Cette critique qu'on ne devrait pas écrire mais qu'on écrit quand même ! Je cherchais ce vendredi, suite à une ou l'autre lumineuse critique sur ce site, le pays de Neige ou Les Belles endormies. le hasard fit que la bibliothèque ne proposait de Kawabata que La beauté tôt vouée à se défaire. Donc pas un instant à perdre, je le pris ... si on veut, par nécessité. Aussi par amour des petits livres, environ cent cinquante pages, pour deux nouvelles. de quoi être parfaitement comblé. Non, je ne devrais pas l'écrire, car devant un tel auteur il ne convient que de se prosterner, mais le hasard fit que j'ai chu en février, et la nécessité est que j'ai encore bien besoin de kiné pour me mettre à genou.
La seconde nouvelle débute sur cette phrase énigmatique mais sans ambiguïté p.57 "Takiko et Tsutako s'étaient endormies l'une à côté de l'autre sous la moustiquaire sans savoir qu'elles allaient être assassinées." Un coupable est désigné, il passe aux aveux mais ceux-ci vont prendre une coloration différente en fonction de ses interlocuteurs. p.80 "le roman élaboré par l'homme ordinaire qu'était Saburo Yamabe en collaboration avec les policiers créait peut-être un lien de nécessité à un niveau de pensée supérieur." D'où l'idée d'un roman par un vrai pro, se dit Kawabata. Bel exercice d'écriture qui nous remontre la même scène sous différents angles, série de ralentis commentés et analysés de façon de plus en plus approfondie. Ah, la magie des ralentis ! L'auteur en profite aussi pour nous rappeler les aléas de la vie qui nous happe dans ses engrenages, à qui on ne peut échapper, un peu comme Charlot dans les temps modernes. Mais comment est-on pris entièrement dans cette machine infernale qui mène à la mort ? Lorsque l'on met le doigt dans l'engrenage, est-ce réellement, totalement, par hasard ?
J'en viens ainsi naturellement à la première nouvelle, le bras. Je sais depuis le film le genou De Claire que toute partie du corps féminin est admirable. Yasunari Kawabata dans cette courte nouvelle sublime la rondeur sensuelle de l'épaule qui se donne pour que l'on s'y abandonne. Ou l'inverse, tant je suis retourné ! La nouvelle tourne au fantastique, quand l'objet du désir donne littéralement son bras à l'écrivain ... qui l'emporte sous le manteau. S'en suit un échange de toute beauté, petites phrases chuchotées, caresses par petites touches, timides sourires qui tournent en petits rires nerveux pour enfin aboutir à la plus belle des promesses : "Oui, tu peux."
A peine l'encre sèche, je m'aperçois combien la pêche fut bonne. Pour cet avis, je reste sur ma faim de ne pas avoir trouvé le meilleur ton. Si par hasard vous l'avez lu jusqu'au bout, courez mettre la main sur cette beauté et faites-lui un plus bel hommage, pour lui rendre justice, c'est une nécessité. Pendant ce temps je chercherai les belles endormies ou le pays de neige et promis, je continue la kiné.
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En voyant la courbe de ses épaules, j'imaginais aussi ses jambes lorsqu'elle marchait. Elle devait se déplacer avec la légèreté d'un petit oiseau, un papillon allant de fleur en fleur. Et un rythme aussi subtil devait se retrouver sur l'extrémité de sa langue quand on l'embrassait.
- On est si loin, commença le bras sur le ton de la lamentation. On est toujours à la recherche d'un soi inaccessible.
- Et on finit par le trouver ?
- On est si loin", répéta le bras.
(Le bras p.28)
- Le passé peut-il vraiment disparaître à jamais ?
- Il me semble surtout que le malheur des hommes a commencé à partir du moment où ils ont appris à le conserver artificiellement.
Les larmes tragiques de la pureté étaient à l'abri sous ses ongles longs et perlaient à l'extrémité de ses doigts.
Extrait du livre audio "Les Belles Endormies" de Yasunari Kawabata lu par Dominique Sanda. Parution CD et numérique le 10 août 2022.
https://www.audiolib.fr/livre/les-belles-endormies-9791035404031/