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EAN : 9782020842525
187 pages
Seuil (24/08/2006)
3/5   14 notes
Résumé :
Cela commence dans un pays d'Asie indéfini, vaste morgue gelée dont Wu Tse veut s'échapper. Il y parvient, travaille dans un chantier pour réunir l'argent nécessaire à son passage vers un pays riche. Piégé par un habile entrepreneur, il fait la rencontre d'une jeune femme, la belle Kwan, avec qui il monte un coup pour payer un départ accéléré. Mais le cargo prend l'eau. Wu Tse échoue sur une côte africaine, trouve sur sa route un médecin fou, une équipe scientifique... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
« La littérature n'est pas un produit de consommation »
- Citation de Pavel Hak

« Trans » comme Transformation, Transmutation, ou comme Transfert des populations.
« Trans » est une fresque époustouflante sur les nouvelles réalités du monde actuel (ou à venir), avec ses tyrannies ultrasécuritaires, ses flux migratoires, ses clandestins, son exploitation des corps, ses trafics, ses corruptions, ses épidémies, ses virus.
Le roman n'est jamais aussi réaliste que lorsqu'il se permet d'être
visionnaire !

Pavel Hak choisit délibérément de nourrir son roman de violence et de sexualité. Il procède par clichés, empruntant volontiers certaines circonstances aux pires des reportages ! Son roman est une cavalcade hyper rapide à engloutir comme un alcool fort qui a un effet immédiat sur le sang !

Le récit s'organise selon plusieurs voix, victimes ou bourreaux, au coeur d'un enfer où l'action se substitue au choix, où la folie meurtrière et la politique se confondent.
Le roman commence par la description d'un état totalitaire qui n'est pas sans nous rappeler le XXe siècle, ou les états totalitaires existants, mais qui peuvent préfigurer aussi l'état d'insécurité qui menace peut-être l'humanité tout entière.
Wu Tse meurt de faim dans un pays asiatique qui n'est pas nommé, mais qui pourrait être, par exemple, la Corée du Nord. Pour fuir l'oppression et la misère qui le conduisent au cannibalisme, Wu Tse décide de rejoindre une terre plus accueillante, sans doute l'Europe. Commence un périple où chaque lieu de passage, chaque transit, sera marqué par une lutte à mort contre les différents visages d'un système coprophage. Il restera sans cesse déterminé à vaincre la mort.
Wu Tse est donc ce mutant du pire : affamé, il devient cannibale ; tueur, pour survivre ; il aime, alors il viole !

Wu Tse va se mettre en rapport avec un passeur. Il y a déjà cette catégorie abominable de gens qui exploitent la misère humaine et il va se retrouver de l'autre côté, après d'ailleurs avoir passé une zone frontalière où se déroulent tous les trafics. Et de l'autre côté, ça n'est pas tellement mieux !
Wu Tse devient une sorte d'esclave finalement. En effet, les gens le transforment en une sorte de force de travail pure. Ce système est un dispositif de pouvoir qui a tendance à déshumaniser les gens, à les transformer en marchandise ou en forçat.

Et puis il y a une figure féminine assez magnifique qui s'appelle Kwan, qui gagne sa vie comme elle peut, en se prostituant, et qui néanmoins est parée de toutes les grâces. Ce roman est aussi une histoire d'amour, un amour, qui est ici respiration plus que lueur d'espoir, et qui s'exprime de la plus violente des façons. C'est une structure sous-jacente au livre. Cette dimension est très importante.
Kwan aura subi toutes les avanies, toutes les humiliations.
Wu Tse, lui, aura traversé les cercles des enfers, mais néanmoins ils vont se retrouver…
Et Pavel Hak nous laisse apparaître qu'après tout, après tout… l'espoir, c'est important !

