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Alfred Dupont (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070741199
224 pages
Gallimard (14/02/1995)
3.78/5   9 notes
Résumé :
Cinquante-six lettres d'Eugène Delacroix composent ce volume. Ces lettres sont adressées par le peintre à ses amis Félix Guillermadet, Achille Piron, Charles Soulier, et à son frère le général Charles Delacroix. La plupart de ces lettres s'échelonnent de 1813 à 1820, c'est-à-dire à une époque où Eugène Delacroix était encore un jeune homme. Elles nous permettent de mieux connaître sa vie privée et nous le montrent véritable épistolier, plein de verve, d'esprit et de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
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« Un coup de fortune »
C'est ce que Delacroix écrit à Charles Soulier le 15 avril 1822 : « … Mais je sors d'un travail de chien qui me prend tous mes instants depuis deux mois et demie. J'ai fait dans cet espace de temps un tableau assez considérable qui va figurer au Salon. Je tenais à m'y voir cette année et c'est un coup de fortune que je tente. »
Le premier tableau « La Barque de Dante » du tout jeune Eugène Delacroix sera présenté au Salon de 1822. Il a 24 ans. Cette toile inspirée de l'Enfer de Dante, d'une conception dramatique par ses références à Michel-Ange et Rubens, sera considérée comme un manifeste du romantisme. Après « le Radeau de la Méduse » du camarade d'atelier de Delacroix, Théodore Géricault, peint en 1819, les critiques considèrent qu'une orientation nouvelle, un coup fatal vient d'être porté à la peinture académique.

La même année 1822, Delacroix va commencer son journal qui sera considéré comme un des écrits de peintre parmi les plus importants, avec la correspondance de Vincent van Gogh, plus tard.

Auparavant, avant ce premier Salon, encore un gamin, Eugène écrit sans cesse à ses amis Achille Piron, Charles Soulier, Félix Guillermadet ainsi qu'à son frère le général Charles Delacroix : 56 lettres toutes passionnantes écrites de 1813 à 1820, entre 15 ans et 22 ans.
Deux lettres m'ont paru les plus représentatives du talent littéraire de l'adolescent. Deux jours de suite, les 20 et 21 août 1815, il écrit au même Achille Piron des lettres étonnantes, qui suffisent à démontrer la qualité de sa prose à 17 ans.

La passion amoureuse anime le futur emblème du romantisme. Je doute que l'on puisse trouver beaucoup d'autres écrivains, en dehors de Rimbaud, capable d'écrire de cette façon, si jeune.

Lettre à Achille Piron, le 20 août 1815 (Extrait)

(…) Quel moment que celui où on revoit après des siècles, un objet qu'on croyait avoir aimé et qui était presque entièrement effacé du coeur… Au milieu de tout cela je tombe de mon haut quand je songe à l'empire que j'ai eu sur moi-même hier dans cet instant délicieux et terrible qui m'a réuni pour quelques minutes à celle que j'avais eu l'indignité d'oublier. Il m'arrive souvent qu'une sensation morale, de quelque nature qu'elle soit, ne me frappe guère que par contrecoup, et lorsque livré à moi-même ou rentré dans la solitude de mon âme, l'effet s'en renouvelle avec plus de force par l'éloignement de la cause. C'est alors que mon imagination travaille et que, contraire à la vue, elle agrandit les objets à mesure qu'ils s'éloignent. Je m'en veux de n'avoir pas joui avec assez de plénitude de l'instant que le hasard m'a procuré ; je bâtis des châteaux de chimères et me voilà divaguant et extravagant dans la vaste mer de l'illusion sans bornes et sans rivages. Me voilà donc redevenu aussi sot qu'auparavant. Dans le premier instant mon coeur battit d'une force… Ma tête se bouleversa tellement que je craignis de faire une sottise : je ne faisais pas un pas sans songer que j'étais près d'elle, que nos yeux contemplaient les mêmes objets et que nous respirions le même air : lorsque je lui eus parlé et que tu m'entraînas dans l'autre salle… je t'aurais, je crois, battu et néanmoins je n'étais pas fâché d'un autre côté de m'éloigner d'elle, mais je crois que l'enfer et les démons ne seraient par parvenus à me faire quitter cette maison bienheureuse tant que j'y aurais su ma Julie.

