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3,49

sur 1406 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Des personnages mystérieux, troubles et troublants, comme des ombres dans un tableau. On ne sait pas grand-chose d'eux, et pourtant ils nous attirent. On ne connaît même pas le prénom du petit garçon. La mère, Anne Desbarèdes, est profondément marquée par le seul véritable événement du roman : le crime passionnel qui a eu lieu dans le bar juste en-dessous de l'appartement du professeur de piano de son fils. Tous les jours, elle va revenir avec son enfant dans ce bar, où elle parlera des heures durant avec un jeune ouvrier : ensemble, ils réécriront inlassablement, chaque jour, l'histoire des deux amants, la femme assassinée par l'homme, et l'homme devenu fou après son crime. Et sans s'en rendre compte, Anne Desbarèdes sombre lentement dans l'alccolisme. Un récit court aux dialogues brefs, en apparence anodins, où les intrigues entremêlées ne trouveront aucune issue (celle de la relation entre Anne Desbarèdes et le jeune homme, celle du crime passionnel dont au final le lecteur ne saura jamais rien) : un roman sombre sur le vide, sur l'abandon de soi, sur l'ennui et l'échec de deux vies qui ne trouvent pas leur chemin, un roman qui n'a absolument rien de "modéré et chantant" comme l'annonce pourtant le titre.

Marguerite Duras établit à travers ce roman un dialogue muet entre son texte, ses personnages et son lecteur. C'est au lecteur de comprendre où elle veut en venir, à lui encore d'essayer d'interpréter tous les non-dits, de pénétrer le texte et de trouver, s'il le veut, une issue à cette histoire. Si peu de pages qui continuent pourtant d'habiter le lecteur longtemps après avoir refermé le livre...

J'ai reçu ce livre en format audio via une masse critique organisée par Babelio : je remercie babelio et les éditions Thélème, c'est une belle découverte. J'ajoute également, concernant le livre audio lu par Pauline Huruguen, que la lecture était agréable, Pauline Huruguen a vraiment bien saisi la tonalité du texte et su rendre à la perfection le style de Marguerite Duras, ce ton détaché et profond qui marque l'auditeur tout au long de cette lecture... Merci à elle aussi, donc.
Lien : http://excalibri.blogspot.fr..
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Le summum de la sophistication durassienne.

Une vraie leçon de musique, au propre -c'est le sujet- et au figuré -c'est l'habillage.

Un méchant critique, dont j'ai oublié le nom disait - du film ou du livre, je ne sais plus :"Moderato cantabile c'est enormato emmerdabile'.

C'est drôle, mais il avait tort.

On peut se laisser porter par cette leçon de musique sans autre plaisir que celui de s'abandonner au flux et reflux des mots,

de se laisser submerger par ces gammes mécaniques ponctuant le drame des amours impossibles et des morts violentes,

de se laisser envoûter par la mécanique petite musique concoctée par Marguerite.
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C'est le récit d'une passion amoureuse, mais qui laisse une impression étrange par l'absence de monologues intérieurs. Nous ne savons rien des pensées d'Anne Desbaresdes, la bourgeoise, et de Chauvin, le prolo. Tout se dessine à travers leurs longs dialogues entrecoupés de rasades de vin, leurs rencontres régulières dans un café du port qui accueille tous les soirs les ouvriers des fonderies. Et ces dialogues sont étranges. On y parle d'amour, mais de manière indirecte. On parle d'un autre couple pour se couvrir, pour franchir l'obstacle invisible, l'obstacle social.
On a rarement aussi bien incarné la tristesse de la vie conjugale bourgeoise. le désespoir bouleversant d'Anne Desbaresdes est celui de la femme bourgeoise. On mange du saumon, on vit dans de belles maisons, on porte de beaux bijoux, on donne des cours de piano à ses enfants, mais on ne vit pas en couple. Seul l'enfant aime, aime parce que l'éducation bourgeoise ne l'a pas encore détourné de cet amour filial, mais que les terribles leçons de piano finiront par faire plier, moderato cantabile, pour qu'il devienne lui aussi, le représentant docile d'une caste sûre de ses valeurs et de sa force.
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Comment expliquer la tension profonde ressentie à la lecture de ce petit livre où il ne se passe presque rien ? Une mécanique absurde semble être mise en marche. Un homme tue une femme dans un bistrot. Un autre homme et une autre femme prennent leur place. Tout le roman tend vers cette mort absurde qui finalement n'a pas lieu (pas encore ? peu importe).

