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sur 562 notes
Livre impressionniste par excellence, son titre aurait pu être Impression Dublin Levant. Exactement à la manière des peintres de la mouvance de Monet qui essayaient de capturer la lumière d'un instant, James Joyce essaye de recueillir en le moins de pages possible des impressions, des sensations, des sentiments fugaces, qui, mis bout à bout, donnent une idée de la « température » du Dublin début de siècle, juste après la grande hémorragie de la seconde moitié du XIXème et juste avant la nouvelle hémorragie de la Première Guerre Mondiale et en plein processus d'accession à l'indépendance dans un contexte religieux houleux dont on sait ce qu'il deviendra.
Dans son style, ce recueil de quinze nouvelles peut être rapproché du livre de John Dos Passos, Manhattan Transfer, qui reprendra cette manière impressionniste de Joyce en cherchant lui aussi à dresser non le portrait de personnages, mais l'atmosphère d'une ville et d'une époque.
Moi qui avait été tellement déçue à la lecture d'Ulysse, je ne peux qu'applaudir devant la finesse d'écriture, l'élégance, la justesse et la maîtrise de l'exercice, plutôt périlleux, s'il en est, et qui m'a ravi.
On peut certes être dérangé par la sensation de « papillonnement » autour de telle ou telle personnalité qu'on aimerait creuser davantage. Mais dans le projet littéraire que James Joyce s'est proposé, c'est absolument parfait, des petits instantanés au Polaroïd de sa plume, où l'on évoque la religion, l'émigration, les problèmes économiques, le nationalisme, l'alcool et les pubs, les relations de travail, les formes de l'amour et surtout le Caractère avec un grand C de ces gens de Dublin (ou de ces Dublinois, selon la traduction).
En guise de conclusion, si vous aviez encore un doute sur quel bouquin de Joyce vous deviez lire, je vous conseille sans ambages Gens de Dublin plutôt qu'Ulysse (ou pire encore Finnegans Wake, sauf pour notre ami Gurevitch qui doit le trouver limpide et même un peu simpliste), cela vous prendra beaucoup moins de temps et vous n'y perdrez pas au change, en tout cas c'est mon misérable avis émis depuis le continent, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Le jeune James Joyce, en dépit du titre, ne nous lègue pas exactement un guide du routard pittoresque avec “Gens de Dublin”. L'emblématique auteur irlandais, adepte du “courant de conscience” use de la (désormais) capitale d'Irlande comme d'un ancrage, certes tangible, mais au second plan. Car ce sont avant tout les pensées, fluctuantes, les entrailles des personnages, sur fond d'une banalité parfois insoutenable, qui font l'attrait de ces nouvelles. Les sentiments sont sans frontières, ainsi nous sommes tous et chacun ces gens de Dublin.

Joyce, bien qu'ayant sacrifié à quelques facéties d'éditeurs sur son style, affirme déjà la suprématie de la vie intérieure des personnages dans la narration, rejoignant ainsi au panthéon des écrivains du “flux de conscience” Italo Svevo, Henry James, Marcel Proust et bien sûr, Virginia Woolf. D'ailleurs en matière de style, si vous êtes effrayé par “Ulysse”, sachez qu'avec “Gens de Dublin”, vous ne risquez rien ! C'est un livre très abordable, simple dans son écriture.

Le recueil se compose d'un certain nombre de petites histoires, certaines sont des “épiphanies”, comme Joyce les qualifiaient. C'est-à-dire une fulgurante clairvoyance où le personnage se trouve à un moment de bascule et donne impulsivement un coup de volant tantôt à gauche, tantôt à droite, marquant la bifurcation irrémédiable de son destin. Une technique efficacement éprouvée dans la nouvelle “Eveline” par exemple.

Les vies de ces “Dubliners” sont tourmentées dans leur nostalgie par une cruelle amertume, à l'image de Gretta Conroy, l'épouse de Gabriel, dans la dernière nouvelle “The Dead” ou encore du guichetier “Mr. Duffy” dans “A Painful Case”.

