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Yves Le Lay (Traducteur)
EAN : 9782825704677
505 pages
Georg (16/07/1997)
4.3/5   23 notes
Résumé :
Sommaire :

• Le problème des types dans l'histoire de la pensée antique et médiévale
• Les idées de Schiller sur le problème des types
• L'apollinien et le dionysien
• Le problème des types dans la connaissance des hommes
• Le problème des types dans la poésie
• Le problème des types dans la psychiatrie
• Le problème de l'attitude typique dans l'esthétique
• Le problème des types dans la philosophie mod... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Pourquoi Spitteler et Goethe n'ont-ils pas écrit la même chose ? On a beau dire que la psychologie n'est qu'une occupation foireuse pour retraités, elle semble fondamentale pour justifier les idiosyncrasies. L'un comme l'autre de ces écrivains a sensiblement vécu à la même époque et au même endroit ; dans leur oeuvre, ils se rejoignent autour du mythe de Prométhée, chacun y allant de sa petite version. Eh bien, vous savez quoi ? ça ne donne pas du tout la même daube. Pour Spitteler, Prométhée est un type bien poissard qui sacrifie son moi individuel à l'âme, loin du monde extérieur, jusqu'à ce qu'un ange apparaisse comme projection de sa tendance à s'adapter au réel. Mais il refuse cette royauté et continue donc de vivre à l'écart, sacrifiant le présent et ses rapports au bénéfice du lointain avenir qu'il prévoit. Pour Goethe, Prométhée est plutôt un être hautain, confiant, qui brave les dieux en vertu de sa propre force créatrice. le Prométhée de Spitteler représente l'exemple de l'introversion tandis que celui de Goethe se rattache à l'extraversion. Quid d'Epiméthée ? Approximativement, il est présenté sous sa facette extravertie chez Spitteler et sous son angle introverti chez Goethe. Ainsi, le mythe faisant intervenir la confrontation entre Epiméthée et Prométhée permettrait au passage d'illustrer le conflit d'un homme qui –pour Spitteler- se montrait épiméthéen d'apparence et prométhéen en profondeur.


Pour Jung, l'introversion et l'extraversion sont deux attitudes fondamentales de la personnalité. L'introversion s'intéresse aux processus subjectifs et psychologiques de l'âme, ce qui traduit un mouvement de l'énergie psychique en direction du sujet lui-même. L'extraversion se sent au contraire prioritairement attirée vers l'objet, auquel elle subordonne sa subjectivité. Chacune de ces attitudes peut adopter un fonctionnement privilégié. Jung répertorie deux fonctions rationnelles (pensée/sentiment) et deux fonctions irrationnelles (intuition, sensation). A cette fonction privilégiée vient ensuite se raccrocher une fonction secondaire, de nature souvent opposée, à titre de compensation. Bien des maladies traduiraient un exercice unilatéral de la fonction prioritaire, au détriment de la secondaire. On distingue enfin une fonction inférieure, celle qui a été négligée, car toute croissance et toute différenciation impliquent de faire des choix et de rejeter certaines possibilités.


Jung met à l'épreuve sa théorie en parcourant l'histoire philosophique, littéraire et religieuse depuis l'antiquité. Plus tard, il pense que les premiers schismes religieux qui se constituent dans l'affrontement autour de la question de la nature du Christ révèlent en filigrane l'opposition entre des conceptions extraverties et introverties. La querelle entre les nominalistes et les réalistes au Moyen Age traduirait également cette opposition des attitudes ; idem pour la théorie de la communion entre Luther et Zwingli, etc.


Tout cela semble bien manichéen, mais ne faites pas les malins : Jung s'en est rendu compte avant vous. Il est fourbe le petit, on ne sait jamais jusqu'où il va nous conduire, et c'est ça qui plaît. Les apparences sont trompeuses et la personnalité n'est jamais une fois pour toutes définie. La stase, c'est le plus grand malheur que Jung vous souhaite. Mais le progrès, c'est-à-dire l'intégration des tendances rejetées, projetées, bannies et honnies, voilà ce vers quoi doit tendre l'homme pour s'accomplir. Deux exemples :
- Tertullien, représentant du type introverti, ardent combattant de la gnose hérétique, a mis au point une éthique religieuse intraitable. Et pourtant, il sacrifie son intellect en reconnaissant un jour la réalité intérieure irrationnelle comme fondement véritable de la foi. En fermant ainsi la voie du développement rationnel, en devenant sentimental après avoir été un penseur vigoureux, il reconnaît la dynamys irrationnelle comme fondement de son âme.
- Origène, représentant du type extraverti, considère que la sexualité contient les fonctions spirituelles essentielles. Il commet son plus gros sacrifice en s'émasculant en -211. Il montre ainsi qu'il cherche à supprimer son attachement à la sensualité, ce qui lui permet de devenir un savant reconnu qui mit au point une théologie essentiellement philosophique.


