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EAN : 9782848767765
197 pages
Philippe Rey (10/10/2019)
4.33/5   9 notes
Résumé :
Loin de l'image d'une ville-musée, Venise vibre de toute la gaieté italienne. Une douceur, un plaisir de vivre qui jaillissent des tableaux de Giambattista Tiepolo, de la musique de Vivaldi, du théâtre de Carlo Goldoni, des aventures de Casanova. Une dévotion aux sens à laquelle s'ajoute un esprit profondément républicain, ouvert au monde.
Dominique Fernandez nous raconte le glorieux passé de cette ville si singulière posée sur les eaux, décrit le développeme... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Le Piéton de Venise, avec ce titre en forme de pléonasme transalpin, voire d'euphémisme italien, ou d'une Sérénissime lapalissade Dominique Fernandez nous signe ici un livre érudit comme il en a le secret, un livre compagnon de voyage. Mais un voyage différent aux frontières de la littérature

Se promener dans Venise est un bonheur incomparable, parce que au lieu de songer à éviter les autos, on n'a que le souci de ne pas déranger les chats, les enfants.
Par nature et donc par défaut, toutes les rues y sont piétonnières : le modèle, en effet, qui s'impose aujourd'hui à nos villes asphyxiées par la circulation automobile. Surprise, donc : cette ville qu'on dit tournée en arrière, périmée, morte, montre aux jeunes municipalités le chemin à suivre, l'échantillon d'un urbanisme intelligent et hardi.
Et en guise d'artère vitale il y a ce Grand Canal, et ses canaux qui sont autant de petits vaisseaux qui l'irriguent tout autant, et lui impulsent la vie.

L'eau. Glauque, noire, rouge, plombée. La matrice originelle de Venise. Un limon boueux, une épaisseur liquide. On oublie trop, devant l'élégance des palais, le cisèlement des architectures, que cette ville est née de la fange, que ses fondateurs, fuyant les barbares qui envahissaient la terre ferme, se sauvèrent au milieu de la lagune, pour y trouver un refuge inaccessible aux Huns. Dédale de passes et d'îlots, à l'abri de la cupidité d'Alaric, d'Attila. Un refuge stratégique, mais peut-être aussi quelque chose de plus : une protection comme maternelle, dans cet élément pâteux, marécageux, souillé. L'eau de Venise n'est pas une eau claire : c'est une eau consistante, substantielle, une eau prénatale, plasmatique, une matière première. Plus matérielle, a-t-on envie de dire, que les arabesques aériennes découpées dans le marbre translucide des palais.

« Les canaux de Venise sont noirs comme l'encre ; c'est l'encre de Jean-Jacques, De Chateaubriand, de Barrès, de Proust », écrit Paul Morand

Marcel Proust prétendait à raison qu'entrer dans San Marco, non pas seulement la basilique, mais la place tout entière et au-delà d'elle les calli rayonnantes qui convergent toutes vers la Piazza, c'était entrer dans la Merveille, autant dire dans l'enchantement. Bien avant le XVIIe siècle, les Vénitiens appelaient leur ville la santa città. Non pas seulement parce qu'elle était peuplée d'églises, de monastères et de campaniles, mais parce qu'elle donnait accès, dès lors qu'on se plaisait à la fréquenter, à une idée du Royaume.

Et c'est dans cette encre que Dominique Fernandez, écrit une page sublime, qui vient s'ajouter à tant de livres, et qui se fait le passeur du témoin de ce magnifique Éloge de Venise, de Luigi Crotto Cieco d'Hadria, prononcé pour la consécration du doge sérénissime de Venise Luigi Mocenigo, le 23 août 1570.

« Voici la ville qui, à tous, inspire la stupeur. Et j'ajouterai que toutes les vertus en Italie dispersées en fuyant la fureur des barbares ici se rassemblèrent, et, ayant reçu du ciel le privilège des alcyons, firent, sur ces eaux, de cette cité, leur nid. Et je conclurai ainsi : qui ne la loue est indigne de sa langue, qui ne la contemple est indigne de la lumière, qui ne l'admire est indigne de l'esprit, qui ne l'honore est indigne de l'honneur. Qui ne l'a vue ne croit point ce qu'on lui en dit et qui la voit croit à peine ce qu'il voit. Qui entend sa gloire n'a de cesse de la voir, et qui la voit n'a de cesse de la revoir. Qui la voit une fois s'en énamoure pour la vie et ne la quitte jamais plus, ou s'il la quitte c'est pour bientôt la retrouver, et s'il ne la retrouve il se désole de ne point la revoir. de ce désir d'y retourner qui pèse sur tous ceux qui la quittèrent elle prit le nom de Venetia, comme pour dire à ceux qui la quittent, dans une douce prière : Veni etiam, reviens encore. »

