AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070419227
147 pages
Gallimard (30/11/-1)
3.63/5   89 notes
Résumé :
Après Journal du dehors, des petits riens de l'existence (de 1985 à 1992) couchés sans maniérisme, La Vie extérieure (1993-1999) peut être considérée comme une suite, avec les mêmes fragments de réalité sèche.

Il s'agit à nouveau de notes, plus qu'un journal intime, qui présentent des scènes de la vie de tous les jours "comme des traces de temps et d'histoire, des fragments du texte que nous écrivons tous rien qu'en vivant". Sculpté dans le réel, le t... >Voir plus
Que lire après La vie extérieureVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Poursuivant son recueil de notes et d'impressions quotidiennes entamé dans Journal du dehors – moins d'ailleurs dans l'idée de tenir un journal que de nourrir de futurs écrits – Annie Ernaux relate ses impressions de fin de siècle dans La vie extérieure.

Instantanés, fulgurances, étonnements ou amusements, ces moments de vie tournent autour du quotidien des « vrais gens de la vraie vie » (hypermarché, RER, quartier, vêtements…) mais aussi de politique, de société et des fossés qui se creusent.

Alors apparaissent ces marqueurs d'une époque que furent SOS Racisme, le conflit des Balkans, la téléréalité, Monica Lewinsky, Mazarine, Eltsine, l'attentat de Saint-Michel ou Monseigneur Gaillot.

Un livre qui parlera davantage à celles et ceux qui ont vécu l'époque ou qui sauront l'intégrer à sa juste place au coeur de l'immense oeuvre de la grande dame.
Commenter  J’apprécie          210
La Feuille Volante n° 1080
JOURNAL DU DEHORS et LA VIE EXTÉRIEURE - Annie Ernaux – Gallimard.

De 1985 à 1992, puis de 1993 à 1999, Annie Ernaux a choisi de livrer à son lecteur tout ce qu'elle a vu dans son quotidien à Cercy où elle habite. Ce sont des instantanés , des scènes, des paroles, saisies dans le RER, dans les gares, dans les supermarchés, dans la ville. Bref de courts textes qui peignent une ambiance, des impressions fugaces que le quotidien citadin nous assène sans même que nous nous en rendions compte. Je ne suis pas vraiment familier des romans de cette auteure mais il me semble qu'elle a fait de sa vie personnelle et même intime la nourriture de sa création littéraire. Ici, c'est certes sa vie avec parfois ses vieux démons obsessionnels qui ressortent qu'elle évoque mais surtout ce qu'elle voit, l'extérieur qui contraste quelque peu avec les récits qu'elle nous donne à lire ordinairement. Elle laisse traîner un oeil attentif, parfois voyeur, parfois inquisiteur, avec alternativement indifférence, compassion, méchanceté ou détachement, comme un témoin muet et parfois lointain qui ne voudrait pas prendre parti mais qui se contente de percevoir ce qui se passe autour d'elle et d'en rendre compte avec des mots. C'est soit le quotidien banal des petites gens, des quidams, les relations avec leur famille ou ce qu'il reste de ceux qu'on appelle, souvent à tort, les grands de ce monde, parce que, leur pouvoir évanoui, il ne reste plus rien que des souvenirs qui contrastent avec tout ce qu'ils disaient vouloir faire ; ils se sont constamment cachés derrière des apparences et elle dénonce leur mépris et leur imposture.Elle évoque le monde du travail, ces petits boulots qui permettent de survivre et surtout ceux qui tendent la main parce que la richesse ou la sacro-sainte croissance les ont oubliés ou encore ceux qui aussi ont choisi de leur faire un pied de nez, ceux qui n'ont pas la bonne couleur de peau ou la bonne manière de s'habiller et qui ne répondent pas aux codes de la société. Elle concentre son regard sur leurs yeux, parfois vides, parfois artificiellement enjoués parce l'humour est aussi une arme et qu'on peut rire de tout, même de la misère. Elle lit les graffiti qui fleurissent sur les murs ou sur les trottoirs qui sont le témoin de la peur ou du désir, ils sont autant d'aphorismes philosophiques qui invitent à la réflexion sur une vérité qui dérange, l'égoïsme ordinaire, le mépris ou à la passivité des passants pressés. Ce sont des visions fuyantes d'un monde ordinaire, bien banal où il ne passe rien que de très dérisoire, avec ses erreurs, ses fantasmes, ses apparences trompeuses, des scènes d'un théâtre où la comédie le dispute à la tragédie surtout quand le métro est ensanglanté par des attentats. C'est vrai que, contrairement à tout ce qu'on va racontant, le destin est injuste, la vie n'est pas belle quand elle s'habille de sang et de crasse, que cela se passe à Paris ou à Sarajevo, elle est bien plus souvent déprimante, dure et sans merci . Parfois l'auteure conclut par un apophtegme bien senti, genre philosophe désabusée, cherchant un sens partout et n'en trouvant pas toujours. Elle note, écoute, laisse aller son regard vers l'extérieur, dit que l'émotion que lui prêtent les gens du quotidien. J'ai lu ces deux ouvrages avec une impression de solitude et de peur qui caractérisent nos sociétés occidentales et ce malgré le « vivre ensemble » dont on nous rebat les oreilles, malgré toutes ces manifestions publiques de solidarité...
Le «  Journal du dehors » (publié en 1993) rend compte des impressions de l'auteure de 1985 à 1992 et « La vie extérieure » (publié en 2000) reprend le même thème, mais pour les années 1993 à 1999, gommant, selon elle, certaines omissions, avec cette remarque qu'elle a l'impression que ce n'est pas elle qui les a écrits alors que, plus que tous les journaux intimes, ces scènes lui ressemblent et paraissent dessiner sa propre histoire. Ce dernier recueil est présenté sous forme d'éphéméride et insiste davantage sur la vie qui change les choses et les gens, le temps qui passe, le tout au quotidien où elle vit à Cergy, en banlieue. le style, toujours fluide et agréable procure un bon moment de lecture.
Ces textes, courts et en prose sont comme des clichés photographiques pris au hasard de la vie. Ils me rappellent les poèmes de Georges-Léon Godeau qui savait si bien rendre ce qu'il voyait en y mettait un zeste ce sensibilité personnelle. En lisant les textes d'Annie Ernaux, il me vient aussi à l'esprit une citation de Victor Ségalen « Voir le monde et, l'ayant vu, dire sa vision ».