Ils sont fous ces romains. Oui, sauf qu'Origène était égyptien, et que le sacrifice a parfois du bon : « Biologiquement parlant, le sacrifice est mis au service de la domestication ; psychologiquement, il veut, par la suppression d'attachements anciens, donner à l'esprit de nouvelles possibilités de développement ». Lance-toi dans le ciel, saute du nid, crevard. Il faut prendre des risques dans la vie car la conjonction des tendances opposées ne se fait pas dans la joie et la bonne humeur.


Jung est assez facile à comprendre quand on se tourne du côté des sciences physiques pour traduire ses concepts, particulièrement du côté de la thermodynamique. Ça surprend, pas vrai ? La libido serait ainsi l'énergie psychique de l'âme. Elle peut s'investir dans tous ses domaines et pas seulement dans la sexualité, comme le voulait ce brave Freud. Elle circule dans le moi conscient et dans l'inconscient et, une fois qu'elle s'est planquée quelque part, elle y reste bien tranquille pour faire carburer la machine. En fonction de son investissement, la personnalité sera tantôt davantage introvertie ou extravertie, plutôt rationnelle ou irrationnelle, donnant la priorité d'expression à une instance psychique plutôt qu'à une autre, etc. Ce qui fait mal dans la vie, quand on morfle beaucoup, c'est lorsque la libido exerce une activité unilatérale du côté d'une seule de ces instances, faisant la nique à toutes les autres. Quel appauvrissement, on en souffre, on se montre inadapté au monde, à soi, à la vie. Heureusement, l'énergie n'est pas bloquée pour toujours et elle peut se répartir équitablement dans l'ensemble de l'âme. Mais relancer la circulation, ça prend du temps et ça demande des efforts. Par exemple, ce qu'on appelle dépression serait un retour de la libido vers l'inconscient. Alors, le moi conscient perd sa suprématie et l'inconscient, réinvesti, aura à nouveau le droit de donner son avis.


L'union des forces antagonistes est étudiée dans son rapport au symbolisme religieux. Nietzsche, Schopenhauer, Spitteler et Goethe auraient ainsi eu recours à l'image de la divinité comme symbole de l'inconscient. L'inconscient, c'est le troisième terme qui permet de relier les deux opposés. Dans les religions occidentales, il est perçu comme le Dieu sauveur qui met fin à la division. Cette opposition est extravertie car le lien avec l'autre, la relation avec l'objet, est valorisée. Elle est de nature rationnelle, car tournée vers la causalité. Dans les religions orientales, le concept du Brahman relève au contraire de l'introversion et de l'irrationnel : en refusant la participation de l'émotion et de l'intellect à la psyché, on parie sur une libération du Soi pour une nouvelle vie dans Brahma –état irrationnel d'union des opposés et processus qui conduit à cet état.


La dernière moitié de l'ouvrage sera consacrée à définir ces fameux types –c'était un peu le but du jeu, non ? Ca forme un sacré arbre avec plein de branches.
L'introverti peut être :
- Fonction pensée à dominante rationnelle/irrationnelle, active/passive.
- Fonction sentiment à dominante rationnelle/irrationnelle, active/passive.
- Fonction sensation à dominante rationnelle/irrationnelle, active/passive.
- Fonction intuition à dominante rationnelle/irrationnelle, active/passive.
Même déclinaison pour l'extraverti, avec des conséquences différentes, comme vous vous en doutez.


Dans sa théorie comme dans sa pratique, Jung cherchait la conjonction des opposées et le surgissement du troisième terme, clé de voûte qui fait tenir tout le bordel. Ce livre fut publié en 1920, alors que sa rupture avec la psychanalyse freudienne était encore relativement récente. Il apparaît clairement que cette théorisation vise à justifier l'incompatibilité de son point de vue avec celui de Freud. Bien que noyée de références philosophiques et théologiques, la théorisation laisse apparaître, ici et là, des références à la psychanalyse freudienne et à son inventeur. Freud est ainsi rangé dans la catégorie de l'extraverti en vertu de l'hypothèse selon laquelle sa théorie de la sexualité témoignerait de sa préoccupation la plus importante : celle du lien entre le sujet et l'objet. Sa méthode est décrite comme réductive (le terme est clairement péjoratif) tandis que Jung prétend pour sa part à établir une méthode synthétique ou constructive (faites vos choix). Jung ne déclare pas explicitement à quelle catégorie ni à quelles fonctions il pense pouvoir s'affilier mais nous les devinons aisément : ce sont celles qui sont présentées le plus avantageusement et qui bénéficient des développements les plus nuancés et les plus valorisants.


