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Dennis Collins (Traducteur)
EAN : 9782264020864
169 pages
10-18 (12/09/1999)
3.88/5   56 notes
Résumé :
Téhéran, 1980 : les révolutionnaires prennent le pouvoir. Installé dans un hôtel de la ville, Ryszard Kapusciriski essaie, à partir de notes, de bandes magnétiques et de photos, de comprendre ce qui a provoqué la chute du Shah et comment l'ayatollah Khomeiny a réussi à s'imposer. Il interroge et écoute inlassablement les témoignages des hommes et des femmes qui l'entourent, et qui évoquent la corruption, les bakchichs, la peur de la délation paralysant les relations... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
"Tous les livres sur toutes les révolutions commencent par un chapitre sur la corruption du pouvoir chancelant ou sur la misère et les souffrances du peuple, alors que le premier chapitre devrait parler de la psychologie des insurgés, de la manière dont un homme humilié, terrifié brise soudain le cercle de la peur, dire comment il cesse d'avoir peur. Ce processus inhabituel, qui parfois se produit en un instant, comme une décharge, une purification, mériterait d'être étudié. L'homme se débarrasse de sa peur, il se sent libre. Sans ce phénomène il n'y aurait pas de révolution." Extrait du livre

Pour comprendre l'Iran, il faut faire un certain effort, éviter les clichés, les amalgames avec l'Arabie Saoudite par exemple, l'Iran ce n'est pas un pays arabe, ce sont des perses avec une culture millénaire et l'une des premières religions monothéistes : le zoroastrisme avant la conquête de l'Islam. Il faut dire aussi que l'image de l'Iran n'est pas aidée avec des idées véhiculées notamment par des livres comme « Jamais sans ma fille » qui sont estampillés histoire vraie. Ce dernier raconte l'histoire d'une femme américaine qui pour faire plaisir à son mari d'origine iranienne, passe deux semaines en Iran et là, du jour au lendemain, le gentil mari, bien intégré à la société américaine, bien gentil, aimant etc… devient le pire des extrémistes religieux, battant sa femme, la séquestrant, ramenant tout à l'islam, bref l'enfer sur terre. « Jamais sans ma fille » est incohérent, bourré de fautes, de clichés, de violence envers l'Iran et son peuple (à la limite du racisme), avec beaucoup de condescendance. « Moi américaine cultivée, chrétienne, eux musulmans incultes, puant la sueur ! ». En lisant ce livre, on dirait un pays d'arriérés et de crétins congénitaux. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'elle a menti, oh puis si je le dis ! Je mets clairement en doute ses dires, mais puisque je suis d'une nature gentille et conciliante, je vais dire qu'elle a probablement grossi le trait volontairement pour détruire l'image de son mari, par haine probablement. J'y reviendrai sur ce livre dans une prochaine chronique.

Pour comprendre un pays aussi fascinant et riche qu'est l'Iran (qui est contrairement aux idées reçues, un pays moderne où la jeunesse est cultivée et occidentalisée avec une culture immense, l'Iran c'est Persépolis, l'ancienne Perse, un pays qui a engendré des grands poètes par exemple), il faut comprendre son histoire et sa sociologie. le problème de l'Iran, c'est un problème politique, comme chacun sait, ce pays vit depuis 1979 sous une république islamique qui se maintient malgré l'opposition du peuple. Mais pourquoi avoir fait une révolution en 1979 ?
Avant 1979, l'Iran et ce depuis des siècles était une monarchie absolue, le pays était tenu par des Shahs qui détenaient tous les pouvoirs, un peu comme les Tsars en Russie avant 1917, et comme en Russie, une dictature s'est substituée à l'ancienne  parfois bien pire.
Ce livre écrit en 1980 par l'un des plus grands journalistes du XXème siècle, Ryszard Kapucinski d'origine polonaise, nous offre une analyse très fine de la sociologie iranienne et des causes qui sont à l'origine de cette révolution avec la fin du dernier Shah d'Iran, Mohammad Reza Palavhi.
On a tendance à oublier aujourd'hui après trente-neuf de dictature islamique, que la révolution de 1979 fut vécu comme une véritable libération pour les Iraniens, ils ne voulaient plus du Shah, c'est seulement après que la révolution a été (comme ça arrive souvent) confisqué au peuple et qu'un régime totalitaire s'est mis en place.
Le règne du dernier souverain d'Iran, commence en 1944 mis sur le trône avec l'aide des anglais qui ont fortement incités pour que son père qui avait des sympathies avec l'Allemagne Nazi, abdique. le début de son règne est assez frivole, préférant finalement skier en France, ne prenant pas son rôle véritablement au sérieux. Jusqu'en 1953, cette année-là, Mossadegh (qu'il nomma premier ministre en 1951 et qui nationalisa le pétrole iranien (ce qui énerva les américains et les anglais)), profite du pouvoir pour tenter de modifier la constitution et enlever le contrôle de l'armée par le Shah tout en souhaitant le renversement du souverain avec l'appui des communistes (bien qu'il ne soit pas à proprement parler communiste, c'est plus un choix tactique, qu'une véritable conviction) ou tout du moins une profonde réforme du système politique avec un Shah n'ayant que peu de pouvoir. Mossadegh mériterait un livre à lui seul, c'est un personnage intéressant et complexe.

