Merci Monsieur Delerm (qui aurait préféré Delherm)d'avoir écrit ce petit texte de souvenirs d'enfance et d'histoire de maison qui devient petit à petit de famille...
C'était un vrai bonheur pour moi, de retrouver sous votre plume les petits rien qui ont fait mes grandes vacances dans le Sud-Ouest.
Pour moi, c'était le Lot et Garonne et pas le Tarn et Garonne... Mais... quelle proximité...
Mes grands parents avaient une maison au bord du Lot... On allait se baigner au Lot, on avait notre plage, plus loin était celle des voisins... Avant d'y arriver, il fallait traverser le "canalet"... Nous n'avions pas de canal latéral, mais la pêche aux poissons chats que nous y faisions, dans notre petit canal, shorts retroussés, m'a laissé quelques bons souvenirs aussi.
La Maison familiale des Delerm a fini par s'appeler la "mascagne" !!!
J'ai eu un choc quand j'ai lu ce nom de maison. C'est aussi un bout de mon enfance que ce mot là... Ma mère me disait souvent "mais qu'est ce que tu mascagnes ?" , "Fais donc voir ce que tu mascagnes", parfois, je devenais même sa "mascagneuse..."!!!
Quoi d'autre encore, tant de choses... Incroyable...
Les balades à vélo, les champs de maïs, ah oui... La pêche... Mon grand père était un pêcheur, et, enfant, j'ai eu la même curiosité étonnée et sceptique devant cette activité qui semblait ne pas en être une...
Et le marché, les cornières... Moi aussi, j'ai le souvenir d'un marchand de café sous les cornières où ma mère se servait... Elle m'y amenait une fois par semaine, et je pouvais choisir les petits gâteaux en vrac que vous décrivez si bien...
Simplicité, tendresse, nostalgie, humour...
Un vrai bon moment de lecture , à recommander, vraiment, à tous ceux qui ont connu un peu de la douceur de vivre en Sud-Ouest..
http://sylvie-lectures.blogspot.com/2007/05/garonne-philippe-delerm.html
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Venu après la mort de ma soeur Michèle, mon rôle était d'emblée différent. Mon dilettantisme naturel, ma paresse scolaire m'avaient détaché d'une tension nécessaire mais contraignante.
Je l'ai éprouvé très tôt dans mon rapport au monde: pour moi, la vie pourrait être un spectacle à regarder.
Mes parents ne construisaient pas un château. La maison, telle qu'elle se présente aujourd'hui est agréable, joliment fleurie, fonctionnelle mais sans vrai cachet. Elle n'a pas ces gauchissements, ces escaliers inutiles, ces recoins oubliés que les maisons bourgeoises s'inventent en quelques générations d'opulence et d'abandon. Elle reste la demeure d'un passé récent - une seule génération - et d'un présent immédiat : la vie qui s'annonçait telle qu'elle semblait possible à vivre. Mais elle n'est pas pour autant banale ni vulgaire. Mes parents ne l'ont pas aménagée aux mesures de leur vie de couple à la retraite, mais avec une générosité autoritaire et confiante. Elle serait la maison des vacances, celle de leurs enfants , de leurs petits-enfants. Elle serait un rempart contre l'éclatement géographique et la dissolution affective. A condition d'avoir des enfants, des petits-enfants qui souhaitent passer une grande partie de leurs vacances à Malause. A condition surtout que ces enfants vivent avec des compagnons, des compagnes pour qui Malause ne serait rien , et qui accepteraient quand même d'y passer une grande partie de leurs vacances. (toute ressemblance avec une situation connu ne serait finalement pas si fortuite que cela !!!)
Comment croire aujourd'hui que la Garonne était comme un grand torrent, roulant les galets avec lesquels je faisais des ricochets, mais aussi de lourdes pierres venues des Pyrénées? Je devais avoir quinze ans quand on a construit le barrage, le canal de dérivation, quand on a traîtreusement jugulé la vie de l'eau, affadi le fleuve de mon enfance.
Précieuses ces années où l'on ne juge pas, où l'on ne détache pas encore de soi ce qu'on a sous les yeux. A force de revenir, adulte, dans ce paysage de collines, j'ai appris qu'il était beau, d'une douceur et d'une harmonie tout en demi-teintes dans les blonds, les verts, les bruns pâles, la pierre blanc cassé - plus humaine à mes yeux que la pierre jaune du Périgord, et mieux mariée au moindre départ de vigne vierge, de bignonia ou de glycine. Au fil des ans, j'ai soupesé la qualité de cet univers préservé en l'opposant aux ravages que le béton et la centrale de Golfes ont fait subir au "côté de Garonne". mais à douze, treize, quatorze ans, et même longtemps après, je n'oblitérais pas les choses avec ce regard culturel qui mêle des critères dont les adultes aiment à se donner l'illusion que la somme aboutit à un point de vue personnel.
Se laisser submerger. Ecrire c'est cela. Retrouver un état d'enfance où on se laisse submerger.
Rentrée littéraire 2023 - "Les Instants suspendus" de Philippe Delerm
« Ce n'est pas un éblouissement, pas une surprise. On est tout à coup dans cette lumière-là, comme si on l'avait toujours habitée. On vient de sortir du tunnel. le train n'a pas changé de cadence, il y a juste eu un petit crescendo dans la musique, moins un bruit de moteur qu'une tonalité nouvelle, offerte au vent. Une infime parenthèse entre deux talus, et d'un seul coup : le paysage. Montagne, lac ou forêt, château en ruine ou autoroute, on sait tout absorber, tout devenir. »
Comme on les chérit, ces instants suspendus dans nos vies.
Passer le doigt sur une vitre embuée. La mouche de l'été dans la chaleur de la chambre. le jaillissement du paysage à la sortie du tunnel ferroviaire…
Philippe Delerm n'invente pas ces moments, il les réveille en nous. Il leur donne une dimension d'horizon infini. On ne savait pas qu'on abritait tous ces trésors, Delerm les met en écrin. Entre humour subtil et nostalgie, un recueil dans la droite ligne de ses grands succès, La Première Gorgée de bière, La Sieste assassinée ou Les Eaux troubles du mojito.
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