, ainsi qu'une autre (« histoire sur un promontoire »), à Kawabata, auquel il rendra visite à Kamakura. Ce dernier les recommandera pour le nouveau journal littéraire « Ningen », de haute tenue, dans lequel elles seront publiées six mois plus tard.

« La cigarette » raconte les découvertes d'un adolescent, Nagasaki, à qui des « grands » offrent une cigarette. Jusqu'alors intellectuel assez terne, ce jeune homme va alors utiliser cette cigarette comme une clé lui permettant d'entrouvrir la porte d'un univers inconnu : celui des jeunes hommes sur d'eux, pleins de vigueur et de force, sportifs accomplis, pour lesquels il ressent une trouble attirance. Les questions auxquelles il devra répondre ne sont pas sans annoncer « Confession d'un masque », le roman qui suivra, trois ans plus tard, cette nouvelle, établissant Mishima comme un écrivain majeur.

Les deux premières nouvelles de l'ouvrage, quant à elles, décrivent les histoires amoureuses de la jeunesse japonaise « américanisée », dans un quotidien quelque peu glauque (« Pain aux raisins,1963) ou s'attachent aux difficultés de communication au sein d'un jeune couple en perdition qui n'a jamais été qu'un faux semblant. Dans cette nouvelle, Akio repousse Masako dans le seul but de se démontrer sa propre puissance, disséquant les réactions de la jeune femme sans laisser place un seul instant aux sentiments de cette dernière. 

En conclusion, ce recueil présente une belle variété d'histoires de qualité, d'une écriture rigoureuse, précise et évocatrice, qui se fait volontiers poétique, avec des moments de grâce. À partir d''un coucher de soleil, d'un couple sous la pluie, Mishima peut élaborer non seulement un récit intéressant, mais s'en servir pour révéler les dimensions cachées de l'âme humaine. Une citation achèvera de montrer qu'il ne s'agit en rien dune « oeuvre de jeunesse » : « la chute d'eau appelait des souffles d'air tout autour d'elle. Aux flancs de la montagne voisine, la végétation, les bambous nains frissonnaient perpétuellement dans le vent, et les feuilles, sous les éclaboussures, étincelaient d'un éclat si subtil qu'il en devenait périlleux. Parcourus de bruissements, les arbres, d'une étonnante diversité dans leurs feuillages nimbés de soleil, paraissaient comme fous, mais cette démence même les rendait incomparablement beaux. » (p. 225) »

La traduction est d'une grande qualité. Elle a été réalisée par Brigitte et Yves marie Allioux en 1997. Tous deux enseignent à l'université de Toulouse (poésie japonaise moderne et contemporaine, influences et les traductions de la poésie française au Japon). Ils ont aussi traduit, de Mishima, « L'école de la chair » ; ainsi que de nombreux poètes japonais (Chûya Nakahara, Issa KobayashiBrigitte Allioux ayant obtenu pour sa traduction des haïkus de « Mon année de printemps » le 14e Prix de la Fondation Konishi pour la Traduction de la Littérature japonaise).
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Livre de sept nouvelles (dont une petite merveille) aux sujets assez différents mais qui traite en général de la jeunesse. Mishima est assez difficile raboteux voir revêche tant il est japonais oui c'est un pléonasme mais souvent les auteurs étrangers de cette époque amateurs de littératures européenne entre autres française tempèrent leurs origines avec Mishima ce n'est pas la cas il est très japonais et surtout traditionaliste
Dans ces nouvelles on retrouve le culte de la force et du don de soi à l'empereur.
Dans une nouvelle sur le kendo il développe un dépassement de soi qui est assez effrayant, dépassement extrême par la maîtrise du corps jusqu'à l'oubli et abnégation de la personnalité et qui n'a qu'une issue possible le hara-kiri

On trouve aussi quelques expériences de scènes homosexuelles entre jeunes plus ou moins imposées par domination d'un jeune sur un autre alors que la société réprouve rigoureusement ces pratiques
Des liens très grégaires entres jeunes garçons qui se comportent comme des mâles dominants en meutes

Des relations assez méprisantes des hommes avec les femmes et ce qui est étonnant ce mépris est partagé et pratiqué par les artistes: littéraires et poètes de surcroît

Si les relations sont violentes, même les saisons se mènent combat, on trouve parfois une très grande douceur associée à la beauté des paysages ou de choses naturelles et le contraste est saisissant Cette beauté est perçue surtout coté féminin mais pas seulement.

