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EAN : 9782268052410
701 pages
Les Editions du Rocher (05/05/2005)
5/5   6 notes
Résumé :
Budapest,7 août 1945,Aron Gabor doit se rendre à l'ambassade d'URSS pour régler quelques détails au sujet de son dernier livre .Quelques détails seulement .Il ne reverra Budapest qu'en 1960
Ce livre vient dire le poids de la mainmise soviétique sur la capitale hongroise .Il dit aussi la survie face au monde concentrationnaire . Face à la Taiga . Et le retour aussi ,la sortie du camp ,un retour en Hongrie ,mais un retour à" l'Est de l'Homme ".Comme en Sibérie... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Un cri déchirant


Août 1945, Budapest, Aron Gabor est convoqué par l'ambassadeur soviétique. Il n'est pas inquiet, en tant que secrétaire général De La Croix rouge hongroise, ce n'est pas la première fois qu'il se rend à l'ambassade. S'ensuit une séquestration de neuf jours, suivie d'une arrestation. C'est le début de quinze années d'enfer.


« Il doit y avoir une erreur, les Alliés vont intervenir, il est tout de même un personnage important ».
Ce sont les premières réflexions de l'auteur. Elles seront suivies de milliers d'autres qu'il nous fait partager tout le long de son ouvrage. Très vite, deux personnes s'affrontent en lui : le Civil qu'il veut rester et le Forçat, celui qui a déjà accepté son sort et qui est prêt à tout pour survivre.

Dans la première prison, intervient la rencontre avec le professeur Savitzki, un "déjà" vieux condamné qui va lui donner les clefs pour survivre dans l'univers de Goulag. Il lui explique sa "théorie des grammes", selon laquelle, quoiqu'il arrive, un jour, tout prisonnier se renie pour quelques grammes de pain. le Civil refuse cette théorie alors que le Forçat l'a déjà admise.

Dans la seconde prison, celle des condamnés à mort, Aron Gabor va passer seize mois à l'isolement. Il est condamné à mort, ne le sait pas et ne saura jamais pourquoi il ne fut pas exécuté, ni pourquoi la condamnation sera ramenée finalement à cinq ans. Il va sombrer, approcher la folie, perdre quarante kilos : il fait quarante-deux kilos pour plus d'un mètre quatre-vingt. Son univers est réduit à ses discussions sans fin avec le Forçat puis avec Adolphe une araignée, Joseph le roi des mouches et Elise et Pierrot un couple de souris, animaux bien réels suivis bientôt de nombreux autres personnages totalement inventés mais dont il était certain qu'ils étaient bien présents et avec qui il dissertait des journées entières.

Après un long séjour à l'hôpital, c'est le départ pour le grand nord. Un camp de travail en pleine Sibérie, un coup de blizzard terrible, une épidémie de typhoïde qui fait 190 morts sur 250 détenus, de nouveau l'hôpital puis un jour, enfin, la libération tant espérée.

C'était sans compter sur le système soviétique qui va faire de lui un relégué pendant dix ans. Les conditions, au début, sont encore plus terribles que dans les camps. Il n'est rien, n'a rien, pas de travail, pas de logement, pas d'argent. Il survivra, deviendra un travailleur reconnu, récompensé par l'État soviétique et, contre toute attente, réussira à quitter la Russie.


Un récit intense, sans concession, ô combien tragique, d'un homme qui est revenu de là d'où si peu sont revenus. Cet homme a tout connu, il a approché la folie, s'est renié comme lui avait prédit le professeur, a fait même partie des bandits, ces droits-communs qui volaient les autres prisonniers. Il fut dur, avec lui-même mais aussi avec les autres, il a triché, menti, fut parfois sans pitié mais les faibles ne sont-ils pas depuis longtemps ensevelis dans la taïga ?

Un récit prenant que l'on ne peut quitter, surprenant aussi comme lorsque l'auteur, à la suite de différentes circonstances, passera pour médecin, puis comme conducteur de travaux et presque comme architecte. de son propre aveu, l'auteur finira par aimer ce pays aux conditions de vie si terribles. Ses petits printemps si agréables lorsque la température "remonte" à moins trente degrés….

Un récit étonnant dans sa narration car nous sommes continuellement dans l'esprit de l'auteur, nous luttons avec lui dans ses contradictions, ses questionnements, ses lâchetés, ses compromis, ses espoirs ou surtout ses désespoirs.

Un récit qui n'est pas sans rappeler, évidemment, les textes de Varlam Chalamov et ceux d'Alexandre Soljenitsyne mais qui donne une approche différente du fait que l'auteur ne soit pas russe. Il porte un autre regard sur le système concentrationnaire, sur le communisme et sur cette société russe gangrenée par la corruption et le mensonge. Aron Gabor était hongrois et quoiqu'il fit, pour les russes, il était et restait pour toujours un étranger, un "fasciste" hongrois.


