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sur 1345 notes
Lecture

Richard Mayhew est un provincial monté à Londres pour exercer le métier d'analyste financier. Il a une vie réussie, une fiancée superbe, une bonne situation, un avenir tout tracé. Mais sa si belle fiancée est une femme froide et arriviste, son travail l'ennuie et sa vie si bien cadrée lui semble factice et inutile.

Un soir, en route pour un rendez-vous avec sa promise, Richard s'arrête pour aider une jeune fille blessée. Comme le bon samaritain, il porte secours à cette zonarde que tout le monde évite. Il l'héberge même pour lui permettre de se rétablir.

Cette jeune fille s'appelle Porte, elle sera pour Richard, le seuil de Neverwhere.

Avis

Cette version de Neverwhere est revue et augmentée par l'auteur. de roman pour adolescents, le livre gagne ainsi en profondeur et en noirceur pour devenir un conte beaucoup plus adulte.

Le Londres du livre est conforme à celui que nous connaissons: trépidant, multiculturel, formel et fou. Mais sous cette surface coexiste un autre Londres: Neverwhere, entre quelque part et nulle part. Un monde différent qui n'est pas vraiment de notre réalité mais plutôt adjacent, à la fois totalement étrange et étroitement connecté. Ce monde s'étend principalement dans les égouts, le métro, les abris souterrains de la seconde guerre mondiale, dans tous les endroits undergrounds délaissés par la réalité du dessus. Il est peuplé d'humains qui passeraient en surface pour des rebuts. Regroupés en tribus, en clans, ils survivent comme ils peuvent, véritables rats d'égouts. Enfin, ils voudraient bien être des rats, car ceux-ci, intelligents et organisés, sont plutôt haut-placés dans la hiérarchie locale. Quelques familles humaines favorisées de dons spéciaux font également office d'aristocratie dans cette société.

D'autres personnages, tous plus étranges les uns que les autres, gravitent autour de Richard, de Porte et du Marquis de Carabas, un spadassin humain aussi félin et matou que le Chat Botté.

Neil Gaiman réussit le tour de force de faire cohabiter deux mondes très différents. Un Londres de Woody Allen côtoie un Londres de Jean-Pierre Jeunet. le monde auquel nous sommes habitués et ce monde différent, empreint de fantastique, s'entremêlent, s'attirent et se repoussent. Des ambiances modern-lounge de la City, on bascule soudainement dans un livre de Dickens. A tout moment on s'attend à voir surgir Fagen dans un restaurant à la mode tant l'auteur arrive à rendre vivantes les atmosphères. Il excelle à concrétiser des mondes très étonnants mais cohérents. Il mêle l'imaginaire, les légendes urbaines, le folklore du monde du dessus. Tout trouve son écho dans le monde du dessous, et souvent une justification inattendue.

Le style, bien que différent selon le contexte, est toujours superbe. J'ai énormément apprécié la partie du livre qui se déroule dans Neverwhere où l'écriture de Gaiman fait vraiment penser à celle de Dickens : noirceur sans misérabilisme, densité sans lourdeur, efficacité qui prend son temps.

Les personnages sont attachants. Richard est magnifique et veule, sympathique, faible et héroïque, mais avant tout humain et bon. Porte est une jeune femme fragile mais obligée d'être forte, volontaire et intraitable pour survivre dans cette autre réalité si hostile.
Une mention particulière à Vandemar et Croup, les deux affreux. Sadiques implacables, la brute et le dandy dont les noms font penser respectivement à un diamantaire hiératique et à une maladie suante et boursouflée, sont férus de Shakespeare. Ces deux personnages sont assez extraordinaires, leurs tirades très littéraires et décalées tombent très à propos. On ne sait par contre pas grand chose de leur aspect physique, ni même s'ils sont humains ou en ont seulement l'apparence. Car l'auteur a un don pour susciter des images, éveiller le merveilleux mais sans jamais assommer le lecteur de détails qui pourraient forcer ou polluer son imagination.

