AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070700097
84 pages
Gallimard (25/10/1983)
4.18/5   19 notes
Résumé :
Sept textes poétiques écrits entre 1976 et 1982 composent ce recueil du poète suisse d'expression française Philippe Jaccottet.
Que lire après Pensées sous les nuagesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Première rencontre avec ce poète suisse totalement inconnu pour moi jusqu'ici.

Dans « le mot joie », il explique : « (…) il y avait du vrai dans tout cela ; mais il manquait l'essentiel : la plénitude(…), et plus que le mot « joie », c'est bien celui de « plénitude » qui me semble donner au plus juste la tonalité de ce recueil. Parus en 1983, sous la plume d'un homme d'expérience (l'auteur est né en 1925), les poèmes capturent une certaine idée de lenteur, d'une immobilité fugace, le mouvement esquissé ou qui va prendre son élan plutôt que l'instantanéité juvénile de l'action. L'enfance est parfois suggérée mais toujours à distance, un peu comme un souvenir figé.
La nature est célébrée comme élément du paysage, sous le signe de vibrations presque imperceptibles : la brume enveloppante, les nuages dans leur course calme, tandis que le poète-marcheur harmonise son rythme intérieur à l'univers qui l'entoure.
J'ai entendu ces poèmes comme une méditation à haute voix, un monologue serein non exempt de question.
J'ai eu un peu de mal à m'accorder au rythme de la parole : une représentation de la nature aussi statique ne me séduit pas vraiment. Beaucoup de ces poèmes m'ont évoqué l'image d'un grand lac placide. Pourtant, ici ou là, surgissent des couleurs sonores, une lumière jaune naissante et un soleil « enfin moins timoré », mais l'évocation se fait sans éclat, toujours minimaliste.
Parfois, affleure la douleur, la blessure : un « chanteur ne chantera plus », il faut « recoudre », mais la souffrance murmure plus qu'elle ne crie, feutrée, pudique.
Même le poème intitulé « Plaintes pour un compagnon mort », moins terrestre que ce qui précède, ne se répand aucunement en tristesse liquide. Au contraire, les mots invitent au silence, comme si la douleur du survivant était un blasphème à celle du défunt. J'avoue être un peu restée en dehors de cette poésie tellement discrète qu'elle finirait presque par signifier la vanité du mot.
Je n'ai pas été étonnée de trouver, près de la fin du livre, un texte appelé « A Henry Purcell ». J'avais senti, lisant les pages précédentes, le goût du poète pour la musique, sans doute musicien lui-même. Malgré cela, je dois dire que cet hommage poétique au compositeur anglais ne m'a absolument pas touchée ou fait résonner quelque chose en moi, ayant déjà peu d'inclination pour ce musicien : les images célestes et astrales n'ont en rien ravivé en moi les harmonies de Purcell. C'est ainsi avec la poésie : on vibre, même furtivement, ou pas du tout, là où un autre lecteur se sentira ému.
Au bout du compte, j'ai bien aimé cette rencontre, mais je pense qu'il me faudra d'autres visites auprès des mots de Philippe Jaccottet pour que je puisse l'apprécier à sa juste valeur, car, au-delà de l'éloignement que j'ai pu éprouver, j'ai tout de même découvert une belle vision, un souffle discret et un immense amour des mots.
Commenter  J’apprécie          93
Poésie de la simplicité et du contact immédiat avec le réel.Philippe Jaccottet décrit une marche dans la montagne.
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
La lyre de cuivre des frênes
a longtemps brillé dans la neige

Puis, quand on redescend
à la rencontre des nuages,
on entend bientôt la rivière
sous sa fourrure de brouillard.

Tais-toi : ce que tu allais dire
en couvrirait le bruit.
Écoute seulement : l'huis s'est ouvert.

p. 48
Commenter  J’apprécie          160
Jour à peine plus jaune sur la pierre et plus long,
ne vas-tu pas pouvoir me réparer ?
Soleil enfin moins timoré, soleil croissant,
ressoude-moi ce cœur.
Lumière qui te voûtes pour soulever l'ombre
et secouer le froid de tes épaules,
je n'ai jamais cherché qu'à te comprendre et t'obéir.
Ce mois de février est celui où tu te redresses
très lentement comme un lutteur jeté à terre
et qui va t'emporter ---
soulève-moi sur tes épaules,
lave moi de nouveau les yeux, que je m'éveille,
arrache-moi de terre, que je n'en mâche pas
avant le temps comme le lâche que je suis.
Je ne peux plus parler qu'à travers ces fragments pareils
à des pierres qu'il faut soulever avec leur part d'ombres
et contre quoi l'on se heurte,
plus épars qu'elles."
Commenter  J’apprécie          183
Cette montagne a son double dans mon coeur.