Une société machiste et formaliste dans toute sa splendeur mais avec un coté excessif et fermé aussi contraignant me semble-t-il et dommageable pour les uns et les autres et somme toute un monde épouvantable. Très difficile à comprendre pour un esprit (éclairé?) occidental

Très très belle mais courte nouvelle d'un vieux moine, autrefois jeune pâtre cévenol, qui raconte avoir vu le christ lui demander d'aller reprendre Jérusalem. Pour cela la mer doit s'ouvrir a Marseille pour leur permettre la traversée. Arrivé a Marseille avec une armée d'enfants la mer ne s'est jamais ouverte et le vieux moine raconte cela à un jeune garçon sourd et muet qui s'est endormi Un petit bijou: très courte nouvelle mais exceptionnelle elle vaut tout le livre car c'est une oasis de bonheur et de douceur.
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J'ai découvert Mishima il y a 25 ans avec la tétralogie de "La mer de la fertilité". Et depuis, j'y reviens régulièrement. Ce recueil de nouvelles comporte sept textes. Ces récits retracent les histoires d'hommes, d'adolescents guidés par les traditions, l'amour, la beauté, le sport, la perversité, la mort. Tous les thèmes de Mishima. On y découvre son intérêt pour le jazz, la littérature française et la poésie.
J'ai été désarçonnée par son premier texte "Jets d'eau sous la pluie". L'auteur mets en scène un jeune homme qui rompt avec sa petite amie dans un café. Il a séduit Masako uniquement pour la quitter. Quelle perversité ! "Ken" est un texte qui développe les thèmes de la tradition martiale, de l'honneur, du temps qui passe, de l'illusion, du corps, de la mort. On retrouvera ces thème dans la tétralogie citée plus haut.
" La mer et le couchant" est un texte magnifique. Un vieux moine et un jeune garçon infirme gravissent une montagne sacrée. le couchant, c'est le moine et la mer, le jeune garçon.
La nouvelle que je préfère est titrée "La cigarette". le procédé et la qualité du texte m'ont ravie. C'est difficile à expliquer. L'héroïne est la cigarette. Les personnages gravitent autour. C'est esthétiquement très moderne.
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Comme d'habitude certaines nouvelles me sont resté totalement hermétiques tant dans la compréhension que dans le plaisir de lecture et d'autres ou tout à l'inverse j'ai eu l'impression de comprendre profondément la pensée, les valeurs, la quête et le le but de la courte de vie de Mishima. On retrouve une fois de plus le raffinement de l'écriture, la grande érudition et l'économie de moyens. Les thèmes abordés sont bien encrés dans la culture Japonaise , et c'est salutaire puisque c'est cela que l'on vient chercher.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
-"La Cigarette"-

Chaque jour de notre vie passe sans que rien ne soit résolu. Cette triste réalité est déjà à elle seule difficile à supporter pour l'adolescence. L'adolescence a perdu cette rouerie de l'enfance qu'elle ne manque pas de réprouver. L'adolescent veut toujours tout reprendre de zéro.Mais quelle froideur le monde ne manifeste-t-il pas devant ces nouveaux départs ! Personne, absolument personne ne se soucie de ce moment où l'adolescent largue les amarres. Et on se trompe le plus souvent dans la façon de se comporter avec lui, en l'accueillant tantôt comme un adulte, parfois comme un enfant. (p.132 / Gallimard, coll. Blanche, 1997)
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Chaque jour de notre vie passe sans que rien ne soit résolu. Cette triste réalité est déjà à elle seule difficile à supporter pour l’adolescence. L’adolescence a perdu en effet cette rouerie de l’enfance qu’elle ne manque pas de réprouver. L’adolescent veut toujours tout reprendre de zéro. Mais quelle froideur le monde ne manifeste-t-il pas devant ces nouveaux départs ! Personne, absolument personne ne se soucie de ce moment où l’adolescent largue les amarres. Et on se trompe le plus souvent dans la façon de se comporter avec lui, en l’accueillant tantôt comme un adulte, parfois comme un enfant. Est-ce réellement parce qu’il manque d’assurance ? Non, à mon avis, il y a chez lui une étrange solidité qu’on aurait du mal à trouver ailleurs, son tourment étant qu’il veut à tout prix lui donner un nom : phénomène de croissance, justement. Et voilà enfin qu’il lui a attribué un nom. Ce succès le rassure, le rend fier. Mais, dès qu’un nom lui a été donné, instantanément, cette partie de lui-même se change en quelque chose de tout autre que ce qu’elle était lorsqu’elle n’avait pas encore été nommée, tandis qu’il ne peut déjà plus se rendre compte de cette métamorphose. Autrement dit, il est devenu adulte.

