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EAN : 9782738133960
272 pages
Odile Jacob (27/04/2016)
3.96/5   14 notes
Résumé :
Dix fois René Urtreger faillit mourir et dix fois il se releva, toujours guidé par la quête acharnée de la « note juste ». Il est à lui seul toute la musique d’une génération et toute l’histoire du jazz. C’est le mystère palpitant de sa vie qu’Agnès Desarthe tente ici d’approcher.

Pianiste génial, formé à Chopin et inspiré par Charlie Parker, il a joué avec les plus grands, de Lionel Hampton à Stan Getz, en passant par Dizzy Gillespie, Lester Young et... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
En fermant ce livre, j'ai l'impression de fermer la porte d'un univers amical, où je me sentais un peu comme chez moi auprès de personnes simples, accueillantes, riches de leur vécu et de leur sensibilité, des amis, René, Agnès, Jacotte, Max, Sarah, Miles, Claude, …La biographie de René Urtreger grand pianiste de jazz, est menée de main de maitre par Agnès Desarthe, sous la forme originale néanmoins modeste du roman. Elle use d'une délicatesse infinie à retracer cette vie exceptionnelle aux reliefs vertigineux telles des montagnes russes en nous contant la magie d'une rencontre entre elle et l'artiste de jazz.René Urtreger est une légende vivante du Jazz. Il a côtoyé les plus grands jazzmen de tous les temps et a joué à leurs côtés. Je citerai Miles Davis avec qui il enregistrera la musique du film «  ascenseur pour un échafaud » et avec qui il sera ami. Il jouera également avec Chet Baker, Stan Getz, Lester Young, entre autres.Avant d'en arriver là, René est le fils de Max et Sarah immigrés polonais en France, né en 1934. le coup de foudre pour la musique classique le frappe en regardant le film « Fantasia ». Il voue un véritable culte à Chopin et tente d'intégrer le conservatoire qui lui sera refusé.Première chute qui va le faire suivre d'autres pistes. René est inspiré par le jazz en parallèle de la musique classique, deux musiques qui se regardent , l'une se veut libre à coté de l'autre qui se veut savante.C'est dans cette discipline plus libre que René percera en tant que pianiste de jazz et sa carrière fera de lui un immense personnage au destin mouvementé. Très tôt, il va flirter avec les stupéfiants, la drogue qui le feront perdre pied à maintes reprises et vaciller sur un fil en équilibre. Les chutes se succèderont et René se relèvera avec toujours en lui ce goût du risque, cet amour pour la musique.L'auteure fait de nombreux aller-retour sur sa personnalité complexe, en l'écoutant, l'interrogeant et en retranscrivant ses dires. René est très accueillant, il sait être « à l'écoute de celle qui l'écoute », une réelle complicité se crée entre lui et Agnès. Nous sommes bercés par l'écriture d'Agnès Desarthe qui s'avère juste, poétique, harmonieuse et par la musique de René Urtreger qui nous fait swinguer tout au long des pages.De nombreuses références font du récit un répertoire de bonnes sources en matière de jazz que je me suis délectée d'écouter en lisant.Ce destin est escarpé entre prises de risque, chutes, parfois manque de chance, nombreuses opportunités, rencontres. René touchera aussi à l'univers du YéYé aux côtés de Claude François.Les femmes de sa vie sont Marianne la mère de ses enfants, puis Lydia une des clodettes et enfin Jacqueline qui lui permettra de sortir une ultime fois de ses démons.La lecture est riche en citations, chaque page en est pourvue, une véritable mine de richesse de la langue française.On suit ce parcours, comme si l'on était à côté de l'un et de l'autre que l'on trouvera attachants, captivants et d'une immense générosité. Cet homme représente le véhicule du jazz parmi les époques et son histoire est ici écrite d'une plume élégante.
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Je ne sais pas par quoi commencer tellement ce livre m'a émue et passionnée.
« le Roi René: René Urtreger par Agnès Desarthe » c'est une biographie pas comme les autres.
C'est l'histoire de René Urtreger, un homme qui ressemble à mon père, pianiste de jazz qui a traversé le 20eme siècle et qui est toujours là pour témoigner de sa vie chaotique et passionnante. Et puis son histoire est racontée par Agnès Desarthe, une écrivaine qui chante, et pour moi c'est le nec plus ultra. C'est cet échange qui donne la richesse de ce livre.