© Hervé GAUTIER – Octobre 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com
Commenter  J’apprécie          70
Comme tout grand écrivain qui se respecte, Annie Ernaux à l'habitude de prendre des notes au fil de l'eau sur CE et CEUX qui l'entourent.
"La vie extérieure" n'est pas un journal intime mais le journal d'une époque, celle des années 1990. Ce sont les traces d'un vécu et je vois que le choix de parler de telle ou telle chose n'est pas un hasard.
Ce livre n'est pas vraiment la suite du "Journal du dehors" (1985-1992) car la publication n'était pas préméditée mais c'est dans le même esprit et dans la continuité chronologique.
Les années forment des chapitres à partir de 1993, année de naissance d'un de mes fils, ce qui ne le laisse pas insensible. Ils concernent les années 1993 à 1999, à l'aube du changement de siècle.
Beaucoup de scènes se passent à Cergy, la ville nouvelle où elle habite et fait ses courses (souvent à Auchan) et prend le RER, lieu propice à l'observation. Car elle sait regarder autour d'elle et ce qu'elle voit souvent c'est la misère sociale et les nombreux SDF ou personnes qui font la manche. Dure réalité.
On est encore à l'époque des francs, dans les années sida et de la guerre des Balkans. le regard aiguisé d'Annie Ernaux est donc aussi politique. Elle raconte les interventions des gouvernements quand François Mitterrand puis Jacques Chirac sont à la présidence de la République mais aussi son engagement féministe, contre le racisme ou l'annonce d'une trop faible condamnation de Papon par exemple.
D'autres personnalités des années 1990 sont citées parce qu'elles ont marqué l'époque, en raison de leurs morts (Jeanne Calment, Diana) ou leurs actions (Taslima Nasreen, Jacques Gaillot).
Ces textes donnent envie d'écrire la vie extérieure pour garder les traces des choses que l'on a vécues car comme Annie Ernaux écrit "Le récit est un besoin d'exister".


Challenge Riquiqui 2022
Challenge XXème siècle 2022
Challenge ABC 2022-2023
Challenge Nobel illimité
Commenter  J’apprécie          110
Comme elle l'avait fait dans le Journal du dehors, Annie Ernaux nous livre des bribes d'existence, des moments pris sur le vif, réflexions sur l'actualité ou simples instantanés de la vie quotidienne. Consignées entre 1993 et 2000, ces observations portent tantôt sur des faits parfaitement anecdotiques, tantôt sur les drames qui marquent l'époque, guerre de Bosnie, bombardement de la Serbie. Il y a là comme une tentative désespérée de sauver les instants vécus. "Relisant ces pages, je m'aperçois que j'ai déjà oublié beaucoup de scènes et de faits. Il me semble même que ce n'est pas moi qui les ai transcrits", écrit l'auteure. Elle consigne le réel comme preuve, elle matérialise les choses vues, donne une existence tangible aux gens croisés en chemin, témoignage dérisoire et à l'utilité fugace et incertaine. C'est touchant parce que l'exercice nous renvoie à notre propre existence, traversée avec si peu de conscience de ce qui nous entoure.
Commenter  J’apprécie          50
Journal du dehors” et ”La vie extérieure” d'Annie Ernaux. 15 ans de notations régulières, d'instants de vie, d'observations fines, humoristiques ou graves du quotidien parisien entre 1985 et 1999. Guerres du Golfe et de Bosnie, passants et médecins, sans-abris et étudiants, scènes de centres commerciaux et de métro, manifestations et faits divers, émissions culturelles et politiques, se côtoient et se télescopent avec justesse, cynisme et désillusion.
Commenter  J’apprécie          80

Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Dire " SDF", c'est désigner une espèce sans sexe, qui porte des sacs et des vêtements défraîchis, dont les pas ne vont nulle part, sans passé ni avenir. C'est dire qu'ils ne font plus partie des gens normaux.
Commenter  J’apprécie          240
19 janvier 1996
Histoire à jouer, datant déjà de l’année dernière.
On dispose une paire de chaussures sur le sol, devant l’auditoire, des chaussures montantes, si possible. On glisse une cigarette allumée à l’intérieur d’un soulier en ayant pris soin de tirer une bonne bouffée afin de provoquer une fumée abondante. S’offre donc à la vue de l’auditoire une paire de chaussures d’où s’échappe de la fumée et l’on demande : « Qu’est-ce que c’est ? ». Flottement dans l’assistance, ricanements interrogateurs. On dit alors, « c’est un mec qui attendait le bus à Sarajevo ». Cette histoire provoque une vive hilarité, mais à la condition qu’elle soit mise en scène : il faut absolument voir la chaussure d’où sortent de légères volutes. En une seconde – le temps qu’il faut à une grenade – on voit l’homme volatilisé, des ruines, la paire de grolles se change en symbole atroce. On ne peut supporter une telle métamorphose sans hurler de rire.
Ecrire cette histoire n’est peut-être pas la pire façon de ne pas oublier la guerre en Bosnie.
Commenter  J’apprécie          40
La sensation du temps qui passe n'est pas en nous.Elle vient du dehors, des enfants qui grandissent, des voisins qui partent, des gens qui vieillissent et meurent.
Commenter  J’apprécie          282
7 mars 1997
La fermeture des usines Renault à Vilvorde, en Belgique, entraîne la première grève européenne. Au même moment, la Bourse continue de « s’envoler » (l’image même est charmante, légère, alors que les mots pour les chômeurs sont pesants, « frappés », « menacés »). En clair, cela veut dire que des hommes sont rayés d’un trait pour que d’autres, les actionnaires, s’enrichissent. A la limite, la mort des uns pourrait être acceptée pour que d’autres y trouvent leur compte. On nous montre les ouvriers licenciés, jamais les actionnaires, invisibles, comme l’argent.

A Cuba, des enfants louent leurs jouets à d’autres enfants.
Commenter  J’apprécie          50
16 novembre 1993
Dans Le Monde, ce titre : « Le tribunal international sur les crimes de guerre n’est pas soutenu par une réelle volonté politique ».
Il existe quarante mille documents sur les exactions commises en Bosnie. Quatre cents camps de concentrations et de détention, quatre-vingt-dix-huit fosses communes contenant près de trois mille corps, et trois mille victimes de viols ont déjà été recensés. Mais, selon M. Bassioni, le risque de perte des preuves augmente avec le temps. La perte des preuves est l’un de nos principaux soucis. »
Écrire cela, et tout ce que j’écris ici, comme preuve.
Commenter  J’apprécie          50

Videos de Annie Ernaux (95) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Annie Ernaux
En 2011, Annie Ernaux a fait don au département des Manuscrits de la BnF de tous les brouillons, notes préparatoires et copies corrigées de ses livres publiés depuis "Une femme" (1988). Une décennie et un prix Nobel de littérature plus tard, elle évoque pour "Chroniques", le magazine de la BnF, la relation qu'elle entretient avec les traces de son travail.
Retrouvez le dernier numéro de "Chroniques" en ligne : https://www.bnf.fr/fr/chroniques-le-magazine-de-la-bnf
autres livres classés : journalVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (217) Voir plus



Quiz Voir plus

Connaissez-vous vraiment Annie Ernaux ?

Où Annie Ernaux passe-t-elle son enfance ?

Lillebonne
Yvetot
Bolbec
Fécamp

10 questions
292 lecteurs ont répondu
Thème : Annie ErnauxCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..