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EAN : 9782221123904
440 pages
Robert Laffont (26/01/2012)
4.03/5   172 notes
Résumé :
1950, New York.
Après Orson Welles et Arthur Miller, McCarthy et son équipe interrogent une certaine Maria Apron, 37 ans, actrice. Elle est accusée d'être entrée en Amérique avec un faux passeport et d'avoir assassiné un agent secret de l'OSS en Union sovétique. Pour se défendre, Maria Apron n'a que ses souvenirs. En actrice consommée, elle va, telle Shéhérazade, les distiller à ses accusateurs au cours des cinq journées que dure son interrogatoire.
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Critiques, Analyses et Avis (48) Voir plus Ajouter une critique
4,03

sur 172 notes
En 1950, alors que l'hystérie anti-communiste menée par McCarthy bat son plein et que le HUAC (House Un-American Activities Committee) s'en prend au milieu du cinéma depuis quelques années déjà, l'actrice Maria Apron est accusée d'être entrée aux Etats-Unis sous une fausse identité après avoir tué un agent secret américain infiltré en Union Soviétique. de son vrai nom Marina Gousseiev, la jeune femme tente de s'expliquer. Oui, elle est bien russe. Non, elle n'a jamais été communiste. Au contraire, poursuivie par les autorités soviétiques, elle a dû fuir Moscou et, se faisant passer pour juive, s'est réfugiée au Birobidjan, cet état juif autonome créé par Staline dans l'extrême Est du pays, à la frontière mandchoue. C'est là qu'elle a connu et aimé un médecin américain du nom d'Apron, bientôt envoyé au goulag pour espionnage, et qu'elle s'est retrouvée à nouveau contrainte de fuir, cette fois aux Etats-Unis…


Certes rocambolesque, cette histoire ne s'en lit pas moins avec grand plaisir tant elle est bien menée et bien écrite, et tant elle présente d'intérêt historique. Car, au-delà des très rebondissantes aventures de sa très romanesque héroïne, plus encore que son évocation de la terreur stalinienne, des conditions du goulag et de la chasse aux sorcières après-guerre aux Etats-Unis, c'est la découverte du sort méconnu des Juifs en Union Soviétique pendant la seconde guerre mondiale qui rend ce roman passionnant. On y apprend ainsi l'instauration du Birobidjan en 1934, premier territoire juif officiel, son rôle de terre d'accueil pendant la Shoah et sa vitalité culturelle en yiddish. Une vitalité qui connaîtra le coup de grâce avec la création de l'État d'Israël.


Utile rappel historique donc, mais aussi hommage aux auteurs juifs en Russie, en tête desquels on retiendra Pasternak, prix Nobel de littérature dont tout le monde connaît le Docteur Jivago, le texte de Marek Halter se teinte aussi d'ironie, lorsqu'en pleine époque nazie en Europe, son héroïne russe cherche le salut... en se faisant passer pour juive ! Cette couverture la transformera d'ailleurs profondément, puisque la jeune femme n'aura de cesse de gagner sa légitimité au sein d'une communauté qui l'aura accueillie sans réserve. Appliquée à partager le mode de vie, la langue, la culture et le sort de son entourage juif, elle finit par devenir laïquement juive, conformément à cette conviction qu'à l'auteur qu' « on ne naît pas juif, on le devient», et qu' « un individu qui se dit juif est juif ».


Ses points d'intérêt tant historiques que culturels, en plus du libéralisme religieux qu'il laisse entrevoir, font de ce roman, par ailleurs agréablement écrit et mené, une lecture tout à fait recommandable, à laquelle on pardonnera aisément ses premiers abords « rocambolesquement » romanesques.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Bon d'accord, voilà un ouvrage au titre fâcheusement harlequinesque, avec une belle histoire d'amuur à l'intérieur.

Mais au-delà de cette approche primaire, ami lecteur, tu apprécieras l'édifiant destin d'une fière héroïne tolstoïenne malmenée par l'Histoire. Histoire de son pays d'origine, la riante Union Soviétique de Staline, Histoire de l'Amérique des années cinquante en pleine crise de la guerre froide.