Né à Paris en 1934 dans une famille juive aimante, le petit René va vivre l'horreur avec la déportation de sa mère. C'est elle qui rêvait de le voir musicien.
Mais l'enfant de la guerre pense aux copains, comme tous les enfants. Il rencontrera Claude Berri en novembre 1942 et restera lié avec lui toute sa vie. C'est l'époque où il va voir le film « Fantasia » au grand Rex à Paris, celui qui le révélera à la musique classique.
Après la guerre, il prépare le concours d'entrée le conservatoire poussé par sa professeure de piano mais pas par sa famille. C'est le premier échec de René, virtuose de Chopin mais au style pas suffisamment académique.
C'est aussi peut être grâce à cela qu'il va faire du piano son métier accueilli très jeune dans la famille des jazzman. C'est une réussite car, au début des années 50, Paris devient la capitale mondiale du jazz.
Il va s'installer à dix-huit ans sur la scène du Blue Note pour accompagner le saxophoniste Don Byas. Pianiste attitré de Miles Davis lorsque ce dernier fréquentait la Rive Gauche, René va le suivre en tournée et deviendra son ami.
En 1953, il remporte le Concours national de jazz amateur dans la catégorie piano. Il va enregistrer son premier disque en 1955 avec Sacha Distel et va être le premier jazzman français à signer en exclusivité chez Barclay.
En 1957, c'est lui qu'on entend sur la bande originale d'Ascenseur pour l'échafaud, le film réalisé par Louis Malle.

René Urtreger est l'un de ces musiciens européens qui, sans le savoir, inventèrent le son d'une époque et se firent les meilleurs serviteurs du jazz sur le vieux continent. Il a joué avec les plus grands, de Dizzy Gillespie à Lee Konitz en passant par Johnny Griffin, Sonny Rollins et Stan Getz. Ancré dans une tradition authentique, doté d'une érudition qui est le fruit d'une écoute amoureuse de la musique inventée par Thelonious Monk et Bud Powell (son idole), marqué à jamais par le be-bop, le pianiste aime aller à l'essentiel, ne pas se mentir, ne pas se prendre au piège de l'exubérance facile.

C'est donc dans le monde du jazz, qu'on va l'appeler le « Roi René ». Mais le roi va tomber de son trône et l'excès de drogue, d'alcool, vont l'entrainer dans la déchéance sans qu'il trouve d'excuse à cette situation. Il va devenir un perdant, invivable, un « Schmock » comme disent les juifs. Mais René a toujours su rebondir grâce aux rencontres qui l'ont sauvé dont celle avec Claude François qu'il va accompagner dans les années yéyé. Pas d'états d'âme pour lui et pas d'impression d'avoir renié le jazz. Il a sauvé sa peau et s'est ouvert à un autre univers. Personnellement, je trouve ça bien. Il croisera aussi le chemin de Serge Gainsbourg avant de revenir au jazz pour ne plus le quitter.

Les femmes ont compté dans sa vie, elles ont souvent été des « béquilles » dans les moments les plus difficiles : il y a eu Marianne, la mère de ses deux enfants et son amour de jeunesse, la belle Lydia, danseuse qui a été « Claudette » et avec qui il s'est toujours bien entendu notamment pour la rigolade et puis Jacotte celle qui l'accompagne toujours, la femme de sa vie, celle à qui il va promettre d'arrêter de boire et sans doute grâce à qui il est encore en vie. Heureusement pour nous.

Agnès Desarthe termine ce livre de façon très émouvante avec celui qui est resté modeste dans ses propos, simple dans ses manières, discret sur ses exploits : ils vont rester dans le partage de quelque chose de fort. Elle écrit qu'elle a offert les mots à René Urtreger avec ce livre et qu'il lui offre la musique en l'invitant à chanter sur scène avec lui.

Ce livre m'a été offert par les éditions Odile Jacob dans le cadre d'une opération masse critique. Je les remercie de tout coeur.


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le Roi René n'a aucun lien avec le Bon Roi René, né en 1409 à Angers, l'un est orphelin de sa mère Sarah à 9 ans, René Urtreger lui est orphelin mais par son père au même age. Si le Bon Roi René a collectionné les titres de noblesse, René a collectionné les succès, les échecs et les Albums de Jazz.