Cet aspect fantastique, s'il ne s'épargne pas quelques plongeons dans une réelle noirceur, penche fréquemment vers l'absurde. L'ensemble, allié aux références nombreuses à l'imaginaire collectif donne l'impression d'être plongé dans un conte. Mais pas un conte pour enfants, plutôt un conte qui existe à côté de nous, que nous n'aurions pas encore remarqué mais dans lequel nous pourrions être plongés d'un instant à l'autre. C'est une impression du coin de l'oeil, que l'on sait être là, mais que l'on n'arrive ni à saisir ni à définir.
L'aventure est rondement menée et par sa trame assez classique, si ce n'est que lorsque la banalité risque de s'installer, un épisode étrange et étonnant vient rompre la trame. Mais c'est le seul reproche que je ferai à ce livre: cet amoncellement de saynètes paraît par moment forcé et factice, un liant réel manque qui donnerait à l'ensemble un élan fougueux, une vraie ligne de force.

Le thème sous-jacent, à savoir que la réussite et le bonheur ne sont pas forcément là où les codes sociaux nous les montrent est abordé de façon intéressante, mais assez prévisible. J'ai trouvé par contre particulièrement oppressante et fine la façon dont est relatée la "mésaventure" de Richard revenant au monde du dessus tout de suite après sa rencontre avec Porte: c'est un cauchemar affreux qu'il m'est arrivé de faire et que je ne souhaite à personne.

Conclusion:

Une écriture superbe à même de créer des mondes hétéroclites, mais une histoire malheureusement un peu décousue.

ma note : 15/20
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Ce roman est pour moi une merveille à deux égards : premièrement il s'agit d'une oeuvre qui m'a énormément plu, qui a résonné en moi et continue de me plaire encore aujourd'hui; mais aussi parce qu'avec ce livre je découvrais Neil Gaiman et son univers fantastique, ainsi que sa narration unique et sublime.

Neverwhere, c'est un récit haut en couleurs qui explore le Londres souterrain, dans une quête qui est un joli prétexte à nous montrer le plus possible de ce fabuleux monde sans pour autant perdre du temps à développer trop d'intrigues scénaristiques complexes. Neil Gaiman ne s'encombre jamais de récits complexes aux trames travaillées et passionnantes. Lui compose ses récits dans la narration, et à ce jeu là c'est un des meilleurs (si ce n'est le meilleur). Chaque livre que je lis de lui est si bien écrit, que j'ai à chaque fois l'impression d'entendre une personne me raconter l'histoire dans le creux de mon oreille. Une narration envoutante et entrainante, ponctuée de nombreuses trouvailles de fantasy qui rajoutent à l'ensemble. Et dans tout ça, des personnages amusants et attachants, une petite remarque sur les univers de fantasy dans lequel le héros arrive enfin à s'affirmer. Neverwhere, c'est tout à la fois un roman de fantasy qu'un gigantesque conte que j'ai lu avec autant d'avidité que j'ai aimé entendre les histoires étant enfant. Il y a des facilités d'intrigue, en réfléchissant on devine la fin ? Et alors, que m'importe de le savoir ! le récit est si bien raconté que la fin importe peu face au plaisir de l'entendre arriver. Ce récit est le genre d'histoire que j'aime lire, simplement parce qu'elle m'entraine à chaque lecture dans son monde, et que l'histoire importe moins que la façon de le raconter. Et je le répète, Gaiman est probablement le meilleur conteur contemporain que je connaisse. Il sait jouer avec le ton du récit, les mots et les articulations pour me donner envie de découvrir la suite sans attendre. Rarement je parviens à laisser un de ses livres de côté, à arrêter le chapitre en cours et le reprendre plus tard.
Et dans ce livre, son talent de conteur prend tout son sens, dévoilant une histoire entrainante et une série de péripéties qui m'ont envoutés.
J'ajouterais que j'ai également senti dans ce récit une métaphore des défavorisés, des clochards, des SDF et des pauvres hères qui peuvent peupler les bas-quartiers d'une ville comme Londres. Je ne sais pas si c'est la volonté de l'auteur, mais quelques détails le suggèrent (notamment le fait que personne ne les voit, ou plutôt ne veut les voir, ou que les habitants fonctionnent sur la récupération de tout les déchets ...), et cette petite critique toute bête est pourtant assez bien sentie sur quelques points. Cela tient principalement au rôle de Richard, qui est un ajout dans l'histoire ajoutant une touche de critique sociale. C'est très bien vu.