Un témoignage essentiel et un livre immense qui donne à contempler, sans artifice, la nature humaine
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L'incroyable témoignage très détaillé d'un survivant des camps de concentration du Goulag, Aron Gabor, dans l'un des plus grands pays esclavagistes de l'Histoire de l'Humanité : l'U.R.S.S. (environ 20 MILLIONS de Russes innocents sont passés par le Goulag, et plusieurs MILLIONS y sont morts) !

Aron Gabor, Hongrois d'origine, et Secrétaire général de la Croix-Rouge Hongroise, tombe dans un piège à Budapest lors d'une invitation de l'ambassadeur d'URSS en 1945. En fait, il est séquestré puis kidnappé, emprisonné, interrogé et condamné à mort par les autorités Soviétiques.

En 1948 sa peine est commuée à 5 ans d'enfermement, il est alors déporté en wagon à bestiaux au camp de concentration du Kouzbaslag en Sibérie.

Là, il se trouve plongé dans l'enfer gelé de la Taïga Sibérienne par -40° ; revenu au niveau des conditions de survie de l'homme de Cro-Magnon.
Autour de lui, c'est une véritable hécatombe, les zeks (prisonniers) meurent :
– Aux travaux forcés : écrasés par des troncs d'arbres pendant leurs abattages, ou broyés entre les billes de bois lors des travaux de flottage ;
– de maladies : typhoïde, malaria, dysenterie, etc. ;
– D'épuisement ;
– de froid : gelés ;
– Fusillés ;
– Suicidés ou automutilés afin d'éviter les travaux forcés ;
– de faim : contre un travail de forçat, ils ne reçoivent que quelques centaines de grammes de pain par jour ;
– Etc.

Entre autres, l'auteur nous décrit un exemple des inhumaines conditions de survie dans le fin fond de la Taïga Sibérienne, page 246 :

« Ces hommes recommencent leur vie et ne considèrent rien d'autre que ce qui leur permet d'améliorer leur situation. le diamètre de leur vie est de cinq mètres : le feu. Il sèche les vêtements, donne de la chaleur pour la nuit, pourrait cuire les pommes de terre et le poisson, mais le lièvre aussi, tout ce qu'il faudrait, juste un fil de fer selon Yakoute. Un point de vue d'homme de Cro-Magnon ?
C'est le seul point fixe, si tu le dépasses, rien qui de ce qui a constitué ton ancienne vie, d'une civilisation supérieure, ne pourra te sauver. En cinq jours, nous avons reculé de cinq mille, cinquante mille ans. Nous sommes actuellement au point de départ : le feu, le poisson, le gibier, les racines. le début de l'existence de l'être humain. Qu'on allume le feu avec des allumettes ne fausse pas le tableau, car Yakoute peut le faire sans ça en cinq minutes. L'essentiel est que nos désirs doivent se limiter aux possibilités que nous offre notre environnement immédiat. Est-ce que tu as entendu aujourd'hui ou hier une seule remarque sur le fait que la forêt, désert frigorifié, est aussi abjecte que les fours crématoires de Hitler ?
Personne n'a parlé, pourtant eux, ils savent mieux que nous que nous sommes assis à seulement quelques mètres de la mort, par moins quarante degrés. Pas un seul n'affirme que c'est un acte honnête d'envoyer des centaines d'hommes dans la forêt gelée, mais ils ne discutent pas. Ils enregistrent qu'ils sont ici et ne peuvent pas aller plus loin que les traces de ski et les miradors. C'est leur espace vital. Pourquoi c'est ainsi ? En ce moment, la question n'a aucune importance et chercher la réponse équivaut à se demander pourquoi il ne fait pas chaud en Sibérie ».

15 ans après son arrestation, Aron Gabor finit par réussir à rentrer en Hongrie en 1960, puis à Munich pour y écrire en 1968 cette formidable oeuvre témoignage, avant de mourir en 1982.

Au point de vue idéologique, on retrouve cette ignoble utopie du totalitarisme communiste, qui consiste à dire que pour construire le communisme « le bonheur de l'humanité », il faut éradiquer l'ancien monde : bourgeois, capitaliste, impérialiste ; c'est-à-dire rééduquer ou exterminer le « peuple ancien » afin de créer le « peuple nouveau ».
Pour réaliser cette IDEOLOGIE, ce régime considère que la vie humaine n'a plus aucune valeur.

A la page 176, Aron Gabor présente simplement la distinction de degré despotique entre la dictature et le totalitarisme :

« Les dictateurs sont des novices à côté d'eux. le dictateur sait qu'il fait du mal, c'est en toute connaissance de cause qu'il fait souffrir le peuple. Mais les libérateurs dont je parle croient qu'ils font le bien, servent le bonheur de l'humanité, veulent la liberté. Ceux-là sont terribles. Il n'existe pas de parade contre eux. La morale, le croyance, l'idéologie sont leurs remparts ».

