Le récit commence le jour de la révolution des oeillets, qui a mis fin à la dictature salazariste au Portugal, le 25 avril 1974. En fait un coup d'État sans bain de sang qui, au sud de l'Europe avant l'Espagne et la Grèce, a permis l'instauration d'un régime démocratique.
Ce jour hautement historique, à Fundão, près de Castelo Branco au nord-est de Lisbonne, le citoyen Celestino quittait tôt le matin son domicile, comme d'habitude, pour être retrouvé mort, la tête criblée de balles, par le médecin du village, Augusto Mendes.
C'est le début de l'histoire de la famille Mendes sur 3 générations que
Joao Ricardo Pedro nous raconte : du doutor Augusto, son épouse Laura de Jesus, leurs fils António, un revenant traumatisé de la guerre en Angola, sa femme Paula et leur fils, le talentueux pianiste Duarte et sa compagne Luisa.
En arrière-plan, l'auteur nous présente en flashes l'histoire politique de son pays : du régime dictatorial d'Oliveira Salazar de 1932 à 1968, de Marcelo Caetano de 1968 à 1974 et les premiers pas du régime démocratique qui a succédé.
Ce retour en arrière ne se limite pas aux aspects purement politiques, mais met également en valeur des gloires du Portugal, tels le poète
Luís de Camões, la "rainha" (reine) du fado,
Amália Rodrigues et le champion cycliste Joaquim Agostinho.
Je peux me permettre de vous épargner un résumé du récit, compte tenu du long résumé de l'éditeur repris dans la présentation de l'ouvrage sur notre site de lecteurs.
Je voudrais, par contre, souligner les qualités littéraires de son auteur, qui dispose d'un énorme talent de narrateur, opérant par touches légères ou flux de bouche pour cerner aussi bien une situation déterminée que des personnages d'une grande variété.
Une approche agréable à lire, qui est renforcée par un humour étonnamment "british".
Je me limite à un seul exemple : le coiffeur Alcino qui a les mains tremblantes... sauf lorsqu'il coupe les cheveux.
La formule du récit en courts fragments demande cependant de la part du lecteur un minimum de concentration et de patience, car ce n'est qu'en lisant attentivement les dernières pages du roman que tout s'explique.
Des critiques littéraires comparent l'auteur à
José Saramago, Gabriel
Garcia Marques et
Julio Cortázar.
J'ai lu ce livre en version néerlandaise en octobre 2014, après lecture d'un long entretien de l'auteur dans un magazine littéraire hollandais, au cours duquel il explique que son oeuvre a été inspirée par des faits réels de sa propre existence. Ainsi, son père est revenu de son service militaire en Angola, en 1962, traumatisé à vie.
C'est avec plaisir que j'ai relu ce livre qui a absolument bien mérité le prix littéraire portugais prestigieux Leya à sa sortie en 2012 et qui a été traduit dans de nombreuses langues, y compris l'Arabe et le Chinois.
À ma connaissance,
Joao Ricardo Pedro n'a publié qu'un seul autre livre "Um postal de Detroit" (une lettre de Detroit) en 2016, qui n'a hélas pas été traduit en Français. J'attends avec impatience la traduction de ce livre et j'espère que l'auteur, qui n'a pas encore 50 ans, nous réservera des surprises de la même qualité littéraire que son début.