Je me suis toujours dit que déambuler dans Venise c'est sacrifier son sens de l'orientation sur l'autel du hasard. Avec Dominique Fernandez, c'est encore plus vrai et plus beau...
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Trois des grandes toiles de Tintoret ornent la Madonna dell’Orto, dont celle qui est sans doute son chef-d’œuvre absolu, Présentation de Marie au Temple. Déjà cité, ce tableau exerce un pouvoir hypnotique. On peut le contempler longtemps sans se lasser, car les différentes significations ne s’en découvrent que peu à peu. L’isolement de la fillette au sommet de l’escalier monumental frappe d’abord. Les mendiants à demi nus, à peine esquissés, étagés à gauche sur les marches, dans l’ombre, contrastent avec les femmes bien en chair, vêtues de somptueux atours et peintes en pleine lumière. À ces premières oppositions entre l’ombre et la lumière, la richesse et l’indigence, la foule et l’isolement, s’ajoute le contraste entre le pouvoir (incarné par le Grand Prêtre en tenue d’apparat qui accueille au sommet de l’escalier Marie) et l’humilité de la fillette qui monte vers lui d’un pas timide. Il semble que le peintre ait fait de cette toile un résumé à la fois de son inclination pour les pauvres et les démunis, et des tensions qui gouvernent le monde. Et que signifie cette flèche, pointée verticalement à côté de Marie ? Plus haute qu’un clocher et moins large qu’une pyramide, elle tient de l’un et de l’autre, si bien que le tableau est aussi un point de rencontre (de conciliation ou de conflit ?) entre l’Europe et l’Afrique, entre les chrétiens et les infidèles, entre les animaux de basse-cour et les chameaux du désert.
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« Et je fus bien émerveillé de voir l’assiette de cette cité, et de voir tant de clochers et de monastères, et si grand maisonnement, et tout en l’eau. » Cet émerveillement, éprouvé par Philippe de Commynes à la fin du XVe siècle, est toujours le nôtre. Tout ce qui a été écrit, à l’encre noire des canaux, où tant de célébrités ont trempé leur plume, sur Venise et le déclin de Venise, ne refroidit pas notre stupéfaction heureuse, chaque fois que nous découvrons, comme un mirage, comme un cliché, la cité fameuse posée sur la lagune.
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Comparons Titien et Michel-Ange, dont la longévité est semblable, et qui ont chacun, l’un à Venise, l’autre à Florence et à Rome, dominé leur siècle. Chez Michel-Ange, si libre qu’il ait été, on sent toujours l’effort « titanesque », le combat contre lui-même, la souffrance et le déchirement intérieurs, la beauté arrachée de haute lutte ; chez Titien, celle-ci coule de source, elle se répand sans obstacles, elle inonde d’une lumière naturelle quelque sujet qu’il touche.
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Le parallèle entre Tintoret et Titien est un des lieux communs de l’histoire de l’art et de la sociologie : au courtisan chargé d’honneurs, ami des rois et des doges, au virtuose des couleurs, qui les fait vibrer en de suaves harmonies, s’oppose le plébéien et le rebelle, dont les accents âpres et rugueux détonnent dans la Serenissima. Au chantre de la splendeur vénitienne fait pièce le prophète du déclin. Origine familiale, habitudes, style de vie, relations, tempérament, traitement de la lumière, vision du monde, tout les sépare. Titien fraterniserait avec Rubens, comme Tintoret avec Caravage.
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La première chose qui frappe le visiteur aujourd’hui, c’est une atmosphère, une légèreté, une douceur, une mollesse, qu’il s’explique d’abord par l’omniprésence de l’eau, le dédoublement des façades en reflets mobiles, le tremblement insolite de la pierre, avant de comprendre le secret de cette ville, qui est d’ordre moral.
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Arthur Dreyfus Journal sexuel d'un garçon d'aujourd'hui - éditions P.O.L: où Arthur Dreyfus tente de dire de quoi et comment est composé son livre "Journal sexuel d'un garçon d'aujourd'hui" et où il est notamment question d'intensité de vie et d'écriture, de rencontres sexuelles et de leurs retranscriptions, du désir et de l'amour, de la pulsion de mort, de sexualité gay et des 2300 pages du livre, de honte et de morale, de repentir et de rédemption, d'Emmanuel Carrère et de Michel Foucault, de Guillaume Dustan et de Dominique Fernandez, de Grindr et de plans, de vérité et d'intimité, à l'occasion de la parution de "Journal sexuel d'un garçon d'aujourd'hui" aux éditions P.O.L, à Paris le 19 février 2021
"il faut en finir avec le malheur d'être gay"
"Pendant quelques années, il m'est apparu impossible d'avoir ce qu'on appelle un rapport sexuel sans l'écrire."
+ Lire la suite
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