La dernière nouvelle, “The Dead” est bien plus longue et représente assez bien le côté déroutant de James Joyce. On a presque l'impression de deux histoires en une… et pourtant c'est bien là tout l'intérêt, derrière l'histoire sociale, celle d'une soirée bourgeoise où, à l'ombre des chants frivoles, des palabres politiques (nous sommes quelques années avant l'indépendance de l'Irlande) se joue l'histoire profonde de deux époux, leur “humus intime” comme disait Robert Musil. L'ouvrage fera l'objet d'une adaptation cinématographique fidèle par John Huston, et Gretta Conroy renaîtra pour le spectateur sous les traits aquilins de sa fille, l'envoutante Anjelica Huston.

Ce film est d'un grand intérêt car Huston donne une interprétation très inspirée et éclairante de cette nouvelle, pleine de pénombre. Mais le fameux flux de conscience reste hors de portée de sa caméra. Notamment dans l'exercice impossible de la description des pensées du personnage de Gabriel, que les équivoques et ambiguïtés d'un jeu d'acteur tout en nuance ne peuvent suffire à faire sentir au spectateur, sans le recours, parcellaire et comme un aveu d'impuissance, à la voix-off…

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« J'appelle la série Dubliners, afin de dénoncer l'âme de cette hémiplégie ou paralysie que beaucoup prennent pour une ville. »

Et c'est bien ainsi que nous apparaît Dublin dans ce recueil de nouvelles écrit autour de l'année 1904 : pétrifiée, fossilisée, confite en dévotion, grise et sale, provinciale, ennuyeuse, étriquée, moins qu'une ville, à mille lieues de ses prestigieuses aînées, Londres, Berlin, et surtout Paris, la flamboyante. Et pourtant, derrière l'ironie mordante de la plume se cache une infinie tendresse pour cette ville bancale et pour ses habitants cultivant un sens de l'hospitalité à nul autre pareil.
Chaque nouvelle est un instantané, un tableau de la vie dublinoise, un moment d'existence saisi sur le vif dans lequel le lecteur est précipité sans préavis, l'auteur ne s'embarrassant pas de propos liminaires. Cette façon de nous jeter dans le récit, cette plume qui semble avoir le mouvement pour principe, à l'image de l'incipit de la nouvelle « Après la course » — « Les voitures roulaient vers Dublin à toute vitesse, lancées comme des boulets dans le sillon de la route de Naas » — m'ont particulièrement séduite.
Parfois, l'amorce s'effectue en un long plan séquence, comme dans « Les deux galants »:
« Le crépuscule d'août gris et tiède était descendu sur la ville et un air doux et tiède, comme un rappel de l'été, soufflait dans les rues. (…) Pareilles à des perles éclairées du dedans, du haut de leurs longs poteaux, les lampes à arc illuminaient le tissu mouvant des humains qui, sans cesse changeant de forme et de couleur, envoyait dans l'air gris et tiède du soir une rumeur incessante, monotone. »
D'autres fois, le récit débute par un gros plan sur l'un des protagonistes, comme dans « Eveline » :
« Elle était assise à la fenêtre et regardait le soir qui envahissait l'avenue. Sa tête s'appuyait contre les rideaux de la croisée, et dans ses narines montait l'odeur de la cretonne poussiéreuse. Elle était lasse. »
Toujours, c'est la surprise qui domine, le lecteur légèrement déstabilisé devant fournir un effort pour entrer dans chacune de ces histoires, un effort mille fois récompensé par la verve, la truculence de la plume, ainsi que par l'acuité du regard que l'auteur porte sur ses contemporains et sur lui-même. Entrelaçant savamment éléments autobiographiques et sens aigu de l'observation, Joyce nous offre des instantanés de vie qui, certes, appartiennent à une époque, le début du vingtième siècle, et à un lieu, Dublin, mais dont les constantes intemporelles s'appliquent avec une pertinence intacte à aujourd'hui et à nous-mêmes.