Plus instructif encore, tu découvriras la naissance d'un authentique état autonome juif en Sibérie orientale, le Birobidjan, dont pour ma part j'ignorais tout, personne n'est parfait.

Hommage à la diversité religieuse, au théâtre et à la langue yiddish, à la littérature russe, ce roman riche et séduisant est en outre animé par la plume particulièrement harmonieuse de Marek Halter que je redécouvre ici avec un plaisir tout neuf.

Alors tu oublies Harlequin, et à travers les vastes étendues sibériennes ou les méandres sournois du maccarthysme, suis donc les traces peu orthodoxes de cette énigmatique inconnue, tu ne seras pas déçu.


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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J'AVAIS PAR ERREUR PUBLE CETTE CRITIQUE DANS LA RUBRIQUE CITATION ...
Je la soumet donc à nouveau à votre sagacité . désolé.

La littérature et l'histoire ne font souvent pas bon ménage....

Dans ce roman l'auteur décortique subtilement le destin tragiquement ambiguë du monde juif soviétique ...
Il semble pourtant que l'approche de l'auteur soit trop subtile . Alors deux éclaircissements :

Les juifs s'investirent massivement dans la révolution bolchevique et de ce fait, ils furent une des cibles principales des purges staliniennes ...
L'exil ne leur fut souvent pas profitable car leurs convictions communistes réelles ou phantasmées , ne furent pas une carte de visite reluisante en occident dans le contexte de la guerre froide .
L'auteur déploie cette paradoxale destinée tragique dans ce roman brillant .
Les seuls juifs russes qui eurent jamais la paix , furent ceux qui firent la guerre pour avoir la paix , en rejoignant le yishouv devenu entretemps l'état d'Israël ...

Le Birobidjan juif est un mythe communiste .
De juif, il n'eût que le nom . Que lui confèrent les circulaires et la propagande soviétique . Mais par nature les mythes sont tenaces .
Sa population juive ne dépassant jamais plus de quelques milliers de juifs russes . À ces maigres effectifs , il faut ajouter le personnel d'un théâtre yiddish qui possède d'ailleurs aujourd'hui , toutes les caractéristiques d'une maison de retraite ...
De nos jours , je crains que 90 pour cent des juifs n'aient quitté la Russie pour aller construire le capitalisme en galouth (diaspora ) et en Israël .

Ce roman est une tragédie sur un mode narratif yddisher avec un ton légèrement hagadique ( c'est un euphémisme ) .
Ironie et ambiguïté des situations et des gens , couplées aux effets du temps et des temps qui passent et transforment les âmes , les valeurs et les peuples ...

Ignorer les bases historiques du naufrage que représente le stalinisme messianique conduirait le lecteur à ne rien comprendre à ce texte et aux destins collectifs dont il est le mémorial tragiquement souriant .
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Birobidjan, lointaine terre sibérienne, patrie 'offerte' aux juifs, par Staline. C'est là que, poursuivie du NKVD et bien que non juive, ira se cacher l'actrice talentueuse Marina.

Le livre débute 10 ans plus tard, en 1950, en plein Maccarthysme, au procès de Marina accusée d'espionnage mais ne serait-ce pas un coup monté par le FBI dans un but électoraliste?

Sautant d'une époque à l'autre, on vit les convictions et les doutes du journaliste Al. Koenigsman devant cette actrice qui joue si bien son rôle, mais aussi sa vie.