Ce roman, je pourrais en parler en long en large et en travers parce qu'il m'a charmé à la première lecture, que j'ai adoré le relire et que j'ai découvert un auteur dont je raffole aujourd'hui de la moindre production. Une vraie réussite, une superbe découverte.
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On ne peut pas dire que j'aie été transportée, ni même franchement divertie par Neverwhere de Neil Gaiman, auteur que j'ai découvert à travers ce roman. Pourtant, je trouvais plutôt sympathique l'idée de départ, à savoir la plongée d'un homme de notre monde malgré lui dans un autre, sorte d'univers magique à la Dickens. Cette "ville d'En Bas" me paraissait très prometteuse. Hélas, si cet univers est bien brossé, on s'y ennuie vite. Passés les premiers traits d'humour noir et la découverte de cette Londres souterraine, le ton lasse assez vite, l'humour se révèle pas très subtil et surtout très répétitif... quand il y en a. Les deux personnages principaux sont insipides, la narration manque de rythme, et, cerise sur le gâteau, on devine qui est le grand méchant bien avant les héros, qu'on voit donc se précipiter dans un piège gros comme une maison tout en se disant "Mon Dieu, comment peuvent-ils être aussi bêtes ?"

Bref, si le début m'a divertie, l'ennui m'a gagnée peu à peu et j'ai peiné pour aller jusqu'au bout ; j'étais à rien d'abandonner ce roman qui, finalement, ne recèle rien de bien original. On passe avec les personnages de lieu en lieu, de rencontre en rencontre, dans une forme de récit un peu morne et ennuyeux. Dommage, car il y avait véritablement de la matière à exploiter, à travers le personnage de Richard et de sa descente aux enfers. On se serait en effet attendu à ce que, d'une façon ou d'une autre, le thème des clochards soit réellement abordé. Je ne demandais rien de spécialement philosophique, juste que l'auteur ne passe pas à côté d'une occasion aussi énorme. Certes, la fin, légèrement ambiguë, nous ramène à ce sujet, mais je pense qu'il y avait moyen de le développer mieux et davantage - sans sombrer dans le misérabilisme pour autant, le but de Neil Gaiman étant tout de même de divertir son lectorat.

Et le truc qui m'a complètement échappé, c'est la raison pour laquelle Neil Gaiman a écrit au moins trois versions de Neverwhere ; il ne me semble pas qu'il s'agisse là d'une œuvre qui mérite autant d'obstination... Pour ma part, j'ai lu la version author's cut, "revue et augmentée" (la seule dispo dans ma bibliothèque). Eh bien je crois que j'aurais pu largement me passer des "augmentations" !
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C'est mon deuxième Neil Gaiman. J'ai lu il y a un an à peu près, La mythologie Viking, une compilation et restitution des principaux mythes nordiques, qui m'avait bien plu. J'ai terminé il y a quelques jours Neverwhere qu'on peut caractériser, par comparaison avec ma première expérience de « vrai roman » de l'auteur, dans le sens où cette fois-ci l'ensemble de l'oeuvre vient de lui.

J'ai beaucoup aimé ce livre : divertissant, sans temps mort et avec des personnages aboutis.

