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Giovanni Lucera (Éditeur scientifique)
EAN : 9782020097284
401 pages
Seuil (01/09/1987)
3.4/5   5 notes
Résumé :
Le Langage et son double offre une occasion rare, presque unique, de déceler quelques-uns des liens fondamentaux qui attachent l'homme à sa langue, l'écrivain à son œuvre. En effet, à travers ces seize textes de Julien Green traduits par lui-même dans une langue ou dans l'autre, on découvre l'extraordinaire palette des talents, des passions, des curiosités d'un écrivain. On comprend aussi que chaque langue a sa personnalité, son expression privilégiée. On déchiffre ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
TENIR UN JOURNAL
Fiche résumé du chapitre «Tenir un journal» in «LE LANGAGE ET SON DOUBLE » par Julien Green ; collection Points Littérature, ed. du Seuil 1987
ISBN 2-02-009728-1

Fixer le temps ?
A quel besoin répond cette habitude de tenir un journal ? Celui de fixer le temps.
Est-ce une illusion de nous figurer que le temps ne versera pas ces choses (un aspect du ciel et quelques propos échangés) dans le grand trou noir de l'oubli, et que pour nous, tout au moins, elles continueront d'exister.
A la manière des philosophes : ce qui pousse à tenir un journal c'est peut-être l'effroi de disparaître tout entier, oui, quelque chose d'apparenté à la peur de mourir.
Nous ne pouvons pas conjurer la mort, mais nous pouvons augmenter en nous la conscience de la vie.

La crainte de perdre la mémoire
Notre mémoire n'a pas su retenir toute la masse de souvenirs, il y a un trou dans le sac…
Cette crainte de perdre la mémoire est un des sujets les plus riches et les plus instructifs pour les observateurs de la personnalité humaine.
Bergson (cité par l'auteur) :
La conscience, c'est la mémoire.
O cruelle magie de la parole écrite !
Pendant quelques heures le temps est aboli et ce qui ne reviendra jamais prend tout à coup la place du présent en une sorte de renaissance illusoire qui nous serre le coeur.
Ce qui fait que nous nous connaissons si mal est que nous ne voyons jamais très bien ailleurs que dans le présent.
A la pensée du vieillard qu'il sera un jour, le jeune homme de vingt ans se récuse, ou proteste. S'il pouvait voir, dans le miroir magique, la suite des personnages qu'il incarnera lorsqu'il descendra la pente de la vie, il se révolterait.
Détachement philosophique et plaisir de la relecture de son journal de jeunesse.

Du point de vue de l'écrivain :
D'une façon générale, noter les aspects de la vie qui passe est une opération de tout bénéfice pour l'écrivain.
Les vertus de celui qui tient un journal :
On ne décrit bien que ce que l'on a bien vu et l'exactitude est la première vertu de celui qui tient un journal… L'homme qui tient un journal forme vite l'habitude de regarder et d'écouter avec soin ce dont il pourra faire usage dans son carnet ; il fait rapidement le tri de ce qui est important, et mérite d'être noté, et de ce qu'il peut laisser tomber dans l'oubli.
La grande difficulté d'un journal, c'est qu'on ne peut pas tout dire.
Stevenson écrivait un jour : « There are not words enough in all Shakespeare to express the merest fraction of a man's experience in an hour. »
Noter tout ce qui nous passe par la tête :
La chose est impossible pour la simple raison que la pensée va infiniment plus vite que la parole, surtout que la parole écrite…
Une page de journal c'est comme une porte entrebâillée et vite refermée sur quelque chose de passionnant dont nous ne saisissons presque rien, et il faut que la porte s'entrebâille trois ou quatre cents fois pour qu'à la fin nous nous formions une idée de ce qui se passe à l'intérieur de cette pièce secrète : le cerveau de l'auteur.
J'étais tellement occupé à tenir ce journal que je n'avais plus le temps de vivre.
Les lois d'optique du journal, le secret du journal :
Je ne savais pas que le quotidien, l'ennuyeux, le banal subissent avec les années une transformation essentielle et deviennent parfois rares et singuliers.
Un journal est comme une lettre adressée à des milliers d'inconnus… c'est une consolation de pouvoir se dire :
« Tiens, cet homme qui a écrit cela a éprouvé ce que j'éprouve, a souffert comme moi, a eu les mêmes colères et les mêmes déceptions. Je ne suis donc pas seul. »