J'ai apprécié l'écriture de Marek Halter pleine de maturité, c'est du lourd, ça sent le vécu, le monde du théâtre de Staline, l'accueil des juifs au Birobidjan, les suspicions pesantes du maccarthysme.
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Comment évoquer des sujets tragiques (le sort des Juifs européens au XXème siècle, les meurtres de masse du stalinisme, les procédés répugnants du McCarthysme) sans (trop) tomber dans le pathos ? Marek Halter réussit brillamment l'exercice en composant, à travers l'histoire de Marina, jeune et jolie comédienne dont le destin bascule le soir où elle croise la route et l'obscène brutalité d'un des plus grands assassins de l'histoire. Elle fuit le Kremlin, résiste aux terribles années de guerre, à la terreur des polices politiques, au mensonge élevé à un art et au désespoir qui borne le quotidien, pour finir entre les griffes du sénateur McCarthy et de ses acolytes l'accusant d'être une des espionnes ayant dérobé le secret de la bombe au profit de Staline. Au-delà de l'intrigue consistant à savoir si elle échappera ou non à la chaise électrique, le lecteur fasciné découvre l'univers cauchemardesque de l'Union soviétique des années 30-50 et comment la perversité du monstre régnant par la terreur le conduisit à déporter dans une contrée désertique au climat sibérien la majorité des Juifs d'Union soviétique avec leur quasi-assentiment.
Ca se lit comme un polar mais, hormis les deux personnages principaux et leur belle histoire d'amour, tout le reste est (malheureusement) vrai, tragiquement vrai à un point tel qu'on finit par se dire que, si certains ont pu écrire que la France était, par le nombre de ses habitants et la longueur de son histoire, le plus grand ossuaire du monde, la Russie et ses satellites soviétiques constituent sans doute le plus grand déversoir de larmes et de désespoir de la Terre.
« Parfois, un enfant qui était allé faire une course revenait et ne retrouvait plus sa famille. Tous disparaissaient du jour au lendemain, accusés de trotskisme, de défaitisme, d'insulte au bolchevisme. Une parole, une phrase, un rire vieux de vingt ans suffisait à vous condamner. Parfois, tous les ouvriers d'une usine étaient arrêtés au prétexte de sabotage. Des deux mille délégués au XXVIIème congrès du Parti de janvier 1934, mille huit cents ont été assassinés dans les deux années qui ont suivi. Même Kirov, le puissant maire de Leningrad qui s'y était fait applaudir, a été assassiné. Staline est allé pleurer sur son cercueil. Ensuite, selon sa volonté, le NKVD s'en est pris à l'Armée rouge. Soixante-dix mille officiers, capitaines, commandants et généraux ont été exterminés... La pire des pestes nous rongeait : la peur. Certains ne pouvaient plus voir leur reflet dans un miroir. Ceux qui ne supportaient pas se suicidaient. Cela semblait si apaisant, de mourir. C'était mieux que de vivre avec cette peur. Les suicides, on ne les comptait plus. Chaque fois que j'apprenais un nouveau suicide, je pensais à Nadedja Allilouïeva.
Mais quand on n'avait pas le courage du suicide, il était difficile de ne pas devenir un monstre. La peur vous pourrit l'âme. On ne ressent plus rien d'autre. L'envie vous vient de caresser vos bourreaux... »
Et au fin fond de la Sibérie, dans ce Birobidjan perdu au milieu de nulle part, où règnent, comme partout dans l'immense pays, le mensonge, la peur, les rancoeurs et les haines ordinaires qui se payent au prix fort, on trouve aussi un peu de chaleur humaine, d'entraide, de mains tendues qui allègent un tout petit peu le poids du malheur.
Un roman passionnant, bien écrit et très émouvant. Une construction habile pour rendre hommage, à travers l'histoire d'amour de cette héroïne bien résiliente, à cette page d'histoire méconnue du Birobidjan, premier état juif du XXème siècle, et à ces millions de victimes silencieuses qui méritent vraiment qu'on ne les efface pas de nos mémoires.
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Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Lors de son procès, Marina relate les circonstances de la mort de la deuxième épouse de Staline, qui se serait suicidée alors que le dirigeant communiste passait la nuit avec l’héroïne. L’occasion d’une leçon d’humilité pour McCarthy:

Il y eut un silence embarrassé avant que McCarthy demande :
- Mais vous, Miss… vous n’aviez pas de remords?
Elle ne répondit pas tout de suite. Un demi-sourire, amer et las, glissa sur ses lèvres sèches :
- Vous voulez savoir si j’avais honte? Si je me sentais souillée, si j’avais l’impression d’avoir agi comme une putain? C’est ça?
Les pommettes de McCarthy rosirent. Une mauvaise grimace s’étala sous son nez cassé.
- J’avais dix-neuf ans, monsieur. J’apprenais la vie dans un pays où depuis des années on mourait ou on disparaissait dans un coin de Sibérie pour un rien. C’était ça aussi, la révolution bolchevique. “Vivre dans un monde nouveau, c’est gravir une paroi de glace avec des ongles d’enfant”, a écrit un poète de chez nous. Il s’appelait Maïakovski. Staline disait qu’il l’aimait beaucoup. Maïakovski s’est suicidé.
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[...] Staline est plus malin qu’Hitler. Il a compris que les morts ne servent à rien. C’est inutile, un mort. Même un mort juif. Les cadavres ne charrient pas le charbon dans les mines et ne cousent pas d’uniformes. Et pourquoi n’exterminer que les juifs quand tous les vivants peuvent être coupables de vivre? Staline ne réduit pas les êtres en cendres et ne les transforme pas en savon. Il use. Il use les corps, l’intelligence, la volonté, l’amour…
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Les murs se souviennent de la musique de nos rêves, et c'est ce qui rend fou les nazis, là-bas, en Pologne et en Ukraine. C'est pour ça qu'ils détruisent, détruisent, détruisent encore... Ça ne leur suffit pas, de massacrer les corps de tous les juifs du monde. Il leur faut aussi détruire nos murs pour ne plus entendre nos rêves
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"_ Miss Gousseïev...
Elle le fit taire d'un geste.
_ Vous ne pouvez pas comprendre ce que signifiait un dîner pareil pour une fille comme moi. En pleine famine. Avec les rues envahies de gosses à gros ventres, de femmes aussi maigres que des cadavres. Les vieux qui se jetaient sur les chiens et les rats... Et la peur de l'hiver. Les gens venaient au théâtre parce que le froid y était plus supportable que dans les appartements. Nous, on jouait du matin au soir pour oublier la faim. Les répliques n'étaient que des mots pour faire passer le temps. On jouait les héros de la Révolution, mais personne n'y croyait plus. C'était comme raconter un conte... Les vieux se souvenaient de la guerre civile, après le coup d'Etat de 1917. A l'époque...
Le marteau de Wood s'abattit. Tout le monde sursauta.
_ Miss Gousseïev !... Nous ne sommes pas ici pour écouter un cours d'histoire soviétique.
_ Ce dîner au Kremiln a changé ma vie."
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Les questions sont venues. Juste ce qu'il fallait. Elles ont demandé où j'allais et pourquoi. Je n'ai pas dit :"Je vais me cacher au Birobidjan." J'ai juste dit : "A l'Est, loin de Moscou." Elles ont hoché la tête. "Tu ne vas pas à Gorki, alors ? - Non, plus loin. - Tu vas à Perm ? - Plus loin encore." Cette fois, elles savaient. Au-delà, il n'y a que la Sibérie. "Tu as de la famille, là-bas ?" Pourquoi n'ai-je pas dit la vérité ? Peut-être parce que je devinais qu'au mot "juif" elles changeraient d'attitude. J'ai fait un petit mensonge en hochant la tête. C'était presque vrai. Je ne le savais pas encore, mais la grande famille des Juifs m'attendait. Les femmes n'ont pas insisté. Elles croyaient comprendre. Elles imaginaient que j'allais rejoindre un mari, un amant dans l'un des milliers de camps de rééducation. Les camps du Goulag. Tout le monde les connaissait. Quand elles n'avaient pas d'enfants, plus de famille, certaines femmes allaient vivre près du camp où leur homme était prisonnier. Elles s'emprisonnaient elles-mêmes pour vivre encore une forme d'amour.
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Marek Halter nous parle de son nouveau roman, "Dans tes yeux, un amour dans le ghetto". En savoir plus https://bit.ly/dans-tes-yeux
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