La vie de Richard bascule le jour où il porte secours à une jeune fille blessée, étendue sur le trottoir. C'est un instant charnière, le fantastique s'engouffre alors dans sa vie. Richard, personnage au combien sympathique, qui jusque-là se laissait plutôt porter par le courant, voit deux mondes se télescoper, la « Londres d'en haut » contemporaine et connue vs la « Londres d'en bas » sombre et cachée.

C'est une quête baroque qui débute pour notre héros et les nouvelles personnes dont il fait la connaissance. L'ambiance du roman est tout à la fois mystérieuse, inquiétante mais non dénuée d'humour. Les méchants sont affreux et détestables tout en faisant sourire. le métro londonien y tient une place importante et l'auteur intègre le nom de stations réelles à son histoire.

On retrouve dans ce livre les grandes étapes et figures d'un récit d'aventure mais j'ai l'ai trouvé très bien réalisé et plein de fantaisie. L'univers est détaillé, il est à la fois familier et insolite, un mélange vraiment bien dosé qui m'a réjouie.
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A force de se conseiller des lectures, @rickybouquine a eu la bonne idée de nous lancer dans une lecture commune. Connaissant mon amour pour Neil Gaiman et sachant qu'il était dans ma PAL, elle a judicieusement proposé un de ses livres préférés de l'auteur : "Neverwhere".

Et elle a tellement eu raison ! L'univers de ce livre est tellement riche. le concept de la Londres d'En Bas, sorte d'univers parallèle alambiqué pour les rejetés, est aussi prenant qu'immersif. le temps et la physique sont sans dessus dessous, les personnages et clans sont tous singuliers, hauts en couleurs. On se retrouve comme Richard, à découvrir tout cela tout en perdant notre bon sens et rationalité.

Cette aventure "underground" se lit avec une facilité déconcertante. Pleine de rebondissements (pas toujours imprévisibles), elle nous tient en haleine d'un bout à l'autre et l'on ne peut s'empêcher de s'attacher à cette petite bande. Gaiman a le chic pour créer des vrais personnages, loin des clichés. La guerrière s'appelle Chasseur (et son sexe n'a aucun incident), Porte est une demoiselle mais pas en détresse et Richard n'est pas le protagoniste sauveur. Et que dire MM. Croup et Vandemar, duo délicieusement sadique, au langage en décalage avec leur apparence.

Si "Neverwhere" n'est pas un coup de coeur (on n'est pas passé loin), il est clairement un roman en haut du panier ! A lire sans modération (surtout si vous aimez les rongeurs).
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Neverwhere fut au départ une mini série TV commandée à Neil Gaiman par la BBC. N'ayant pu développer son univers de manière aussi détaillée qu'il aurait souhaité, l'auteur décida de le développer en écrivant le roman qu'il avait en tête.

L'histoire commence quand Richard Mayhew, un londonien ordinaire, trouve dans la rue une étrange jeune fille ensanglantée nommée Porte. Il décide de l'abriter pour la nuit, mais en rendant service à cette inconnue, il voit sa vie voler en éclats et il se retrouve propulser dans une ville parallèle hostile dont il ne soupçonnait même pas l'existence : le Londres d'En bas, décalé, hors du temps, séparé du Londres moderne et bruyant que l'on connaît par le métro et ses stations. Pour retourner dans son monde, il va devoir aider Porte et ses acolytes dans une quête périlleuse.

Dans un style simple mais débordant d'imagination, Neil Gaiman donne vie à cet autre Londres, effrayant mais merveilleux et fascinant à la fois. Là où le livre montre véritablement sa richesse, c'est dans la superposition des deux villes qui est très cohérente, une foule de petits détails venant donner de la vraisemblance à ce monde étrange.

On a ici un véritablement roman d'aventure moderne, où la jeune fille en détresse se balade dans les égouts et où le preux chevalier se trouve être un londonien ordinaire, embarqué dans une quête dangereuse et devant souffrir de multiples épreuves pour arriver à ses fins.