La théorie du journal : trois conditions
Ainsi les trois conditions requises pour tenir un journal vraiment digne de ce nom sont : d'abord la sincérité, puis l'exactitude (ce qui n'est pas la même chose), et enfin la faculté de choisir entre ce qui est important et ce qui ne l'est pas.
Sincérité, goût de la vérité :
C'est parce qu'on a le goût de la vérité qu'on tient un journal
Coupe de passages compromettants : de la vérité fragmentaire au mensonge
(L'auteur d'un journal) est forcé de ne nous livrer qu'une vérité fragmentaire, mais le malheur veut qu'une moitié de la vérité est souvent une parente lointaine du mensonge, car elle peut donner une impression fausse que corroderait seule la moitié manquante.
Si l'auteur est vraiment sincère – et la sincérité est un don comme le talent, et n'est pas accordée à tout le monde - , si l'auteur est sincère il coupera le passage entier plutôt que de faire imprimer une demi-vérité qui pourrait égarer le lecteur.
L'exactitude, indispensable

Savoir choisir
Entre toutes les choses que la vie nous verse, pour ainsi dire, dans les mains, et tous les jours, c'est par définition le talent…
Mais choisir, pensez-vous peut-être, c'est déjà faire subir une opération à la vérité, car choisir c'est nécessairement couper, élaguer, limiter, et nous allons nous remettre à patauger dans le problème de la sincérité littéraire. Je ne le crois pas cependant : un écrivain, en effet, sait toujours parfaitement bien quand il dit vrai et ce qu'il importe de dire pour rester dans le vrai.
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Note de lecture difficile, entre autres raisons à cause de la diversité des chapitres de cet ouvrage. Il s'agit en effet d'articles de critique littéraire, d'extraits autobiographiques, d'extraits de romans, de nouvelles, de réflexions sur les langues, la traduction, l'écriture et le propre bilinguisme de l'auteur... le tout auto-traduit par Julien Green, dont les textes sont reproduits dans les deux langues face à face (comme tout ouvrage bilingue).
Intéressé surtout par les chapitres non fictionnels (bien que j'ai été marqué aussi par la nouvelle "Christine"), et m'étant systématiquement amusé à comparer les différences entre les deux langues des textes (différences parfois loin d'être anodines, en tout cas jamais dues à de simples imperfections de traduction) mon bilan est mitigé, car je trouve que les bonnes questions sont posées, mais pas assez mûries pour que des réponses satisfaisantes apparaissent: parfois j'ai même l'impression que l'auteur éprouve un malin plaisir à donner des réponses contradictoires.
Question principale: pense-t-on par les mots d'une langue? D'où la question (non posée): la pensée est-elle déterminée par la parole?
Question conséquente: le rôle des multiples langues chez les bilingues. Ou encore: jusqu'à quel point une langue spécifique est-elle encrée dans la pensée d'un individu, jusqu'à quelle profondeur (de la psyché du locuteur) la langue crée appartenance et à quel degré la possède-t-on?
Réponse par l'affirmative (thèse): oui, la parole détermine la pensée au point que lorsque l'auteur a été confronté à un texte autobiographique dont il avait commencé la rédaction en français et continué en anglais, il se retrouve face à deux textes complètement différents. "On pourrait dire qu'une langue est un commentaire humain sur la création" (p. 219). Une longue analyse du "génie" de l'anglais plus pudique que le français s'ensuit, qui ne me semble pas du tout à retenir - l'hypothèse du rôle différent des deux langues dans la biographie et le psychisme de l'auteur me semble beaucoup plus plausible.
