L'avantage d'avoir attendu aussi longtemps pour lire "
Shining", c'est que je n'ai pas dû poireauter 36 ans pour avoir des nouvelles du petit Danny Torrance, moi ! Imaginez ceux qui, l'ayant lu il y a longtemps, se faisant des films sur ce que Danny aurait pu devenir...
Ben moi, juste après avoir posé "
Shining" sur la table, j'ai attrapé "
Docteur Sleep" et poursuivit l'aventure, retrouvant Danny et sa mère après leurs aventures mouvementées...
Wendy n'est pas en forme et Danny est en proie avec ses démons Overlookiens. Heureusement que Dick Halorann est là pour expliquer à son jeune élève comment rendre ses démons muets.
"C'est ce que fait le maître quand l'élève est prêt. Apprendre est un cadeau en soi, tu sais. le meilleur que quiconque puisse offrir ou recevoir".
Il fallait oser écrire la suite de "
Shining", 36 ans après... Là où l'exercice aurait pu se révéler "casse-gueule" et le devenir, et bien, il n'en est rien.
Le King est parvenu à nous livrer une suite à cent lieues de
Shining (pas de huis-clos et je n'ai pas eu la trouille), faisant grandir le petit Danny, sans que l'histoire ne devienne un bouillon infâme.
L'écriture de King a changée, en 36 ans, et il n'était plus en proie aux démons de la dive bouteille. Malgré tout, il sait toujours faire passer les émotions et nous faire avaler une brique sans que l'on ait l'impression d'en lire une.
Sa force ? Savoir faire évoluer ses personnages : Danny a grandi, mais au début, on est loin d'un Superman utilisant son Don pour aider les autres. Loin de là...
Il est alcoolo, a des crises de violence tout comme son père et il est même arrivé à me décevoir énormément sur un acte qu'il a commis... Acte qui le hantera toute sa vie. Oui, Danny est humain ! Son auteur a bien compris qu'il fallait passer par des moments durs et lui faire toucher le fond avant de le faire remonter.
La force du King réside aussi dans sa manière de renouveler l'histoire, de ne pas tourner en rond : l'invention du "Noeud Vrai" - sorte de secte "vampirique" très riche, sillonnant le pays en camping-car, tels des romanichels de luxe, et voleurs d'un bien plus précieux que l'argent - était un coup de Maître.
Les Méchants sont fouillés, travaillés, c'est le mythe du "vampire suceur de sang" qui est revisité puisqu'ils ne se nourrissent pas de notre fluide rouge, mais d'autre chose... On croise leur route dans le début du roman, sans savoir "qui" ils sont exactement et quel sera leur rôle dans le roman.
De même pour la petite Abra, que nous suivrons dès sa naissance, apprenant toujours plus sur cette enfant possédant le Don. On la suit dans son évolution, on partage ses doutes et on remarque qu'elle possède un tic bien connu des lecteurs de
Shining... Un personnage attachant et on sent venir les recoupements avec Dan.
C'est un autre talent du King que de nous parler de tout ces personnages, ingrédients indispensables de la recette finale, alternant les récits, aiguisant notre curiosité, mais sans trop nous révéler de ce que sera leur rôle, jusqu'à ce que tout le monde soit en place et que le lecteur ait tordu ses méninges en vaines supputations.
Si cette suite a été écrite sans que le King n'ait recours à la prise de substances alcoolisées ou illicites, il n'en reste pas moins qu'elle comporte une grande partie de son âme, de sa vie, du fonctionnement des A.A et il n'hésite pas à nous parler de la dépendance à l'alcool qui fait tout perdre, de la famille au boulot, en passant par l'argent, par l'estime que l'on a de soi et la moralité. On perd tout ! Sans doute que le King avait le désir de tordre le cou de ses propres démons d'ancien alcoolo...
Sans oublier l'accent mis sur l'importance de la famille (comme dans
Shining), de ses réflexions sur une certaine Amérique et sur ces pensionnés qui sillonnent le pays dans leurs caravanes de luxe, sur ces gens qui vieillissent et rendent leur dernier soupir, la peur au ventre, dans des hospices mouroirs.
L'avantage du livre, c'est qu'il n'est pas bourré d'action au détriment d'un scénario pâlot (comme pour certains films). Que du contraire, le scénario est bétonné, l'action présente, mais pas tout le temps et je me suis laissée emporter par le maelström du grand final qui se met en place lentement mais sûrement.
Durant ma lecture, j'ai même trouvé qu'il y a un bon équilibre entre le tout : la vie que Danny se cherche, sa lutte contre ses démons au goût de malt, son travail à l'hospice, ses réunions aux A.A, ses amis, l'existence du Noeud Vrai, leurs exactions, la vie d'Abra, la montée en puissance de son Don et sa rencontre avec Danny...
"Quand l'élève est prêt, le maître apparaît".
Bref, la plume du King est un tapis magique qui nous emporte vers l'émerveillement de son histoire. Une suite qui peut se lire indépendamment de
Shining, mais entre nous, la lecture du premier apportera bien plus au second !
J'ai aimé Danny tout petit, j'ai aimé ce qu'il est devenu, son travail afin d'aider les mourants à passer le cap final et mon empathie s'est tournée vers la petite Abra parce qu'on a envie de la protéger, comme on voulait protéger Danny dans
Shining.
Une scène m'a fait chaud au coeur sur le "toit du monde", dans le final et je remercie Stephen d'avoir inséré cette ultime preuve de l'amour... "Il" n'a jamais voulu le tuer mais "il" n'aurait jamais su résister à la puissance de l'Overlook... C'est tout simplement magnifique et magique.
Laissez-moi terminer par une petite mise en garde : quand vous circulerez sur les routes d'Amérique, méfiez-vous de ces Winnebago et Bounder. On ne sait jamais qui peut se trouver à l'intérieur. Ni "quoi".
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