Le 15 août 1953, la CIA, lance l'opération Ajax, le Shah est replacé pleinement dans ses pouvoirs, il revient de son exil à Rome le 19 août et destitue Mossadegh et c'est à partir de ce moment-là traumatisé par ces évènements, qu'il lancera une véritable révolution blanche, en créant la SAVAK, une police d'Etat qui surveille le moindre fait et geste de la population, il est interdit de prononcer des mots tels que : « oppression, ténèbres, bourbier, pourrir, faiblir, abîme, effondrement… » Des mots qui pourraient signifier une critique de la monarchie. La presse est bâillonnée, elle doit écrire des poèmes à la gloire du Shah, des livres d'auteurs étrangers sont interdit comme ceux de Molière trop critique envers la monarchie. La Savak pratique la torture, bien souvent pour des futilités.
Mohammad Reza Palavhi souhaite faire de son pays la cinquième puissance du monde et la troisième armée mondiale en seulement quelques années avec l'argent du pétrole, mais il a vu trop grand beaucoup trop grand, et trop vite, les ports iraniens n'étaient pas adaptés pour accueillir les gros tonnages, les routes n'étaient pas aux points, il y avait que très peu d'électricité sur tout le territoire et surtout les Iraniens ne supportaient plus de voir autant d'étrangers mieux payé qu'eux et surtout dans des domaines qu'ils ne maitrisaient pas par manque de formations inexistantes en Iran, le Shah préférant faire appel directement aux Américains plutôt de former les Iraniens aux nouvelles technologies. Cette grande civilisation bouleverse les habitudes, les cinémas iraniens diffusaient principalement dans les années 70, des films pornographiques bien sûr choquant pour la majorité de la population et surtout le progrès ne touchaient que la capitale ou les grandes villes finalement, le reste du pays vivait encore d'une grande pauvreté.

C'est ainsi que de plus en plus de personnes victimes de la Savak mais aussi de la perte des valeurs, de l'interdiction de lire et de dire ce que l'on veut, commencent à écouter les paroles de Khomeyni, très critique envers le souverain et son programme de « Grande Civilisation ». « Puisque le pouvoir prétend incarner le progrès et la modernité, nous allons montrer que nos valeurs sont différentes. » Khomeyni.
Les évènements qui vont conduire à la chute du Shah démarrent d'un article paru le 8 janvier 1978 dans le journal d'état « Etelaat » qui qualifie « de petit-fils d'étranger » Khomeyni, ce qui est très insultant. La population de Qom (prononcez comme Rome) se réunit sur la place de la ville, pour débattre de l'article entre eux, mais la police encadre le lieu et l'un d'entre eux tire sur la foule créant un vaste moment de panique et de très nombreuses victimes. Depuis ce jour, tous les 40 jours (période de deuil) des émeutes ont lieu avec des morts et ainsi de suite. le Shah voulant faire plaisir à tout le monde, alterne entre la clémence en renvoyant des militaires, en purgeant la Savak, mais aussi pour faire plaisir aux militaires il ordonne de tirer sur la foule et renforce la répression. Il n'était plus maitre de son destin et en février 1979 (avec l'aide de Carter et de la CIA), Khomeyni lui succède et très vite sans l'accord du peuple et des libéraux qui voulaient une république démocratique, il instaure une république islamique avec les conséquences que l'on sait.