Jung décrit une grille de lecture philosophique du monde redoutablement efficace mais il témoigne également de l'impossibilité de se rendre totalement impartial, semblant lui-même ignorer le lieu au centre duquel il se tient en menant cet exercice de théorisation.
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Ce livre montre tout le génie de Jung et sa formidable intuition.
Il est passionnant pour celui qui s'intéresse à la dynamique des rapports entre conscient et inconscient.
Jung illustre et accompagne sa réflexion à partir de nombreux textes et écrivains historiques (Kant, ...)
Le livre est difficile à lire pour les néophytes.
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livre de base à lire
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Interessant
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Citations et extraits (116) Voir plus Ajouter une citation
L’intuitif n’est jamais là où l’on peut trouver des valeurs réelles, universellement reconnues, mais toujours où il y a des possibilités. Il a un flair aigu pour ce qui est en germe et promet pour l’avenir. Jamais il ne s’arrête à des rapports stables, existant depuis longtemps, solidement fondés, d’une valeur généralement reconnue, mais par le fait même bornée. Toujours à la recherche de nouvelles possibilités, les situations stables risquent de l’étouffer. […] Tant que subsiste une possibilité, l’intuitif y est lié par une puissance fatale. Il semble que toute sa vie s’absorbe dans la nouvelle situation. […] Mais […] rien ne l’empêchera de considérer un jour cette situation qui lui semblait une libération salutaire, comme une prison et de la traiter comme telle. […] La moralité de l’intuitif n’est ni intellectuelle, ni sentimentale ; il a morale propre : fidélité à son intuition, soumission volontaire à sa puissance. […] Personne ne connaît comme lui le don de donner du courage à ses semblables ou de leur insuffler de l’enthousiasme pour une nouvelle affaire ; même s’il l’abandonne le lendemain. Plus son intuition est puissante, plus son sujet se confond dans la possibilité entrevue. Il l’anime, la traduit de façon imagée, l’incarne pour ainsi dire. […]
Cette attitude présente de grands dangers, car l’intuitif éparpille sa vie trop facilement en animant hommes et choses, en répandant autour de lui une richesse de vie dont les autres profitent. Finalement, il revient les mains vides. S’il pouvait se fixer à une affaire, il recueillerait les fruits de son travail, malheureusement il lui faut bientôt courir à de nouvelles possibilités, abandonnant les champs qu’il vient d’ensemencer et que d’autres moissonneront. Il en sort finalement les mains vides.
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L’homme oublie toujours que ce qui fut bon une fois ne le reste pas éternellement. Il continue à suivre les voies anciennes, autrefois bonnes, longtemps après qu’elles sont devenues mauvaises et ce n’est qu’au prix de très grands sacrifices et de peines inouïes qu’il peut se délivrer de l’illusion et comprendre que ce qui fut autrefois bon a peut-être vieilli et ne l’est sans doute plus.
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L'expérience m'a appris qu'en général on peut classer les individus, non seulement selon la distinction universelle entre extravertis et introvertis, mais aussi d'après chacune des fonctions psychologiques fondamentales ... la pensée et le sentiment, la sensation et l'intuition.
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[La vie des types irrationnels] instruit plus que leurs paroles. Par elle, et surtout par la grosse erreur qu’ils commettent de ne pouvoir se confier, nous saisissons un des plus graves défauts de notre civilisation, la superstition de la parole et de l’expression, la surestimation démesurée de l’enseignement par le verbe et la méthode. […] En réalité, ce qui éduque l’enfant c’est la vie des parents, et ce qu’ils y adjoignent de mots et de gestes ne fait guère que le troubler. […] Certes, les types introvertis irrationnels n’enseignent pas la parfaite humanité. Il leur manque la raison et l’éthique de la raison ; mais leur vie enseigne l’autre possibilité, dont le manque se fait douloureusement sentir dans notre civilisation.
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Un symbole perd sa force en quelque sorte magique, ou si l’on veut, sa puissance salutaire, dès qu’on a compris qu’on peut le résoudre. Aussi un symbole actif doit-il être de qualité inattaquable. Il doit être la meilleure expression possible de la conception du monde d’une époque donnée, avoir un sens qui ne saurait être dépassé ; il doit en outre être si difficile à comprendre que l’intellect critique ne puisse le résoudre valablement ; enfin sa forme esthétique doit attirer l’adhésion du sentiment de telle façon qu’aucun argument sentimental ne puisse valoir contre lui.
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