L'intrigue est prenante et l'auteur dose parfaitement bien le rythme des péripéties et des révélations, si bien que l'on ne peut lâcher la lecture. Pas de doute, Neil Gaiman sait comment raconter une histoire et envoûter ses lecteurs.
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Un séjour à Londres était l'occasion parfaite de me replonger dans ce roman, lu et aimé déjà à deux reprises, mais construit de trop de détails pour que je n'en aie pas oublié une bonne partie. Et c'est aussi bon, voire encore meilleur, à chaque fois !

Si Richard n'arrive décidément à m'intéresser qu'à la toute fin de l'histoire, ladite fin n'en est que plus forte, par tout ce qu'elle implique, par la manière dont elle retourne les choses tout en restant au fond parfaitement ancrée dans la logique de l'ensemble. Habilement amenée, très joliment écrite, elle est particulièrement réussie, cette fin.

Et puis, la fadeur agaçante du personnage principal est plus que largement compensée par la richesse fascinante de l'univers dans lequel il se trouve plongé, par les personnages si délicieusement extraordinaires dont il croise la route. La fille qui ouvre et crée toutes les portes, la chasseresse silencieuse au sourire caramel, le vieil homme aux oiseaux, l'ange dans la caverne, l'antique comte dont la cour hante une rame de métro, Croup et Vandemar, les deux affreux, l'ambiguë Serpentine... et mon préféré de tous, le fantasque et théâtral Marquis de Carabas, dont la seule existence suffirait à conquérir mon coeur !

C'est un monde infiniment séduisant, que Neil Gaiman a créé là – de ces univers qu'on ne quitte jamais tout à fait, une fois le livre refermé, et dont le souvenir poudre d'un zeste de magie noire la réalité la plus banale.

Pour ceux qui lisent l'anglais (en l'occurrence, c'est vraiment agréable et facile), je recommande vivement l'édition Headline Review de 2005, qui synthétise plusieurs versions antérieures du roman, propose quelques extras intéressants – dont un prologue alternatif que j'aime beaucoup et une petite interview de Neil Gaiman dans laquelle on apprend des choses sur les égoûts de Londres et ses vieux hôtels abandonnés – et s'orne, pour ne rien gâcher, d'une fort jolie couverture.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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Neverwhere est un roman à la fois sympathique et décevant. Sympathique parce que Neil Gaiman, son auteur, est un auteur brillant – il suffit de lire sa plaidoirie « Pourquoi notre futur dépend des bibliothèques » pour s'en convaincre ; sympathique parce qu'il est un auteur anglais et que, comme tout auteur anglais, il a tété bébé le lait de la fée Titania, enfant il a joué aux billes avec le Fantôme de Canterville et tâché d'encre les leçons paradoxales du Père Brown. Comme tout auteur anglais, il sait ce que fantastique et fantasy veulent dire.

Neverwhere est aussi sympathique par l'étrangeté de son sujet. L'histoire fait d'abord l'effet d'une gageure, un jeu littéraire à la Italo Calvino où chaque chapitre devrait s'inspirer du nom d'une station sur le plan du métro londonien – ce plan imprimé sur un parapluie au tout début du roman. Par effet concomitant, à mesure que des quartiers de Londres glissent ainsi vers le mythe, la ville « réelle » se dissout ; elle se mue, n'est bientôt plus qu'un portail béant entrouvert vers le « Londres-d'En-Bas », un espace-temps fait de bulles d'époques disparates qu'un énorme labyrinthe de tunnels relie, un monde où survit une population interlope, nourrie de détritus, vêtue d'un empilement de fripes récupérées de siècles dépareillés et, selon le hasard, immondes ou somptueuses.