À l'instar de Proust qui, en 1904, va bientôt s'atteler à son grand oeuvre, Joyce fait de sa vie son oeuvre et de son oeuvre sa vie, autrement dit conçoit son oeuvre comme une quête de soi-même. Raison pour laquelle l'un et l'autre ont si profondément marqué la littérature occidentale du XX° siècle.
Je me suis d'ailleurs surprise à relever des correspondances entre Joyce et Proust dans Gens de Dublin. Bien que ne se connaissant ni l'un ni l'autre, je me plais à penser qu'une sensibilité commune, une sensibilité qui fait la part belle à la mémoire et à l'imagination, les réunit.
Ainsi dans la nouvelle « Arabie », le narrateur se consumant d'amour pour sa jeune voisine, emporte son image partout avec lui « même dans les endroits les moins romantiques », psalmodiant à voix haute son nom et pleurant sans raison, de même le jeune narrateur de la Recherche éperdu d'amour pour Gilberte Swann, englobe dans son adoration tout ce qui a trait de près ou de loin à l'objet aimé, jusqu'au vieux maître d'hôtel des Swann sur les favoris blancs duquel il attache « des regards pleins de passion. »
Ou encore quand, dans la nouvelle de Joyce, après que la femme adorée a demandé au narrateur s'il compte se rendre à la foire de charité l'Arabie, celui-ci se prend à rêver aux consonances de ce nom — « les syllabes du mot Arabie m'arrivaient à travers le silence dans lequel mon âme baignait luxueusement et projetaient comme un enchantement oriental tout autour de moi » — je n'ai pu m'empêcher de penser au narrateur de la Recherche qui, sur la foi d'une phrase de Swann prononcée des années plus tôt au sujet d'une « église presque persane » visitée à Balbec, pare en imagination la ville de bord de mer normande des mille charmes de l'Orient.

C'est un tableau de vies grises, mornes, irrémédiables que dresse Joyce dans Gens de Dublin, un tableau où affleure parfois l'amour, une fugitive tendresse, mais où partout domine la solitude.

« Son âme s'évanouissait peu à peu comme il entendait la neige s'épandre faiblement sur tout l'univers comme à la venue de la dernière heure sur tous les vivants et les morts. »
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"Ulysse" de James Joyce est réputé être un sommet de la littérature, une oeuvre de très haut niveau, exigeante et difficilement accessible, un livre qui se mérite en somme. Sur cette réputation, il est devenu mon Everest littéraire. Mais ne sentant pas mon cerveau aussi affûté que les pieds d'un sherpa, j'ai préféré opter, pour commencer à appréhender l'oeuvre de Joyce, pour une altitude plus raisonnable avec le recueil de nouvelles "Gens de Dublin". Une colline de 200 pages me semblait être une ascension moins escarpée.

Cette oeuvre a de nombreuses qualités. Tout d'abord, l'écriture, élégante, fine, à la fois fluide et très travaillée. Un style au service d'un art de la description tout à fait remarquable. Dans chacun des textes du recueil, Joyce parvient à décrire de façon si précise, si subtile ses personnages qu'ils semblent réels. Cette précision dans les descriptions n'est jamais lourde ni pesante. C'est là toute la finesse de Joyce, parvenir à faire des descriptions fouillées et détaillées tout en gardant une écriture fluide.

Les textes qui composent ce recueil, j'ai du mal à parler e nouvelles tant ces textes forment un tout, sont plus des tranches de vie que des histoires à proprement parler. Il n'y a pas vraiment d'intrigues, pas de chutes. J'ai bien perçu que l'objectif de l'auteur était d'évoquer une atmosphère, une ambiance, de rendre compte de l'identité de la ville de Dublin à une période précise. Etant très ignorante du contexte historique et social évoqué par Joyce, je suis restée assez hermétique au but visé par l'auteur.

Tout en reconnaissant la grandeur de l'écriture de l'auteur, c'est pour moi une rencontre en demi-teinte. J'aurais préféré que ces descriptions si subtiles et cette écriture si fine soient au service d'une véritable histoire, au sens classique du terme, une intrigue de départ, des développements qui la font évoluer dans un arc narratif, et un récit traversé de d'avantages d'émotions.

Après cette lecture, que je ne regrette pas, je me dis tout de même que l'alpinisme n'est peut-être pas pour moi et que je ne tenterai peut-être finalement pas d'aller planter mon petit drapeau au sommet d'"Ulysse".

