« La réalité obéit rarement aux souhaits des gens. »
Enfermement physique et moral, déchéance humaine, autoritarisme, régime totalitaire sans foi ni loi, corruption, dépendance, espoirs vains, désespérance… voici une liste de mots qui conviennent pour dépeindre l'atmosphère oppressante que dégage ce livre.
Ce court roman est bâti à la façon d'une pièce de théâtre avec différents actes. Les mots y sont crus, les personnages brutaux, les situations violentes.
A la lecture de certains passages, j'avais l'impression de me trouver devant un grand écran entrain de regarder un des films les plus maudits de l'histoire du cinéma, ce film de
Pier Paolo Pasolini « Salò ou les 120 Journées de Sodome », où règnent extrémisme, monstruosité et cruauté.
La protagoniste de «
Lutte à mort » fuit une zone où la guerre s'annonce.
Elle arrive clandestinement dans un pays dans lequel elle espère pouvoir respirer et vivre librement. Mais elle va bientôt se retrouver aux mains d'un maquereau, et de personnages on ne peut moins recommandables…
La servitude ne sera-t-elle que sa seule liberté ?
Quelle faute doit-elle expier ?
Briser sa fierté, sa dignité, c'est ce qui semble bien motiver chacun des prédateurs de cette fille clandestine qui va subir des sévices en tous genres !
Ce qui est remarquable dans ce livre, c'est sa grande force évocatrice, très puissante.
Plus on avance dans la lecture et plus le rythme devient frénétique. C'est intense.
On se retrouve pris dans un tourbillon d'histoires violentes, dont certains personnages sont même carrément repoussants. le cauchemar va croissant jusqu'à la dernière page.
C'est un récit froid et angoissant dans lequel il est difficile de trouver un semblant d'humanité.
Avec ce livre, l'auteur ne nous offre pas de la littérature commerciale ou de réconfort, c'est le moins qu'on puisse dire !
Ici, il est question d'environnements hostiles où il faut lutter pour survivre, et où on exploite les humains.
Le style de
Pavel Hak est très particulier, très cru. Son écriture théâtrale est d'une rare efficacité !
Le réalisme visuel des situations que vivent les personnages est frappant.
Pavel Hak est un écrivain tchèque d'expression française, né en 1962 en Tchécoslovaquie.
Au vu des problèmes qu'il rencontre alors avec le régime politique en place, comme beaucoup d'intellectuels, il décide de quitter son pays.
En 1985, il arrive en Italie où il reste un an, et puis il s'installe à Paris en 1986 pour y faire des études de philosophie à la Sorbonne. Une fois ses études terminées, il revient vers son vieux rêve : l'écriture.
Pour
Pavel Hak, le fait d'écrire en français est le résultat du contexte personnel et politique dans lequel il est arrivé. A l'époque, en 1986, personne ne pouvait imaginer la chute du mur, ni l'effondrement de l'Union soviétique. Lorsqu'il a fait ses études à la Sorbonne, il avait abandonné totalement la littérature et arrêté de lire en tchèque. Autour de lui, il n'y avait pas de livres en tchèque. Et après ses études, le mur n'était toujours pas tombé, il n'avait pas de perspective de retour dans son pays, et donc la coupure s'est ainsi faite.
A la différence de
Milan Kundera, écrivain tchèque qui a écrit ses premiers romans en tchèque avant d'émigrer en 1975, puis à partir d'un certain moment a écrit en français, le parcours de
Pavel Hak est très différent, car il n'a jamais publié de roman en tchèque. Et puis il y a aussi une différence de génération.
Dans son oeuvre,
Pavel Hak s'interroge sur la réalité du monde actuel, avec ses violences, ses guerres, ses flux migratoires, sa cruauté.
L'émigration, les difficultés liées à l'état d'émigré, la clandestinité, l'exil, semblent des thèmes qui jalonnent son oeuvre, lui qui a connu personnellement les difficultés d'émigrer et qui s'est confronté au monde, en quête d'identité.
Pour ce style hors du commun : 5/5 !