Confer également les précieux témoignages sur le thème du Totalitarisme, de :
Alexandre Soljénitsyne (L'archipel du Goulag) ;
Alexandre Soljénitsyne (Une journée d'Ivan Denissovitch) ;
Jacques Rossi (Qu'elle était belle cette utopie !) ;
Jacques Rossi (Le manuel du Goulag) ;
Evguénia S. Guinzbourg (Le vertige Tome 1 et le ciel de la Kolyma Tome 2) ;
Margarete Buber-Neumann (Déportée en Sibérie Tome 1 et Déportée à Ravensbrück Tome 2) ;
Iouri Tchirkov (C'était ainsi… Un adolescent au Goulag) ;
Boris Chiriaev (La veilleuse des Solovki) ;
Malay Phcar (Une enfance en enfer : Cambodge, 17 avril 1975 – 8 mars 1980) ;
Sergueï Melgounov (La Terreur rouge en Russie : 1918 – 1924) ;
Zinaïda Hippius (Journal sous la Terreur) ;
Jean Pasqualini (Prisonnier de Mao) ;
Kang Chol-Hwan (Les aquariums de Pyongyang : dix ans au Goulag Nord-Coréen) ;
Varlam Chalamov (Récits de la Kolyma) ;
Lev Razgon (La vie sans lendemains) ;
Pin Yathay (Tu vivras, mon fils) ;
Ante Ciliga (Dix ans au pays du mensonge déconcertant) ;
Gustaw Herling (Un monde à part) ;
David Rousset (L'Univers concentrationnaire) ;
Joseph Czapski (Souvenirs de Starobielsk) ;
Barbara Skarga (Une absurde cruauté) ;
Claire Ly (Revenue de l'enfer) ;
Primo Levi (Si c'est un homme) ;
Primo Levi (Les naufragés et les rescapés : quarante ans après Auschwitz) ;
Harry Wu (LAOGAI, le goulag chinois) ;
Shlomo Venezia (Sonderkommando : Dans l'enfer des chambres à gaz) ;
Anastassia Lyssyvets (Raconte la vie heureuse… : Souvenirs d'une survivante de la Grande Famine en Ukraine) ;
François Ponchaud (Cambodge année zéro) ;
Sozerko Malsagov et Nikolaï Kisselev-Gromov (Aux origines du Goulag, récits des îles solovki : L'île de l'enfer, suivi de : Les camps de la mort en URSS) ;
François Bizot (Le Portail) ;
Marine Buissonnière et Sophie Delaunay (Je regrette d'être né là-bas : Corée du Nord : l'enfer et l'exil) ;
Juliette Morillot et Dorian Malovic (Evadés de Corée du Nord : Témoignages) ;
Barbara Demick (Vies ordinaires en Corée du Nord) ;
Vladimir Zazoubrine (Le Tchékiste. Récit sur Elle et toujours sur Elle).
Lien : https://totalitarismes.wordp..
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livre énorme ! tout le monde connait la kolyma , l'archipel mais là , en plus de l'histoire du goulag , c'est une oeuvre tellement personnelle , vivante , chargée d'émotion . foncez .
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Tout ce qui leur restait de réel était ce qui se passait dans leur proximité immédiate. Le lendemain, l'après-demain étaient entre les mains de quelqu'un d'autre qui décidait de la vie et de la mort. Ce quelqu'un n'avait pas de visage, n'était pas une personne. Insaisissable, invisible, immense, délimitant le cercle à ne pas franchir, il proclamait la liberté dans les discours, sur les affiches, en eau, en grammes de pain. Pour un instant, un jour.
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Dans le monde, on remplit des bibliothèques d'ouvrages qui traitent des droits de l'homme, on les protège par des conventions, par des religions, par des lois, et ici, le temps a rebroussé chemin, de mille ans.
On assassine parce que l'autre est allemand,japonais,hongrois ; on assassine parce que l'autre a une opinion différente de la vie. On assassine, assassine...
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Ce temps est révolu". " Lequel ?"
" Celui où c'étaient les procureurs qui recevaient les primes. Le Comité central arrêtait le plan quinquenal, le commissariat au plan calculait combien de millions de bras étaient nécessaires à son accomplissement, et les procureurs faisaient le nécessaire pour qu'il n'y ait pas d'obstacles à la construction du communisme".
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Ceux à qui je pense n'auront aucune pitié pour vous. Ils vont vous tuer. Peut-être pas par balle, mais ils vous enverront pour vingt-cinq ans au bagne. Vous ne supporterez pas ça.
Sauf à une condition, si vous vous préparez à mourir dès la première minute.
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Si tout le monde calculait la forme et la quantité de liberté où il serait le plus heureux, le régime perdrait le plus important : Ce serait la fin de l'insécurité, de la peur, de l'espérance et du pouvoir des grammes.
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