Challenge Petits plaisirs 27
Challenge Variété 26 (catégorie "un recueil de nouvelles")
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Gens de Dublin, première oeuvre de James Joyce, publiée en 1914, après moult difficultés, vaut le détour.
Ces quinze nouvelles courtes sauf la dernière, offrent des tranches de vie saisissantes de l'Irlande, au début du XXe siècle. Et l'on peut applaudir des deux mains, le talent de Joyce à saisir sur le vif, les traits saillants d'un personnage, même si la galerie de portraits qu'il propose n'a rien de réjouissant !
Les hommes, dans cette peinture de la misère sociale qui sévit à cette époque, remportent la palme. Qu'ils soient scribouillards ployant sous le poids de tâches ingrates et mal rémunérées, gigolos à la recherche d'une bonne fortune ou tout simplement déclassés, ce sont tous des "loosers" qui ne trouvent de consolation que dans la "stout" ! Ce qui nous vaut quelques jolies scènes de bar, car Joyce excelle dans l'art de peindre en quelques phrases une ambiance, qu'il s'agisse d'un paysage, d'un lieu animé ou d'un simple arrêt sur image. Et la place des femmes dans ce recueil ? Elles sont très présentes et s'en tirent mieux que les hommes si je puis dire. Souvent victimes ou résignées, elles savent aussi se montrer des "matrones" intraitables lorsqu'il s'agit d'argent ou d'honneur.
Dans cette Irlande de début du XXe siècle, ce qui frappe, en effet, c'est le poids de la morale religieuse. Pas d'autre issue à une relation amoureuse, que le mariage ; pas d'autres remèdes aux souffrances ou dérives personnelles qu'une messe ou une retraite. le clergé tout puissant régente les consciences et étouffe toute velléité de révolte dans le carcan pernicieux de l'auto-censure.
Pas d'échappatoire dans cette société où pauvres et riches se côtoient sans se fréquenter. le seul espoir évoqué dans quelques nouvelles : celui de l'exil. Seule façon d'échapper à la médiocrité de sa condition et à une mort psychique lente et certaine.
L"ombre de la mort, d'ailleurs, plane sur tout le recueil. Pas la mort physique mais la mort à soi-même, résultante du poids des frustrations, du décalage entre les espoirs de jeunesse et la routine usante de la vie de couple par exemple, comme avec ce très beau portrait du "petit Chandler" dans la nouvelle Un petit nuage. Ce sentiment de passer à côté de sa vie, on le retrouve dans la superbe dernière nouvelle : Les Morts où Joyce nous permet de suivre à travers les "flux de conscience" du personnage principal, Gabriel, son cheminement vers un vide existentiel abyssal !
Je crois que ce que j'ai le plus apprécié dans ce recueil est le traitement des personnages. Qu'il s'agisse de caricatures à la Daumier ou de "gros plans" mettant plus en valeur la complexité d'un parcours individuel, avec bien souvent un drame personnel à la clé, ces hommes et ces femmes ont été très présents tout au long de ma lecture et resurgiront probablement de ma mémoire au gré des circonstances...
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La malédiction du grand frère
OU
un désenvoûtement littéraire.

L'Irlande a toujours eu ce grand frère, et a eu l'imprudence de l'inviter chez soi.
Pendant le bas moyen-âge, il y a lutte pour la suprématie en l'île d'émeraude, qui
n'est pas un royaume unifié, et les prétendants malheureux, parfois, font appel
au grand frère anglais. Il ne faut pas trop tenter le diable, ou il s'installe chez vous.
C'est ainsi qu' Henri VIII décide de se faire couronner roi d'une Irlande qui payait
déjà tribut à l'Angleterre depuis le douzième siècle. Là commencent les choses sérieuses: l'Irlande devient, peu à peu, une colonie de peuplement du Royaume-Uni.
Confiscation massive des terres, attribution de celles-ci à des colons anglais ou écossais, réduction des autochtones à l'état d'ouvriers agricoles sur la terre qui était la leur, impôts, tentatives de conversion forcée de la population catholique à l'anglicanisme, résistance puis massacres. Jamais l'on ne réussit à soumettre ce peuple, toujours les coups continuent de pleuvoir. Au 19 ième siècle, s'y ajoute la famine, provoquant un exode massif vers les Etats-Unis.


C'est dans cette Irlande exsangue, mais jamais soumise, que naît James Joyce. Père et mère appartiennent à la bourgeoisie, le premier travaillant dans l'administration, la seconde ayant apporté une dot substantielle. Mais il y a quelque chose de sauvage, d' étrange dans la lignée masculine des Joyce., et le père n'y échappe pas. Une déchéance financière, ethylique aussi. le jeune James, fils aîné et brillant élève des jésuites, doit quitter son collège et finir son secondaire comme il peut. Une bourse lui permet d'entreprendre des études universitaires à Dublin, où il participe avec énergie à la vie culturelle et sociale de la capitale. Il commence aussi à devenir un homme engagé, ce qui, dans une colonie de peuplement, vous attire très vite toutes sortes d'ennuis. Diplômé, il part pour Paris, où commence une vie d'exil, qui est aussi une existence de bohême...