L’enfance garde jalousement une boîte hermétiquement scellée. L’adolescence, elle, cherche par tous les moyens à l’ouvrir. Le couvercle est enfin enlevé, mais à l’intérieur, il n’y avait rien. Alors l’adolescent comprend. « Les boîtes au trésor sont toujours vides » : désormais il privilégiera les théories qu’il a lui-même échafaudées. Bref, « c’est maintenant un adulte ». Et pourtant, la boîte était-elle vraiment vide ? En même temps qu’on soulevait le couvercle, quelque chose d’invisible et d’essentiel ne s’est-il pas enfui à jamais ?

C’est ainsi que, pour moi du moins, devenir adulte n’aura jamais signifié un accomplissement, ou la fin d’un cycle de la vie. L’adolescence est un état qui devrait se poursuivre éternellement, et, d’ailleurs, en réalité, n’existe-t-elle pas toujours en nous ? Or, si c’est bien le cas, pourquoi parvenons-nous à la mépriser à ce point ?
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L'enfance garde jalousement une boîte hermétiquement scellée. L'adolescence, elle, cherche par tous les moyens à l'ouvrir. Le couvercle est enfin enlevé, mais à I'intérieur, il n'y avait rien.
Alors l'adolescent comprend. « Les boîtes au trésor sont toujours vides » : désormais il privilégiera les théories qu'il a lui-même échafaudées.
Bref, « c'est maintenant un adulte ».
Et pourtant, la boite était-elle vraiment vide ? En même temps qu'on soulevait le couvercle, quelque chose d'invisible et d'essentiel ne s'est-il pas enfui à jamais ?
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N'avais-je pas désormais commencé à désirer ardemment être un autre que moi-même ? Ce que j'avais senti vaguement devoir être laid se métamorphosait subitement à mes yeux en quelque chose de beau : à aucun instant de ma vie, je n'avais ressenti à ce point la malédiction d'être un enfant.

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Au cours de ses soixante années de vie il avait dû en effet plusieurs fois ruminer profondément dans son coeur cette vérité qu'en amour l'admiration des spectateurs est presque aussi nécessaire que la sincérité des sentiments.
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Vidéo de Yukio Mishima
Yukio Mishima (1925-1970), le labyrinthe des masques (Toute une vie / France Culture). Diffusion sur France Culture le 20 février 2021. Un documentaire d'Alain Lewkowicz, réalisé par Marie-Laure Ciboulet. Prise de son, Philippe Mersher ; mixage, Éric Boisset. Archives INA, Sandra Escamez. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France. 25 novembre 1970 : Yukio Mishima, écrivain iconoclaste japonais âgé de 45 ans, met en scène sa propre mort ; alors qu’il s’apprête à quitter le monde, il livre à son éditeur "La mer de la fertilité", véritable testament littéraire et spirituel de cet auteur tourmenté, fasciné par la mort rituelle. Cet homme nostalgique, avec son goût du vertige et de l'absolu, son amour des corps vierges et des âmes chevaleresques, sa quête effrénée des horizons perdus laisse une œuvre considérable qui raconte sans aucun doute la recherche d’une pureté illusoire et la laideur du monde. Lectures de textes (tous écrits par Mishima) : Barbara Carlotti - Textes lus (extraits) : "Patriotisme. Rites d’amour et de mort" (film de et avec Yukio Mishima, 1965. À partir de "Yūkoku", nouvelle parue en 1961) - "Confessions d’un masque" - "Le Lézard noir" - "La Mer de la fertilité". Archives INA : Ivan Morris et Tadao Takemoto - Flash info annonçant la mort de Mishima le 25 novembre 1970. Extraits de films : "Mishima" de Paul Schrader (1985) - "Le Lézard noir" de Kinji Kukasaku (1968) - Extrait du discours de Mishima juste avant son seppuku, le 25 novembre 1970.
Intervenants :
Pierre-François Souyri, professeur honoraire à l’université de Genève spécialiste de l’histoire du Japon Fausto Fasulo, rédacteur en chef des magazines "Mad Movies" et "ATOM" Tadao Takemoto, écrivain, spécialiste et traducteur de Malraux au Japon et vieil ami de Mishima Dominique Palmé, traductrice de Mishima chez Gallimard, spécialiste de littérature japonaise et de littérature comparée Julien Peltier, spécialiste des samouraïs, auteur de plusieurs articles parus sur Internet et dans la presse spécialisée, en particulier les magazines "Guerres & Histoire (Sciences & Vie)" et "Actualité de l'Histoire". Il anime également des conférences consacrées aux grands conflits de l'histoire du Japon Thomas Garcin, Maître de conférences à l’Université Paris 7 - Diderot, spécialiste de Mishima et de littérature japonaise Stéphane du Mesnildot, critique de cinéma, et spécialiste du cinéma japonais
Source : France Culture
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