Ce livre n'est pas à proprement parlé une biographie sur la personne du Shah, mais plus une analyse fine des causes de sa chute. La réédition de 2010 est soignée car pour la première fois, le livre est directement traduit du polonais et non plus de la traduction américaine, de plus, cette édition offre les parties censurées lors de sa sortie en 1980, les parties critiques sur la CIA, les américains ou les allusions au régime en place à cette époque en Pologne, nous étions en pleine guerre froide.
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S'il y a bien une chose que l'on ne peut dénier à Ryszard Kapuscinski, c'est son flair extraordinaire pour les révolutions : on le retrouve ici aux prémices de celle qui agita l'Iran en 1979.

A sa manière habituelle, l'auteur se promène dans les rues de Téhéran et nous conte les anecdotes des badauds, les exactions de la Savak, la terrible police du Shah, et les lubies de ce dernier, ivre de ses milliards pétrolier, et dont l'obsession est "le développement" à grand renfort d'achats en tout genre sans réfléchir logistique, compétence ou utilité. Cette folie de la modernité se retrouvait aussi dans l'autre ouvrage de Kapuscinski, le Négus, et l'on s'étonne de ce point commun constant des dictateurs autoproclamés éclairés.

Malgré sa richesse immense, le Shah peine à résister à la prise de pouvoir graduelle du peuple, soutenu par les ayatollah, que la peur déserte peu à peu et qui s'organise pour prendre en main son destin.

Une fois de plus, Ryszard Kapuscinski nous régale de ses chroniques et j'ai été très intéressée par le portrait qu'il dresse du Shah et de la relation de haine que le détenteur de ce titre entretient avec son peuple ; comme dans le Négus, on ressent l'ingérence des pays étrangers, envahisseurs et irrespectueux de la tradition pour les uns, fidèles alliés dans la course à la modernité pour les autres...Avec cette ambivalence où ceux qui haranguent les foules et les dresse contre l'oppresseur ont bien souvent fait une partie de leurs études chez ses mêmes pays étrangers. Je ne m'épancherai pas sur les horreurs commises par la Savak, qui n'a rien à envier aux autres polices du genre ; j'ai surtout retenu leur rôle de force de l'ordre violent et de dernier rempart contre le peuple : une fois que celui-ci n'est plus effrayé par la police, cette dernière perd tout pouvoir.