Je m'adosse à son ombre,
je recueille dans mes mains son silence
afin qu'il gagne en moi et hors de moi,
qu'il s'étende, qu'il apaise et purifie.

Me voici vêtu d'elle comme un manteau.

Mais plus puissante, dirait-on, que les montagnes
et toute lame blanche sortie de leur forge,
la frêle clef du sourire.
Commenter  J’apprécie          90
Ce matin, il y avait un miroir rond dans la brume,
un disque argenté près de virer à l'or,
il eût suffi d'yeux plus ardents pour y voir
le visage de celle qui en efface avec un tendre soin
les marques de la nuit...
Commenter  J’apprécie          140
Je ne crois pas décidément que nous ferons ce voyage

à travers tous ces ciels qui seraient de plus en plus clairs,

emportés au défi de toutes les lois de l'ombre.
Je nous vois mal en aigles invisibles, à jamais tournoyant autour de cimes invisibles elles aussi par excès de lumière...

(À ramasser les tessons du temps, on ne fait pas l'éternité.
Le dos se voûte seulement comme aux glaneuses.
On ne voit plus que les labours massifs et les traces de la charrue à travers notre tombe patiente.)


Il est vrai qu'on aura peu vu le soleil tous ces jours,

espérer sous tant de nuages est moins facile,

le socle des montagnes fume de trop de brouillard...

(Il faut pourtant que nous n'ayons guère de force

pour lâcher prise faute d'un peu de soleil

et ne pouvoir porter sur les épaules, quelques heures,

un fagot de nuages...

Il faut que nous soyons restés bien naïfs

pour nous croire sauvés par le bleu du ciel

ou châtiés par l'orage et par la nuit.)


Mais où donc pensiez-vous aller encore, avec ces pieds usés ?

Rien que tourner le coin de la maison, ou franchir, de nouveau, quelle frontière ?

(L'enfant rêve d'aller de l'autre côté des montagnes, le voyageur le fait parfois, et son haleine là-haut devient visible, comme on dit que l'âme des morts...
On se demande quelle image il voit passer dans le miroir des neiges, luire quelle flamme, et s'il trouve une porte entrouverte derrière.
On imagine que, dans ces lointains, cela se peut : une bougie brûlant dans un miroir, une main de femme proche, une embrasure...)

Mais vous ici, tels que je vous retrouve,

vous n'aurez plus la force de boire dans ces flûtes de

cristal, nous serez sourds aux cloches de ces hautes tours, aveugles à ces phares qui tournent selon le soleil, piètres navigateurs pour une aussi étroite passe...

On vous voit mieux dans les crevasses des labours, suant une sueur de mort, plutôt sombres qu'emportés vers ces derniers cygnes fiers...


Je ne crois pas décidément que nous ferons encore

ce voyage, ni que nous échapperons au merlin sombre une fois que les ailes du regard ne battront plus.

Des passants.
On ne nous reverra pas sur ces routes, pas plus que nous n'avons revu nos morts ou seulement leur ombre...

Leur corps est cendre, cendre leur ombre et leur souvenir ; la cendre même, un vent sans nom et sans visage la disperse et ce vent même, quoi l'efface ?

Néanmoins, en passant, nous aurons encore entendu

ces cris d'oiseaux sous les nuages

dans le silence d'un midi d'octobre vide,

ces cris épars, à la fois près et comme très loin

(ils sont rares, parce que le froid

s'avance telle une ombre derrière la charrue des pluies),

ils mesurent l'espace...

El moi qui passe au-dessous d'eux, il me semble qu'ils ont parlé, non pas questionné, appelé,

niais répondu.
Sous les nuages bas d'octobre.
Et déjà c'est un autre jour, je suis ailleurs, déjà ils disent autre chose ou ils se taisent, je passe, je m'étonne, et je ne peux en dire plus.
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Philippe Jaccottet (28) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Philippe Jaccottet
Retrouvez les derniers épisodes de la cinquième saison de la P'tite Librairie sur la plateforme france.tv : https://www.france.tv/france-5/la-p-tite-librairie/
N'oubliez pas de vous abonner et d'activer les notifications pour ne rater aucune des vidéos de la P'tite Librairie.
Savez-vous qu'on peut tout à fait lire l'Odyssée sans avoir lu l'Iliade ? Cet extraordinaire poème est l'ancêtre de tous les grands romans d'aventure et d'initiation. Et il est d'une modernité incroyable.
L'Odyssée existe dans de très nombreuses éditions, je vous recommande la traduction magnifique de Philippe Jacottet, en poche, aux éditions La Découverte.
+ Lire la suite
autres livres classés : poésieVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (35) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1226 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}