La vie de notre Roi, René Urtreger n'a pas été rose, il a surtout transformé sa vie en une lame de scie, musicale et tranchante, expérimentant toutes les facettes de la déchéance puis de la résurrection, un miraculé pour les médecins, un prodige pour Mme Dubois-Niclot, un Mr Quinquampoix pour les flics à 2,5gr, un Schmock pour son père ( terme juif désignant un perdant)...Un vrai artiste pour Jacotte sa dernière épouse.

Le Jour de son anniversaire à l'age ou sa mère Sarah disparaît il arrête de boire, dès ce jour aucune goutte d 'alcool ne viendra altérer ses veines.
Agnès Desarthe souligne  l'importance de la perte de sa mère, les peurs, les angoisses, les doutes vont se nourrir de cette blessure, son jeu y gagnera en sensibilité avec un doigté incomparable.

Il reste longtemps à espérer son retour, quête encore plus douloureuse qu'il cherchera souvent à travers les drogues comme un cocon plus qu'une excitation pour s'enflammer : "personne ne m'a dit : ta mère est morte, d'ailleurs, avec Claude Berry , on allait plusieurs fois par semaine à la gare de l'Est pour attendre les déportés qui rentraient des camps. On la cherchait, ma mère."

l’œuvre musicale est au cœur de ce livre autobiographique et à aucun moment la trame mélodique du swing si cher à René Urtreger n'est oubliée. Jouer du piano c'est rentrer en dialogue avec les autres artistes s'immiscer dans leur originalité, faire éclater leur talent de Charlie Parker à Richter c'est la musique qui prime la recherche de la note Bleue, la note idéale.

Les complicités de Réné et de ses copains sont multiples, Claude Berry en tête, lui qui usa ses fonds de culottes au même lycée et avec qui il composa plusieurs musiques de films.

Aujourd'hui l'artiste semble indestructible, ayant renoué avec ses enfants et ses petits enfants la vie à Mortagne sur le Perche devient le clavier tournant de ses amours et de sa passion composant le trio avec Eric Dervieu et Yves Torchinsky

Un très beau travail de mémoire tout en pudeur et en complicité, un bel hommage à cette famille d'immigrés juifs polonais qui a proposé au monde musical de tels prodiges ( René, Nicolas et Philippe Urtreger et la chanteuse Nathalie Kotka) qui ont porté le Jazz à cette qualité de création maintenant enseignée, et totalement vivante.
http://alter1fo.com/


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"Le Roi René" s'ouvre comme une boîte de jazz. L'heure tardive, les bruits de voix, les verres et les bouteilles qui s'entrechoquent, les volutes et la senteur de cigarette et d'alcool. On se fraye un chemin entre les tables, trouve sa place à l'étroit et là, tout au fond de la salle, la scène. Une batterie, une contrebasse et un piano. le premier set va bientôt commencer.
Dans ce roman autobiographique à deux partitions, plus qu'un des meilleurs pianistes de jazz qu'ait connu les clubs parisiens de la Rive gauche, Agnès Desarthe nous présente un ami, René Urtreger.
Des jeunes années de son enfance, de l'apprentissage du piano, l'auteure nous entraîne avec bonheur, avec grâce et subtilité dans le parcours tout en lumière mais aussi en nuances sombres du pianiste. Dans les années 50, le Be-Bop déferle dans les boîtes de jazz de la capitale - au Ring Side, Les Trois Mailletz, Au Chat qui pêche où il joue - il fait la connaissance et accompagne Miles Davis, rencontre Bud Powell, Thelonious Monk, John Lewis, la crème du jazz d'alors. Cette lumière, faite de rencontres, où l'amour et la famille ont, de près ou de loin, toujours conservé leur place, est atténuée par l'évocation de périodes difficiles dans la vie du pianiste avec l'usage de drogues dures, d'alcool, les contrats qui se font rares, l'argent qui manque, etc.
René Urtreger est un vrai personnage de roman, imprévisible, parfois déroutant mais profondément attachant, humain mais c'est surtout un musicien hors-pair, passionné et passionnant à l'image de ce jazz, le be-bop, instinctif et généreux.
Un livre où souvent il arrive de battre la mesure, de claquer des doigts et du pied, à la simple évocation des génies Charlie Parker, Miles Davis, Thelonious Monk, Bud Powell, etc. et des titres interprétés. Un livre que je conseille sans aucune réserve.