La mort dans ce texte est autre chose que le sang versé. C'est la mort sociale, l'adultère esquissé dans la "pose mortuaire" des mains qui se touchent et des lèvres qui s'atteignent. La tension vers la mort qui traversait le livre, la volonté d'Anne Desbaresdes de comprendre cette femme qui a accepté d'être assassinée, le rapprochement incompréhensible de deux êtres égarés, dépressifs sans doute, le devenant, sombrant dans l'alcoolisme, aboutit à l'amour, esquissé, mortel. L'enfant qui occupait toute la place disparaît, meurt textuellement.

Il y a dans la lecture de Moderato cantabile quelque chose de décevant et c'est ce quelque chose de décevant qui rend le roman passionnant. Un homme et une femme vivent devant nos yeux leur histoire, absurde peut-être, tragique sans doute, mais nous ne comprenons rien à cette histoire. Qui est le narrateur de ce roman ? L'enfant ? La patronne du café, seul témoin des rencontres, regard indifférent sur le drame qui peut-être a lieu ?

Moderato cantabile est sans doute un roman sur l'impossibilité radicale de saisir ce qui se passe au coeur de l'esprit humain, sur l'absence totale et définitive d'explication rationnelle aux actes que nous accomplissons. Anne et Chauvin ne parviennent pas tout à fait à comprendre les raisons de l'assassinat du début du roman comme nous ne parvenons pas tout à fait à comprendre les raisons de leurs rencontres quotidiennes, de leur amour mortel qui n'aboutit pas à l'assassinat. Aucun mystère. Rien que les faits, nets, précis, absurdes et mécaniques, présents, et ce sentiment oppressant que nous ne pouvons qu'échapper à nous-même.
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Un homme, une femme, l'amour, la mort, la langueur, le désir, un meurtre au dehors, des non-dits et des histoires ébauchées dont on ne saura rien, le silence troublé juste par moments par quelques notes de piano... Déroutant, calme et puissant... du Duras pur jus! Pas mon préféré de la grande dame cela dit, mais quand-même un ouvrage de référence. A lire sans rien attendre, juste en savourant la force des mots et leur musique! Petit régal!
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Ouh là, c'est du lourd !
J'en suis encore toute retournée.
Ceux qui me suivent savent que je fais en ce moment une cure de Marguerite Duras, en même temps que la lecture d'autres livres (il faut bien, boulimique de livres, ma PAL va bientôt s'écrouler, mais il y a tant de choses intéressantes à lire en moment !).
J'avais été un peu déçue par Hiroshima mon amour, désorientée serait le terme le plus juste.
Là, point de tergiversation : c'est un livre exceptionnel.
Une histoire d'amour floue, étonnante, aberrante.
Tant par son fond que par sa forme.
Très étrange par ailleurs.
On retrouve les thèmes chers à Duras ; la mer (mère), le crépuscule, soleil couchant qui ombre le café, l'alcoolisme, l'amour naissant, la vacuité de la vie, les répétitions, l'enfance, l'amour qu'Anne porte à son petit garçon (très touchant son désir qu'il grandisse vite...).
J'aurai bien vu ce livre plutôt au théâtre, avec ses répliques bizarres et comme décor le café et la maison d'Anne, bourgeoise qui s'ennuie ferme dans sa prison dorée. D'ailleurs, le chapitre pendant la réception où elle arrive en retard est criant de vérité. Elle n'est manifestement pas à sa place et pas heureuse.
Roman étrange donc, difficile à cerner.
Les dialogues sont décousus, chacun parle à l'autre sans véritablement l'écouter, ce qui donne à l'ensemble quelque chose de bizarre. Comme une étrangeté. Chacun suit son idée, et passe très souvent du coq à l'âne.
On ressent bien l'ennui, la vacuité de la vie d'Anne, par contre Chauvin a une obsession : épier et espionner Anne, ce qu'il lui avoue d'ailleurs rapidement. Mais finalement, Anne aussi a une obsession : le meurtre de la femme au début.
L'alcoolisme est omniprésent durant tout le roman, essentiellement du vin. En grande quantité, des le début de la rencontre.
Cela donne un roman comme je n'ai jamais lu, avec un style épuré, une distanciation évidente, des dialogues parfois absurdes, comme si Duras n'était plus maître de son livre, mais que les personnages lui forçaient la main, comme si elle était totalement étrangère à son roman. Comme si elle s'etait mise de côté. Je comprends la perplexité des critiques de l'époque.
Elle dit sans dire, elle écrit sans écrire, elle déconstruit le roman, elle nous offre une lecture vide, et pleine à la fois.
Je peine à raconter ce que je ressens, mais cet ennui, cette vacuité sont bien réels pourtant.
Quelle prouesse ! Quelle originalité !
Sacrée Marguerite.
Elle m'épatera toujours.