Les Gens sont la première grande oeuvre de Joyce. Elle se compose de quinze nouvelles, qui pour l'essentiel décrivent une existence maussade dans un univers gris. Un monde clos, statique, sans espoir ni projet : un vie qui n'a d'autre objet que de survivre. Un verre de Guinness ou une partie de cartes aident à supporter la médiocrité de cette existence carcérale. Mais la colère reste souterraine, l'esprit est moribond. Joyce veut précisément ranimer l'esprit de son peuple, le remettre en marche vers la vie. Pour ce faire, chaque nouvelle se termine sur une “ épiphanie” : une vision surprenante, déchirante, de ce qui est, ou de ce qui pourrait être. Certains voient la déchéance de leur état présent, d'autres la gloire d'une aube nouvelle. Et quelques-uns reculent devant cette lumière éblouissante qui tout à coup les révèle à eux-mêmes.


Un écrivain patriote, un combattant pour la liberté, un homme qui maniait la plume comme on tire le sabre : voila James Joyce. J'ai vécu quelques mois à Dublin, dans le cadre d'une mission, en 2010. Je me souviens d'un peuple optimiste, ouvert, joyeux, qui avait confiance en sa bonne étoile. Tout le contraire des Gens de Dublin. Un peuple un peu déboussolé, quand même, par les changements de ces dernières décennies. Comme le disait un collègue, autochtone : " être irlandais, c'était être pauvre et contre les anglais. Qu'est-ce que ca veut encore dire maintenant ? Qui sommes nous?". Ils n'ont pas perdu au change : gageons que Joyce serait fier, et heureux ! Bonne lecture .
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James Joyce est une sorte d'acrobate de la plume qui réussit en quelques phrases rapides et habiles à construire tout un univers et à instaurer une ambiance particulière dans chaque nouvelle. le dosage et le choix minutieux des mots est une de ses grandes forces.

Ce qui crée un trouble particulier à la lecture de Gens de Dublin c'est la multiplicité de thématiques qu'il concilie et l'infinité d'interprétations du sens de ces nouvelles dans le recueil.
Pour chacune de ces courtes nouvelles James Joyce pastiche un style bien particulier.

Ses déambulations littéraires autour des Dublinois ne manque pas de laisser deviner la grande affection qu'il porte à la ville et ses habitants.

On fait connaissance avec sa société de Dublin, du début du 20ème siècle à travers les mentalités de l'époque et les relations humaines : la famille, le mariage, l'amitié, les rencontres et mondanités, les questions religieuses et politiques, les bonheurs et les drames, les souvenirs et les regrets.

L'atmosphère est superbement restituée, avec une grande place au monologue intérieur des personnages, assez novateur à l'époque.

Ecrivain à la plume un tantinet désuète mais d'une acuité impressionnante, parfois décrié mais reconnu pour son talent, James Joyce marquera la littérature anglaise du XXème siècle.

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Toute relecture est une nouvelle decouverte. On n'y entre pas vierge, mais on en ressort comme si on l'avait ete. C'est en tous cas mon sentiment avec ce recueil de nouvelles. Une nouvelle perception, celle d'avoir decouvert un auteur mur, en pleine possession de ses meilleurs moyens. Le grand Joyce (J.J. pour les intimes) est deja la, bien avant l'Ulysse.


Pour commencer, j'ai trouve que c'est un livre organique (ou bien organise), pas un recueil disparate. Ce sont des nouvelles qui se suivent et se completent pour former un tout.


C'est un regard porte sur toutes les etapes de la vie des hommes, des emerveillements de l'enfance jusqu'au delabrement physique et moral de la vieillesse et jusqu'a la mort, en passant par les reves et les espoirs de la jeunesse, les aboutissements, succes ou frustrations de l'age mur.