Alors que nous voyons des populations entières contraintes aux pires conditions de vie débarquer sur les plages d'Europe, Pavel Hak isole le drame individuel intolérable de l'émigrant : jouant sa vie à chaque instant, cet homme, cette femme n'a pas de choix à effectuer, il n'accepte pas la mort, c'est tout. Il semble que beaucoup, chez nous, confortablement installés dans un salon ou un café, oublient parfois cet état de fait lorsqu'ils discutent valeureusement de flux migratoires à réguler, de raison garder et de quotas à respecter. Et cette cruauté indicible, « Trans » parvient à l'exprimer mieux que n'importe quel roman réaliste, justement à travers l'exubérance de l'anthropophagie, du viol et de quelques créatures surgies de l'île du docteur Moreau !
La sauvagerie, les viols, les meurtres, la morale, sont emportés par une outrance descriptive qui frappe, et c'est là le plus surprenant pour nous lecteurs !

C'est le deuxième livre de Pavel Hak que je lis après « Lutte à mort », et je suis toujours aussi fasciné son style brut et imposant, et par le fait que ses romans échappent aux règles narratives habituelles. Il écrit des romans courts et nerveux, concentrés d'idées tendues entre elles par une langue dont les excès témoignent à la fois de la maîtrise et de l'instinct. Pas un mot de trop, rien de superflu. L'écriture est relativement déroutante. le texte est sans concession. Scansions et descriptions pornographiques alternent nerveusement avec la réflexion métaphysique, mais l'ensemble dégage une cohérence intrigante, étonnante !

Pavel Hak semble très fasciné par les combats idéologiques de notre époque, et ses enjeux.
Il expose une conception de la littérature du détail autant que de la vision, voulant montrer le monde dans sa complexité, ce qui suppose de trouver une forme suffisamment complexe pour le refléter.
« Il ne s'agit pas forcément de dire quelque chose, mais de l'interroger, de le dépasser, de toucher, d'émouvoir, de faire réfléchir. »

Certains passages sont violents et dérangeants, notamment sur le cannibalisme et la sexualité, mais il demeure toujours ce pragmatisme et cette simplicité de la narration, qui occasionne le fait que si l'on est choqués par les situations décrites, l'on n'est pas choqués par les procédés de descriptions ni par l'intention de l'auteur. Il s'agit pour lui de nous raconter l'histoire de la monstruosité humaine, dans la survie comme dans les systèmes horribles qu'il a mis en place. A travers la fiction, c'est bien la violence de la réalité que Pavel Hak nous conte, à travers des récits parfois à la limite de l'insoutenable.

Pavel Hak, dramaturge et écrivain, est né en 1962 en Tchécoslovaquie. Comme beaucoup d'intellectuels, il a quitté son pays à cause des problèmes qu'il rencontrait avec le régime politique au sein de son pays d'origine. Il s'est installé à Paris en 1986 pour y faire des études de philosophie à la Sorbonne. Il écrit directement en français. Il a reçu pour « Trans », le Prix Wepler Fondation La Poste en 2006, un prix dont tout le monde reconnaît l'indépendance, un prix important pour lui, un prix qui a aussi récompensé des écrivains comme Antoine Volodine, pour ne nommer que lui.
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Ce livre est une sorte de "voyage au bout de la nuit", effroyablement pessimiste et violent, transposé dans le monde contemporain - mais l'auteur n'a pas le talent littéraire de L.-F. Céline ! le roman commence au sein d'un régime totalitaire absurde (qui pourrait être celui de la Corée du Nord). Wu Tse décide de fuir son pays, au péril de sa vie. Mais, une fois la frontière passée, il est loin d'être au bout de ses peines. Il est confronté à des trafiquants, des tueurs, des exploiteurs de la misère humaine et même des anthropophages. On se demande comment il peut survivre. Il n'y a pas seulement beaucoup de violence, mais aussi du sexe (sulfureux): sa première rencontre avec la belle Kwan s'apparente à un viol. Trop, c'est trop ! Mais l'écriture froide et crue (souvent télégraphique) de l'auteur m'a semblé presque plus rebutante. Je n'ai pas du tout aimé.
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Toujours pour mon plus grand plaisir ce même style brut et imposant de la part de cet auteur. L'on y suit les péripéties de Wang Tse, émigré clandestin qui quitte donc son pays pour rejoindre l'occident. Mais les choses se passent dramatiquement et peut être même fatale.
Le récit est violent, mais Hak n'exagère jamais cette violence pour la rendre malsaine d'exubérance. le propos en est quasiment documentaire si ce n'est que le héros est le narrateur dans beaucoup de situations et que ses pensées nous sont dévoilées.
Certains passages sont très dérangeants notamment sur le cannibalisme, mais il demeure toujours ce pragmatisme et cette simplicité de la narration (très traditionnelle de la littérature tchèque) qui occasionne le fait que si l'on est choqués par les situations décrites, l'on n'est pas choqués par les procédés de descriptions ni par l'intention de l'auteur.
Il s'agit de nous raconter l'histoire de la monstruosité humaine, dans la survie comme dans les systèmes horribles qu'il a mis en place.
Un excellent ouvrage.
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Ce n'est pas tant le sujet, très dur pourtant, de ce roman que j'ai détesté, que le style de l'auteur et sa façon de s'exprimer, tour à tour pamphlétaire, tour à tour morbide ou ensuite tentant (vainement) l'humour... Dès les premières phrases, j'ai donc été rebutée par le style, bien avant d'être écoeurée par les scènes du début ou, pour survivre, Wu Tse dépèce et mange des cadavres...