Une pensée émue pour la personne qui m'en a suggéré la lecture.
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Un livre à deux voix (celle de l'intervieweuse et celle de l'interviewé) ou un livre à quatre mains (celles d'un pianiste jazzman de génie et celles d'une talentueuse femme écrivain) ?
Un livre de paroles, de silences, de souvenirs ou un livre d'écoute sensible et attentive...bien au-delà des mots entendus, notés, enregistrés ?
Un livre de solitude, de douleur, de désespoir et de doute ou un livre de joie, de partage et de lumière ?
Un livre de retenue, d'avancée sur la pointe des pieds et d'apprivoisement mutuel ou un livre de confiance totale et d'ouverture à l'autre ?
Cet ouvrage est tout cela à la fois...complet, émouvant, profondément humain.
Je remercie Babelio et les éditions Odile Jacob, de m'avoir offert quelques heures de lecture merveilleuse et la découverte d'un artiste dont je savais trop peu de choses...un artiste sur lequel les années qui passent ont l'effet d'un baume de rajeunissement.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
A propos de Chopin, je pense à un échange entre René Urtreger et Miles Davis. René et Miles jouaient au Club Saint-Germain. René empruntait parfois la trompette de Miles, il en jouait pour le faire marrer, et ça marchait. Et puis, à un moment , il s’est mis au piano pour interpréter la « fantaisie-Impromptue » de Chopin. Quand il a terminé, Miles pleurait. Il a dit: « Je me couperais un bras pour avoir écrit ça. » Deux musiques qui se regardent, et l’une qui dit « Moi je suis plus savante que toi », tandis que l’autre lui répond: « Peut-être, mais moi je suis plus libre. » Deux soeurs qui s’admirent et se jalousent, et s’aiment.
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René, qui a d'abord été un musicien classique, est reconnaissant au jazz de lui avoir accordé une licence presque totale. En jazz, quand on est interprète, on est aussi compositeur ou, pour mieux dire, "compositeur instantané"; C'est frappant quand on écoute jouer Bud Powel, le maître de René, celui à qui il a consacré un album et dont il continue aujourd'hui de jouer les compositions. "Bud, quand il jouait, tu pleurais. Il inventait sans arrêt", me dit René avant de se mettre au piano. Il enchaîne "Tempus Fugit", "Parisian Thoroughfare" et "Oblivion". C'est une pluie d'étoiles filantes, des notes qui surgissent, se suivent, se croisent, avec sans cesse un courant et contre-courant, la sensation d'entendre plus d'un piano à la fois, des harmonies extrêmes-orientales ou presque, un humour, un goût pour la déconstruction aussitôt démenti par la flèche inattendue d'un sentiment très pur, très simple, d'une candeur à couper le souffle.

p. 82
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Son jeu persiste à étonner, à déployer un langage d'une délicatesse et d'un raffinement inouïs. La plupart du temps, il est d'une douceur renversante avec le public sans pourtant tomber dans la démagogie. Il est lui-même : bonté, tendresse, sensibilité, attention, et aussi fragilité, irritabilité.
p 247
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La vie c'est comme un torrent, me dit un jour René.
J'ai dû lire ça dans un mauvais roman,
mais c'est pas faux.
Je l'ai souvent répété à mes enfants.
La vie c'est un torrent en crue, bouillonnant,
avec plein de morceaux de bois qui flottent et qui te cognent.
p 185
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Je pense à la nostalgie contenue du jazz, à sa façon particulière de toucher à l’émotion sans jamais tomber dans le pathétique, à cette désinvolture, ne fut-elle qu’apparente. Je regarde René Urtreger saluer avec malice et l’imagine, soixante-dix-sept ans plus tôt.
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Videos de Agnès Desarthe (62) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Agnès Desarthe
Par l'autrice & Louise Hakim
Rue du Château des Rentiers, 13e arrondissement de Paris : c'est là que se trouve une tour impersonnelle et peuplée d'habitants tout sauf riches. Là vivaient les grands-parents de la narratrice, Juifs originaires d'Europe centrale, et leur phalanstère, point de départ d'une réflexion superbement libre sur la beauté de ceux qu'on nomme les « vieux » et sur le fait de vieillir soi-même. Ce récit, en forme de déambulation toute personnelle, est à l'image de son autrice : aussi drôle, lumineux que surprenant.
À lire – Agnès Desarthe, le Château des Rentiers, L'Olivier, 2023.
Lumière : Patrick Clitus Son : William Lopez Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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