Comme maître Corbeau perché sur son arbre, après avoir lu
"je ne suis pas sortie de ma nuit", j'avais ouvert un large bec et juré que l'on ne m'y reprendrait plus.
Un peu tard, me direz-vous !
A cela je vous répondrai, sans hésitation aucune, que pierre qui roule n'amasse pas mousse et qu'un tien vaut mieux que deux tu l'auras ...
"La place" est un livre écrit, en 1983, par
Annie Ernaux et qui a obtenu le prix Renaudot en 1984.
Le même prix qui entre autres avait autrefois récompensé
Marcel Aymé et sa superbe "Table aux crevés", "voyage au bout de la nuit" de Céline et "
les beaux quartiers" d'
Aragon.
Que voulez-vous ?
Comme disait un vieux paysan de ma connaissance : "il y a des années à pommes et d'autres non" !
"La place", à l'aveu même de son autrice, est un livre de fracture, de trahison et de non-style.
Tout, ou presque, lui aura manqué pour être un bon livre, ce même bon livre qui a été récompensé et encensé.
C'est qu'une certaine confusion y règne.
Certains y ont vu un hommage au père, d'autres une offense impardonnable aux origines modestes.
Habileté d'autrice ou maladresse d'écrivaine, la description est contradictoire à souhait.
Comme chacun de nous, à l'intérieur de lui-même me direz-vous.
Certes !
Mais le sujet de "la place" n'est pas vraiment ce père aux manières trop frustres, non, le personnage principal en est le "malaise" d'
Annie Ernaux.
Alors, c'est acté, ce livre, pierre angulaire de l'oeuvre, reposera sur une prétendue "auto-sociologie" qui va faire des émules et des dégâts dans les rentrées littéraires à venir.
Ce livre, "la place", est glacial.
Je n'y ai pas pas trouvé deux sous de sensibilité, ni d'empathie : l'oncle y devient "le frère de mon père" et le fils de l'autrice y est même nommé "l'enfant".
Que Dieu me savonne et que tonton me pardonne !
Mais qui fait ça ?
Par contre, j'ai cru discerner une réelle volonté de choquer par l'impudeur, une impudeur à la fois physique et morale.
Il y a quelque chose de gênant dans cette littérature qui veut s'imposer par sa désespérance indécente.
Impudeur inconvenante ou fine analyse psychologique et littéraire, l'ouvrage est écrit dans un style qui n'en est pas un, il est rédigé.
C'était la volonté même de l'autrice.
Le malheur, c'est qu'aux rares passages où cette dernière décide de se lancer dans de petites prouesses de style, elle y devient aussitôt inintelligible et inaudible.
De plus, dans le récit à proprement parler, quelques petites choses m'ont paru artificielles et comme invraisemblables à moi qui suis normand, et dont le grand-père était né en 1898 : une fille et son mari qui dorment dans le lit du père mort, un officier de marine pas fier, l'oeil petit bourgeois qui choisit plus soigneusement l'arrière-plan d'une photo, un sacristain qui fait faire à l'église un deuxième tour de condoléances, la recette du mercredi précédent restée dans la salopette du père alité ...
En Normandie, allons-donc !
1901 :
Sully Prudhomme
1915 :
Romain Rolland
1921 :
Anatole France
1937 :
Roger Martin du Gard
1947 :
André Gide
1952 :
François Mauriac et 1957 :
Albert Camus
1960 :
Saint-John Perse et 1964 :
Jean-Paul Sartre
1985 :
Claude Simon
2000 :
Gao Xingjian
2014 :
Patrick Modiano
2022 :
Annie Ernaux
Que Dieu me savonne et que le bison me pardonne !
Qu'est-ce qui s'est passé ?
A quel moment ça a merdé ?
La notion d'ombre et de lumière est forte, toutefois posons-nous la bonne question : qui sommes-nous pour dire ce qui est bon ou mauvais ?