Nous sommes dans un pays d'Asie indéterminé, à la politique totalitaire stupide et mortifère (cherchez bien, vous trouverez assez vite quels pays peuvent correspondre... et pas seulement en Asie...). Les hommes tentent de fuir le régime, certains mourront en cours de voyage, d'autres y arriveront, mais pour atteindre quel eldorado ? le voyage de cet homme, ses rencontres, notamment celle avec la belle Kwan, sont assez poignants malgré tout, car on sent derrière le texte que tout cela pourrait être vrai, existe d'ailleurs sûrement quelque part dans le monde... Mais j'ai totalement décroché quand le jeune homme arrive sur la côte africaine, qu'il se retrouve face aux anthropophages et un centre médical plus que particulier. Là, j'ai trouvé que l'histoire devenait un grand n'importe quoi, certes reflétant la stupidité de la vie de certains, mais bon...

C'est un peu trop également à mon goût le panégyrique de l'horreur : mort bien sûr (mais finalement, la mort est loin d'être le pire qui puisse arriver à ces hommes et ces femmes...), mais aussi tyrannies, corruptions et trafics en tous genres, dont celui des corps, maladies, meurtres, violences sexuelles... Et tout ça pour ça... Pour arriver enfin dans le monde moderne dans lequel nous vivons, mais dans lequel ces pauvres êtres n'arriveront probablement jamais à se faire une place...

Déprimant de bout en bout !


Lien : http://liliba.canalblog.com/..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Wu Tse doit se dépêcher, il a le passeport et le billet, il ne lui reste qu’à se donner l’allure d’un homme qui rentre de son voyage d’exploration. Décrottage, dégraissage, rasage ! Ne faut-il pas qu’on le prenne pour celui dont il détient le passeport ? Il enfile les vêtements appropriés, chausse des godasses trekking, s’arme d’un appareil photo, remonte la trace des otages exécutés, arrive à un minuscule aérodrome d’où un avion à hélices ramène les touristes de leurs excursions. Wu Tse s’intègre aux passagers, monte à bord, s’assied sur le siège portant le numéro marqué sur son billet, jette un dernier regard sur la brousse, sourit de bonheur : What a wonderful trip ! L’avion à hélices décolle, survole la forêt par où Wu Tse vient de passer, atterrit sur une piste en béton où un minibus transporte les touristes vers un Boeing 747 dont les moteurs à réaction brassent les dernières bouffées d’air tropical.
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Une centaine de personnes embarquées ?
Une multitude d'espoir et de souvenirs ?
Soudain c'est la nuit à fond la cale. La rampe d'embarquement s'éloigne, le cargo quitte les eaux côtières, la proue fend les vagues, Wu Tse respire les relents de fioul. Combien de jours devront-ils passer dans ce sarcophage ? L'acier dégoulinant d'huile de moteur pue la prison, la prison se remplit d'excréments, les relents d'excréments empoisonnent tout le monde : un nouveau-né déjà mort (sanglotent les femmes). Et les hommes enfermés dans la cale maudissant le ciel: devront-ils tous mourir ?
Entre deux crises de claustrophobie, un vieillard raconte son histoire: la maison vendue pour une somme d'argent ridicule, le troupeau de brebis échangé contre les faux papiers, le village natal abandonné pour suivre les passeurs, les papiers d'identité confiés au chef des convoyeurs, l'interminable attente de l'embarquement dans un hangar désaffecté.