C'est une ribambelle de personnages (tres nombreux dans certaines nouvelles) qui des fois reapparaissent, ou donnent cette impression, au detour d'une page. De differentes classes sociales, qui se confrontent et se melent pour fusionner en un large tableau de la societe dublinoise du debut du 20e siecle.


Et c'est Dublin. Comme dans Ulysse, cette lecture ebauche une carte de la ville, concrete, d'une realite palpable, de ses differents quartiers, ses avenues et ses ruelles, ses maisons, cossues et miserables, et bien sur ses pubs et ses gargotes. De quoi faire une visite virtuelle, avec differents itineraires pour pouvoir y passer quelques jours. Mais c'est une impression fallacieuse, parce que ce que fait Joyce, ce qu'il reussit si bien, c'est transferer la ville de son apparence objective, perissable et circonstancielle historiquement, vers le monde fictif, intemporel et subjectif des grandes creations litteraires. La Dublin de Joyce n'en est pas pour autant irreelle, mais au contraire elle est plus que reelle. L'amour de Joyce pour sa ville natale (je crois qu'il a vecu beaucoup plus longtemps ailleurs, a Paris ou a Trieste, qu'en elle) le pousse a la malmener autant qu'a la caresser. L'amour vache. Qui ne fait que la rendre plus seduisante a nos yeux.


Seduisante? Oui, mais en litterature. Malgre sa decrepitude et ses rues boueuses. Comme ses habitants. Bien que la societe que Joyce decrit soit plutot sordide, mesquine, etroite de vues et repressive, sous la tutelle minutieuse d'une Eglise dessechee, et ou le nationalisme anti- britannique est pour beaucoup synonyme d'un provincialisme un peu ridicule. Mais la prose de l'auteur, empreinte d'humour autant que de derision, arrive a embellir jusqu'aux plus minables aspects de la societe qu'il evoque. Ce n'est pas un rapport sociologique d'academie, mais une relation plus authentique, plus eclairante sur cette societe que sa realite temporaire.


15 nouvelles. La derniere, "Les morts", beaucoup plus longue que les autres, est un petit chef-d'oeuvre, qui nous emmene depuis une reunion mondaine peuplee de conversations d'une trivialite exasperante jusqu'a un final huis clos poignant entre deux epoux, ou ressurgissent des remembrances de blessures douloureuses. John Huston en avait tire a la fin de sa vie un film memorable: The dead (en francais je crois qu'on l'a titre Gens de Dublin).
Mais il n'y a pas qu'elle. Mes preferees? "Penible incident", ou l'habitude de la solitude abime tout, en soi et autour de soi. "Eveline", ou la peur de l'inconnu aboutit a une fin navrante, qui m'a dechire le coeur. "La pension de famille" ou j'ai retrouve des accents De Maupassant et/ou de Tchekhov. "De par la grace", ou pour railler la religion Joyce utilise des dialogues qui rappellent (anticipent en fait) Ulysse. Et j'en oublie, ou j'en passe...

Gens de Dublin. Pour moi un must. L'ebauche? Non. La graine. La graine qui contient deja toute l'oeuvre ulterieure de Joyce. Sans ses exagerations.

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Joyce avec réalisme (quelque fois très proche du naturalisme) et une certaine dérision empreinte d'empathie nous fait entrer dans l'intimité dublinoise. Chacun de ces 15 récits, sont autant de pans de vie qui nous permettent de mieux comprendre cette société du début du XXè , enfermée dans un terrible carcan social et religieux .
Une multitude de petits détails révèlent l'atmosphère de la ville , l'animation des rues, les habitudes de chacun... C'est amusant, mais certains passages sont glaçants .
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Foin de la version papier séculaire, c'est dans son édition numérique que je viens de terminer ces Gens de- Dublin.
Ce fut une heureuse lecture pour moi, tant ces tableaux et chroniques sont superbement écrits et détaillés. Les ambiances y sont minutieusement peintes, et les cararactères des personnages dépeints dans leurs âmes et quotidiens d' irlandais...
Joyce s'y entends à faire partager au lecteur un repas de Noël où les plats abondent, une réunion de campagne électorale, les terribles remords d'une épouse fatigué ou la veulerie d'un employé de bureau.
Autant de scènes et d'actes d'un théâtre mettant en scène un peuple attachant et souvent pittoresque dans ses joies, ses péchés et ses peines.
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