"Les oeuvres d'art sont d'une infinie solitude; rien n'est pire que la critique pour les aborder. Seul l'amour peut les saisir, les garder, être juste envers elles", note Rilke dans l'une de ses "Lettres à un jeune poète".
Les "Madeleine' peintes par Georges de La Tour sont des chefs-d'oeuvre, leur solitude est à la hauteur de leur beauté, toute d'intensité et d'immobilité. (p. 79)
Bachelard note encore que"devant une flamme nous communiquons moralement avec le monde". Les femmes des nocturnes de La Tour communient, en un silence placide, à la fois charnellement et spirituellement avec le monde, avec le mystère du feu originaire et éternel d'où provient toute lumière. Elles veillent auprès des humbles et sublimes fleurs du feu que sont les flammes, dans la solitude de chambres nues, saturées de pénombre, et l'espace autour d'elle se creuse et s'ouvre pour confluer avec la nuit, et la nuit s'illimite, jusqu'à ce que tinte en elle l'écho du premier Dit qui présida à la naissance du monde : "Que le lumière soit !"
La lumière a un grain, comme la peau, une étoffe, ou un marbre. Elle a le plus fin, le plus subtil des grains, on ne peut le palper, pas même le toucher. C'est lui qui nous effleure, ou nous cingle, nous réchauffe ou nous brûle, nous rend le monde visible ou nous aveugle, selon l'intensité de sa brillance.
La lumière en silence meut les âmes des femmes en un doux tournoiement, comme l'amour meut les coeurs en un très tendre flamboiement. Et leurs doigts flamboyants égrènent avec plus de justesse, plus de pureté, les notes frêles et aiguës.
Les doigts égrènent des notes, des mots, des fleurs de dentelle, des gouttes de lait, des perles. Des doigts d'orantes qui caressent des rosaires de lumière.
La lumière est aux peintres ce que le chant des mots est aux poètes, la mélodie du silence aux musiciens : la source et l'horizon de leur désir, le foyer de l'amour qui les lancine et les met perpétuellement en chemin, en tension, en appel.
Lecture de Sylvie Germain : une création originale inspirée par les collections de la BIS.
Ce cycle est proposé depuis 2017 par la BIS en partenariat avec la Maison des écrivains et de la littérature (MéL). Un mois avant la restitution, l'écrivain est invité à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé. Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne".
Saison 5 : Jean Lancri, Gaëlle Obiégly, Sylvie Germain et Michel Simonot
Captation, montage et générique par Corinne Nadal
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