PS : allez hop, maintenant, en route pour le Ravissement de Lol V.Stein.

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C'est difficile d'écrire une critique à propos de ce roman au charme indéfinissable.On ferme la dernière page avec la sensation d'avoir regardé un court métrage: deux personnages sont inéluctablement happés l'un part l'autre, fascinés, éblouis… on sent la chaleur précoce du printemps, on ressent les regards pesants des clients du café, on éprouve l'ivresse produite par le mauvais vin. On se sent spectateur aussi, un peu voyeur .
L'écriture maîtrisée et précise de Marguerite Duras permet tout cela…c'est une lecture intéressante, et surtout très différente de ce que j'ai pu lire depuis quelque temps. Ça ne fait pas de mal de sortir de sa zone de confort !

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Je reprends le parallèle bartokien de Claude Roy, évoqué par l'ami Andras à qui je dois en grande partie cette lecture (je l'en remercie), et je pense que Bartok illustre parfaitement la caractéristique de l'écoute musicale définie par Daniel Levitin (que je viens de lire) : une dialectique entre anticipation d'une structure mélodique reconnue et sa violation qui provoque la surprise. J'adhère également à l'idée que la lecture préalable de le Square est presque une condition nécessaire pour la reconnaissance de la mélodie de Moderato cantabile.
Quels sont donc les éléments reconnaissables ?
D'abord le petit garçon. Ici cependant, le fils d'Anne Desbaresdes possède des fonctions narratives beaucoup plus développées que la simple interruption du dialogue entre l'homme et la femme et le rappel à celle-ci des obligations du réel. L'enfant et la contrainte sociale de la leçon de piano qui lui échoit, les réactions fines de Madame Desbaresdes face à la violence de la pédagogie de Mademoiselle Giraud dénotent d'emblée le premier aspect du bovarysme d'Anne. Surtout, il est extrêmement significatif que la chute du roman, l'ultime aspect de ce bovarysme, advienne lorsque la mère a cédé à l'injonction de la prof de piano et que le garçon n'est pas là.
L'incommunicabilité des motifs du dialogue, et son caractère elliptique. Dans ce roman, on croit longtemps avoir affaire à un dialogue de sourds, qui ne serait éventuellement qu'un prétexte à l'ivresse : Anne Desbaresdes s'obstine à demander à Chauvin les mobiles de l'assassinat de la jeune femme, Chauvin à lui parler, avec une jalousie de classe à peine dissimulée, de la villa où elle habite et de son jardin. Ce n'est qu'à la moitié du roman que l'on commence à apercevoir un premier aspect d'identification d'Anne avec la morte, alors même que, subtilement, son questionnement porte davantage sur l'intentionnalité (suicidaire assistée, pour ainsi dire) de celle-ci ; de son côté, progressivement, Chauvin révèle son véritable voyeurisme à l'égard d'Anne, et les indices qu'il livre ou invente sur la personnalité de la femme assassinée (alcoolique, adultère...) suggèrent ou renforcent l'identification d'Anne, de façon assez perverse et culpabilisante. Son dessein n'apparaît qu'à la chute, qui, comme dans le Square, reste cependant ouverte :
« - Je voudrais que vous soyez morte, dit Chauvin.
- C'est fait, dit Anne Desbaresdes. » (p. 123).
La critique sociale. Sourdant uniquement des propos des deux protagonistes dans le Square, en particulier de la bonne qui était témoin de la vie de la bourgeoisie, dans ce roman elle est critiquée par la description de l'auteure davantage que par les mots de Chauvin, en particulier dans le très bel avant-dernier chapitre, le VII, où il est question du dîner chez les Desbaresdes, avec sa synecdoque autour du saumon et de canard à l'orange. Sous ce même point, je place l'habileté des noms des personnages et leur usage : ainsi la protagoniste est invariablement nommée par son prénom et nom, ce qui produit un effet de longueur et une assonance qui sonnent juste, alors que de l'ouvrier chômeur, prophétiquement nommé Chauvin, nous n'apprenons le nom qu'en même temps qu'il est reconnu par elle...
Enfin le titre du roman est une antiphrase évidente – ni moderato ni a fortiori cantabile. le petit garçon a bien raison de refuser de mémoriser ces mots !
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Moderato Cantabile ou Maux des râteaux, quand t'as bilé !? Modéré & chantant !