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Chaleur. Soif.
Spasmes musculaires.
Transformé en machine, Wu Tse fabrique une centaine de pantalons chemise vestes par jour. Production record, rendement inhumain... - mais Wu Tse ne sent aucune fatigue. Découper le tissu, assembler les morceaux, coudre : la machine Wu Tse chie une quantité de produits suffisantes pour inonder le marché mondial. Au travail à partir de 5 heures du matin, Wu Tse trime. Il n'a plus faim. Et, pour étancher sa soif, on lui donne à boire de l'huile de moteur : une machine doit être bien huilée (quand l'atelier clandestin passera à l'âge électronique on abreuvera la machine Wu Tse avec l'électricité).
Progrès technologique. Main-d'oeuvre ultramoderne.
Tubes de néon éclairant la machine Wu Tse.
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Visages fermés. Stress & anxiété.
Freinage. Réouverture des portes.
Les passagers s'extraient du train, prennent (dressés à parcourir automatiquement leur trajet) la direction adéquate (correspondance ou sortie). Wu Tse s'élance vers l'Escalator fléché sortie. Foule de gens devant, foule de gens derrière : Wu Tse cherche à comprendre le comportement à adopter : les gens glissent leurs ticket de transport dans la fente de l'appareil, le reprennent sans s'arrêter de marcher, passent. Mais Wu Tse n'a pas de ticket de transport. Épave humaine échouée sur la rive strictement réglementée, il lance un 's' il vous plaît' sans conviction... - et la foule pressée l'écarte.
Obstacle fâcheux.
Élément étranger (aussitôt détecté).

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Quel barrage dresser contre l'afflux d'immigrés?
(...) transformés en matière première dont on peut faire un bizness plus lucratif que le trafic d'armes. Les bénéfices annuels (estimés à des milliards de dollars) ne confirment-ils pas que la demande est inépuisable?
(...) Un mur hérissé de barbelés
(...) Durcir la politique d'émigration fait monter les prix.
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Vidéo de Pavel Hak
Entretien réalisé par Julia Cordonnier (montage : Agnès Touzeau)
Pavel Hak, « Vomito negro », Verdier, collection « chaoïd », 2011. https://editions-verdier.fr/livre/linquietude-detre-au-monde/
Quatrième de couverture :
Une île quelque part sous les tropiques des Caraïbes. Villas de luxe, milliardaires se reposant entre deux raids boursiers, jet-set. Mais aussi crime organisé, trafics humains en tout genre, prostitution, misère. Un frère et une soeur sont les héros du roman, descendants de captifs venus de l'autre côté de l'océan, esclaves dans les plantations. Marie-Jo est kidnappée. Son frère est poursuivi par la police et la mafia locales. Il part à la recherche de sa soeur sur le continent. Vomito negro raconte leur lutte pour la survie et croise leurs itinéraires respectifs avec le récit de leur père évoquant sa traversée à fond de cale. Comment Marie-Jo échappe à Sidney Parker et au docteur Godrow? Comment son frère, passé clandestinement sur le continent, devient membre d'un escadron de la mort ultra-secret? Avec ce nouveau roman, Pavel Hak poursuit son exploration des conséquences ultimes du capitalisme contemporain, celles de la prédation sans limites, de la marchandisation des corps et d'une déshumanisation à laquelle ses personnages répondent par une effrayante volonté de vivre. Cette urgence passe tout entière dans la phrase, dont la vitesse fait de ce roman une course hallucinée, qui a les fulgurances d'un poème.
Site : https://editions-verdier.fr/ Facebook : https://www.facebook.com/EditionsVerdier Twitter : https://twitter.com/EditionsVerdier
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