Cet univers, cet amoncellement de strates d'un songe urbain – qui sous cet angle d'ailleurs préfigure le Jérusalem d'Alan Moore – le roman nous en propose l'exploration. Nous le découvrons au fil des mésaventures du candide Richard Mayhew, nouvel arrivé dans la capitale qui, parce qu'il vient en aide à une mendiante blessée malgré l'insistance de sa fiancée citadine et chic, bascule dans le mystérieux Londres-d'En-Bas.

Derrière ce sujet fantastique transparaît bien sûr un message social ; on reconnaît dans les habitants du « London Below » cette frange de la population urbaine pour laquelle s'exerce l'art infini de la périphrase bureaucratique – sans-abri, SDF, mal-logés – si utile à en détourner le regard mental ; on reconnaît les misères du Londres post-thatchérien des années 90, lui-même miroir du Londres de Dickens un siècle et demi plus tôt.

Alors pourquoi parler de déception ? Certes Neverwhere se parcourt avec plaisir. Certes la lecture est fluide, le style est beau, les comparaisons ciselées avec une délicatesse issue du XIXème siècle. Les dialogues sont vifs et amusants. Les descriptions sont rehaussées de traits d'humour réussis, les personnages sont pittoresques.

Mais le roman ne s'élève pas au-dessus de ce qu'il est : l'adaptation d'une minisérie de la BBC, aisée d'accès pour tout public, bâtie sur un empilement de clichés. Enlisée à mi-chemin entre les poncifs télévisés et le lyrisme propre à la fantasy, l'allégorie de l'exclusion s'estompe. Elle en devient presque ambiguë. Pour le reste, partout le sentiment de déjà-vu prédomine. Les personnages, leurs réactions, on les sait d'avance. Les situations, les actions, les décors sont limités dans leur imagination car d'abord conçus pour le petit budget de la production. L'intrigue, ses péripéties, ses coups de théâtre, tout est connu, prévisible, devinable, deviné.

Enfin, il faut savoir qu'il y a deux Neverwhere : l'un publié en 1996, l'autre aplani en 2005 pour le marché américain. Dès le premier coup d'oeil, j'ai constaté que cette seconde version supprimait ce qui m'avait plu dans les pages initiales de la première : par exemple, l'expression « la nuit innombrable des sapins » dans l'épigraphe de G.K. Chesterton ; par exemple, la présentation du cruel duo Croup & Vandemar devant l'incendie d'un monastère toscan. Or sans cette scène qui se déroule au XVIIème siècle, ces croque-mitaines intemporels deviennent juste une paire de cinglés plutôt banals.

L'auteur a-t-il regretté ce vandalisme ? Toujours est-il que le passage est recollé à la fin, en appendice ; et par la suite une version « Author's Preferred Text » (ce triste équivalent littéraire du Director's Cut) fut republiée, combinant les deux précédentes. Je n'ai pas eu vent qu'elle ait encore été traduite en français.
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J'avais lu Neverwhere il y a de nombreuses années et j'ai eu envie de le relire après m'être procuré le numéro spécial de Bifrost consacré à Neil Gaiman. En effet, il y a une nouvelle située dans le même univers que Neverwhere dans ce numéro et je trouvais préférable de le relire avant de lire la nouvelle. Neverwhere est un des premiers romans d'urban fantasy. Petite anecdote étonnante: Neverwhere est à la base une série télévisée créée en 1996 dont le scénariste était Neil Gaiman. Celui-ci a décidé de publier un roman basé sur la même idée que la série mais plus complet. Ce roman est une excellente porte d'entrée sur l'univers de Neil Gaiman.

L'histoire se déroule à Londres dans les années 90. Richard Mayhew est un jeune homme tout ce qu'il y a de plus normal, avec un travail dans la finance et une fiancée (plutôt insupportable) Jessica. Un soir, il rencontre par le plus grand des hasards, une jeune femme blessée et lui porte secours. Mais, celle-ci ne veut surtout pas aller à l'hôpital. Richard lui vient en aide en contactant des amis de la jeune femme, puis celle-ci disparait. Commence alors pour Richard un long périple où personne ne le reconnait plus, les gens semblent ne même plus le voir. Richard décide alors de retrouver la jeune femme à qui il est venu en aide, prénommée Porte. Il va alors se rendre compte qu'il existe un autre monde « le Londres d'en bas » d'où viennent Porte et ses amis, un monde mystérieux et dangereux dont Richard ne connait pas les règles.

