Comme beaucoup de lecteurs, j'ai entendu parler de ce roman bien avant sa traduction française. Considéré comme un phénomène littéraire, traitant essentiellement de magiciens et à une époque passée, voilà qui ne pouvait que me plaire.
J'ai donc lu le roman en anglais. Enfin une moitié seulement car ma progression était des plus laborieuses et considérablement ralentie par les notes de bas de page. Je l'ai donc mis de côté en attendant patiemment la sortie française. Cette fois, lecture intégrale...
Certes, les notes de bas de page (qui occupent parfois la page en entier !) ralentissent le rythme de lecture, elles sont néanmoins intéressantes et presque indispensables au récit.
L'histoire est originale, les qualités littéraires du roman indéniables et je me suis rapidement laissée entraînée par les deux personnages clés du livre. Mr Norrell est un magicien qui souhaite rétablir la magie anglaise, Jonathan Strange, son disciple, plus ambitieux, va quelque peu chambouler les plans trop sages du vieux maître.
Je suis d'accord avec la plupart des critiques qui clament que le livre a le parfum des oeuvres de
Jane Austen, que c'est également un livre d'aventures et un roman fantastique. La seule chose qui m'agace, c'est la critique du Times Magazine qui n'hésite pas à comparer l'oeuvre de Clarke avec celle de
Tolkien. C'est aller un peu vite en besogne...
Certes on y parle de magiciens, du côté obscur de la Force, et même d'anneaux du pouvoir (très brièvement) mais la comparaison s'arrête là.
Le roman évoque aussi bien l'univers de
Jane Austen, par la foule de détails sur la vie de la petite noblesse anglaise, que celui de
Stevenson. Il y a du Dr Jekyll et Mr Hyde chez Strange et Norrell qui représentent les deux faces d'une même pièce. En revanche, je peux comprendre la déception de ceux qui pensaient lire un livre de Fantasy.
La légende du roi Corbeau qui domine jusqu'à présent est issue à la fois du folklore anglais et de la mythologie nordique, où le corbeau est le messager des morts. Pas de lutin ou de fée éthérée, pas d'elfe non plus ou de gnomes mais des serviteurs du roi corbeau semblables à des fantômes et des lieux empreints de magie noire qui donnent une atmosphère parfois lugubre au roman. Pas de duels de magiciens (enfin pour l'instant), pas de dragon à combattre...
Alors, que dire de cet événement de la littérature de fantasy. D'abord que cela reste une bonne surprise. Les personnages secondaires, je pense notamment à Childermass, Vinculus, sont pour certains très attachants alors que d'autres sont un peu sous-exploités, comme Stephen Black. J'ai bien aimé aussi la personnalité de Wellington.
Les scènes que j'ai préférées sont sans conteste lorsque Strange accompagne l'armée pour tenter de contrer l'ennemi français. La période que Strange passe à Venise est un peu longue à mon goût, ainsi que toutes les scènes relatives au château des Illusions-Perdues qui sont les moins intéressantes à mes yeux, et j'avoue avoir lu en diagonale la plupart des notes après la seconde moitié du roman. Cette seconde moitié justement est plus fertile en rebondissements et il y a nettement plus d'action. Mais c'est vrai que le lecteur doit se montrer patient car le rythme du récit est tout de même très lent.
Le fait d'avoir choisi le règne du roi Georges (celui qui est devenu fou), d'avoir pris comme principe que la magie a toujours fait partie de la vie anglaise, voilà qui ôte quand même une bonne part de merveilleux. car après tout, la vie de ces deux gentlemen est plutôt ordinaire, même si vers la fin, leurs pouvoirs sont cause de gros chamboulements.
Les deux magiciens se ressemblent finalement beaucoup. Norrell, frileux, maniaque, égoïste et conservateur est le plus antipathique. Mais Strange est tout aussi égoïste. Ambitieux en revanche, plus jeune et marié à une délicieuse épouse, ce qui probablement lui épargne de posséder les mêmes travers que Norrell. le roi Corbeau quant à lui fait une apparition éclair bienvenue mais trop courte, évidemment... J'aurai aimé plus de noirceur et de poésie, et des dragons aussi.
Je suis restée sur ma faim, avouons-le et beaucoup de choses restent en suspens à la fin du livre. Cela laisse donc supposer une suite ? Par ailleurs, sur le site de l'éditeur français, il est indiqué que les droits pour l'adaptation cinématographique ont déjà été achetés. On peut en faire un bon film sans aucun doute, à condition de ne pas avoir peur de raccourcir énormément.
En tout cas, les bonnes idées ne manquent pas dans ce roman qui a su se démarquer des habituelles histoires de magiciens. A lire pour ceux qui aiment la magie, les livres anciens, les bibliothèques cosy, l'univers de
Jane Austen et Londres sous la pluie !