Ma lecture du Shah a été précédée de celle du livre de Srdja Popovic Comment faire tomber un dictateur quand on est seul, tout petit, et sans armes, et j'ai été très surprise par la justesse des propos de ce dernier sur la construction des révolutions, dont on retrouve certains traits saillants dans le Shah. Un bel exemple pour faire suite à la lecture du militant serbe.
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Kapuscinski nous retrace ici la genèse de la révolution iranienne mais au-delà du cas iranien c'est la genèse de toute les révolutions, passées et à venir, qu'il dévoile indirectement, subtilement et clairement , d'une manière accessible, mieux que n'importe quel essai philosophique ou jargonneux. Brillant et toujours d'actualité.
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Ryszard Kapuscinski: le Shah (1982)
Histoire de la brève dynastie des Pahlavi, Reza Khan et son fils Mohammad Reza, époux de Soraya. le meilleur, par la création d'une ambiance à partir des images, est dans les 'photographies' du chapitre daguerréotypes: portraits d'un personnage et d'une époque qui offrent une vision suggestive mais fragmentaire de l'histoire. La suite est bien schématique: présentation du chiisme, de la ‘personnalité' de l'iranien type (sans mention d'une servitude volontaire), des manipulations anglo-américaines, et de la sottise comique du tyran : il commande des monceaux d'armes et de matériel mais il n'a pas de bateaux, mais il n'a pas d'entrepôts, mais il n'a pas de camions, mais il n'a pas de chauffeurs etc. (Le Shah n'était pas au courant). le livre a plus de trente ans et s'achève sur les horreurs de la Savak et sur les vengeances des partisans de Khomeyni, avant la guerre Iran-Irak et avant la théocratie.
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L'accession au trône des Pahlavi, leur règne et leur chute.
Une page d'histoire qui permet de comprendre le présent.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Les causes des révolutions, il faut habituellement les chercher dans les conditions objectives - la pauvreté générale, l'oppression, les abus scandaleux. mais ce point de vue a beau être juste, il reste unilatéral. Après tout, de telles conditions existent dans une centaine de pays, alors que les révolutions éclatent rarement. Ce qu'il faut, c'est la conscience de l'oppression, la conviction que la pauvreté et l'oppression ne sont pas l'ordre naturel de ce monde. Il est curieux que dans ce cas l'expérience en elle-même et par elle-même, ne suffise pas, si douloureuse soit-elle. L'indispensable catalyseur est le mot. Plus que les pétards ou les stylets, ce sont les mots - les mots incontrôlés, en libre circulation, les mots clandestins, rebelles, sans uniforme, non certifiés - qui effraient les tyrans. Mais parfois ce sont les mots officiels, en uniforme, certifiés qui amènent la révolution.
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La dictature dépend pour son existence de l'ignorance des masses ; c'est pourquoi tous les dictateurs prennent tant de peine pour cultiver cette ignorance. Il faut des générations pour modifier un tel état de choses, pour laisser entrer un peu de lumière. mis avant que cela puisse arriver, ceux qui ont renversé le dictateur se comportent souvent, malgré eux, comme ses héritiers, perpétuant les attitudes, les schémas et les pensées d'une époque qu'eux-mêmes ont refusée. Cela se produit de façon tellement inconsciente qu'ils éclatent d'une colère indignée si quelqu'un leur signale.
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Tous les livres sur toutes les révolutions s'ouvrent par un chapitre qui décrit le dépérissement d'un pouvoir chancelant ou la misère et les souffrances du peuple. Alors qu'il faudrait commencer par un chapitre de psychologie, qui montre comment un homme harcelé, terrifié brise soudain ses craintes, cesse d'avoir peur. Ce processus inhabituel, qui parfois s'accomplit en un instant, comme une sorte de traumatisme ou de baptême, demande à être élucidé. L'homme se débarrasse de sa peur et se sent libre. sans cela, il n'y aurait pas de révolution.
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Toute révolution est un drame, et l'humanité évite instinctivement les situations dramatiques. Même si l'on se trouve dans une telle situation, on cherche fiévreusement une issue, on cherche le calme, et le plus souvent, le quotidien. C'est pourquoi les révolutions ne durent jamais longtemps. Elles sont un ultime recours et, si les gens y font appel, c'est uniquement parce qu'une longue expérience leur a appris qu'il n'y a pas d'autre solution.
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Au fond, le destin des chiites est tragique à maints égards. Ce sentiment de tragédie, de préjudice historique et de malheur constant est profondément ancré dans leur conscience. Il existe sur terre des communautés qui, depuis des siècles, sont poursuivies par la malchance, qui n'ont pas réussi à maîtriser leur destin, qui ont toujours vu s'éteindre la moindre lueur d'espoir, qui n'ont jamais été poussées par des vents favorables, bref des peuples apparemment marqués par le destin. C'est le cas des chiites.
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Videos de Ryszard Kapuscinski (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ryszard Kapuscinski
25 octobre 2013
Quand Ryszard Kapuscinski arrive comme journaliste en 1958 à Accra, la capitale du Ghana, il ne peut soupçonner que ce voyage sera le début d'une passion qui ne le quittera plus jamais. Pendant des années, ce grand reporter doublé d'un écrivain sillonne le continent noir, habite les quartiers des Africains, s'expose à des conditions de vie qu'aucun correspondant occidental n'aurait acceptées. Observateur exceptionnel, il croise des potentats comme Nkrumah, Kenyatta ou Idi Amin, témoigne de coups d'Etat et de guerres civiles ; il essuie des fusillades, affronte des tempêtes de sable et supporte l'indescriptible chaleur africaine. Mais Kapuscinski s'intéresse surtout aux gens et sait gagner leur confiance. le tumulte de la vie quotidienne africaine le passionne davantage que les corruptions, les épidémies et les guerres meurtrières. Ce livre majeur, attendu depuis longtemps, a reçu en 2000 le prestigieux prix littéraire italien Viareggio. "(...) un chef-d'oeuvre hybride et bouleversant ; peu de livres ont fait sentir l'Afrique d'aussi près." Jacques Meunier - "Le Monde"
+ Lire la suite
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