Ici il s'agit d'un homme & d'une femme complètement étrangers l'un pour l'autre, qui se retrouvent tous les jours dans un café autour de verres de vin, qui parlent d'un autre couple, lui inventent une histoire, qu'ils voudraient peut-être la leur. Une rencontre qui se clôt par un simple baiser & des mains qui se frôlent.
C'est tout. Et c'est tragiquement beau !

L'important dans ce livre ce n'est pas tant ce qui arrive, mais que ça arrive !

Jamais déçue de Duras, qui dit sans dire, écrit sans écrire, tisse sans emmêler, fait sans défaire, déconstruit le roman & offre une lecture entre vide & trop plein. Des êtres paumés, en mal d'amour, en mal de vie, des silences, une atmosphère terriblement bien décrite des cafés, des hommes de quai, du crépuscule qui vient, qui révèle les âmes en peine, leurs souffrances, leurs failles. Avinés, forcément. Magnifique.

Je peine à raconter ce que je ressens, mais ce spleen, ce vague à l'âme, cette vacuité sont bien réels. Il y a dans son écriture tout l'invisible qui me traverse, elle dit ce qui se passe entre deux êtres, sans le dire, aucune rationalisation m'est possible.
Tous ses livres évoquent des rencontres fugaces, qui illuminent & creusent la solitude à la fois ! Duras raconte des fragments d'existence & sculpte les ombres. Duras c'est l'enfoncement sans fin.
Et moi, je ne me lasse jamais !

À lire en écoutant la Sonatine de Diabelli comme fond sonore.
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Maman est au bout du roul', elle va au bistrot, s'envoie des godets à la vitesse de la lumière en tentant en vain de maintenir un air de pas y toucher et a très envie de se faire tringler.
Bon j'exagère un peu, mais même si c'était le cas, et alors? J'ai aimé, Marguerite écrit bien sur la déchéance de cette femme dans les années 50 qui n'en est pas moins touchante.
Ce qui me dérange, c'est la même chose qui m'avait dérangé dans l'Amant de la Chine du Nord, on dirait qu'il faut toujours que Marguerite Duras nous vende une histoire d'amour, d'une histoire qui n'en est pas , ça ne laisse pas de place au doute.
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