Neverwhere est le premier roman écrit par Neil Gaiman en solo, après de bons présages coécrit avec Terry Pratchett. On retrouve beaucoup d'éléments communs avec American Gods dans Neverwhere même s'il est moins abouti au niveau de l'intrigue: l'importance des lieux, une création d'univers parallèle à notre monde, des personnages atypiques et le fait que le héros ne cherche pas à aller vers l'aventure mais laisse l'aventure venir à lui (ce qui est de bon augure d'après notre bon roi Arthur). Neverwhere est une déclaration d'amour à la ville de Londres qui devient presque un personnage à part entière du roman. L'univers parallèle au notre est le Londres d'en bas qui géographiquement correspond au Londres de notre monde. Neil Gaiman joue sur les noms des lieux (par exemple à Blackfriars vivent des moines noirs, ou encore Islington dont le nom est celui d'un quartier du Grand Londres), leurs particularités historiques pour créer son monde d'en bas régi par des règles bien particulières. Il nous emmène dans une ballade dans un Londres atypique mais parfaitement connu et détourné pour notre plus grand bonheur.

Richard Mayhew est un personnage qu'on qualifierait volontiers d'ordinaire mais il va être amené à vivre dans un monde différent, où vivent des personnages tout à fait atypiques, comme le marquis de Carabas. Celui-ci vient en aide à Porte dans sa quête, mais on s'aperçoit vite qu'il est charismatique, manipulateur et plein de ressources. Il tient son nom d'un des personnages du Chat botté de Charles Perrault. Porte vient d'une famille étrange dont la particularité est de pouvoir ouvrir des portes donnant n'importe où sur l'univers du moment qu'elle y pense. Pouvoir on ne peut plus pratique et qui attire bien entendu des jalousies. Dans la galerie de personnages hors normes, on trouve aussi Mr Croup et Mr Vandemar, des tueurs sadiques mais faisant preuve parfois d'humour. Au milieu de tout cela, Richard pourrait faire pale figure mais ce n'est pas le cas. Il apparait comme courageux, humain, et le fait qu'il n'ait aucun pouvoir surnaturel ni connaissance du monde dans lequel il bascule met encore plus en valeur son courage et ses actes. Richard va être amené à vivre une aventure qui ressemble beaucoup à une quête initiatique, combattant des méchants, assistant Porte dans ses recherches au gré des retournements de situation.

La découverte du monde d'en dessous pour Richard ne se fait pas sans douleur. le Londres d'en bas est comme son nom l'indique dans les souterrains de la ville, c'est une société féodale et magique où les rats ont une très grande importance. Les habitants du monde d'en haut ne voient pas ou oublient très vite les habitants d'en bas. Neil Gaiman parle ainsi du comportement de beaucoup de gens par rapport aux sans abris ou aux marginaux. La scène où Richard doit passer une épreuve pour retrouver une clé est d'ailleurs très touchante, Richard se voit en sans abri vivant dans le métro et voit les réactions des gens d'en haut par rapport à lui.

L'intrigue est moins originale que dans American Gods ou tout simplement moins originale que le reste du roman. Mais l'univers dépeint foisonne tellement d'idées, d'une ambiance mêlant le cynisme et les contes, d'humour, de jeux de mots sur les lieux, de personnages extraordinaires, que l'intérêt du roman n'est pas vraiment dans son intrigue.