Lettre à Achille Piron – le 21 août 1815 (Extrait)

L'as-tu éprouvé, mon ami, cette fièvre du coeur, ce délire de la raison et des sens qui remplit tout notre être de ce mélange inconcevable de souffrance et de délices ; il faut sentir comme moi cet orage tumultueux qui gronde dans mon sein lorsque la moindre pensée vient me rappeler un cher souvenir. Parler morale, philosophie, tranquillité d'âme aux passions, c'est vouloir éteindre un édifice en flammes avec un verre d'eau. Ce n'est pas avec des émolients, des dulcifiants, des anodins et tout le petit étalage subalterne des médecins qu'on guérit les fous. C'est en les jetant par les fenêtres ou en les assommant. Ce n'est pas que je me soucie d'être assommé pour les beaux yeux d'une princesse, mais il me faudrait à moi des remèdes violents. Malheureusement, je le sens trop, il n'en est qu'un pour moi, c'est le temps. Il faut attendre que le bouillonnement s'apaise ; que les jours et les mois viennent, dans leur succession monotone, user les sensations en effaçant l'image. C'est une chose terrible que de ne pouvoir compter même sur l'ignorance. Lorsque ma tête a bien travaillé et que, tout rempli d'illusions riantes, je jette les yeux devant moi sans y voir d'avenir, c'est alors que je me désespère. Je ne connais rien d'effroyablement atterrant comme l'impuissance ; se dire je t'aime… mais sans espoir, sans moyens, sans espoir en un mot… Voilà qui est fait pour écraser un homme.

Superbe !
Les écrits d'Eugène Delacroix, adolescent romantique de 17 ans, pouvaient déjà lui ouvrir les chemins d'une carrière littéraire.

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Après avoir visité l exposition du Louvres en compagnie d un conférencier brillant, j eus envie d en savoir plus sur Eugène Delacroix et ses lettres intimes me semblaient être une voie pour commencer mon exploration .

le résultat est en demie teinte.

Si je suis séduite par la plume (mais comment peut on écrire si bien depuis si jeune ? mes lettres d adolescente n avaient rien de ces tournures de phrases qui vous font promener comme dans un roman !) je n apprends rien de fascinant dans le contenu si ce n est :
- qu il aime la chasse ( ce qui est à mon opposé total et malheureusement est très présent dans ces lettres)
- qu'il a une santé fragile (fièvre, migraines et j en passe - je ne peux que compatir connaissant de certaines problematiques les handicaps alors supportés)
- qu'il est fidèle mais aussi exigeant en amitié ! pas un courrier sans presser son correspondant de lui répondre rapidement alors même qu'il ne tient pas lui même un rythme rapide
- qu'il est fougueux (toutes ses correspondances sont empruntes de vie et de fougue quel que soit le sujet)
- qu il est sentimental (en amitié comme en fratrie)
- qu'il est érudit : traduire Dante de l'italien et fort bien car j ai compris Ugolin mieux que dans ma traduction de l'Enfer de Dante ! parler l anglais
- qu'il peut être snob : quand il accorde aux paysans le droit de ne pas réfléchir mais pas aux gens "cultivés"

j ai passé un agréable moment avec cette plume même si j ai souvent eu envie de contourner les parties de chasse et lui demander d être moins dramaturge avec son " Adieu" en bas de chaque lettre même si je suis consciente qu'il s agit de tournure de l'époque.

j ai retenu 2 citations merveilleuses sur la vie me semble t il : l amour et l ivresse ...
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
À Achille Piron
À la maison des gardes de la forêt de Boixe, le 9 novembre 1818.