Antithèse: non, pas de détermination de la pensée: lorsque l'on baigne dans une langue étrangère au point d'en faire un instrument de lettré (ex. des intellectuels européens réfugiés aux USA pendant la Seconde guerre mondiale), on finit par "perdre" sa langue maternelle, ou l'on se sert d'une langue "dans les habits d'une autre"; Même Gide à Londres avait perdu le mot français pour "inadéquate"... d'autre part l'auteur parle de ses difficultés à s'approprier même phonétiquement de la langue de sa mère dans son enfance...
Conséquences sur la traduction: si l'on retient la thèse, on parvient à idée classique des limites de la traduction "trop" fidèle, ne tenant pas compte de la (structure de pensée de la) langue d'arrivée ("le mauvais traducteur pense dans la langue de départ, le bon traducteur dans la langue de son texte"); qui est en contradiction avec son long et passionnant chapitre sur la traduction biblique "The translation and the fields of Scriptures", où à l'inverse il prône la traduction la plus littérale possible de l'hébreu, quitte à aboutir à du non-sens.
La biographie de cet "Américain à Paris" est certes très intéressante, mais pas pour l'instant, pour moi.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
" L'enfant dicte et l'homme écrit "
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Vidéo de Julien Green
"[…] les auteurs d'aphorismes, surtout lorsqu'ils sont cyniques, irritent ; on leur reproche leur légèreté, leur désinvolture, leur laconisme ; on les accuse de sacrifier la vérité à l'élégance du style, de cultiver le paradoxe, de ne reculer devant aucune contradiction, de chercher à surprendre plutôt qu'à convaincre, à désillusionner plutôt qu'à édifier. Bref, on tient rigueur à ces moralistes d'être si peu moraux. […] le moraliste est le plus souvent un homme d'action ; il méprise le professeur, ce docte, ce roturier. Mondain, il analyse l'homme tel qu'il l'a connu. […] le concept « homme » l'intéresse moins que les hommes réels avec leurs qualités, leurs vices, leurs arrière-mondes. […] le moraliste joue avec son lecteur ; il le provoque ; il l'incite à rentrer en lui-même, à poursuivre sa réflexion. […]
On peut toutefois se demander […] s'il n'y a pas au fond du cynisme un relent de nostalgie humaniste. Si le cynique n'est pas un idéaliste déçu qui n'en finit pas de tordre le cou à ses illusions. […]" (Roland Jaccard.)
0:14 - Bernard Shaw 0:28 - Julien Green 0:45 - Heinrich von Kleist 1:04 - Georges Henein 1:13 - Ladislav Klima 1:31 - Michel Schneider 1:44 - Hector Berlioz 1:55 - Henry de Montherlant 2:12 - Friedrich Nietzsche 2:23 - Roland Jaccard 2:37 - Alphonse Allais 2:48 - Samuel Johnson 3:02 - Henrik Ibsen 3:17 - Gilbert Keith Chesterton 3:35 - Gustave Flaubert 3:45 - Maurice Maeterlinck 3:57 - Fiodor Dostoïevski 4:08 - Aristippe de Cyrène 4:21 - Générique
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Référence bibliographique : Roland Jaccard, Dictionnaire du parfait cynique, Paris, Hachette, 1982.
Images d'illustration : Marquise de Lambert : https://de.wikipedia.org/wiki/Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles#/media/Datei:Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles.jpg George Bernard Shaw : https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Bernard_Shaw#/media/Fichier:G.B._Shaw_LCCN2014683900.jpg Julien Green : https://www.radiofrance.fr/franceculture/le-siecle-d-enfer-de-l-ecrivain-catholique-et-homosexuel-julien-green-8675982 Heinrich von Kleist : https://fr.wikipedia.org/wiki/Heinrich_von_Kleist#/media/Fichier:Kleist,_Heinrich_von.jpg Georges Henein : https://www.sharjahart.org/sharjah-art-foundation/events/the-egyptian-surrealists-in-global-perspective Ladislav Klima : https://www.smsticket.cz/vstupenky/13720-ladislav-klima-dios Michel Schneider : https://www.lejdd.fr/Culture/Michel-Schneider-raco
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