Neverwhere est un merveilleux roman qui permet d'entrer dans l'univers fabuleux de Neil Gaiman qui nous offre une vision originale de Londres, nous poussant à aller au delà des apparences, à avoir un autre regard sur les lieux, les gens, les choses. le roman est porté par des personnages atypiques, un univers original et sombre, une écriture magnifique qui donnent un vrai plaisir de lecture.
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Ne le dites à personne, mais... j'ai un petit rituel de nouvel an : franchir le seuil de la nouvelle année en compagnie de Neil Gaiman !

Pourquoi ? Mais parce que Gaiman est le meilleur passeur qui soit, pardi ! C'est LE Maître des clés. Vous ne le saviez pas ? Bon bah maintenant, vous le savez !
Il est celui qui ouvre les portes d'univers parallèles et insoupçonnés. Qui déverrouille les grilles d'accès aux mondes souterrains, et c'est aussi lui qui détient le fameux sésame pour entrebâiller les passages secrets et les portails dérobés, derrière lesquels se dissimulent des endroits bien flippants, et peuplés d'étranges créatures, pas toujours très recommandables. J'dis ça, j'dis rien ;-)
Et là, je sais ce que vous vous dites :
- Ok, c'est reparti !!! Elle a encore fumé la moquette, comme la dernière fois avec Ça...
D'abord, je n'ai pas de moquette, tenez-vous-le pour dit !
- Alors elle s'est tapée sa bouteille de Chèpakoi le soir du 31, elle a comaté, et voilà le résultat !
Nan mais, c'est quoi ces accusations ? Il n'est pas nécessaire de picoler pour se faire un bon trip ! Bon, c'est fini ? On peut discuter sérieusement maintenant ?

Donc, je reprends : J'ai quitté 2017 en m'engouffrant dans ce Neverwhere (avec un taux d'alcoolémie en dessous du niveau de la mer, je le précise au cas où), et lorsque j'en suis ressortie... nous étions en 2018 ! Si si ! C'est dingue, N'est-ce pas ?
Et maintenant, curieux comme vous êtes, vous désirez savoir ce que j'ai fait pendant ce laps de temps ? J'en étais sûre !

Eh bien... Disons que... c'est compliqué ^_^
NON, je n'ai pas tout oublié !!! C'est juste que pour votre propre sécurité, je me dois de rester discrète, et même de me faire un peu oublier, pendant quelques temps peut-être...

Je peux seulement vous assurer qu'il s'en est passé des choses ! Tellement de choses... Par exemple, je suis allée à Londres ! Aux deux, en fait... le Londres d'en haut, le normal quoi ! Et l'autre, celui d'en-bas... (mince, ça sent la boulette ça 0_o).
J'ai fait des tas de rencontres, comment dire... plutôt étonnantes et déstabilisantes ! J'ai vu un ange, un Marquis, une grosse bébête, et j'ai même copiné avec des rats (heu, re-boulette...^^).
J'ai visité des lieux, disons... insolites, voire très bizarres ! Il y a trop de secrets là-dessous, et pas tous très jolis-jolis à voir, et encore moins à raconter... Ce que je ne ferais en aucun cas, vous l'avez bien compris (là, j'ai fait gaffe, no boulette !).
Déjà, parce que vous me prendriez pour une foldingue (comment ça, c'est déjà fait ?).
Mais surtout parce que je risque de m'attirer de gros... très gros ennuis, et de me faire remarquer par deux zigotos absolument cauchemardesques.

Vous ne me croyez pas ? Très bien !!! Alors le mieux, c'est encore de vous laisser le découvrir par vous même, mais à vos risques et périls... Et vous ne pourrez pas dire que je ne vous avais pas prévenu ^^
D'ailleurs, si vous y allez, passez le bonjour à Dame Po... à... heu... Personne !
Je ne connais personne ! Nobody !! Nessuno !!! D'ailleurs, je n'ai jamais mis l'ombre d'un orteil là-bas. Pour le réveillon ? J'étais chez moi, tranquillou, à lire... Bien sûr que j'ai des témoins ;-)
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