Il est difficile de résumer un journal intime.
René Fallet est connu pour ses romans populaires (et non "populistes" comme il détestait qu'on les nommât). Entre les phases d'écriture intensive, par exemple, il est capable de boucler un roman en trois semaines,
René Fallet court la gueuse, tombe amoureux, ça le fait souffrir et un nouveau roman est en route. C'est le cas de "
l'amour baroque", rupture douloureuse avec une certaine Else. Il semble que Agathe, sa femme légitime soit au courant et accepte son René tel qu'il est. Il est sans cesse malheureux sans raison apparente et soigne son mal de vivre dans l'alcool et des cuites mémorables qu'il partage avec celui qui le suit dans les courses de vélo,
Antoine Blondin.
Anarchiste dans l'âme, il ne vote pas, ne sachant se situer politiquement mais surtout ne trouve pas un parti qui lui agrée, préférant faire avec ses propres contradictions.
Au début de ce journal (1962), il rame encore un peu et il attend en 1964 le prix Interallié comme un lycéen attend les résultats du bac. Et puis, c'est la consécration, grâce à "
Paris au mois d'août" qui le met à l'abri du besoin, surtout après l'adaptation en film du roman par Granier-Deferre. (Je viens de revoir ce film, c'est ringard au possible. L'actrice qui jour Pat est délurée, surjoue l'anglaise fofolle qu'elle n'est pas dans le roman).
Il n'est pas plus heureux riche. Bien sûr il reste les copains -dont le premier est Brassens -, la pêche à la truite, ses auteurs fétiches (
Léautaud, Renard,
Cendrars,
Hemingway, Rimbaud) et le Tour de France. Mais René -comme disait Ferré – est un "trafiquant d'amour" et il lui faut la conquête des femmes, c'est presque une fatalité.
Dans tout ce journal, loin d'être écrit tous les jours et il va s'amenuisant vers la fin de sa vie, il reste deux pages pour l'année 1983, année où il meurt. Brassens venait de le quitter en 1981 et René se résolvait à aller le rejoindre.
Heureusement, comme toute personne hantée par l'amour, la mort et le désespoir, il y a beaucoup d'humour et de bons mots dans ce journal et l'on rit presque à chaque page tournée.
De même qu'il est impossible de résumer un Journal intime, il est aussi difficile de noter toutes les saillies de celui-ci. Il suffit, comme la Bible de l'ouvrir à n'importe quelle page et de méditer dessus.