poreuse tu reçois
et chaque geste devient celui d'une autre
morte l'enfant gazé
les fours les ongles les bouches s s'agglutinent à l'effroi
la survie pansent les souvenirs qu'il faut distribuer au monde
sublime poème qui enivre de ceux qu'il faut avaler quand la mise au monde signifie déjà la mort
une prière pour le paisible au bout des doigts
la consolation a remuer pour l'enfant là
celui à naître
et celui déjà
les mains aux nuages
Commenter  J’apprécie         40
Ton poème a surgi
de l’enfer
un matin où les mots t’avaient trouvée
inerte
au milieu d’une phrase
un enfer d’images
fouillant la poussière
des fourneaux
et les âmes
sans recours
réfugiées sous ton crâne
c’était après ce voyage
dont tu étais revenue
les yeux brûlés vifs
de n’avoir rien vu
rien
sinon des restes
comme on le dit
d’une urne
qu’on expose
le temps de se recueillir
devant quelques pelletées de terre
car la vie reprend
même sur des sols
inhabitables
la vie est la vie
et l’on apprend à placer
Auschwitz ou Birkenau
dans un vers
comme un souffle
insupportable
[…]
comme un appel
surgissant de la terre
ancestrale
lorsqu’elle se décide
à recracher ses entrailles
la douleur est un volcan
mal éteint
qui te secoue
jusqu’à la colère
tu ne reconnais plus
cette lave
jaillie de ton cœur sauvage
car la colère est l’énergie
désespérée de l’amour
tapi dans la douleur
et tu danses avec l’enfant
dans tes bras
tu danses
pour essouffler en toi
la petite voix d’oracle
toujours tentée
de prédire la poudre
et le canon
tu connais autant de mots
pour le malheur
que pour le miroitement
des fleuves
[…]
tu es humaine
et l’humanité ne demande
qu’à se réfugier
sous des phrases entendues
dès l’enfance
de l’art
lorsqu’on ne peut plus voir
Auschwitz se découper
comme une nature morte
sous un ciel d’un bleu
insupportable
le bleu est insupportable
chaque fois qu’il trahit
la mémoire
ce qui reste d’Auschwitz
est un décor
de banlieue
petites maisons en brique
parfaites
comme en ces temps
d’anciennes naïvetés
avec des draps sur les cordes
balancés
à la moindre brise
[…]
Et tu veux apprendre
à danser
sur la corde calcinée
des mots
te voici pur vouloir
pur dessein, détermination
violente
lancée
comme une flèche
ou un amour
trop vaste pour toi
te voici prête
à danser
par-delà ta peur
aveugle et sourde
aux craquements de tous les ciels
qui se sont cassés
depuis que tu sais lire
[…]
il faut des jardins
d’enfance
pour secouer le présent
sa combustion vive, sa fumée
en spirales
de sapin ou d’érable
le paysage qui dort
dans sa paix fragile
alors que monte dans tes narines
l’odeur funèbre
des fours
te voici encore une fois
déformée
comme un personnage
de Francis Bacon
VLEEL Printemps des poètes 2022, L'éphémère avec cinq auteurs, éditions Bruno Doucey