Je pense que tu trouves que pour un homme qui passe sa vie à s'amuser, je ne suis guère amusant quand j'en parle. C'est que j'enrage de voir qu'on a beau voir arriver ce qu'on avait attendu avec tant d'impatience, on est tout surpris de trouver que ce n'est que cela ; c'est que j'enrage encore de penser qu'après que ce temps est passé on se dit avec colère : pourquoi n'as-tu pas joui davantage ? Il faut donc se résigner à cette idée désolante qu'il manque toujours quelque chose au plus heureux homme de la terre. Heureux celui qui trouve son bonheur dans l'étude, parce que personne ne lui ravira son bonheur, et parce qu'elle lui fera oublier les autres misères de la vie.
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À Achille Piron
Forêt de Boixe, le 8 octobre 1819

Les livres sont de vrais amis. Leur conversation silencieuse est exempte de querelles et de divisions. Ils vous font travailler sur vous-même, et, chose rare dans les discussions avec les amis de chair et d'os, ils vous insinuent tout doucement leur avis, et vous font goûter la raison, sans que vous vous regimbiez contre son évidence et sans que vous ayez l'air d'être vaincu à vos propres yeux.
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À Achille Piron
Forêt de Boixe, le 8 octobre 1819

Si le livre ne vaut rien, bien qu'avec des dehors spécieux, un bon esprit ne s'y trompe pas. S'il est bon, c'est un inestimable trésor, c'est une félicité de tous les moments. Combien les livres ne nous font-ils pas oublier de chagrins, par le spectacle des hommes vertueux livrés au malheur. Combien ne nous élèvent-ils pas, en nous montrant leur constance et leur grand caractère. C'est une chose qui m'étonne de voir si peu de gens qui lisent dans ce sens. Ils ne cherchent dans la lecture qu'à repaître le vide de leur esprit. Les lignes leur passent devant les yeux comme des aliments dans un gosier, pourvu qu'ils passent c'est assez. Moi, je trouve dans les livres des passages que je voudrais saisir avec autre chose qu'avec les yeux. Je sens si bien ce qu'ils me disent, je vois si bien ce qu'ils me peignent, que je m'indigne à la fin contre cette page muette d'un vil papier qui m'a remué si fortement et qui me reste seule entre les mains et sous les sens.
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Ce qu'il y a de plus réel pour moi ce sont les illusions que je crée avec ma peinture.
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Je t en supplie par l amitié que j ai pour toi, cherche, travaille de ton côté, retourne toi l esprit de mille manières pour me trouver le moyen de la voir, de lui parler, de lui écrire. Voilà de belles choses, d étranges folies. Que dirais je dans un an, dans un mois peut être si je voyais une misérable lettre comme celle-ci. Mais je suis jeune et... non je ne suis pas encore amoureux : mais c est à toi à décider si je dois le devenir ou non.

réponds moi au plus vite, sur le champ, cherche, médite. Songe que je suis sur les épines, j ai grand besoin que Cupidon jette sur moi un regard de compassion, car je me vois bien loin de mon but.
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Videos de Eugène Delacroix (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Eugène Delacroix
"Le peintre et le poète : Delacroix et Baudelaire", documentaire réalisé, en 1959, par Georges Régnier, avec les musiques de Chopin et de Listz, et les voix de Michel Bouquet et de Pierre Marteville. Film rare, appuyé sur les écrits de Baudelaire, étudiant le regard du poète sur l'œuvre du peintre à partir des tableaux suivants : "Virgile aux enfers", "Autoportrait", "Mort de Sardanapale", "Massacre de Chio", "Entrée des Croisés à Constantinople", "Femmes d'Alger", "Le Doge de Venise", "La Barricade", "Le Turc", "Lutte de Jacob avec l'ange".
>Histoire, géographie, sciences auxiliaires de l'histoire>Biographie générale et généalogie>Biographie: artistes et sportifs (789)
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